R.G : 09/06050 Décision du tribunal de grande instance de Lyon Au fond du 24 septembre 2009 10ème chambre RG : 07/04057
COUR D'APPEL DE LYON 1ère chambre civile A ARRET DU 24 Mars 2011
APPELANTE : SAS ALLRIM [...] 25400 AUDINCOURT représentée par la SCP BAUFUME-SOURBE, avoués à la Cour assistée de la SCP BCF ET ASSOCIES, avocats au barreau de LYON
INTIMEE : SARL SILOM CHEMICALS [...] 75009 PARIS représentée par la SCP LIGIER DE MAUROY- LIGIER, avoués à la Cour assistée de Maître Sandrine R, avocat au barreau de LYON
****** Date de clôture de l'instruction : 10 Septembre 2010 Date des plaidoiries tenues en audience publique : 16 Février 2011 Date de mise à disposition : 24 Mars 2011 Composition de la Cour lors des débats et du délibéré : Michel GAGET, président - Christine DEVALETTE, conseiller - Philippe SEMERIVA, conseiller assistés pendant les débats de Joëlle POITOUX, greffier A l'audience, Philippe SEMERIVA a fait le rapport, conformément à l'article
785 du code de procédure civile. Arrêt contradictoire rendu publiquement par mise à disposition au greffe de la cour d'appel, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article
450 alinéa
2 du code de procédure civile, Signé par Michel GAGET, président, et par Joëlle POITOUX, greffier, auquel la minute a été remise par le magistrat signataire.
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EXPOSÉ DU LITIGE La société Allrim est propriétaire de la marque semi-figurative 'Allrim', et titulaire des noms de domaine allrim.com et allrim.fr.
Par assignation délivrée le 20 février 2007, elle a saisi le tribunal de grande instance de Lyon d'une action dirigée contre la société Silom Chemicals en contrefaçon decette marque, atteinte à sa 'raison sociale' et concurrence déloyale, pour avoir enregistré à son nom le nom de domaine allrim.eu.
Aux termes de ce même acte de saisine, elle faisait grief à la partie adverse d'avoir mis fin à leurs relations commerciales sans préavis écrit, et d'avoir ainsi engagé sa responsabilité au regard de l'article L. 442-6-1, 5° du code de commerce.
La société Silom Chemicals a notamment formé des demandes reconventionnelles, d'une part, en contrefaçon de la marque française 'Doming' dont elle est titulaire, enregistrée afin de désigner divers produits relevant de la chimie, notamment la résine artificielle à l'état brut et la matière plastique à l'état brut, et en violation, d'autre part, des obligations de confidentialité convenues entre les parties.
Rendu le 24 septembre 2009, le jugement entrepris a essentiellement retenu, sur l'action principale : - que l'enregistrement du nom de domaine reproduisant à l'identique la forme dénominative de la marque 'Allrim' constitue une contrefaçon, ainsi qu'une atteinte à la dénomination sociale de la société Allrim, - qu'au contraire, cette société ne produisait aucun justificatif de la prétendue rupture brutale des relations.
Et, s'agissant des demandes reconventionnelles : - que la société Allrim a manqué à ses obligations contractuelles de confidentialité et de discrétion, - que le signe 'Doming' est distinctif pour désigner une technique industrielle consistant à déposer une résine polyuréthane transparente sur une étiquette ou un support adhésif, que la marque constituée de ce signe est valable et que sa reprise dans plusieurs courriers adressés à d'éventuels acheteurs caractérise une contrefaçon.
Sur les questions restant en débat devant la Cour, le tribunal a ainsi condamné la société Allrim, pour contrefaçon et manquements au contrat, à payer à la société Silom Chemicals une somme de 100 000 euros en réparation du préjudice matériel et celle de 10 000 euros au titre du préjudice moral, ces sommes portant intérêts au taux légal à compter du jugement ; elle lui a fait interdiction d'user du signe Doming, et l'a condamnée au paiement d'une indemnité de 4 000 euros par application de l'article
700 du code de procédure civile.
