Cour de cassation, Première chambre civile, 18 janvier 2023, 22-50.003

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2023-01-18
Conseil de l'Ordre des avocats à la Cour de cassation
2019-07-04
Cour de cassation
2017-02-22

Texte intégral

CIV. 1 SG COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 18 janvier 2023 Rejet de la requête en indemnisation Mme DUVAL-ARNOULD, conseiller doyen faisant fonction de président Arrêt n° 47 F-D Pourvoi n° F 22-50.003 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________ ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE, DU 18 JANVIER 2023 M. [S] [R], domicilié [Adresse 2], a formé la requête en indemnisation n° F 22-50.003 contre la SCP [M], société civile professionnelle, dont le siège est [Adresse 1], défenderesse à la cassation. Le dossier a été communiqué au procureur général. Sur le rapport de Mme Le Gall, conseiller référendaire, les observations de Me Haas, avocat de la SCP [M], et l'avis de Mme Mallet-Bricout, avocat général, après débats en l'audience publique du 29 novembre 2022 où étaient présents Mme Duval-Arnould, conseiller doyen faisant fonction de président, Mme Le Gall, conseiller référendaire rapporteur, M. Chevalier, conseiller, et Mme Tinchon, greffier de chambre, la première chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt. Faits et procédure 1. M. [R], gérant de la société SEG, a été poursuivi devant un tribunal correctionnel pour des faits d'escroquerie, d'obtention frauduleuse de documents administratifs, de faux et de blanchiment aggravé. Le 1er août 2013, durant l'enquête, il a été procédé à la saisie du contenu de différents comptes bancaires dont était titulaire M. [R], représentant un montant total de 178 419,95 euros. 2. Par jugement du 26 mai 2014, M. [R] a été déclaré coupable des faits qui lui étaient reprochés et condamné à la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis, outre à la peine complémentaire de confiscation des avoirs saisis. 3. Par arrêt du 18 février 2016, sur appel de M. [R], la cour d'appel a confirmé le jugement, d'une part, sur la culpabilité, sauf en ce qui concerne le chef de blanchiment aggravé duquel M. [R] a été relaxé, d'autre part, sur les peines prononcées 4. M. [R] a chargé la SCP [M] & [E], devenue SCP [M] (la SCP), de former un pourvoi en cassation contre cet arrêt. Celle-ci a développé deux moyens de cassation, reprochant à l'arrêt, en premier lieu, de déclarer M. [R] coupable du délit d'escroquerie et de prononcer la peine de dix-huit mois d'emprisonnement avec sursis et la confiscation de ses avoirs, en second lieu, de le déclarer coupable du délit de faux par altération de la vérité dans un écrit et de prononcer la même peine. Par arrêt du 22 février 2017, la chambre criminelle de la Cour de cassation a rejeté ce pourvoi. 5. Par requête du 28 novembre 2018, M. [R], soutenant que la SCP n'avait pas invoqué, au soutien de son pourvoi, les moyens qui auraient permis d'obtenir une cassation de l'arrêt d'appel, a saisi pour avis le conseil de l'ordre des avocats au Conseil d'Etat et à la Cour de cassation, afin de mettre en cause la responsabilité civile professionnelle de celle-ci. 6. Par avis du 4 juillet 2019, le conseil de l'ordre a conclu que la responsabilité de la SCP n'était pas engagée. 7. Par requête reçue au greffe le 3 février 2022, M. [R] a saisi la Cour de cassation, en application de l'article 13 de l'ordonnance du 10 septembre 1817 et de l'article R. 411-3 du code de l'organisation judiciaire. Examen de la requête Enoncé de la requête 8. M. [R] sollicite la condamnation de la SCP à lui payer la somme de 198 419,95 euros, outre la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 9. Il prétend que la SCP a commis une faute en n'invoquant pas un moyen distinct reprochant à la cour d'appel d'avoir maintenu la peine complémentaire de confiscation des avoirs saisis, malgré sa relaxe du chef de blanchiment, et de n'avoir pas motivé cette peine. 10. Il soutient que cette faute lui a causé une perte de chance d'obtenir la cassation de l'arrêt d'appel, ce préjudice consistant en l'impossibilité de récupérer les fonds saisis à hauteur de 178 419,95 euros. Il ajoute qu'il a, en outre, engagé en vain des frais de procédure d'un montant de 10 000 euros et qu'il a subi un préjudice moral qu'il évalue à la somme de 10 000 euros. 11. En défense, la SCP conclut au rejet des demandes et sollicite la condamnation de M. [R] à lui payer la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. 12. Elle soutient qu'elle n'a pas commis de faute dès lors qu'à l'époque de son intervention, les juges correctionnels n'étaient pas tenus de motiver le choix de la peine, que le moyen qu'elle aurait prétendument dû soulever était dépourvu de chance de succès, qu'à supposer qu'une cassation soit intervenue, M. [R] n'aurait pas eu une chance d'obtenir un résultat plus favorable devant la juridiction de renvoi, que le préjudice invoqué n'est pas justifié et que la perte de chance ne saurait être évaluée à 100 % d'un préjudice plein et entier.

Réponse de la Cour



Vu l'article

13, alinéa 2, de l' ordonnance du 10 septembre 1817 modifiée : 13. Sur le maintien de la peine complémentaire, il résulte des pièces produites aux débats que la saisie a été ordonnée au visa de l'article 131-21, alinéas 5, 6 et 9, du code pénal. Dès lors que, selon l'alinéa 5 de ce texte, une confiscation des biens meubles ou immeubles peut être ordonnée dans le cas d'un crime ou d'un délit puni d'au moins cinq ans d'emprisonnement et ayant procuré un profit direct ou indirect, et que M. [R] a été déclaré coupable d'escroquerie et d'altération frauduleuse de la vérité dans un écrit, constituant de tels délits, la cour d'appel pouvait confirmer la peine complémentaire de confiscation des avoirs saisis, nonobstant le prononcé de la relaxe de M. [R] du chef de blanchiment aggravé. 14. Sur la motivation de cette peine complémentaire, les éventuels manquements de l'avocat à ses obligations professionnelles s'apprécient au regard du droit positif à l'époque de son intervention, sans que l'on puisse lui imputer à faute de n'avoir pas prévu une évolution postérieure du droit consécutive à un revirement de jurisprudence. Or, c'est par trois arrêts du 1er février 2017 (Crim., 1er février 2017, pourvoi n° 15-85.199, Bull. crim. 2017, n° 28 ; Crim., 1er février 2017, pourvoi n° 15-83.984, Bull. crim. 2017, n° 29 ; Crim., 1er février 2017, pourvoi n° 15-84.511, Bull. crim. 2017, n° 30) que la Cour de cassation a retenu qu'en matière correctionnelle, toute peine, même complémentaire, devait être motivée en tenant compte de la gravité des faits, de la personnalité de leur auteur et de sa situation personnelle. La SCP ayant déposé son mémoire ampliatif le 15 juillet 2016 et le conseiller ayant déposé son rapport le 11 août 2016, il ne peut être fait grief à l'avocat de ne pas avoir soulevé le moyen tiré d'un défaut de motivation de la peine complémentaire prononcée. 15. En conséquence, aucune faute n'étant retenue contre la SCP, la requête doit être rejetée.

PAR CES MOTIFS

, la Cour : REJETTE la requête ; Condamne M. [R] aux dépens ; En application de l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. [R] et le condamne à payer à la SCP [M] la somme de 3 000 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du dix-huit janvier deux mille vingt-trois.