Cour d'appel de Bordeaux, 3 mai 2022, 18/04010

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Bordeaux
  • Numéro de pourvoi :
    18/04010
  • Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
  • Décision précédente :Tribunal de grande instance de Bordeaux, 30 mai 2018
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/6272180f228a02057de6738c
  • Président : Monsieur Roland POTEE
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Bordeaux
2022-05-03
Tribunal de grande instance de Bordeaux
2018-05-30

Texte intégral

COUR D'APPEL DE BORDEAUX PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE --------------------------

ARRÊT

DU : 03 MAI 2022 BV N° RG 18/04010 - N° Portalis DBVJ-V-B7C-KQ6X SA AXA FRANCE IARD c/ [G] [N] [H] [U] SAS A. SAULI & CIE PRO BTP SERVICE PREVOYANCE CPAM DE LA CORSE DU SUD Nature de la décision : AU FOND Grosse délivrée le : aux avocats Décision déférée à la cour : jugement rendu le 30 mai 2018 par le Tribunal de Grande Instance de BORDEAUX (chambre : 6, RG : 15/08064) suivant déclaration d'appel du 09 juillet 2018 APPELANTE : SA AXA FRANCE IARD, agissant en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité au siège sis [Adresse 2] représentée par Maître Guillaume SAPATA de la SELARL RACINE, avocat au barreau de BORDEAUX INTIMÉS : [G] [N] [H] [U] né le [Date naissance 1] 1981 à [Localité 9] (PORTUGAL) de nationalité Portugaise demeurant [Adresse 7] représenté par Maître CHIARO substituant Maître Pierre DE OLIVEIRA, avocats au barreau de BORDEAUX SAS A. SAULI & CIE, prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités au siège sis [Adresse 5] non représentée, assignée à personne habilitée PRO BTP SERVICE PREVOYANCE, prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualités au siège sis [Adresse 3] non représentée, assignée à personne habilitée CPAM DE LA CORSE DU SUD, prise en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité au siège sis [Adresse 6] non représentée, assignée à personne habilitée COMPOSITION DE LA COUR : L'affaire a été débattue le 15 mars 2022 en audience publique, devant la cour composée de : Roland POTEE, président, Vincent BRAUD, conseiller, Bérengère VALLEE, conseiller, qui en ont délibéré. Greffier lors des débats : Véronique SAIGE ARRÊT : - réputé contradictoire - prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du code de procédure civile. * * * EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE Le 28 janvier 2010, M. [G] [H] [U] a été victime d'un accident corporel alors qu'il travaillait en qualité de salarié de la société MC Constructions sur un chantier situé route de [Localité 4] à [Localité 8] (Corse du Sud), qu'il était en charge du coulage de la dalle béton d'une maison d'habitation et qu'il manipulait le tuyau du camion pompe appartenant à la SAS A. Sauli & Cie (ci-après la société A. Sauli). M. [H] [U] a été transporté au service des urgences de la clinique de [Localité 8] où ont été constatés 'une lésion du scalp et du visage à gauche sévère, une fracture ouverte de la jambe droite, une raideur du rachis cervical et une fracture du malaire gauche et du maxillaire supérieur'. Une déclaration d'accident du travail a été établie par la société MC Constructions le jour des faits. La SA AXA France IARD (ci-après AXA), assureur de la société A. Sauli, a versé une provision de 10 000 € à la victime par procès-verbal de transaction provisionnelle du 14 septembre 2011. La compagnie AXA a mandaté un expert médical, le docteur [Z] [E], qui a procédé à l'examen de M. [H] [U] entre le 2 janvier 2012, date de sa mission et le 29 avril 2014. L'expert a déposé son rapport le 19 mai 2014. Par actes d'huissier des 8, 9 et 17 juillet 2015, M. [H] [U] a fait assigner les sociétés AXA France, A. Sauli, Pro BTP Service Prévoyance et la CPAM de la Corse du Sud, principalement sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985, aux fins d'obtenir la réparation de son préjudice. Par jugement du 30 mai 2018, le tribunal de grande instance de Bordeaux a : - dit n'y avoir lieu à la révocation de l'ordonnance de clôture, - dit qu'il y a lieu d'écarter des débats les conclusions des parties notifiées postérieurement au 5 février 2018, - dit que la SAS A SAULI est entièrement responsable de l'accident de M. [H] [U] survenu le 28 janvier 2010 en application de l'article 1384 alinéa 1er ancien du code civil, - fixé le préjudice corporel subi par M. [H] [U] à la somme de 488.588,14 euros, décomposée comme suit : * dépenses de santé actuelles DSA : 22.845,61 euros * frais divers FD : (789,522 arrondis) 789,52 euros * perte de gains actuels PGPA : 102.643,16 euros * dépenses de santé futures DSF : 2.570,04 euros * perte de gains professionnels futurs PGPF : 177.080,81 euros * incidence professionnelle IP : 100.000,00 euros * déficit fonctionnel temporaire : 10.719,00 euros * déficit fonctionnel permanent : 41.940,00 euros * souffrances endurées : 15.000,00 euros * préjudice esthétique temporaire PET : rejet * préjudice esthétique permanent PEP : 15.000,00 euros * préjudice d'agrément : rejet - condamné in solidum la SAS A SAULI et la SA AXA France à payer à M. [H] [U] la somme de 243.161,24 euros en réparation de son préjudice corporel, après imputation de la créance de l'organisme social et déduction faite de la provision de 10.000 € déjà versée, - ordonné la capitalisation des intérêts échus dans les conditions fixées par l'article 1154 ancien du code civil, - débouté M. [H] [U] de ses demandes au titre des articles L211-1 et suivants du code des assurances, - déclaré le jugement commun à la CPAM de la CORSE DU SUD et opposable à la SARL PRO BTP SERVICE PREVOYANCE, - débouté les parties du surplus de leurs demandes, - condamné in solidum la SAS A SAULI et la SA AXA France à payer à M. [H] [U] la