Tribunal de grande instance de Paris, 27 juin 2014, 2012/17550

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2012/17550
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : IBIS
  • Classification pour les marques : CL01 ; CL30 ; CL35
  • Numéros d'enregistrement : 689365 ; 3939533 ; 1521768 ; 92405906 ; 98749353
  • Parties : IBIS BACKWARENVERTRIEBS GmbH (Allemagne) / LESAFFRE ET COMPAGNIE SA

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 27 Juin 2014 3èMe chambre 3ème section N° RG : I2/17550 Assignation du 17 Décembre 2012 DEMANDERESSE Société IBIS BACKWARENVERTRIEBS-GMBH Pascalstrasse 14 52076 AACIIHN 33442 ALLEMAGNE représentée par Maître Séverine GUYOT de la SCP LYONNET DU MOUTIER- VANCHER-LAHANQUE-GUYOT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0190 DEFENDERESSE Société LESAFFRE ET COMPAGNIE, SA [...] 75001 PARIS représentée pAr Maître Isabelle LEROUX de l'AARPI Salans F S Denton Europe, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0372 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie S, Vice Présidente. Mélanie B. Juge, signataire de la décision Nelly.CHRETIENNOT.Juge assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 19 Mai 2014, tenue publiquement, devant Mélanie B, Nelly CHRETIENNOT juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du Code de Procédure Civile JUGEMENT Prononcé par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort EXPOSE DU LITIGE Anciennement dénommée "Pro-Back Backwarenvertriebs GmbH", la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH (ci après la société IBIS) dénommée ainsi depuis 2010, a pour activité la fabrication et la commercialisation de produits de boulangerie industrielle. Elle est notamment titulaire de la marque internationale « IBIS » n°689365 visant la France, déposée le 13 Février 1998 pour désigner, entre autres, les produits pain, viennoiseries, pâtisseries relevant de la classe 30. La société LESAFFRE ET COMPAGNIE (ci-après la société LESAFFRE) a pour activité la commercialisation de produits de levures, améliorants de panification ou de mixes et blends. Elles délient notamment un portefeuille de quatre marques françaises semi-figuratives "IBIS" pour désigner des levures et des poudres pour faire lever, catégorie comprenant notamment des améliorants de panification. Le 17 décembre 2012, la société IBIS a fait assigner devant le tribunal de grande installée de Paris la société LESAFFRE en déchéance de .ses marques IBIS et en nullité de la marque française n°12.3.939,533 pour dépôt frauduleux. Dans ses dernières conclusions signifiées le 25 mars 2014, la société IBIS demande AU tribunal de :

Vu les articles

L.714-5. R.712-23 et R.714-3 du code de la propriété intellectuelle, l'article 2224 du code civil et 122 et 124 du code de procédure civile. - constater que la marque n" 1521768 du 3 mars 1989 couvrant les produits suivants : « Levures de panification ». n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux pour lesdits produits pendant une période de 5 ans.

En conséquence

. - Prononcer la déchéance des droits de la société LESAFFRE ET COMPAGNIE sur la marque n° 1521768 pour tous les produits visés à son enregistrement et ce avec un effet absolu à l'égard de tous à la date du cinquième anniversaire de l'entrée en vigueur de la loi du 4 janvier 1991, soit le 28 décembre 1996 ou, subsidiairement, avec effet cinq ans avant la date de la demande en déchéance, soit le 14 décembre 2007 : -Constater que la marque n° 92405906 du 17 février 1992 n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux pour lesdits produits pendant une période de 5 ans. En conséquence, - Prononcer la déchéance des droits de la société LESAFFRE ET COMPAGNIE sur la marque n° 92405900 pour tous les produits visés à son enregistrement et ce avec un effet absolu à l'égard de tous à compter de la date anniversaire des cinq ans de la publication de son enregistrement, soit le 27 août 1998, ou, subsidiairement, avec effet cinq ans avant la date de la demande en déchéance, soit le 14 décembre 2007 ; - constater que la marque n°98749353 du 12 septembre 1998 n'a pas fait l'objet d'un usage sérieux pour lesdits produits pendant une période de 5 ans. En conséquence. - prononcer la déchéance des droits de la société LESAFFRE ET COMPAGNIE sur la marque n°98749353 pour tous les produits visés à son enregistrement et ce avec un effet absolu à l'égard de tous à compter de la date anniversaire des cinq ans de la publication de son enregistrement, soit le 19 février 2004, ou, subsidiairement. avec effet cinq ans avant la date la demande en déchéance, soit te 14 décembre 2007. - Constater que la marque n°12.3.939.533 a été déposée de manière frauduleuse par la société LESAFFRE pour échapper à la déchéance de ses droits En conséquence. - prononcer la nullité de la marque n° 12.3,939.533 pour les produits suivants : « Farines: levure, poudre pour faire lever ; sel ». Sur les demandes reconventionnelles : - Déclarer la société LESAFFRE forclose à solliciter, à titre de demande reconventionnelle, la nullité de la partie française de la marque internationale n°689365. - Dire et juger que la partie française de la marque internationale n° 689365 a fait l'objet d'une exploitation réelle et sérieuse au cours des cinq dernières années ; En conséquence : - rejeter l'ensemble des demandes de la société LESAFFRE ET COMPAGNIE au titre de ses demandes reconventionnelles En toute hypothèse, - Dire que le jugement à intervenir sera inscrit sur réquisition du greffier au registre national des marques ou à la requête de la société IBIS, aux frais de la société LESAFFRE ET COMPAGNIE, une fois devenu définitif : dire et juger qu'à défaut de ce faire dans le mois qui suit la signification du jugement, la société IBIS pourra procéder elle-même à cette inscription sur simple production d'une expédition conforme du jugement et toujours aux frais de la société LESAFFRE ET COMPAGNIE. - Condamner la société LESAFFRE ET COMPAGNIE à verser à la société