AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE CRIMINELLE, en son audience publique tenue au Palais de Justice à PARIS, le treize février deux mille sept, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le rapport de M. le conseiller référendaire CHAUMONT, les observations de Me FOUSSARD, avocat en la Cour, et les conclusions de M. l'avocat général BOCCON-GIBOD ;
Statuant sur le pourvoi formé par :
- X... Marie-Guylène, épouse Y...,
contre l'arrêt de la chambre de l'instruction de la cour d'appel d'AIX-EN-PROVENCE, en date du 25 octobre 2006, qui, dans l'information suivie contre elle du chef d'escroqueries en bande organisée, a confirmé l'ordonnance du juge d'instruction la plaçant sous contrôle judiciaire ;
Vu le mémoire produit ;
Sur le moyen unique de cassation, pris de la violation de l'article préliminaire et des articles 137, 137-2, 138, 139, 140, 142, 186,
194,
216,
218,
591 et
593 du code de procédure pénale, ensemble violation de l'article V de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs ;
"en ce que l'arrêt attaqué a maintenu le placement sous contrôle judiciaire de Marie-Guylène Y..., épouse de Gérard Y..., en° précisant que la somme d'un million d'euros, à payer avant le 31 janvier 2007, serait affectée à hauteur de 10 000 euros pour garantir sa représentation et à hauteur de 990 000 euros pour garantir le paiement des indemnités et des amendes ;
"aux motifs que "les présomptions pesant à l'encontre de Marie-Guylène X..., épouse Y..., d'avoir commis les faits reprochés, sont lourdes ; qu'il ressort en effet des investigations qu'elle a joué un rôle essentiel dans l'escroquerie organisée, puisque porteur de parts sociales majoritaires dans la société IA Ora Investment, elle a permis la diffusion, auprès d'une clientèle tahitienne, des prétendus placements financiers proposés par la société fictive IMC, et ce par l'intermédiaire d'agents commerciaux contraints d'adopter un statut indépendant, mais en réalité soumis hiérarchiquement à la société IA Ora Investment et dépendant économiquement de celle-ci ; que Marie-Guylène X..., épouse Y..., bien qu'utilisant la structure IA Ora Investment pour la diffusion des produits "joint venture agreement" de la société IMC, et obtenir le versement de fonds de la part de ses clients, utilisait un compte bancaire personnel au Luxembourg (et non pas un compte de la société IA Ora Investment) pour recueillir les fonds versés à titre de rétribution par IMC, dont partie était redistribuée aux agents commerciaux travaillant pour le compte de IA Ora Investment ; que ce processus permettait ainsi à Marie-Guylène X..., épouse Y..., de se constituer des gains personnels très importants puisqu'elle pouvait conserver une part importante des sommes destinées à rétribuer les intermédiaires ; qu'elle ne reversait aux agents commerciaux qu'une commission de 5 % des capitaux investis par les clients, alors qu'elle était destinataire de sommes représentant,
dans un premier temps, 10 % desdits capitaux puis, par la suite, 15 % de ces capitaux (audition du 29 septembre 2005 d'Alexandre Z...), étant observé que le produit financier qui devait être dégagé des investissements des clients sur quinze mois s'élevait à plus de 30 %, composé des intérêts produits à hauteur de 15 % et des commissions à hauteur également de 15 %, auxquels devait s'ajouter, en principe, la marge tirée par IMC au titre de ses frais, charges et profits, ce qui montre le caractère irréaliste du rendement des produits proposés ; qu'il convient de relever que, dès 2001, la société Cristal Finance (dont Gérard Y... avait été le chef d'agence à Tahiti à compter de 1997) avait alerté les clients sur le caractère frauduleux des produits financiers d'IMC ; que c'est d'ailleurs à cette époque que Marie-Guylène X..., épouse Y..., et Gérard Y..., ainsi que son équipe de commerciaux, ont quitté Cristal Finance, pour laquelle ils travaillaient, pour oeuvrer dans le cadre d'une nouvelle société IA Ora Investment et continuer la commercialisation des produits IMC qu'ils avaient déjà mis en place ; que Marie-Guylène X..., épouse Y..., a pris soin, tout comme son époux, Gérard Y..., de ne jamais investir personnellement dans les produits financiers d'IMC à la différence de certains agents commerciaux et de ne jamais intervenir personnellement dans le placement de ces produits auprès des clients, bien qu'en retirant un profit substantiel globalement bien supérieur à la rémunération des commerciaux ; que, devant le magistrat instructeur, la mise en examen a reconnu, elle-même, avoir gagné 900 000 euros tout en précisant "pour un travail fait" (cote Db 708) ; qu'il apparaît qu'elle a pu procéder à un investissement immobilier puisqu'on note qu'en juillet 2004, son compte à la Socredo a été débité d'un montant de 25 000 000 FCP, soit 209 500 euros correspondant au règlement anticipé d'un solde d'un crédit immobilier (cote Db 598 et Db 604) ; qu'elle a pu également prêter des fonds à son fils Christophe A... pour l'acquisition d'un terrain (Db 624) ; que le placement sous contrôle judiciaire avec versement d'une caution est parfaitement justifié par la nécessité de mettre fin aux effets de l'infraction poursuivie et, par là-même, de mettre fin au trouble exceptionnel et persistant causé à l'ordre public en privant Marie-Guylène X..., épouse Y..., de la possibilité de jouir du produit de l'infraction et donc des sommes escroquées au préjudice de très nombreuses victimes, l'indemnisation de celles-ci pouvant, par cette mesure, être ainsi partiellement garantie ; que le montant du cautionnement fixé par le magistrat instructeur est en rapport avec le profit tiré par Marie-Guylène X..., épouse Y..., des opérations de placement des produits IMC sur Tahiti puisqu'il ressort des cotes Db 660 et Db 691 que le montant des capitaux investis par les clients tahitiens d'IMC s'est élevé à 20 419 021,38 euros ;