somme de 1.500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné in solidum la SAS A SAULI et la SA AXA France aux dépens de l'instance avec distraction au profit de Maître Pierre Emmanuel DE OLIVEIRA, avocat, conformément à l'article 699 du même code, - ordonné l'exécution provisoire du jugement à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens. Pour statuer ainsi, le tribunal a écarté l'application de la loi du 5 juillet 1985 au motif que le camion ayant été utilisé dans sa seule fonction d'outil de travail, l'accident n'était pas intervenu dans le cadre d'un fait de circulation impliquant un véhicule au sens de la loi précitée. Il a en revanche retenu que la responsabilité de la SAS A. SAULI était engagée sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1er du code civil en sa qualité de gardienne du camion objet du dommage. La compagnie AXA a relevé appel de ce jugement par déclaration du 9 juillet 2018 et par conclusions déposées le 10 janvier 2020, elle demande à la cour de : A TITRE PRINCIPAL, - infirmer le jugement en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société SAULI et condamné la société AXA in solidum avec son assurée en réparation du préjudice de M. [H] [U], Statuant à nouveau, - débouter M. [H] [U] de l'intégralité de ses demandes et prétentions fondées à l'encontre de la Compagnie AXA A TITRE SUBSIDAIRE, si la Cour retenait la responsabilité de la société SAULI & Cie et condamnait la Compagnie AXA ASSURANCE - infirmer le jugement en ce qu'il a alloué des sommes au titre des souffrances endurées, préjudice esthétique permanent, de l'incidence professionnelle et des pertes de gains professionnelles futures Statuant à nouveau, - juger que le montant de l'indemnisation de M. [H] [U] au titre des souffrances endurées ne saurait excéder la somme de 13.500 €, - débouter M. [H] [U] de sa demande au titre de l'incidence professionnelle injustifiée, A titre subsidiaire, si la Cour retenait l'existence d'une incidence professionnelle, - juger que le montant alloué à ce titre ne pourra excéder la somme de 10.000 €, - débouter M. [H] [U] de sa demande de pertes de gains professionnels futurs, À titre subsidiaire et si la Cour retenait l'existence des pertes de gains professionnels futurs, - juger que l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs se fera sous forme d'une rente trimestrielle indexée, - juger que l'indemnisation des pertes de gains professionnels futurs, si la forme de la capitalisation était retenue se fera sur le fondement du BCIV 2018 et sur la base du dernier revenu imposable en comparant les avis d'imposition, - juger que le montant de l'indemnisation de M. [H] [U] au titre du préjudice esthétique permanent ne saurait excéder la somme de 10.000 €, EN TOUT ETAT DE CAUSE, - juger que la rente incapacité permanente versée à M. [H] FEREIRA indemnise, d'une part les préjudices professionnels futurs et, d'autre part, le déficit fonctionnel permanent. - déduire le montant de la rente allouée à M. [H] [U] par les organismes tiers payeurs, - juger que les provisions versées d'un montant de 10.000 € seront déduites des condamnations à intervenir, - débouter l'ensemble des parties du surplus de leurs demandes, fins et conclusions. Par conclusions déposées le 22 juillet 2019, M. [H] [U] demande à la cour de : A TITRE PRINCIPAL : - infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a exclu l'application de la loi du 5 juillet 1985 et des articles L. 211-1 et suivants du code des assurances, Statuant à nouveau : - dire que la loi du 5 juillet 1985 a vocation à s'appliquer aux faits de l'espèce, - condamner in solidum la société A. SAULI & Cie et son assureur la société AXA France IARD (contrat AXA France IARD n°0000000549589704) à réparer le préjudice de M. [H] [U], - dire que les indemnités allouées par la Cour produiront intérêts de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai jusqu'au jour du jugement devenu définitif conformément à l'article L. 211-13 du code des assurances, - condamner in solidum la société A. SAULI & Cie et son assureur la société AXA France IARD à payer à M. [H] [U] les intérêts sur les indemnités allouées par la Cour ainsi que la capitalisation des intérêts à la date anniversaire, - condamner la société AXA France IARD à payer à M. [H] [U] la somme de 5 000 euros au titre des dommages et intérêts en vertu du préjudice causé par l'absence d'offre amiable de dédommagement dans le délai légal conformément à l'article L. 211-14 du code des assurances, - condamner la société AXA France IARD à allouer une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité allouée, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime, au fonds de garantie des assurances obligatoires en vertu de l'article L. 211-14 du code des assurances, A TITRE SUBSIDIAIRE : - condamner la société AXA France IARD à réparer le préjudice subi par M. [H] [U] sur le fondement de l'article R. 211-5 du code des assurances, - condamner la société AXA France IARD à payer à M. [H] [U] les intérêts sur les indemnités allouées par la Cour ainsi que la capitalisation des intérêts à la date anniversaire, A TITRE INFINIEMENT SUBSIDIAIRE : - confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il a déclaré la société A SAULI & Cie entièrement responsable de l'accident subi par M. [H] [U] sur le fondement de l'article 1384 alinéa 1 du code civil dans sa version en vigueur au moment des faits, - dire que la responsabilité de la société SAULI & Cie sera engagée sur le fondement de la responsabilité du fait des choses en application de l'article 1384 alinéa 1 du code civil dans sa version en vigueur au moment des faits, - condamner in solidum la société A. SAULI & Cie et son assureur la société AXA France IARD (contrat AXA France IARD