IBIS, la somme de 20.000 euros, par application de l'article 700 du code de procédure civile ; - Condamner la société LESAFFRE ET COMPAGNIE aux entiers dépens, lesquels seront recouvrés par la SELARL SCP LYONNET du MOUTIER- VANCHET- LAHANQUE- G, conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. A l'appui de ses demandes la société IBIS soutient qu'elle est bien recevable à agir en déchéance des droits de la société LESAFFRE au motif que les marques déposées par cette dernière couvrent des produits identiques ou similaires à ceux qu'elle exploite en France et que leur existence constitue alors une entrave à son développement économique. Sur le fondement de l'article L714-5 du code de la propriété intellectuelle, elle considère que la société LESAFFRE encourt la déchéance de sa marque n° 1 521 768, ne faisant pas preuve d'un usage sérieux de celle-ci pendant une période ininterrompue de cinq ans et fait valoir qu'elle ne peut se prévaloir d'une exploitation sous forme modifiée, les différences entre les deux signes étant importantes et altérant le caractère distinctif de la marque litigieuse. De plus, elle invoque l'absence d'exploitation des marques n° 92405906 et n°98749353 pour les produits visés à l'enregistrement el désignés dans le libellé, à savoir des levures. Selon elle, ces marques sont en réalité exploitées pour des améliorants de panification et non des levures el il s'agit dès lors de produits similaires el non identiques de sorte que l'usage des marques pour les uns ne saurait valoir usage pour les autres. Elle en conclut que ces deux signes encourent également la déchéance et que la société LESAFFRE ne saurait affirmer le contraire, cette dernière ayant pris soin de distinguer ces deux types de produits dans le libellé de ses marques communautaires postérieures. En ce qui concerne les autres produits couverts par les marques n° 92405906 et n°98749353, elle conclut tout autant à l'absence d'usage sérieux à défaut de pièce valables, lesquelles ne sont selon elle pas datées et aucun lien entre les produits visés par les factures et les marques objets de la déchéance n'étant établi. Enfin, elle affirme que si le tribunal venait tout de même à considérer ces preuves d'usage comme recevables, celles-ci ne vaudraient que pour une seule marque et non pour la marque n° 1 521 768. Elle prétend que le dépôt de la marque n°12 3939533 par la société LESAFFRE est frauduleux en ce qu'il a uniquement pour but de contourner l'obligation d'usage imposée par les dispositions de l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle afin d'échapper à la déchéance, en lui permettant de conserver un monopole sans intention de l'exploiter, ce qui est sanctionné par la jurisprudence française constante. Au titre de la demande reconventionnelle en déchéance de ses droits sur la partie française de l'enregistrement international n°689365, la société IBIS se prévaut d'un usage sérieux en France dès lors qu'elle mandate des sociétés afin de centraliser les achats de ses différents produits, fabriqués préalablement sous sa marque par des sociétés françaises, qui les lui réexpédient en Allemagne. Au titre de la demande reconventionnelle pour atteinte à la renommée de la marque antérieure IBIS de la société LESAFFRE du fait de l'usage du terme IBIS en tant que dénomination sociale et nom commercial, elle conteste avoir une activité commerciale en France sous un tel nom commercial, pas plus qu'un siège social ou un établissement secondaire et justifie par ailleurs le changement de sa dénomination sociale en 2010 par simple volonté de cohérence dans sa politique commerciale. Elle estime que la renommée alléguée n'est pas démontrée Elle ajoute qu'un tel moyen ne saurait prospérer davantage sur le fondement d'une atteinte à la renommée de la marque IBIS de la société LESAFFRE à raison du dépôt et de l'usage de la dénomination « IBIS» à titre de marque par la société IBIS, Elle déclare qu'à la date d'enregistrement de sa marque internationale le 13 février 1998, la société LESAFFRE était titulaire des marques figuratives IBIS associées à un oiseau mais ne détenait aucun droit privatif sur la dénomination verbale IBIS, de sorte que cette demande doit être rejetée. En tout état de cause, elle soutient que la société LESAFFRE s'est bornée à alléguer l'existence d'un préjudice dont elle ne rapporte pas la preuve. La demanderesse considère qu'elle ne s'est pas rendue coupable d'actes de concurrence déloyale dans la mesure où la société LESAFFRE commercialise des matières premières aux professionnels de la boulangerie alors qu'elle-même commercialise des produits finis au grand public et que par conséquent aucun risque de détournement de clientèle ne peut être avéré. Elle conteste également la demande reconventionnelle en nullité de la partie française de la marque n°689365 sur le fondement de l'atteinte à la renommée de la marque dont est titulaire la société LESAFFRE à raison du dépôt et de l'usage par la société IBIS de la dénomination « IBIS », en ce qu'une telle action est prescrite sur le fondement de l'article 2224 du code civil et de l'article 1.711-4 du code de la propriété intellectuelle. Elle relève que cette demande a été formulée non pas en tant qu'exception de nullité mais bien au titre d'une demande reconventionnelle et considère que la société LESAFFRE avait nécessairement connaissance de l'existence d'une atteinte à ses droits depuis plus de cinq ans, la marque n° 689365 étant enregistrée et exploitée en France depuis le 13 février 1998. Le tribunal ne pourra donc selon elle que constater que la société LESAFFRE est forclose à demander la nullité de la partie de française de la marque n°689365. Par ses dernières conclusions, la société LESAFFRE demande au tribunal de grande instance de Paris de : Vu les articles 1. 