Appelante principale selon acte du 29 septembre 2009, la société Allrim fait valoir que l'existence de relations commerciales, brutalement rompues à compter de l'année 2006, est établie et que la durée de préavis aurait du être d'au moins un an , eu égard à l'ancienneté des relations, commencées en 1995 ; elle demande de désigner un expert ayant pour mission de calculer le préjudice, correspondant à deux années de marge brute calculée sur la moyenne des trois dernières années précédant la rupture.
Elle soutient que par négligence et passivité, la société Silom Chemicals a permis la dégénérescence de la marque 'Doming', dont il convient de prononcer la déchéance par application de
L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle ; elle demande le rejet de l'action adverse en contrefaçon, notamment en ce qu'elle ne s'est livrée àaucun acte d'exploitation de ce signe sur le territoire français ; elle fait subsidiairement valoir qu'il n'est justifié d'aucun préjudice.
La société Allrim soutient enfin que rien ne démontre qu'elle aurait utilisé les fichiers clientèle de son cocontractant, non plus que des informations qu'il lui aurait fournies.
Elle conclut à la réformation du jugement sur ces points et à la condamnation de la société Silom Chemicals au paiement d'une somme de 10 000 euros au titre des frais irrépétibles.
Cette dernière demande la confirmation du jugement, en ses principes, mais son infirmation quant au quantum et la condamnation de la société Allrim : - à lui payer les sommes de 163 000 euros et de 50 000 euros, avec intérêts moratoires à compter de la date du jugement intervenu, au titre, respectivement, de ses préjudices matériel et moral, - à s'abstenir, sous astreinte provisoire de 10 000 euros par infraction constatée, de faire usage de la marque 'Doming', - à lui payer une indemnité de 15 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile.
Elle expose : - qu'en 1995, la société Sonachim a conclu avec la société Allrim un contrat de communication de savoir-faire et de sous-traitance stipulant notamment que la société Allrim 'ignorant les formules chimiques et tours de main indispensables à l'élaboration des produits polyuréthane' s'engageait à ce que les informations fournies ne soient utilisées ni par elle-même, ni par ses préposés ou par des tiers,
- qu'en 2003, la société Silom Group, aux droits de laquelle est à présent la société Silom Chemicals, 's'est substituée à la société Sonachim pour acheter et facturer en direct les clients à l'export pour les transparents, sous la marque Sonachim Export, aux mêmes conditions d'exclusivité et de prix de cession que celles existant précédemment entre Allrim et Sonachim', de sorte qu'elle bénéficie de cet engagement de confidentialité,
- que pour autant, elle ignorait alors que la société Sonachim et l'un de ses associés et directeur commercial avait été condamnés, sur plainte de la société Synthésia, pour vol et recel de formules commerciales, - que cette société, devenue Synthène, a émis des réserves quant à l'origine des formules fabriquées par la société Allrim et l'a mise en garde contre le risque pénal à les utiliser, puis a pratiqué une politique de prix très agressive, à laquelle elle n'a pu répondre, compte tenu notamment du refus de la société Allrim de renoncer à une partie de sa marge sur le prix de vente des produits, - que par ailleurs, cette dernière a pris contact avec l'ensemble de sa clientèle pour lui proposer directement les produits et utiliser sa marque, - qu'elle a ainsi manqué à ses obligations contractuelles en se servant pour son propre compte des informations qu'elle tenait de son cocontractant, utilisant en outre le carnet d'adresses dont elle disposait, les produits étant expédiés depuis son entreprise, pour se présenter comme leur fabricant et la société Silom Chemicals comme un simple distributeur, et en utilisant ces renseignements commerciaux et tarifaires pour mandater un cabinet spécialisé et évincer cette dernière du marché,- que si même la Cour estimait que la société Allrim n'était tenue d'aucune exclusivité, ces faits seraient constitutifs de concurrence déloyale, - que, s'agissant de l'action en contrefaçon, la distinctivité du signe doit s'apprécier à la date du dépôt, et que l'argumentation adverse, nouvelle en cause d'appel, selon laquelle le signe n'aurait pas été utilisé, en France est incohérente et ne se fonde sur aucun texte du code de la propriété intellectuelle.