n°0000000549589704) à réparer le préjudice de M. [H] [U], - condamner in solidum la société A. SAULI & Cie et son assureur AXA France IARD à payer à M. [H] [U] les intérêts sur les indemnités allouées par la Cour ainsi que la capitalisation des intérêts à la date anniversaire, EN TOUT ETAT DE CAUSE : - débouter la société AXA France IARD de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, - dire que M. [H] [U] a droit à la réparation intégrale de son préjudice suite à l'accident dont il a été victime le 28 janvier 2010, - constater que le montant de la provision versée à M. [H] [U] s'élève à la somme de 10 000 €, - infirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux sur les montants d'indemnisation retenus au titre des frais divers, de la perte de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle, du déficit fonctionnel temporaire et en ce qu'il a débouté M. [H] [U] de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice esthétique temporaire et du préjudice d'agrément, - confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux sur les autres chefs de préjudices, Ainsi, statuant à nouveau : - fixer le préjudice corporel subi par M. [H] [U] à la somme de 644 748, 162 euros, décomposée comme suit : *dépenses de santé actuelles : 22 845,61 euros dont 260 € restés à la charge de M. [H] [U] *frais divers : 7 989,522 euros *perte de gains actuels : 102 643,16 euros *dépenses de santé futures : 2 570,04 euros *perte de gains professionnels futurs : 167 897,33 euros *incidence professionnelle : 230 000 euros *déficit fonctionnel temporaire : 12 862,50 euros *déficit fonctionnel permanent : 41 940 euros *souffrances endurées : 15 000 euros *préjudice esthétique temporaire : 6 000 euros *préjudice esthétique permanent : 15 000 euros *préjudice d'agrément : 20 000 euros - juger que la somme de 506 949,352 euros devra être allouée à M. [H] [U], déduction faite de la créance de l'organisme social et de la provision déjà versée ; - déclarer le jugement commun et opposable à la Caisse Primaire d'Assurance Maladie de la Corse du Sud et à PRO BTP PREVOYANCE ; - confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance de Bordeaux en ce qu'il condamne in solidum la SAS A SAULI et la SA AXA France à payer à M. [H] [U] la somme de 1500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - condamner in solidum la SAS A SAULI & Cie et la société AXA France IARD à verser à M. [H] [U] une indemnité de 5 000 € en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel, - confirmer le jugement rendu par le tribunal de grande instance en ce qu'il a ordonné l'exécution provisoire à concurrence des deux tiers de l'indemnité allouée et en totalité en ce qui concerne les frais irrépétibles et les dépens. - condamner in solidum la SAS A SAULI & Cie et la société AXA France IARD aux entiers dépens de première instance et d'appel. La société A. Sauli, la mutuelle Pro BTP et la CPAM de la Corse du Sud n'ont pas constitué avocat. Elles ont été régulièrement assignées à personne. L'affaire a été fixée à l'audience collégiale du 15 mars 2022. L'instruction a été clôturée par ordonnance du 1er mars 2022.

MOTIFS

DE LA DÉCISION Sur la responsabilité A titre principal, M. [H] [U] recherche la responsabilité de la société A. SAULI sur le fondement de la loi n°85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accident de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation. L'article 1er de ce texte énonce que ses dispositions s'appliquent, même lorsqu'elles sont transportées en vertu d'un contrat, aux victimes d'un accident de la circulation dans lequel est impliqué un véhicule terrestre à moteur ainsi que ses remorques ou semi-remorques, à l'exception des chemins de fer et des tramways circulant sur des voies qui leur sont propres. Il est de jurisprudence constante que pour revêtir la qualification d'accident de la circulation, le fait dommageable doit être en lien avec la fonction de déplacement de l'engin, et ne pas résulter de la seule mise en oeuvre de sa fonction d'outil. Il est retenu comme critère déterminant du caractère d'accident de la circulation, un critère fonctionnel reposant sur 'l'utilisation du véhicule dans sa fonction de déplacement', excluant l'application de la loi de 1985 aux accidents causés par des éléments d'équipement étrangers à la fonction de déplacement du véhicule, lorsque ces éléments, seuls en cause, sont en activité de travail et alors que les véhicules sont en stationnement, immobiles. La cour doit donc déterminer en l'espèce si le véhicule n'était utilisé que dans sa fonction outil, comme le soutient la société Axa ou si, comme le prétend M. [H] [U], il était également utilisé dans sa fonction de déplacement. M. [H] [U] fait valoir qu'un accident causé par un véhicule qui se déplace ou qui bascule doit être considéré comme un accident de la circulation même si ce véhicule est utilisé dans sa fonction de machine-outil. Il expose qu'en l'espèce, l'accident est survenu lors de la mise en oeuvre d'une dalle pour la construction d'une maison individuelle, alors qu'il dirigeait le tuyau de coulage du camion pompe par lequel transitait le béton que le conducteur commandait par télécommande ; qu'en raison d'une défaillance mécanique du système de stabilisation du camion, celui-ci a basculé en arrière, entraînant la flèche vers le sol ; que la flèche a alors heurté sa tête. Il soutient que dès lors, même si le camion était au départ à l'arrêt et utilisé dans sa fonction de machine-outil, sa mauvaise stabilisation a entraîné son basculement vers l'arrière et donc son déplacement, lequel est à l'origine de l'accident. La société Axa oppose que M. [H] [U] a été percuté par la flèche du camion-pompe béton stabilisé sur ses patins ; que seule la fonction outil du