711-4. L.713-5, L. 714-3 et L 714-5 du code de la propriété intellectuelle. - Dire et juger la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH irrecevable à agir en déchéance des marques n° 1 521 768, n° 92 405 906 et n°98 749 353 dont est titulaire la société LESAFFRE ET COMPAGNIE et en nullité de la marque n°12 3 939 533 pour dépôt frauduleux : A titre subsidiaire et dans l'hypothèse où la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH serait déclarée recevable à agir en déchéance et en nullité de la marque n°12 3 939 533 pour dépôt frauduleux, - Constater que les marques n° 1 521 768. n° 92 405 906 et n°98 749 353 dont est titulaire la société LESAFFRE ET COMPAGNIE ont fait l'objet d'une exploitation sérieuse et publique au cours des cinq dernières années, -Dire et juger que la marque n° 12 3 939 533 de la société LESAFFRE ET COMPAGNIE n'a pas été déposée de manière frauduleuse ; En conséquence. - Débouter la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions. A titre reconventionnel : - Dire et juger que la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH ne justifie d'aucun usage sérieux en France de la partie française de l'enregistrement international n° 689 365 déposé le 3 février 1998 pour désigner les produits: « Pain, viennoiseries. Pâtisseries » et ce, pendant une période ininterrompue de cinq ans. En conséquence : -Dire et juger la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH déchue de ses droits sur la partie française de l'enregistrement international de la marque n°689 365 pour les produits suivants : « Pain, viennoiseries, pâtisseries ». - Dire et juger que cette déchéance a un effet absolu à compter de la date anniversaire des cinq ans de la publication de son enregistrement, soit le 7 mai 2003 ou, subsidiairement avec effet cinq ans avant la date de la demande en déchéance, soit le 4 avril 2009. - Dire et juger que la décision à intervenir sera inscrite en marge du registre national des marques sur réquisition du Greffier et transmission à l'Organisation Mondiale de la Propriété Intellectuelle (OMPI) dans le mois de son prononcé ou qu'à défaut, le tribunal autorisera la société LESAFFRE ET COMPAGNIE à y faire procéder. - Dire et juger les marques « IBIS » renommées. - Dire et juger que la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH en utilisant à titre de dénomination sociale et de nom commercial la dénomination « IBIS » fait une exploitation injustifiée des marques « IBIS » et cause un préjudice certain à la société LESAFFRE ET COMPAGNIE : En conséquence. - Condamner la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH à verser à la société LESAFFRE ET COMPAGNIE la somme de 300 000 euros en réparation du préjudice subi. A titre subsidiaire. - Dire et juger que la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH en avant déposé et en utilisant à titre de marque la dénomination «. IBIS » fait une exploitation injustifiée de la marque de renommée « IBIS » et cause un préjudice certain à la société LESAFFRE ET COMPAGNIE, - Constater que la société LESAFFRE ET COMPAGNIE n'est ni prescrite ni forclose à agir en nullité de la partie française de l'enregistrement international n°689365 dont est titulaire la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH sur le fondement des droits antérieurs qu'elle détient sur les marques « IBIS » n° 1 521 768 et n°92 405 906 conformément à l'article L.711-4 du code de la propriété intellectuelle. En conséquence : - Rejeter la fin de non-recevoir soulevée par la société IBIS Backwarenvertriebs- GmbH. - Prononcer la nullité de la partie française de l’enregistrement international n°689 365 sur le fondement de l'article L.714-3 du code de la propriété intellectuelle. - Interdire à la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH d'utiliser à quelque titre que ce soit et pour quelque produit que ce soit, a minima pour les levures et améliorants de panification et tous produits similaires, la dénomination « IBIS », et ce sous astreinte de 1.000 euros par infraction constatée à compter de la signification du jugement à intervenir. - Dire que le tribunal se réservera la liquidation des astreintes ainsi prononcées. - Ordonner la publication du jugement à intervenir dans cinq revues ou journaux, quotidiens, hebdomadaires ou mensuels, au choix de la société LESAFFRE ET COMPAGNIE, à hauteur de 5.000 euros HT par insertion, aux frais avancés de la société IBIS Backwarenvertriebs-GmblI, à titre de dommages-intérêts complémentaires, - Condamner la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH à verser à la société LESAFFRE ET COMPAGNIE la somme de 15.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. - Prononcer l'exécution provisoire de la décision à intervenir, nonobstant appel et sans constitution de garantie, - Condamner la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH en tous les dépens de l'instance, dont distraction au profit de Maître Isabelle Leroux. A l'appui de ses demandes la société LESAFFRE, soulève in limine litis l'irrecevabilité de la société IBIS à agir en déchéance et nullité de ses marques en ce qu'elle ne justifie pas, selon elle, de son intérêt à agir. Elle rappelle que l'action en déchéance de marque peut être engagée par « toute personne intéressée » et considère que cet intérêt réside dans le fait que l'existence de la marque inexploitée entrave l'activité économique du demandeur, notamment parce qu'elle l'empêche de commercialiser en France les produits désignés à l'enregistrement. Or, elle relève que l'activité de la société IBIS ne correspond pas aux produits désignés par sa marque et en déduit un défaut d'intérêt à agir. Elle ajoute que la société IBIS dispose d'une marque antérieure à la marque n°98 749 353 de la société LESAFFRE, et qu'elle ne peut donc prétendre que celle marque serait un obstacle à l'exercice de son activité pour les produits en cause. Si le tribunal ne retenait pas l'irrecevabilité ainsi soulevée, il ne pourrait selon elle que constater l'irrecevabilité de la société IBIS à agir en déchéance de ses droits pour tous les produits couverts par sa marque qui sont totalement étrangers à son activité réelle de boulangerie, à