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MOTTFS DE TA DECTSTON
Sur l'action en contrefaçon de marque, la société Allrim a modifié son argumentation de première instance et se fonde désormais sur l'article
L. 714-6, et non plus sur l'article
L. 711-2, du code de la propriété intellectuelle.
Elle produit aux débats les résultats d'une requête sur internet formée le 16 janvier 2008 auprès du moteur de recherche Google, qui rapporte 14 500 résultats, parmi lesquels plusieurs sites identifiant le mot 'doming' comme définissant un dômage de support obtenu par dépôt de résine polyuréthane transparente sur un support adhésif ; les captures d'écrans montrent des illustrations nombreuses et topiques de l'usage du terme en ce sens.
La qualité probante de ces documents ne donne lieu à aucune contestation, notamment au regard des contraintes techniques propres à garantir leur fiabilité dans les termes souhaitables en matière de constat sur internet ; en toute hypothèse, si les pages affichées à la date considérée n'étaient plus réellement en ligne à ce moment, cette circonstance serait de nature à antérioriser encore leur contenu et n'aurait pas d'incidence directe sur le présent débat.
Il résulte de ces documents qu'à la date considérée le terme enregistré était devenu la désignation usuelle dans le commerce du service en question.
Il forme l'élément verbal essentiel de la marque semi-figurative 'Doming', dont l'élément figuratif n'est constitué que d'une police de caractères, si courante que son caractère distinctif est négligeable, au point que dans ses conclusions la société Silom Chemicals la qualifie de marque 'nominale'.
Le signe est enregistré pour désigner divers produits, dont certains sont sans rapport avec la technique du doming ; mais elle l'est notamment pour 'les résines artificielles à l'état brut, les matières plastiques à l'état brut, les adhésifs (matières collantes) destinés à l'industrie, les couleurs, vernis, laques (peintures), encres d'imprimerie'.
Ces produits sont indispensables à la mise en oeuvre du doming ; dès lors, ils ne sont pas valablement distingués par un terme devenu usuel pour désigner cette technique ; la marque n'est plus valide en ce qui les concerne.
Cette dégénérescence est par ailleurs le fait, en l'occurrence passif, de la société Silom Chemicals qui, hors la présente action, d'ailleurs reconventionnelle, ne justifie d'aucune diligence tendant à protéger son doit privatif en s'opposant à son usage descriptif dans le langage du secteur commercial considéré.En conséquence, il convient de dire que les conditions de l'article
L. 714-6 du code de la propriété intellectuelle sont réunies et de prononcer la déchéance de ses droits de marque à effet du 16 janvier 2008.
La nullité de l'enregistrement, pour absence de distinctivité ab initio n'étant plus prétendue, il en résulte que cette marque était valable entre la date de son dépôt, le 17 février 2006 et ce 16 janvier 2008.
Les faits reprochés à la société Allrim se sont situés entre ces deux dates.
Ils caractérisent une contrefaçon, peu important que le signe ait été utilisé dans des documents adressés à l'étranger, car l'article
L. 713-2 du code de la propriété intellectuelle, reflétant l'article 5, paragraphe 1, de la première directive n° 89/104/CEE du 21 décembre 1988, applicable en la cause, confère au titulaire de la marque le droit d'interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, de faire usage dans la vie des affaires d'un signe identique à la marque pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée.
Or, le fait d'utiliser cette marque française, dans un courrier rédigé en France, pour désigner et offrir à la vente à des destinataires, fussent-ils étrangers, des produits identiques à ceux couverts par l'enregistrement d'une marque française, caractérise un usage dans la vie des affaires en France, lieu où cette marque est exploitée au travers de cette proposition pour distinguer les produits en cause.