camion est mise en cause ; que l'application de la loi du 5 juillet 1985 est exclue dès lors que du fait de son immobilité, le véhicule est intervenu dans une fonction étrangère à sa fonction de déplacement. Il ressort du rapport d'enquête versé aux débats (pièce n°8 de l'appelant) les constatations suivantes : 'Dès notre arrivée, nous constatons la présence sur le chantier d'un camion pompe à béton qui se trouve dans une position anormale : les roues avant et les roues arrières gauches ne sont plus en contact avec le sol. Le camion repose seulement sur ses roues arrières droites et sur l'extrêmité de la flèche par laquelle se déverse le béton. A proximité de la flèche se trouve un individu conscient en position assise et blessé à la tête. (...) Les constatations mettent en évidence que l'accident est dû à une défaillance matérielle du stabilisateur arrière droit du camion pompe (...). En cassant, l'élément de pièce du système stabilisateur a provoqué un basculement vers l'arrière droit du camion pompe, ce qui a entraîné de ce fait la flèche du camion vers le sol. En tombant au sol, la flèche a heurté la tête de M. [H] [U] qui se trouvait sur la dalle à couler en train de manipuler le tuyau de coulage situé à l'extrémité de la flèche.' Le procès-verbal de synthèse conclut alors que 'l'accident est dû à une défaillance matérielle du stabilisateur arrière droit du camion qui a provoqué un basculement vers l'arrière du camion, entraînant de ce fait la flèche du camion vers le sol. En tombant au sol, la flèche a heurté violemment la tête de la victime.' Il se déduit de ces éléments que c'est le mouvement du véhicule qui a basculé vers l'arrière, qui a été à l'origine de l'accident, quand bien même ce déplacement serait involontaire, et non une action distincte de la flèche du camion. Contrairement à ce qu'a jugé le tribunal, la responsabilité de la société A. SAULI est donc bien engagée sur le fondement de la loi du 5 juillet 1985 et le jugement sera infirmé de ce chef. M. [H] [U] est fondé à réclamer l'indemnisation de son entier préjudice. Sur le préjudice Les lésions de M. [H] [U], imputables à l'accident du 28 janvier 2010, sont décrites comme suit dans le rapport d'expertise médicale : - une lésion du scalp et du visage à gauche sévère, une fracture ouverte de jambe droite - une fracture de l'apophyse zygomatique et de l'apophyse orbitaire du malaire gauche - une fracture associée de la partie antérieure et de la paroi externe du sinus maxillaire gauche. Les conclusions de l'expert sont les suivantes : - gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel total correspondant aux périodes d'hospitalisation imputables à l'accident : . Du 28.01.2010 au 08.02.2010 . Du 14.09.2010 au 15.09.2010 . Du 28.01.2013 au 01.02.2013 . Du 20.01.2014 au 23.01.2014 - gênes temporaires constitutives d'un déficit fonctionnel partiel : . Classe III du 09.02.2010 au 31.05.2010 constituées par la locomotion possible avec deux cannes anglaises . Classe II du 01.06.2010 au 13.09.2010 constituées par la locomotion possible avec une canne anglaise . Classe II du 16.09.2010 au 27.01.2013 constituées par la locomotion algique avec soins actifs en cours, la limitation de l'ouverture buccale et le défaut d'occlusion de la paupière . Classe II du 02.02.2013 au 19.01.2014 constituées par la locomotion algique avec soins actifs en cours, la limitation de l'ouverture buccale et le défaut d'occlusion de la paupière . Classe II du 24.01.2014 au 28.04.2014 constituées par la locomotion algique avec soins actifs en cours, la limitation de l'ouverture buccale et le défaut d'occlusion de la paupière. - un arrêt temporaire des activités professionnelles constitutif des pertes de gains actuels : du 28.01.2010 au 28.04.2014 - des souffrances endurées à 4/7 pour le fait accidentel, les lésions initiales, la prise en charge par le service des urgences de la polyclinique, la contention de l'articulation, le suivi orthopédique et ORL, les bilans radiologiques de contrôle, les anesthésies générales, l'ostéosynthèse, les traitements, la rééducation fonctionnelle, les interventions ORL - date de consolidation : 29.04.2014 - séquelles imputables à l'accident : une gêne douloureuse de la jambe droite, une parésie faciale gauche, une limitation de l'ouverture de la bouche - taux d'AIPP de 18% - un dommage esthétique 4/7 pour les cicatrices du visage et de la jambe - répercussions des séquelles sur les activités professionnelles : inaptitude à l'exercice de son métier de maçon en raison de la non occlusion de la paupière gauche - préjudice d'agrément : aucun - préjudice sexuel : aucun - soins médicaux après consolidation : deux consultations par an pendant 2 ans avec le professeur [C]. Les parties ne remettent pas en cause l'évaluation des chefs de préjudice suivants : * dépenses de santé actuelles DSA : 22.845,61 euros * perte de gains professionnels actuels PGPA : 102.643,16 euros * dépenses de santé futures DSF : 2.570,04 euros * déficit fonctionnel permanent DFP : 41.940 euros Les autres chefs de préjudice seront discutés ci-après. Sur les préjudices patrimoniaux Sur les préjudices patrimoniaux temporaires Sur les frais divers a) Ce poste couvre les frais de transport engagés par la victime. Le tribunal a alloué la somme de 789,52 euros de ce chef. Ce montant, non contesté par les parties, sera confirmé. b) Ce poste couvre également les dépenses liées à la réduction d'autonomie, entre le dommage et la consolidation. Le montant de l'indemnité allouée au titre de l'assistance d'une tierce personne ne saurait être réduit en cas d'assistance d'un membre de la famille ni subordonné à la production de justificatifs des dépenses effectives. Ce poste est fixé en fonction des besoins de la victime au vu principalement du rapport