savoir tous les produits suivants : « café, thé, cacao, sucre, riz. tapioca, sagou. succédanés du café ; confiserie, glaces comestibles: miel, sirop de mélasse : sel. moutarde: vinaigre, sauces (à l'exception des sauces à salades) : épiées: glace à rafraîchir ». Elle affirme que si le tribunal écartait sa demande reconventionnelle en déchéance des droits de la société IBIS et constatait que celle dernière faisait bien un usage sérieux de sa marque, il devrait alors en déduire que la société IBIS ne subit aucune entrave à son activité, et qu'elle est par conséquent dépourvue d'intérêt à agir en déchéance des marques IBIS détenues par la société LESAFFRE. Selon elle, la société IBIS, irrecevable à agir en déchéance de ses droits, doit être déclarée également irrecevable à agir en nullité d'un dépôt prétendument effectué pour pallier les conséquences de cette déchéance. Elle ajoute que la société IBIS ne peut prétendre à une quelconque intention de nuire de sa part du fait du dépôt de sa marque, car il vise des produits différents de ceux couverts par la marque de le demanderesse, qui ne peut donc subir aucun préjudice de ce chef. Elle se prévaut de l'exception d'exploitation de sa marque n° 1 521 768 sous une forme modifiée, sur le fondement de l'interprétation de la Cour de Justice de l'Union Européenne tirée de l'article 10§2sous a)de la directive communautaire 89/104, considérant que les modifications visuelles apportées aux marques n°92 405 906 et n° 98 749 353 sont négligeables et ne suffisent pas à en altérer le caractère distinctif. Elle fait valoir que les éléments distinctifs de la marque encourant la déchéance se retrouvent dans les marques modifiées, que les modifications portant sur l'élément graphique constitué par l'oiseau et le terme « IBIS » sont mineures, la différence majeure ne portant que sur l'élément secondaire « levure sèche de panification ». Partant, elle se considère légitime à rapporter la preuve de l'usage sérieux de sa marque en se prévalant de l'exploitation de cette dernière sous une forme modifiée. Elle affirme qu'un usage pour des améliorants de panification ne diffère pas d'un usage pour des levures, produits vises à l'enregistrement, le libelle des produits visés devant s'apprécier par rapport à la fonction d'indication d'origine de la marque. Elle considère que le consommateur ne saurait être à même de distinguer les « améliorants de panification », des « poudres pour faire lever », ou encore des « levures », ainsi que des « levures de panification », ces produits ayant une fonction commune et appartenant à une même catégorie générale. Elle en déduit que l'usage des «améliorants de panification » vaut nécessairement usage des « poudres pour faire lever » et « levures » contrairement à ce qu'affirme la société IBIS. Elle prétend rapporter la preuve d'un usage continu pendant les cinq dernières années. Elle considère que la marque n° 12 3 939 533 n'a nullement été déposée frauduleusement afin de contourner l'obligation d'usage imposée par les dispositions de l'article L.714-5 du code de la propriété intellectuelle, qu'en tout état de cause la société IBIS n'est pas à même de démontrer une telle intention frauduleuse et qu'il ne peut alors lui être interdit de déposer une marque qui serait identique ou similaire à une marque sur laquelle elle détient des droits antérieurs, d'autant que ce nouveau dépôt vise des produits plus larges que les dépôts précédents. Elle excipe de la déchéance des droits de la société IBIS sur sa marque dénominative, les pièces communiquées étant selon elle insuffisantes pour certifier d'un usage au cours des cinq dernières années en France. Elle ajoute enfin que si le tribunal devait constater l'existence d'un usage pour des produits de « viennoiseries », il devrait retenir l'absence de tout usage pour les autres produits visés au libellé de la marque contestée, à savoir « pain, pâtisseries ». La société LESAFFRE considère qu'en choisissant d'adopter la dénomination « IBIS » comme dénomination sociale et nom commercial pour désigner une activité de boulangerie, la demanderesse se met nécessairement dans le sillage et la renommée de sa marque « IBIS », qui se dit garante depuis plus de 50 ans d'un savoir-faire et d'une qualité, uniques, qui permettent entre autre d'asseoir la renommée de sa marque, ce qui est constitutif de parasitisme à son préjudice. Elle souligne le changement de dénomination sociale opéré en 2010 par la société IBIS, anciennement « Pro- Back BacKwarenvertriebs GmbH », qui illustrerait la volonté parasitaire de cette dernière de tirer profit de la renommée de sa marque IBIS. Elle conclut à une confusion auprès de ses clients, quant à la nature exacte de son activité et dit craindre que ces derniers la considèrent comme un concurrent direct qui tenterait de détourner leur clientèle. Enfin, elle déduit des agissements de la société IBIS une atteinte au caractère attractif et distinctif de sa marque et donc à sa valeur économique, mais également à sa fonction de garantie d'origine, compte tenu du fait que le public ne sera plus en mesure d'associer immédiatement sa marque et les produits pour lesquels elle est enregistrée. Elle fait valoir que les marques « IBIS » n°1521768 et n°92 405 906 dont est titulaire la société LESAFFRE, constituent un droit antérieur conformément à l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle, lui conférant tout intérêt à solliciter la nullité de la partie française de l'enregistrement international n° 689 365 sur le fondement de l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle. Elle conteste toute prescription de cette demande au motif qu'il s'agit d'un moyen de défense à l'action en déchéance de la société IBIS formée à son encontre et fait valoir que cette exception de nullité est imprescriptible. Elle s'oppose à toute prescription et toute forclusion en arguant de son ignorance de la marque dont elle n'a eu connaissance qu'à la date à laquelle la société IBIS a formé opposition, devant