Par ailleurs, si l'article 5 précité n'autorise pas le titulaire d'une marque à invoquer son droit exclusif lorsqu'un tiers, dans le cadre de tractations commerciales, révèle que le produit provient de sa propre fabrication et n'utilise la marque en cause qu'à la seule fin de décrire les propriétés spécifiques du produit qu'il propose, de sorte qu'il serait alors exclu que la marque utilisée soit interprétée comme se référant à l'entreprise de provenance du dit produit, telle n'est pas la situation d'espèce, où la marque, en tant qu'elle est valable, couvre précisément ces propriétés spécifiques.
Si même on considère que le signe utilisé ne reproduit pas la marque, en ce que la police de caractères ne serait pas négligeable, la très forte similitude des signes implique un risque de confusion dans l'esprit du public, dès lors notamment que le signe est utilisé pour désigner des produits identiques à ceux couverts dans l'enregistrement et est utilisé par une partie fabriquant de tels produits pour le compte du titulaire de la marque.
Au vu des circonstances de la cause, le préjudice est cependant trèsd minime, car la marque était, dès l'origine, faiblement distinctive, comme le montre la rapidité de sa dégénérescence et l'emploi descriptif de ce terme dans un courrier de 2004 dont il sera question ci-après ; ce dommage est évalué à 2 000 euros.
S'agissant de la rupture de relations commerciales établies et des griefs de concurrence déloyale :
Les relations entre les sociétés Allrim et Sonachim ont débuté en octobre 1995 et ont été formalisées par un contrat de communication de savoir-faire et de sous-traitancedaté du 2 novembre 1995, qui désignait la société Sonachim comme donneur d'ordre, stipulait notamment que cette dernière confiait la 'fabrication des produits' à son cocontractant, qu'elle 'se réservait le droit de modifier la gamme des produits visés par le contrat, de la compléter ou de la réduire selon les besoins du marché et sans indemnité' et qu'elle s'obligeait 'à en aviser Allrim en temps utile de manière à lui permettre d'organiser son processus de fabrication en conséquence'.
En 2003, la société Silom s'est substituée à la société Sonachim 'aux mêmes conditions d'exclusivité que celles existant précédemment'.
La société Synthésia a écrit à la société Silom le 25 mars 2004 : 'nous avons appris que vous commercialisiez depuis quelques mois des polyuréthanes pour application doming fabriqués par la société Allrim ; nous vous avons informé de la condamnation [de l'ancien directeur commercial de la société Sonachim] pour vol de formules appartenant à notre société, ainsi que de la société Sonachim pour recel ; nous vous avons également informé que si cette condamnation faisait certes suite au vol de nos formules Plastisol, tout laissait à penser qu'il en était de même pour les formules de polyuréthanes transparents fabriqués par la société Allrim pour la société Sonachim ; nous vous avons invité à étudier la situation et à prendre en compte les risques auxquels vous vous exposez en continuant de commercialiser des produits fabriqués dans de telles conditions ; vous avez convenu que cette situation posait en effet un problème et vous êtes engagé à revenir vers nous dans les meilleurs délais et pendant qu'il en était encore temps'.
Elle se référait ainsi à une condamnation définitive prononcée par jugement rendu en 2001, confirmé en 2002 (pourvoi rejeté en 2004) à raison de faits commis en 1995 et 1996.
Réponse de la société Silom : 'nous pensons effectivement que nonobstant les dénégations de la société Allrim, l'origine des formules nous paraît pour le moins incertaine ; tant que ce doute ne sera pas dissipé, nous ne souhaitons pas continuer à nous approvisionner chez cette société dans ces conditions ; en conséquence, nous prenons l'engagement par la présente de cesser nos achats de polyuréthanes transparents à la société Allrim et ce dans les meilleurs délais compatibles avec les contraintes commerciales et techniques du marché ; nous ne manquerons pas de vous tenir informé des progrès réalisés dans ce sens'.