d'expertise médicale. Se fondant sur le rapport d'expertise qui indique que l'état de santé de la victime avait impliqué 'la suspension de l'appui avec déambulation avec deux cannes anglaises pendant 4 mois puis une canne pendant un mois', M. [H] [U] invoque la nécessité d'une assistance pour la toilette, l'habillement et les divers déplacements durant la journée pendant 5 mois à hauteur de 4 heures par jour, sur la base de 12 euros par jour. Il explique qu'il a ressenti une gêne importante pour effectuer les gestes quotidiens et qu'il a bénéficié de l'assistance de son épouse pendant cette période. Il sollicite l'octroi de la somme de 7.200 euros. Cependant, comme rappelé à bon droit par le premier juge, M. [H] [U] n'apporte aucun élément médical justifiant qu'il n'était pas en mesure d'effectuer seul les actes essentiels de la vie courante et n'a pas émis de dire à l'expert qui n'a pas mentionné ce poste de préjudice. La demande en ce sens sera donc rejetée. Sur les préjudices patrimoniaux permanents Sur la perte de gains professionnels futurs Il est rappelé qu'il s'agit ici d'indemniser la victime de la perte ou de la diminution de ses revenus consécutive à l'incapacité permanente à laquelle elle est désormais confrontée dans la sphère professionnelle à la suite du dommage. Ce poste de préjudice indemnise une invalidité spécifique partielle ou totale qui entraîne une perte ou une diminution directe de ses revenus professionnels futurs à compter de la date de consolidation. Cette perte ou diminution des gains professionnels peut provenir soit de la perte de son emploi par la victime, soit de l'obligation pour celle-ci d'exercer un emploi à temps partiel à la suite du dommage consolidé. Le rapport d'expertise judiciaire relève que M. [H] [U] est désormais inapte à l'exercice de son métier de maçon en raison de la non-occlusion de la paupière gauche. M. [H] [U] justifie par ses bulletins de paie et par son avis d'impôt sur les revenus de l'année 2009, d'un salaire moyen de 1.832 euros par mois au moment de l'accident. Il expose qu'il n'a retrouvé un emploi qu'au mois de février 2017, en qualité d'employé commercial, d'abord en contrat à durée déterminée puis en contrat à durée indéterminée, pour un salaire moyen mensuel de 1.228 euros. Sur cette base et en retenant une retraite à 62 ans, le tribunal a liquidé ce poste de préjudice à 177.080, 81 euros. M. [H] [U] conclut à la réformation du jugement de ce chef notamment parce que le tribunal n'a pas calculé la perte des gains professionnels futurs sur une base viagère. Il sollicite également l'application du barème de capitalisation de la Gazette du Palais. La compagnie Axa France IARD demande à la cour de rejeter ce poste de préjudice au motif que la victime n'est pas inapte à toute profession. A titre subsidiaire, elle propose une indemnisation sous forme de rente en faisant application du barème de capitalisation de référence pour l'indemnisation des victimes (BCIV 2018) et s'oppose à l'application d'un euro de rente viager, contestant en outre le salaire de référence retenu par le tribunal. L'avis d'imposition 2010 sur les revenus 2009 montre que le salaire moyen de M. [H] [U], durant l'année précédant l'accident, était de 1.832 euros par mois. Il convient de distinguer deux périodes : - la période comprise entre la date de consolidation et celle de la décision, correspondant aux arrérages échus payables sous forme de capital, - la période postérieure à la décision, correspondant aux arrérages à échoir qui peuvent être capitalisés en fonction de l'âge de la victime au jour de la décision. a) Calcul des arrérages échus : Ainsi qu'il a été vu ci-avant, le revenu de référence de M. [H] [U] a été fixé à 1.832 euros mensuels. De l'examen des avis d'imposition 2015 à 2018 versés aux débats, il ressort que M. [H] [U] a perçu les revenus annuels imposables suivants : en 2014 : 11. 529 euros (soit 960,75 euros par mois) en 2015 : 6.973 euros (soit 581,08 euros) en 2016 : 16.973 euros (soit 1.414,41 euros par mois) en 2017 : 17.338 euros (soit 1.444,83 euros par mois) Faute de produire ses avis d'imposition postérieurs, il sera tenu compte du dernier revenu net annuel connu de M. [H] [U], soit 17.338 euros. De la date de la consolidation (29 avril 2014) au 31 janvier 2021, la perte de gains professionnels futurs échus s'élève à la somme de : - du 1er mai 2014 au 31 décembre 2014 : (1.832 euros x 8 mois) - (960,75 euros x 8 mois) = 14.656 - 7.686 = 6.970 euros - 2015 : (1.832 euros x 12 mois) - 6.973 euros = 15.011 euros - 2016 : ( 1.832 euros x 12 mois) - 16.973 euros = 5.011 euros - 2017 : (1.832 euros x 12 mois) - 17.338 euros = 4.646 euros - 2018 : (1.832 euros x 12 mois) - 17.338 euros = 4.646 euros - 2019 : (1.832 euros x 12 mois) - 17.338 euros = 4.646 euros - 2020 : (1.832 euros x 12 mois) - 17.338 euros = 4.646 euros - 2021 : (1.832 euros x 12 mois) - 17.338 euros = 4.646 euros TOTAL : 50.222 euros b) Perte de gains professionnels futurs à échoir : Il s'agit d'arrérages à échoir qui seront capitalisés, comme demandé par M. [H] [U], en fonction de l'âge de la victime au 1er janvier 2022 (41 ans), en multipliant la perte annuelle par un prix de l'euro de rente établi en fonction de l'âge et du sexe de la victime sur la base du barème de la Gazette du Palais 2016. M. [H] [U] ne justifiant pas être dans l'impossibilité de se constituer des droits à la retraite, il sera retenu, à l'instar du tribunal, un euro de rente temporaire sur 62 ans. Comme il a été vu ci-avant, la perte se calcule sur la base du dernier revenu net annuel connu de M. [H] [U], soit 17.338 euros (le dernier avis d'imposition produit étant l'avis 2018 sur les revenus de l'année 2017), qu'il y a lieu de déduire de son salaire annuel net imposable antérieur à l'accident, soit 