l'OHMI, au dépôt de sa marque communautaire « IBIS », le 27 novembre 2011, soit il y a moins de cinq ans, de sorte qu'une action en nullité de la partie française de la marque internationale n°689 365 n'est pas forclose. Elle affirme qu'il n'est aucunement nécessaire de détenir des droits uniquement sur l'élément verbal pour pouvoir l'opposer à un tiers, de surcroît, si ces droits portent sur un signe distinctif. Elle conclut qu'elle est légitime à solliciter la nullité de l'enregistrement de la marque IBIS litigieuse sur le fondement de ses droits antérieurs, conformément aux dispositions de l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle. EXPOSE DES MOTIFS Sur les fins de non-recevoir Sur la recevabilité de l'action en déchéance Aux termes de l'article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle. "Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n'en a pas fait un usage sérieux pour les produits et services visés dons l'enregistrement pendant une période ininterrompue de cinq ans. La déchéance peut être demandée par toute personne intéressée ". Cet article reprend la règle générale posée par l'article 31 du code de procédure civile aux termes duquel le demandeur doit justifier d'un intérêt légitime au succès de sa prétention. L'intérêt à agir, qui doit être examiné au jour de la demande en déchéance, s'apprécie le plus souvent au regard de l'activité économique réellement exercée mais il ne lui est pas nécessairement lié, pas plus qu'il n'est subordonné à la validité d'une marque antérieure, le tiers devant seulement démontrer que son action est inspirée d'un intérêt légitime, pouvant naître d'une entrave potentielle à une activité économique si celle-ci est sérieusement envisagée. En conséquence, a intérêt à agir l'agent économique qui intervient sur le même marché que le titulaire de la marque dont la déchéance est requise pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux visés à l'enregistrement. La société IBIS sollicite la déchéance des droits de la société LESAFFRE sur les 3 marques françaises : n° 1 521 768 du 3 mars 1989 désignant les Levures de panification relevant de la classe 30 ; N°92 405 906 du 17 février 1992 désignant les produits suivants : "café, thé, cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café, farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles, miel, sirop de mélasse, levure, poudre pour faire lever, sel. moutarde, vinaigre, sauces (a l'exception de sauces à salades) épices. glace à rafraîchir", relevant de la classe 30 : n° 98 749 353 du 12 septembre 1998 désignant les produits suivants : "café, thé. cacao, sucre, riz, tapioca, sagou. succédanés du café ; farines et préparations faites de céréales, pain, pâtisserie et confiserie, glaces comestibles; miel, sirop de mélasse ; levure, poudre pour faire lever; sel, moutarde: vinaigre, sauces (a l'exception des sauces à salades) ; épices; glace a rafraîchit" " relevant de la classe 30. La société IBIS indique exploiter une activité de fabrication et de distribution des produits de boulangerie "pain, viennoiseries et pâtisserie". Son activité, telle qu'elle est déclarée au registre des sociétés allemand, porte sur "le commerce des produits de boulangerie de toute sorte, ainsi que toutes les activités y liées". Elle produit par ailleurs un extrait de son site internet dans lequel elle indique en français qu'elle fabrique et commercialise des produits de boulangerie. Au regard de cette activité réelle, les marques semi-figuratives "IBIS" n° 92 405 916 et n° 98 749 353 visant les produits "pain" et "pâtisserie" causent un risque sérieux d'entrave au développement de l'activité de la demanderesse, exploitée sous le signe IBIS. Les levures de panification, levure, poudre pour faire lever, ainsi que les farines et préparations faites de céréales étant des ingrédients entrant dans la composition du pain et des pâtisseries, ils sont complémentaires à ces produits et la demanderesse sera déclarée recevable à agir de ce chef à rencontre des trois marques litigieuses. En revanche, si la confiserie et les glaces comestibles, peuvent être distribuées auprès de la même clientèle et dans des points de vente identiques (boulangerie- pâtisserie ou grandes surfaces), il s'agit de produits distincts du secteur de la boulangerie au regard de leur mode de fabrication et de leur circuits de distribution et la société IBIS sera déclarée irrecevable à agir en déchéance des marques n° 92 405 906 et n° 98 749 353 pour ces produits. Enfin, la société IBIS n'allègue ni ne justifie d'aucun intérêt à agir en déchéance des marques pour les produits suivants : café, thé. cacao, sucre, riz, tapioca, sagou, succédanés du café ; miel, sirop de mélasse ; sel, moutarde; vinaigre, sauces (a l'exception des sauces à salades) ; épices; glace a rafraîchir". Elle doit donc être déclarée irrecevable à agir à l’égard de ces produits et services visés par les marques Il sera ajouté que l'existence et l'exploitation de sa marque dénominative internationale antérieure "IBIS" déposée le 13 février 1998, qui vise la France et désigne les pains, viennoiseries et pâtisseries ne fait pas obstacle à son intérêt à agir. En effet, l'action tirée de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle n'est pas subordonnée au sort d'une marque, puisque l'intérêt à agir ne s'apprécie qu'au regard de l'activité réelle exercée par la société demanderesse. Ce moyen soulevé par la défenderesse est donc inopérant, la société IBIS ayant intérêt à voir prononcée la déchéance des marques qui risquent d'entraver son activité économique indépendamment de l'existence ou non d'une marque. Sur la recevabilité de la demande en nullité de la marque française n° 12 3939533 La défenderesse prétend que l'irrecevabilité des demandes en déchéance formées par la société IBIS rend irrecevable son action en nullité pour dépôt frauduleux de la marque n°12 3939533 dès lorsque celle-ci est fondée sur l'intention frauduleuse de la société LESAFFRE d'éviter