Par courrier du 27 avril 2004, la société Synthésia 'prend bonne note de votre décision, dont nous nous félicitons ; nous comprenons que vous ne puissiez du jour au lendemain cesser tout approvisionnement, mais nous souhaitons que cette période soit la plus courte possible ; votre décision vous met à l'abri d'éventuelles poursuites de notre part pour recel ou contrefaçon'.
En cette année 2004, le chiffre d'affaires entre les sociétés Silom Chemicals et Allrim a atteint un montant de 230 216 euros, qui ne sera plus que de 134 990 euros l'année suivante, de 57 057 euros en 2006, et de 33 668 en 2007.
En janvier 2006 la société Allrim a obtenu de la société Experts Conseils Associés un devis d'intervention, aux fins notamment 'd'évaluer les possibilités de reconquête des marchés face au duo Silom / Synthène'.Cette société a pris contact par la suite avec les clients de la société Silom Chemicals entre les mois d'avril et juillet 2006, notamment en ces termes, 'nous sommes les fabricants des résines Allrane que vous avez achetées par l'intermédiaire de notre distributeur, la société Silom ; nous envisageons maintenant de faire des ventes directes depuis notre usine sans passer par des distributeurs ; dans ce cas les prix seront très intéressants'.
Le 10 mai 2006, la société Silom fait procéder à l'enregistrement à son profit du nom de domaine allrhn.eu.
Le 5 juin 2006, la société Allrim signifiait la rupture des relations, motif pris de la baisse des commandes et de 'la violation de l'obligation d'exclusivité qui nous liait'.
S'agissant des manquements de la société Allrim aux obligations de confidentialité nées du contrat du 10 novembre 1995 et reprises dans l'accord de 2003, la Cour partage en tout point l'appréciation du tribunal, dont les motifs sont adoptés.
Pour répondre seulement aux critiques qui leur sont adressées, il résulte du rapport de la société ECA que tous les clients de la société Silom Chemicals ont été approchés et, dans la mesure où la société Allrim connaissait leurs coordonnées et leurs conditions tarifaires, puisque les marchandises leur étaient expédiées depuis le lieu où elle les fabriquait, cette circonstance établit qu'elle a manqué à ses obligations en utilisant pour son propre compte et en communiquant par surcroît à un tiers des informations que le contrat lui interdisait d'utiliser ainsi.
Peu important que ces contacts n'aient pas débouché sur des ventes, il ne s'agit pas de 'tentatives', comme le soutient la société Allrim, mais bien d'imputations mensongères, d'une part et, d'autre part, de propositions tarifaires propres à susciter l'interrogation des destinataires sur le caractère justifié des prix pratiqués par la société Silom Chemicals.
En l'absence, comme on le verra, d'obligation d'exclusivité, il s'agit là d'actes de concurrence déloyale, dont s'infère nécessairement un préjudice qui, en l'espèce est de double nature.
D'abord, sous couvert de promotion des produits 'Allrane', la société Silom Chemicals a été faussement présentée comme le simple distributeur des produits que les clients lui achetaient jusque là et qu'en réalité la société Allrim fabrique pour elle en sous-traitance, ce qui implique une grave atteinte à son image de marque sur le marché et par là-même un préjudice moral.
D'autre part, elle affirme qu'elle a dû renégocier ses prix pour les adapter aux conditions tarifaires plus attractives malignement proposées par la société Allrim.
La société Silom Chemicals a établi à ce propos un tableau récapitulatif sur la base d'une perte de marge évoluant de 1,31 euros à 2,96 euros le kilo selon le client considéré ; elle produit également les documents relatifs aux quantités vendues.Ce tableau n'a aucune valeur probante et la perte moyenne revendiquée, soit 1,80 euro par kilo, ne peut être retenue.
Au vu de la seconde série de documents, il est suffisamment attesté que la quantité totale de marchandise vendue à l'exportation pendant la période considérée est de 42 600 kilos, mais il ne s'en déduit pas qu'une renégociation tarifaire s'est imposée pour l'ensemble de ce tonnage.