1.832 euros x 12 mois = 21.984 euros, soit une perte annuelle de 21.984 - 17.338 = 4.646 euros. Le calcul s'établit donc comme suit : 4.646 euros x 17,933 = 83.316,72 euros Au total, la perte de gains professionnels futurs s'élève donc à la somme de 50.222 + 83.316,72 = 133.538,72 euros. Il résulte du décompte définitif de la CPAM de la Haute-Corse que celle-ci a versé à la victime les sommes de : - 22.244 euros au titre des indemnités journalières entre la date de consolidation et le 30 mars 2015 - 2.146,94 euros au titre des arrérages de rente accident du travail du 10 avril 2015 au 31 décembre 2015 - 83.237,15 euros au titre du capital constitutif des arrérages à échoir soit au total la somme de 107.628,09 euros qui s'imputera sur ce poste de préjudice. M. [H] [U] se verra donc allouer la somme de 133.538,72 - 107.628,09 = 25.910,63 euros. Sur l'incidence professionnelle Ce poste de préjudice vise à indemniser, non la perte de revenus liée à l'invalidité consécutive à l'accident, mais les incidences périphériques du dommage touchant à la sphère professionnelle, comme le préjudice subi par la victime en raison de sa dévalorisation sur le marché du travail et à l'augmentation de la pénibilité de l'emploi occupé imputable au dommage, ou encore le préjudice subi résultant de l'obligation d'abandonner la profession qu'elle exerçait avant le dommage au profit d'une activité professionnelle imposé par la survenance d'une infirmité. Le tribunal a évalué ce poste de préjudice à la somme de 100.000 euros. M. [H] [U] sollicite la réformation du jugement et l'allocation d'une somme de 230.000 euros. La compagnie Axa conclut au rejet de ce poste de préjudice et, subsidiairement, propose une indemnité de 10.000 euros. L'expert a retenu l'inaptitude de la victime à l'exercice de son métier de maçon en raison de la non occlusion de la paupière gauche et a mentionné comme séquelles imputables à l'accident un gêne douloureuse de la jambe droite, une parésie faciale gauche et une limitation de l'ouverture de la bouche. Comme relevé à juste titre par le premier juge, les bulletins de salaire produits aux débats font état d'une ancienneté de M. [H] [U] dans la profession de maçon auprès de son employeur à la date de l'accident, depuis le 1er janvier 2006, de sorte qu'il subit un préjudice incontestable dans le fait d'avoir été contraint d'abandonner définitivement le métier qu'il exerçait et d'entamer une reconversion professionnelle. Les séquelles de l'accident ont généré une fatigabilité et une pénibilité accrues dans l'exercice de professions physiques au regard des douleurs de la jambe, dont résulte également sa dévalorisation sur le marché du travail aggravée par le fait qu'il ait dû, à plus de 30 ans, se former et chercher un emploi dans un domaine d'activité qui n'était pas le sien initialement. C'est également à bon droit que le tribunal précise qu'au regard de la perte de revenus subie depuis l'emploi qu'il occupait le jour de l'accident, M. [H] [U] supportera une perte de retraite imputable à l'accident qui doit également être prise en considération. Au regard de l'ensemble de ces éléments, le préjudice lié à l'incidence professionnelle sera justement évalué à la somme de 70.000 euros. Sur les préjudices extrapatrimoniaux : Sur les préjudices extrapatrimoniaux temporaires : Sur le déficit fonctionnel temporaire Ce poste inclut pour la période antérieure à la consolidation, la perte de qualité de vie et des joies usuelles de la vie courante durant la maladie traumatique, le préjudice temporaire d'agrément, éventuellement le préjudice sexuel temporaire. M. [H] [U] entend voir évaluer ce poste sur la base de 30 euros par jour, tandis que la société Axa conclut à la confirmation du jugement de ce chef. Déficit fonctionnel temporaire total : L'expert a retenu l'existence d'un déficit fonctionnel temporaire total du 28 janvier 2010 au 8 février 2010, du 14 septembre 2010 au 15 septembre 2010, du 28 janvier 2013 au 1er février 2013, du 20 janvier 2014 au 23 janvier 2014, soit 20 jours. Sur la base d'une indemnisation justement évaluée par le tribunal à 25 euros par jour, ce poste de préjudice sera fixé à la somme de 500 euros. Déficit fonctionnel temporaire partiel : L'expert a retenu l'existence d'un DFTP de 50% du 9 février 2010 au 31 mai 2010 (111 jours), puis de 25% du 1er juin 2010 au 13 septembre 2010, du 16 septembre 2010 au 27 janvier 2013, du 2 février 2013 au 19 janvier 2014, du 24 janvier 2014 au 28 avril 2014 (1.413 jours) Sur la base d'une indemnisation de 25 euros par jour justement évaluée par le tribunal, ce poste de préjudice sera fixé à la somme de : 111 jours x 25 euros x 50% = 1.388 euros 1.413 jours x 25 euros x 25 % = 8.831 euros Au final, il sera alloué à la victime la somme de 500 + 1.388 + 8831 = 10.719 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef. Sur les souffrances endurées : Ce poste d'indemnisation comprend les souffrances tant physiques que morales endurées par la victime du fait des atteintes à son intégrité, à sa dignité et à son intimité et des traitements, interventions, hospitalisations qu'elle a subis depuis l'accident jusqu'à la consolidation. La société Axa fait grief au jugement attaqué d'avoir alloué une somme de 15.000 euros à la victime et offre de réparer les souffrances endurées à concurrence de 13.500 euros. M. [H] [U] sollicite la confirmation du jugement de ce chef. L'expert évalue ce poste de préjudice à 4 sur 7 compte tenu du fait accidentel, de la prise en charge par le service des urgences, de la contention de l'articulation, du suivi orthopédique et ORL, des bilans radiologiques de contrôle, des anesthésies générales, de l'ostéosynthèse, des traitements, de la rééduction fonctionnelle et des interventions ORL. Le premier juge