la déchéance de ses droits pour des produits qu'elle n'exploite pas en déposant indûment de nouvelles marques. Cependant, ce moyen qui suppose d'apprécier le caractère frauduleux du dépôt, s'analyse en un moyen de défense qui sera apprécié par le tribunal statuant au fond et ne constitue pas une fin de non-recevoir. Sur la déchéance des droits de la société LESAFFRE sur ses marques semi- figuratives IBIS Conformément aux dispositions de l'article L. 714-5 du code de la propriété intellectuelle rappelées ci-dessus, le délai de cinq ans générateur de déchéance commence à courir à compter de la publication des marques litigieuses. Il est constant que pour échapper à la déchéance, le titulaire d'une marque doit démontrer un usage sérieux de cette marque pour les produits ou services désignés, la commercialisation d'un autre produit ou la fourniture d'un autre service ne pouvant faire échec à la demande en déchéance, qui doit s'apprécier produit par produit, compte tenu du principe de spécialité du droit des marques. - Sur l'usage sérieux de la marque n°I 521 768 sous une forma modifiée Dans l'arrêt Rintisch.C-553/11 du 25 octobre 2012. la CJUE a dit pour droit que le titulaire d’une marque enregistrée peut, aux fins d'établir son usage, se prévaloir de son utilisation dans une forme qui diffère de celle sous laquelle cette marque a été enregistrée sans que les différences entre ces deux formes altèrent le caractère distinctif de cette marque, et ce nonobstant le fait que cette forme différente a elle- même été enregistrée en tant que marque. Le tribunal constate que les éléments distinctifs de la marque première étaient d'une part l'élément verbal "IBIS" et d'autre part le dessin d'un ibis en vol La mention accessoire "Levure sèche de panification ", au demeurant purement descriptive, ne revêt en effet aucun caractère distinctif et sa disparition n'a aucun impact sur la perception du signe. Or, l'exploitation du signe Reprend les deux éléments distinctifs De la marque attaquée dès lors que l’interversion de l’élément central, l’agrandissement de l’élément verbal, la modification de la stylisation de l'oiseau ainsi que le changement du sens de son envol constituent des évolutions mineures répondant aux exigences de modernisation de la marque. La comparaison de ces deux signes permet de constater que ne resteront en mémoire des consommateurs moyennent attentifs, à savoir les boulangers professionnels, que la présence d'un oiseau en vol et l'élément verbal de la marque IBIS, qui assurent à eux-seuls la fonction de garantie d'origine. Dès lors, le signe second, même déposé en tant que marques n° 92 405 906 et n° 98 749 353, n'altère pas le caractère distinctif de la marque semi-figurative n° 1 521 768 et son exploitation vaut usage de la marque première, dont la déchéance est sollicitée. - Sur l'usage de la marque pour les produits visés un dépôt La société IBIS prétend que les levures sont des produits distincts des améliorants de panification qui sont seuls commercialisés par la société LESAFFRE sous le signe semi-figuratif IBIS. La défenderesse soutient au contraire que la levure entre dans les catégories des améliorants de panification et souligne que les levures ne sont pas exclusivement végétales compte tenu de l'existence des levures désactivées, qui agissent comme agent réducteur de gluten et ont donc la même fonction et la même destination que les améliorants de panification, L'appréciation de l'identité ou de la similarité des produits en droit des marques doit tenir compte de la fonction de garantie d'origine, sans qu'il soit nécessaire de distinguer artificiellement des produits qui sont identiques aux yeux du consommateur. Si la société LESAFFRE distingue sur son site internet d'une part les levures et d'autre part les améliorants de panification, distribués sous forme de farine, elle précise néanmoins qu'elle développe une large gamme d'améliorants, combinaisons d'ingrédients qui améliorent la pâte et permettent par exemple d'optimiser l'action de la levure par la régularisation de la fermentation et d'augmenter les capacités de rétention gazeuse. Ainsi, aux yeux du public constitué de boulangers-pâtissiers professionnels, les levures et les améliorants de panification appartiennent à la même catégorie de produits, destinés à améliorer la fabrication et la conservation du pain. Un effet, ils ont la même finalité, sont destinés au même public et .sont distribués par les mêmes acteurs du marché pour être intégrés dans des produits identiques à savoir les pains, viennoiseries et pâtisserie au stade de leur fabrication. Le tribunal relient donc qu'il s'agit de produits identiques d'autant que les dépôts litigieux ne les distinguent pas. La société LESAFFRE verse au débat des documentations commerciales et des factures qui permettent d'établir une distribution de manière continue sous la marque IBIS des adjuvants de panification dénommés' IBIS VERT", "IBIS VIENNOISERIES", "IBIS VIOLET", "IBIS ROUGE", "IBIS BLEU" ou encore "IBIS MOELLEUX" entre le 14 janvier 2003 et le 25 mars 2013 à de nombreux clients et dans des quantités importantes. Elle démontre donc un usage sérieux et continu de ses marques IBIS pour les levures de panification, levure, poudre pour faire lever, ainsi que les farines. Le dernier usage prouvé remontant à moins de 5 ans au jour de l'assignation, la déchéance n'est acquise pour aucune des marques IBIS concernant ces produits. En revanche, aucun usage de la marque IBIS semi-figurative n'est alléguée ni démontrée pour le pain, la pâtisserie et les préparations faites de céréales. Le simple lait que ces ingrédients qu'elle commercialise soient intégrés dans la préparation de ces produits est insuffisant à faire obstacle à la déchéance, des lors que ses marques restent inconnues de la clientèle finale, La déchéance partielle des marques françaises n° 92 405 906 et n° 98 749 353 sera donc prononcée pour le pain, la pâtisserie et les préparations faites de céréales à l'expiration du