Pour autant, comme le démontre l'exemple du client Elex, qu'elle cite dans ses conclusions, la société Silom Chemicals s'est bien trouvée tenue de baisser certains de ses prix pour une certaine quantité de marchandise.
L'importance du démarchage effectué par la société Allrim conduit à chiffrer le dommage matériel à 40 000 euros et le préjudice moral à 20 000 euros.
Il résulte des éléments exposés qu'existait entre les partenaires, peu important la substitution intervenue en 2003, un flux suivi, stable et habituel, d'un certain volume, d'ailleurs.
Le protocole de 2003 fait référence à des règles d'exclusivité, qui n'existent pas en réalité, le contrat de 1995 n'imposant rien de tel à l'une ou à l'autre partie - hors évidemment les suites du droit sur la marque revêtant les produits - mais une telle exclusivité n'est pas une condition d'application de l'article L. 442-6-1, 5° du code de commerce.
Ce texte est applicable à ces relations, fussent-elles de sous-traitance, qui sont établies, dès lors qu'elles ont duré d'octobre 1995 à juin 2006, si l'on retient la date de la lettre de rupture adressée par la société Allrim, ou 'à l'année 2006', si l'on se rapporte à ses conclusions.
Pour écarter l'application de ce texte, le tribunal a retenu que la société Allrim ne produit aucun justificatif d'une prétendue 'rupture brutale', que les achats ont diminué de façon progressive tout au long des années 2004 à 2007, que les derniers achats remontent au mois d'août 2007 et qu'au 5 juin 2006, il n'existait pas de rupture totale ou partielle des approvisionnements de la société Silom Chemicals auprès de son sous-traitant.
Mais, tout d'abord, s'il est exact que la baisse des achats a été progressive, il n'en reste pas moins que le courant d'affaires a été divisé sensiblement par deux chaque année, la société Allrim affirmant en outre dans son courrier de rupture, sans être démentie, 'qu'en 2006, nous avons réalisé 24 KDde chiffre d'affaires contre 449 KQm 2003".
Si même des commandes ont été passées en 2007, pour un montant plus faible encore que l'année précédente, on ne peut considérer qu'elles démentent la rupture d'approvisionnement alors qu'elle ne reflète en rien l'importance du courant d'affaires antérieur.
Il s'agit donc bien d'une rupture de relations commerciales établies.Certes, elle a été très progressive dans ses modalités, mais elle n'en demeure pas moins fautive et contraire aux exigences posées à l'article L. 442-6-1, 5° du code de commerce.
D'abord, parce qu'elle était formellement décidée dès le 15 avril 2004, date de la réponse de la société Silom Chemicals à la société Synthésia qui, de surcroît, décrit précisément la forme que prendra la rupture.
Ensuite, parce que le préavis écrit exigé par la loi vise à permettre au partenaire de réorganiser son activité, et que cet objectif n'est pas atteint s'il est éludé lorsque l'auteur de la rupture procède de manière progressive et discrète.
Les faits du litige illustrent bien la nécessité d'un tel préavis en l'espèce.
En effet, le courrier du 15 avril 2004 mentionne 'les dénégations de la société Allrim1, mais il s'agit là d'une affirmation qui ne se fonde sur aucun élément et n'est pas reprise dans le cadre de la présente instance.
Il n'est donc nulle preuve que la société Silom Chemicals ait même avisé son partenaire de la difficulté, ni en tout cas fait connaître ses intentions, de sorte que celle-ci s'est trouvée confrontée à la réduction drastique et inexorable du chiffre d'affaires réalisé avec cette société, sans connaître la raison ni l'avenir de cette évolution, et donc sans être en mesure d'anticiper, ou même d'affronter ses conséquences.
Certes la société Allrim a fini par tirer les conséquences de cette situation, puisqu'au mois de janvier 2006, elle identifiait un 'duo Silom / Synthène', mais l'absence de préavis a retardé d'autant cette prise de conscience.