a justement indemnisé ce poste de préjudice par l'allocation d'une indemnité de 15.000 euros. Le jugement sera confirmé de ce chef. Sur le préjudice esthétique temporaire : M. [H] [U] reproche au premier juge d'avoir rejeté sa demande de ce chef et sollicite une indemnisation à hauteur de 6.000 euros. La société Axa demande la confirmation du jugement compte tenu du fait que la victime ne justifie pas d'un préjudice esthétique distinct du préjudice esthétique permanent. Si l'expert n'a pas expressément retenu ce poste de préjudice, il n'en demeure pas moins que M. [H] [U] a subi une altération temporaire de son apparence physique résultant de l'accident, par l'utilisation de deux cannes anglaises pendant 4 mois puis d'une canne pendant un mois, ce préjudice étant distinct de son préjudice esthétique permanent qui correspond aux cicatrices sur son visage et sa jambe. Il lui sera par conséquent alloué une indemnité de 1.000 euros à ce titre. Sur les préjudices extrapatrimoniaux permanents : Sur le préjudice esthétique permanent : La société Axa propose d'indemniser ce poste de préjudice à la somme de 10.000 euros. M. [H] [U] sollicite la confirmation du jugement de ce chef. Estimé à 4/7 par l'expert, ce poste de préjudice constitué par des cicatrices au visage et à la jambe. S'agissant du visage, il est ainsi noté : - une cicatrice du cuir chevelu, blanchâtre située sous les cheveux, de 15 cm de long, alléguée sensible et indurée au niveau occipital avec perte de cheveux sur la cicatrice - une cicatrice inesthétique de l'hémiface gauche débutant au niveau frontal à la lisière des cheveux, se dirigeant vers le sourcil gauche qu'elle franchit dans le quart externe, verticale au niveau de la paupière supérieure où elle est étoilée, elle descend verticalement le long de la joue gauche jusqu'au niveau du maxillaire inférieur où elle va s'horizontaliser et se diriger vers l'oreille où elle s'arrête à 3cm du lobe. Cette cicatrice blanchâtre est fine au niveau frontal, puis tend à s'élargir pour mesurer 0,8 cm de large au niveau de la joue - une cicatrice rétro auriculaire gauche fine de 4 cm de bonne qualité - une déformation nette du rebord orbitaire supérieur gauche - une séquelle de paralysie faciale avec une asymétrie de la joue gauche, un angle gauche de la bouche tombant et un déficit de l'occlusion de la paupière gauche. Concernant les jambes, l'expert relève une cicatrice de la face antérieure de 1/3 inférieur du tibia, légèrement hyper chromique, longue de 15 cm, large de 0,6 cm, souple, non sensible et non adhérente. Au regard de ces éléments, ce préjudice a été justement indemnisé par le premier juge par la somme de 15.000 euros. Sur le préjudice d'agrément : Ce poste de préjudice répare l'impossibilité, les limitations ou les difficultés pour la victime de poursuivre régulièrement une activité spécifique sportive ou de loisirs. L'expert retient qu'il n'existe aucun préjudice d'agrément, de sorte qu'il y a lieu de rejeter la demande formée à ce titre. Le jugement sera confirmé de ce chef. *** Poste de préjudice Montant Créance de la caisse primaire d'assurance maladie Solde revenant à la victime Dépenses de santé actuelles 22.845,61 euros 22.585,61 euros 260 euros Frais divers 789,52 euros 0 789,52 euros Perte de gains professionnels actuels 102.643,16 euros 102.643,16 euros 0 Dépenses de santé futures 2.570,04 euros 2.570,04 euros 0 Perte de gains professionnels futurs 133.538,72 euros 107.628,09 euros 25.910,63 euros Incidence professionnelle 70.000 euros 0 70.000 euros Déficit fonctionnel temporaire 10.719 euros 0 10.719 euros Souffrances endurées 15.000 euros 0 15.000 euros Préjudice esthétique temporaire 1.000 euros 0 1.000 euros Déficit fonctionnel permanent 41.940 euros 0 41.940 euros Préjudice esthétique permanent 15.000 euros 0 15.000 euros Préjudice d'agrément rejet Total 416.046,05 euros 235.426,90 euros 180.619,15 euros Déduction faite de la créance du tiers payeur et de la provision de 10.000 euros d'ores et déjà allouée par l'assureur, la créance de M. [H] [U] en réparation de son préjudice s'élève en définitive à la somme de 170.619,15 euros, à laquelle la SAS A SAULI et la SA AXA France Iard seront tenus in solidum. Sur le doublement des intérêts au taux légal Aux termes de l'article L. 211-9 du code des assurances, 'Quelle que soit la nature du dommage, dans le cas où la responsabilité n'est pas contestée et où le dommage a été entièrement quantifié, l'assureur qui garantit la responsabilité civile du fait d'un véhicule terrestre à moteur est tenu de présenter à la victime une offre d'indemnité motivée dans le délai de trois mois à compter de la demande d'indemnisation qui lui est présentée. Lorsque la responsabilité est rejetée ou n'est pas clairement établie, ou lorsque le dommage n'a pas été entièrement quantifié, l'assureur doit, dans le même délai, donner une réponse motivée aux éléments invoqués dans la demande. Une offre d'indemnité doit être faite à la victime qui a subi une atteinte à sa personne dans le délai maximum de huit mois à compter de l'accident. En cas de décès de la victime, l'offre est faite à ses héritiers et, s'il y a lieu, à son conjoint. L'offre comprend alors tous les éléments indemnisables du préjudice, y compris les éléments relatifs aux dommages aux biens lorsqu'ils n'ont pas fait l'objet d'un règlement préalable. Cette offre peut avoir un caractère provisionnel lorsque l'assureur n'a pas, dans les trois mois de l'accident, été informé de la consolidation de l'état de la victime. L'offre définitive d'indemnisation doit alors être faite dans un délai de cinq mois suivant la date à laquelle l'assureur a été informé de cette consolidation. En tout état de cause, le délai le plus favorable à la victime s'applique. En cas de pluralité