délai de 5 ans suivant le prononcé de leur publication soit à compter du 27 août 1998 pour la première et du 19 février 2004 pour la seconde, puisqu'aucun usage n'est intervenu depuis les enregistrements. Sur le dépôt frauduleux de la marque n° 98 749 353 En application du principe "fraus omnia corrumpit". un dépôt de marque est entaché de fraude dès lors qu'il a été opéré pour détourner le droit des marques de sa finalité, c'est à dire non pas pour distinguer des produits et services en identifiant leur origine, mais pour priver des concurrents du déposant ou tous les opérateurs d'un même secteur, d'un signe nécessaire à leur activité. Le caractère frauduleux s'apprécie au jour du dépôt, il ne se présume pas et la charge de la preuve de la fraude pèse sur celui qui l'allègue. La société IBIS prétend que le dépôt de la marque n° 12 3939533 en date du 7 août 2012 a été fait par la société LESAFFRE dans le seul but d'échapper à la déchéance de ses droits sur les marques n°92 405 906 et n°98 749 353 et de s'assurer un monopole sur le signe y compris sur des produits qu'elle n'exploite pas. Cependant, le tribunal constate que si ce dépôt porte sur le signe protégé par les deux enregistrements préexistants, il vise néanmoins de nouveaux produits en classe 1, tels que "améliorant de panification, enzymes destinées à l'industrie de la boulangerie, améliorants de la pâte, exhausteurs de goût pour produits alimentaires, additifs pour fermentation, enzymes destinées à la fermentation" et en classe 30 : "levain; ferments pour pâte, arômes et préparations aromatiques à usage alimentaire ; mélange pour faire des produits de boulangerie ; mélange de boulangerie; préparation à base de levure pour pain, viennoiserie et pâte à pizza". Cette extension de l'objet de la protection répond aux évolutions du secteur économique concerné et ne comporte aucune intention frauduleuse mais démontre une volonté de conforter et d'adapter les droits antérieurement détenus. Par ailleurs, les produits inexploités désignés dans les dépôts antérieurs, à savoir : "préparations faites de céréales, pain pâtisserie et confiserie, glaces comestibles ; miel ; sirop de mélasse" ont été retirés de l'enregistrement le 13 janvier dernier. 11 s'ensuit que la fraude n'est pas établie et la demande en nullité de la marque n° 12 3939533 doit donc être rejetée. Sur les demandes reconventionnelles - Sur la déchéance de la partie française de la marque internationale IBIS n° 689 365 L'appréciation du caractère sérieux de l'usage de la marque doit tenir compte de l'ensemble des faits et des circonstances propres à établir la réalité de son exploitation commerciale auprès du public pertinent et plus particulièrement les usages justifiés dans le secteur économique concerné pour maintenir ou créer des parts de marché au profit des produits ou services protégés par la marque. À cet égard, les produits visés par la marque attaquée sont les pains, viennoiserie et pâtisseries et le public pertinent est donc le grand public. Pour établir un usage sérieux de sa marque sur le territoire français, la société IBIS produit une simple copie écran de son site internet dépourvue de date certaine et en tant que telle de toute force probante. Elle produit par ailleurs des extraits de ses catalogues 2010, 2011 et 2012 rédigés en allemand qui sont de ce fait dépourvus de pertinence pour démontrer un usage auprès des consommateurs français, étant relevé que la présence de dénominations françaises sur les conditionnements (mini-chinois, baguette, brioche) sont accessoires alors que toutes les autres mentions sont rédigées en allemand. Toutefois, la société IBIS produit trois attestations de sociétés françaises qui indiquent fabriquer et emballer en France les produits de viennoiseries et boulangerie et les expédier à la société IBIS en Allemagne revêtus de la marque litigieuse sur les conditionnements. La société allemande produit des bons de commande et factures démontrant que ses produits ont bien été fabriqués en France et livrés sous la marque IBIS par les attestants en 2010, 2011 et 2012. Or, en vertu de l'article L. 714-5, alinéa 2 c) du code de la propriété intellectuelle, l'apposition de la marque sur des produits ou leur conditionnement exclusivement en vue de l'exportation est assimilé à un usage sérieux. Par conséquent, l'apposition de la marque en France en vue de son exportation constitue un usage sérieux et la société LESAFFRE sera déboutée de sa demande en déchéance de la marque IBIS n° 689 365. - Sur l'atteinte à la marque renommée IBIS dont la société LESAFFRE est titulaire La défenderesse considère que l'adoption et l'exploitation de la dénomination sociale et du nom commercial "IBIS" constitue un acte parasitaire à son égard au motif que la demanderesse tire un profit injustifié de la renommée de sa marque. La défenderesse dénie toute activité commerciale en France et subsidiairement, conteste la renommée de la marque qui lui est opposée. 11 convient de rappeler à titre liminaire que le principe est celui de la liberté du commerce et que ne sont sanctionnés au titre de la concurrence déloyale ou parasitaire que des comportements fautifs au sens de l'article 1382 du code civil. Le parasitisme est caractérisé par la circonstance selon laquelle, à titre lucratif et de façon injustifiée, une personne morale ou physique copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements de façon à profiter sans bourse délier des investissements de son concurrent. En l'espèce, la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH n'a d'activité en France que pour la fabrication et l'exportation de produits de boulangerie et viennoiseries auprès d'industriels français et il n'est pas établi que ses produits sont en contact avec le public français. Il ressort en effet des pièces versées au débat que son activité en France se limite à des relations avec ses fournisseurs et encore est-ce sous l’entête PRO BACK GmbH & Co ou Hauck + Hauck. La société LESAFFRE excipe de