La société Silom Chemicals ne saurait objecter à la société Allrim une inexécution de ses propres obligations, car au moment où cette dernière s'est effectivement rendue coupable à cet égard, elle était elle-même en faute, pour rupture déloyale et contrefaçon de marque et, d'ailleurs, ce n'est pas ce comportement de son partenaire qui a déterminé sa décision, mais une simple supputation sur 'l'origine des formules lui paraissant pour le moins incertaine' qui ne l'autorisait pas de considérer que la société Allrim manquait à ses obligations.
Il y avait lieu à préavis écrit.
Il n'y en a eu aucun, de sorte que l'obligation s'imposant à la société Silom Chemicals a été méconnue.
En toute hypothèse, ce préavis aurait dû tenir compte de la durée de la relation commerciale et respecter la durée minimale de préavis déterminée, en référence aux usages du commerce, par des accords interprofessionnels ; en outre, la relation commerciale porte en l'espèce sur la fourniture de produits sous marque de distributeur, de sorte que la durée minimale de préavis est double de celle qui serait applicable à défaut de cette circonstance.Le degré de dépendance du fournisseur envers le donneur d'ordre est cependant inconnu, de même que les perspectives de reconversion et l'incidence de la nature des produits considérés sur ces perspectives.
Seule demeure donc la durée de la relation et, étant précisé à titre de renseignement que le contrat prévoyait un préavis de quatre mois, il doit être, dans les conditions de l'espèce, fixé à un an.
La société Allrim demande une expertise de son préjudice sans présenter aucun document comptable.
Dans la mesure, pourtant, où sa demande se fonde sur une perte de marge brute, elle est à même de proposer un chiffrage et une expertise n'est pas utile pour l'instant.
Il convient de l'inviter à ce chiffrage.
Les dépens et les demandes accessoires seront réservés dans cette attente.
PAR CES MOTIFS
: - Réforme le jugement entrepris, mais seulement en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Allrim fondées sur l'article L. 442-6-1, 5° du code de commerce, en ce qu'il l'a condamnée à payer à la société Silom Chemicals la somme de 100 000 euros en réparation de son préjudice matériel et celle de 20 000 euros en réparation de son préjudice moral, et en ce qu'il lui a fait interdiction sous astreinte d'apposer ou utiliser sous quelque forme que ce soit la marque 'Doming', - Statuant à nouveau, - Condamne la société Allrim à payer à la société Silom Chemicals la somme de 2 000 euros en indemnisation de la contrefaçon de la marque 'Doming', celle de 40 000 euros en réparation du préjudice matériel subi par concurrence déloyale et celle de 20 000 euros en réparation du préjudice moral, ces sommes portant intérêt au taux légal à compter du présent arrêt,
- Prononce la déchéance partielle, à compter du 16 janvier 2008, des droits attachés à l'enregistrement de la marque française 'Doming', déposée le 17 février 2006 sous le numéro 06 3 411 730, en ce que cette marque désigne les résines artificielles à l'état brut, les matières plastiques à l'état brut, les adhésifs (matières collantes) destinés à l'industrie, les couleurs, vernis, laques (peintures) et encres d'imprimerie, - Dit que le présent arrêt sera notifié à Monsieur le directeur de l'Institut national de la propriété industrielle pour inscription au registre des marques, - Dit que la société Silom Chemicals a manqué aux obligations que lui faisait l'article L. 442-6-1, 5° du code de commerce, faute de préavi s écrit ménageant un délai d'au moins un an, - Avant dire droit sur le préjudice en résultant, ordonne à la société Allrim de chiffrer son préjudice en précisant les modalités de son calcul ; lui impartit à cette fin un délai expirant le 28 avril 2011 ; impartit à la société Silom Chemicals un délai expirant le 19 mai 2011 pour présenter ses observations, - Renvoie l'affaire à l'audience du 26 mai, à 13 heures 30, - Réserve les dépens et les demandes accessoires.