de véhicules, et s'il y a plusieurs assureurs, l'offre est faite par l'assureur mandaté par les autres.' L'article L. 211-13 du même code dispose : 'Lorsque l'offre n'a pas été faite dans les délais impartis à l'article L. 211-9, le montant de l'indemnité offerte par l'assureur ou allouée par le juge à la victime produit intérêt de plein droit au double du taux de l'intérêt légal à compter de l'expiration du délai et jusqu'au jour de l'offre ou du jugement devenu définitif. Cette pénalité peut être réduite par le juge en raison de circonstances non imputables à l'assureur'. Enfin, selon l'article L. 211-14 du même code, si le juge qui fixe l'indemnité estime que l'offre proposée par l'assureur était manifestement insuffisante, il condamne d'office l'assureur à verser au fonds de garantie prévu par l'article L. 421-1 une somme au plus égale à 15 % de l'indemnité allouée, sans préjudice des dommages et intérêts dus de ce fait à la victime. En l'espèce, il est établi que l'assureur n'a pas fait d'offre d'indemnité à la victime dans les 8 mois de l'accident, étant précisé que l'article R.211-43 du code des assurances ne prévoit pas de suspension du délai imposé par l'article L. 211-9 précité dans l'attente de l'examen médical. En conséquence, c'est à bon droit que M. [H] [U] sollicite l'application de l'article L. 211-13 du code des assurances en doublant le taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée avant imputation des créances des tiers payeurs et déduction des provisions versées, à compter du 29 septembre 2010 (soit le lendemain de l'expiration du délai pour former une offre d'indemnité) et jusqu'à la date du présent arrêt devenu définitif. Enfin, il sera fait droit à la demande de capitalisation des intérêts, les articles L. 211-9 et L. 211-13 du code des assurances ne dérogeant pas aux dispositions d'ordre public de l'article 1154 ancien du code civil qui s'appliquent de manière générale aux intérêts moratoires. En revanche, M. [H] [U] n'est pas fondé à solliciter, en application de l'article L. 211-14, 'une somme au plus égale à 15% de l'indemnité allouée', cette disposition étant expressément prévue au bénéfice du Fonds de garantie des assurances obligatoires de dommages et non de la victime. Enfin, si M. [H] [U] sollicite la somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice causé par l'absence d'offre amiable de dédommagement dans le délai légal, il ne justifie pas d'un préjudice spécifique autre que celui déjà indemnisé par le doublement des intérêts au taux légal. Cette demande sera par conséquent rejetée. Sur les dépens et les frais irrépétibles Il y a lieu de confirmer le jugement du entrepris en ses dispositions relatives aux dépens et à l'article 700 du code de procédure civile. Aux termes de l'article 696, alinéa premier, du code de procédure civile, la partie perdante est condamnée aux dépens, à moins que le juge, par décision motivée, n'en mette la totalité ou une fraction à la charge d'une autre partie. Sur ce fondement, la SA Axa France Iard supportera les dépens d'appel. En application de l'article 700 du code de procédure civile, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou qui perd son procès à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. La société Axa France Iard sera condamnée à payer à M. [H] [U] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

LA COUR, Infirme partiellement le jugement : - en ce qu'il a dit que la SAS A SAULI est entièrement responsable de l'accident de M. [H] [U] survenu le 28 janvier 2010 en application de l'article 1384 alinéa 1er ancien du code civil, - sur les montants alloués au titre de la perte de gains professionnels futurs, de l'incidence professionnelle et du préjudice esthétique temporaire, - en ce qu'il a condamné in solidum la SAS A SAULI et la SA AXA FRANCE à payer à M. [H] [U] la somme de 243.161,24 euros en réparation de son préjudice corporel, après imputation de la créance de l'organisme social et déduction faite de la provision de 10.000 euros déjà versée, - en ce qu'il a débouté M. [H] [U] de ses demandes au titre des articles L. 211-1 et suivants du code des assurances, Statuant de nouveau dans cette limite, Dit que la SAS A SAULI est entièrement responsable de l'accident de M. [H] [U] survenu le 28 janvier 2010 en application de la loi n° 85-677 du 5 juillet 1985 tendant à l'amélioration de la situation des victimes d'accident de la circulation et à l'accélération des procédures d'indemnisation, Fixe les préjudices suivants comme suit : - perte de gains professionnels futurs : 133.538,72 euros - incidence professionnelle : 70.000 euros - préjudice esthétique temporaire : 1.000 euros Condamne in solidum la SAS A SAULI et la SA Axa France Iard à payer à M. [H] [U] la somme de 170.619,15 euros en réparation de son préjudice corporel, après imputation de la créance de l'organisme social et déduction faite de la provision de 10.000 euros déjà versée, Condamne la SA Axa France Iard à payer à M. [H] [U] les intérêts au double du taux de l'intérêt légal sur le montant de l'indemnité allouée par la Cour, avant imputation de la créance du tiers payeur et avant déduction de la provision versée, à compter du 29 septembre 2010 et jusqu'à la date du présent arrêt devenu définitif, Ordonne la capitalisation des intérêts par année entière, Rejette toute autre demande plus ample ou contraire, Confirme toutes les autres dispositions non contraires, Y ajoutant, Condamne la SA Axa France Iard à payer à M. [H] [U] la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, Condamne la SA Axa France Iard aux dépens d'appel. Le présent arrêt a été signé par Monsieur Roland POTEE, président, et par Madame Véronique SAIGE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le Greffier,Le Président,