la renommée de sa marque et produit à ce titre un sondage auprès des artisans boulangers-pâtissiers, qui sont les consommateurs finaux des produits qu'elle distribue sous la marque IBIS. Ainsi, l'usage du signe "IBIS Backwarenvertriebs-GmbH" n'est pas démontré en France auprès du public de la marque IBIS et les produits concernés sont distincts tant par leur Filière de fabrication que par leur circuit de distribution. Aucun lien entre les deux signes n'est donc établi dans l'esprit des publies de chaque partie et aucun profit tiré de la force attractive attachée à la renommée de la marque n'est démontré. Dès lors, aucun agissement parasitaire de la société IBIS n'est établi et la société LESAFFRE sera déboutée de cette demande. - Sur la nullité de la partie française de la marque internationale IBIS La société LESAFFRE sollicite à titre reconventionnel la nullité de la partie française de la marque internationale "IBIS" déposée le 13 février 1998 et enregistrés sous le n° 689 365 pour désigner notamment les produits suivants « Pain, viennoiseries. pâtisseries >. La société IBIS soulève la prescription de cette demande en application de l'article 2224 du code civil ou sa forclusion au titre de l'article L. 711-4 du code de la propriété intellectuelle. La société LESAFFRE prétend que sa demande .s'analyse en un moyen de défense au fond pour faire obstacle à la demande principale en déchéance mais le tribunal observe qu'aucune demande principale n'est fondée .sur celle marque internationale. Par conséquent, la demande en nullité de la marque dont la société IBIS est titulaire constitue une demande reconventionnelle au sens de l'article 64 du code de procédure civile puisqu'elle prétend obtenir un avantage autre que le simple rejet de la demande en déchéance. Compte tenu de son autonomie à l'égard du litige principal, il ne s'agit pas d'une exception dont l'action serait perpétuelle et les règles de la forclusion, qui priment sur les règles générales de la prescription civile, ont vocation à s'appliquer. Or, en vertu de l'article L. 714-3 du code de la propriété intellectuelle. "seul le titulaire d'un droit antérieur peut agir en nullité sur le fondement du l'article L711-4. Toutefois, son action n 'est pas recevable si la marque a été déposée de bonne foi et s'il en a toléré l'usage pendant cinq ans ". La mauvaise foi du dépôt n'est ni alléguée ni établie. Le tribunal constate que la marque internationale qui vise la France a été déposée le 13 février 1998 soit il y a plus de seize ans. Au regard de l'ancienneté de la marque contestée, le tribunal considère que la société LESAFFRE en a toléré l'usage et qu'elle ne peut sérieusement soutenir l'avoir découverte en 2011 à l'occasion d'un recours en opposition formé par la société IBIS à son encontre devant l'OHMI, alors qu'elle se plaint d'un trouble causé à son activité commerciale en raison de l'exploitation de ladite marque. Dès lors, la société LESAFFRE est forclose et donc irrecevable en ses demandes reconventionnelles en nullité de la partie française de la marque internationale "IBIS" fondées sur l'atteinte à sa marque antérieure et sur l'atteinte à la renommée de ses marques. Sur les autres demandes Partie perdante, la société LESAFFRE devra supporter les entiers dépens de la présente instance et devra en outre payer à la société IBIS Backwarenvertriebs- GmbH la somme de 8 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Au regard de la nature de la décision, il n'y a pas lieu d'en ordonner l'exécution provisoire, l'inscription au registre national des marques ne pouvant intervenir avant que le jugement acquiert un caractère définitif.

PAR CES MOTIFS

, LE TRIBUNAL, par jugement rendu publiquement, par mise à disposition au greffe, contradictoire et en premier ressort. DECLARE recevable l'action en déchéance de la société IBIS Backwarenvertriebs GmbH à l'encontre des marques françaises n° 1 521 768. n° 92 405 906 et n° 98 749 353 pour les levures de panification, levure, poudre pour faire lever, ainsi que les farines et préparations faites de céréales, pain et pâtisserie : DECLARE la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH irrecevable à agir en déchéance des marques n° 92 405 906 et n° 98 749 353 pour les autres produits visés à leur enregistrement : REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par la société LESAFFRE ET COMPAGNIE à l'encontre de la demande en nullité de la marque 12 3 939 533 ; PRONONCE la déchéance partielle des droits de la société LESAFFRE ET COMPAGNIE sur la marque n° 92 405 906 pour les "pain, pâtisserie et préparations faites de céréales" à compter du 27 août 1998; PRONONCE la déchéance partielle des droits de la société LESAFFRE ET COMPAGNIE sur la marque n° 98 749 343 pour les ""pain, pâtisserie et préparations faites de céréales" à compter du 19 février 2004 : DEBOUTE la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH de ses autres demandes en déchéance et de sa demande en nullité de la marque n° 12 3939533 ; DIT que le présent jugement, une fois devenu définitif, sera transmis par le greffe ou la partie la plus diligente à l'Institut national de la propriété industrielle en vue de sa transcription en marge du registre national des marques ; DECLARE irrecevable la demande reconventionnelle en nullité de la partie française de la marque internationale "IBIS" déposée le 13 février 1998 et enregistrés sous le n° 689 365 : DEBOUTE la société LESAFFRE ET COMPAGNIE de ses autres demandes reconventionnelles; CONDAMNE la société LESAFFRE ET COMPAGNIE aux entiers dépens de l'instance, qui pourront être directement recouvrés par la SELARL SCP LYONNET du MOUTIER-VANCHET-LAHANQUE-GUYOT conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile : CONDAMNE la société LESAFFRE ET COMPAGNIE à payer à la société IBIS Backwarenvertriebs-GmbH la somme de 8 000 euros (HUIT MILLE EUROS) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ; Dit n’y avoir lieu d'ordonner l'exécution provisoire de la présente