que, même si l'on retient les allégations de Marie-Guylène Y..., épouse X..., qui prétend qu'il ne lui restait, au titre des commissions, que 5 % du montant investi, on constate que cela suffit à dégager un profit de plus d'un million d'euros ;
que, cependant, les précisions données par Alexandre Z... au sujet du pourcentage des commissions versées sur le compte de Marie-Guylène X...,
épouse Y..., montrent que le profit tiré par celle-ci était bien supérieur au million d'euros ; qu'il apparaît ainsi que Marie-Guylène X..., épouse Y..., a agi en connaissance de cause en dehors de toute structure sociale, pour son compte personnel, et que le montant du cautionnement fixé par le juge d'instruction est parfaitement justifié ; que les risques de soustraction à l'action de la justice sont réels, puisque Marie-Guylène X..., épouse Y..., est originaire de l'Ile Maurice et qu'elle y a viré des sommes importantes, plus de 673 000 euros au total ; que l'ordonnance de placement sous contrôle judiciaire sera réformée afin de préciser que le cautionnement de la somme d'un million d'euros sera affecté à hauteur de 10 000 euros à la garantie de la représentation de la personne mise en examen à tous les actes de la procédure et pour l'exécution du jugement et à hauteur de 990 000 euros à la garantie du paiement de la réparation des dommages-intérêts causés par l'infraction et des amendes ; que, compte tenu de l'importance de la somme à consigner et du fait que partie au moins des commissions perçues a pu être investie dans l'immobilier, le délai imparti sera prorogé au 31 janvier 2007, un prêt bancaire relais pouvant d'ailleurs être sollicité ; qu'en outre, dans la mesure où des investigations doivent être encore accomplies, notamment par de nouvelles auditions au fond, voire des confrontations, afin d'établir précisément le rôle et l'étendue des responsabilités des différents protagonistes dans les faits objet de l'information ainsi que de fixer exactement le montant total des profits que chacun a pu en retirer, les dispositions de l'ordonnance déférée seront complétées par l'obligation faite à Marie-Guylène X..., épouse Y..., de s'abstenir de recevoir ou de rencontrer et d'entrer en relation de quelque façon que ce soit avec ses co-mis en examen afin d'éviter tout risque de concertation frauduleuse" ;
"alors que, premièrement, lorsque le juge met un cautionnement à la charge de la personne mise en examen dans le cadre d'un contrôle judiciaire, il doit préalablement s'expliquer en se plaçant à la date de sa décision sur les ressources de la personne mise en examen ; qu'en se bornant, en l'espèce, à faire état d'opérations passées (immeubles acquis par Marie-Guylène X..., épouse Y..., et prêt consenti à son fils), ou encore de gains réalisés, également par le passé, à propos des produits IMC, sans nullement faire état des ressources de Marie-Guylène X..., épouse Y..., à la date de leur arrêt, les juges du fond ont violé les textes susvisés et, en toute hypothèse, entaché leur décision d'insuffisance de motif au regard des textes susvisés ;
"alors que, deuxièmement, les juges du fond sont, en tout état de cause, tenus de s'expliquer sur les charges de la personne mise en examen ; qu'ayant omis de viser les charges de Marie-Guylène X..., épouse Y..., les juges du fond ont de nouveau violé les textes susvisés et, en tout cas, entaché leur décision d'une insuffisance de motifs" ;
Attendu que, pour confirmer l'ordonnance du juge d'instruction ayant prescrit le placement sous contrôle judiciaire de Marie-Guylène Y..., avec l'obligation de fournir un cautionnement d'un million d'euros, l'arrêt attaqué, après avoir rappelé les faits reprochés à l'intéressée et les indices de culpabilité retenus contre elle, énonce que le montant du cautionnement est justifié, notamment, pour garantir le paiement des sommes qui pourraient être dues aux parties civiles et qu'il n'est pas excessif, eu égard aux ressources de l'appelante ;
Attendu qu'en cet état, la chambre de l'instruction a justifié sa décision ;
Que, dès lors, le moyen doit être écarté ;
Et attendu que l'arrêt est régulier en la forme ;
REJETTE le pourvoi ;
Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ;
Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article
567-1-1 du code de procédure pénale : M. Cotte président, M. Chaumont conseiller rapporteur, M. Farge conseiller de la chambre ;
Greffier de chambre : Mme Randouin ;
En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;