Cour d'appel de Rennes, 28 juin 2016, 2014/00872

Mots clés contrat · modèle · qualités · propriété intellectuelle · prescription · nullité · dessins et modèles · loups · procédure civile · licence · enregistrement · cave · liquidateur · principal · propriété

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel de Rennes
Numéro affaire : 2014/00872
Domaine de propriété intellectuelle : DESSIN ET MODELE
Numéros d'enregistrement : 014360-001 ; 051492-001 ; 051492-002 ; 051492-003
Parties : D (Roger) ; D (Roger, es qualité de liquidateur amiable de la SARL MONTS-LOUP) / Y (Pierre Joseph Marie)
Président : Monsieur Alain POUMAREDE

Texte

COUR D'APPEL DE RENNES ARRÊT DU 28 juin 2016

3ème Chambre Commerciale R.G : 14/00872

COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Monsieur Alain POUMAREDE, Président, Mme Brigitte ANDRE, Conseiller, Madame Véronique JEANNESSON, Conseiller, rédacteur

GREFFIER : Madame Béatrice F, lors des débats, et Mme Julie R, lors du prononcé,

DÉBATS : À l'audience publique du 19 avril 2016

ARRÊT : Contradictoire, prononcé par Madame Brigitte ANDRE, Conseiller faisant fonction de Président de chambre, publiquement le 28 juin 2016 par mise à disposition au greffe comme indiqué à l'issue des débats

APPELANTS : Monsieur Roger DESMONTS Représenté par Me Arnaud FOUQUAUT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

Monsieur Roger DESMONTS Es qualité de « Liquidateur amiable » de la « SARL MONTS-LOUP » (immatriculée au RCS d'Alençon sous le numéro 490 316 742) Représenté par Me Arnaud FOUQUAUT, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de RENNES

INTIMÉ : Monsieur Pierre Joseph Marie Y Représenté par Me Michel PEIGNARD, Plaidant/Postulant, avocat au barreau de VANNES

I - EXPOSÉ DU LITIGE: Monsieur Y a créé un dispositif de cave à vins enterrée et extractible pour lequel un brevet a été déposé auprès de l'INPI le 28 décembre 1990, ainsi qu'un modèle de stockage destiné à recevoir des casiers à bouteille, à savoir un bac étanche extractible, déposé le 18 juillet 2001, trois modèles d'étagères déposées le 14 mars 2005 et un modèle de dispositif de stockage souterrain extractible déposé le 4 octobre 2006.

La marque française Caventer afférente à ce dispositif de cave à vins enterrée a été déposée par Monsieur Y le 11 août 2004.

Aux fins de commercialiser son produit, ce dernier est entré en relation avec Monsieur Desmonts lequel a acquis la licence Caventer comprenant le modèle de stockage et les trois modèles d'étagère aux termes d'un contrat conclu le 16 mars 2006 et d'un avenant signé le 30 mai 2006.

Le 8 juin 2006, la SARL Monts Loups a été immatriculée au Registre du Commerce et des Sociétés de la Roche sur Yon avec pour associé et gérant Monsieur Desmonts.

Au cours de l'année 2007, Monsieur Desmonts a pris attache avec l'INPI afin d'obtenir des renseignements sur la validité du brevet et des quatre dessins et modèles concédés ainsi que sur l'étendue de la protection légale attachée à ceux-ci.

Dans une correspondance en réponse datée du 21 août 2007, l'INPI a indiqué que Monsieur Y avait renoncé à maintenir le brevet sur le dispositif de cave enterrée à compter du 31 août 2006 de sorte que le brevet était tombé dans le domaine public, et rappelait pour mémoire que la protection des dessins et modèles ne s'appliquait pas à leur aspect fonctionnel mais simplement aux éléments esthétiques nouveaux, incitant Monsieur Desmonts à consulter en urgence un conseil en propriété industrielle.

Par lettre recommandée avec demande d'avis de réception en date du 29 décembre 2009, Monsieur Y a mis un terme au contrat de licence.

Par acte du 10 juin 2010, la SARL Monts Loups a fait assigner Monsieur Y devant le tribunal de grande instance de Rennes aux fins de voir prononcer la nullité des enregistrements et modèles objet du contrat de licence et la nullité subséquente du contrat de licence non causé avec restitution de la somme de 53 222 € perçue par Monsieur Y assortie des intérêts au taux légal à compter du jugement.

Par conclusions signifiées le 16 décembre 2011, Monsieur Desmonts en son nom personnel est intervenu volontairement à l'instance.

Par décision de l'assemblée générale extraordinaire du 30 septembre 2012, la SARL Monts Loups a été dissoute amiablement et Monsieur Desmonts a été désigné en qualité de liquidateur amiable. Par jugement en date du 26 novembre 2013, le tribunal de grande instance de Rennes a notamment :

- déclaré Monsieur Desmonts es qualités de liquidateur de la SARL Monts Loups et en son nom personnel recevable en son action et en son intervention volontaire,

- déclaré prescrite l'action engagée à l'encontre de Monsieur Y par la SARL Monts Loups représentée par Monsieur Desmonts es qualités et en son nom personnel,

-débouté Monsieur Y de sa demande reconventionnelle pour procédure abusive,

- condamné Monsieur Desmonts es qualités et en son nom personnel à payer à Monsieur Y la somme de 2000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté le surplus des demandes,

-condamné Monsieur Desmonts es qualités et en son nom personnel aux dépens.

Monsieur Desmonts en sa double qualité a interjeté appel de cette décision le 5 février 2014.

Il sollicite notamment de :

Vu les articles 66, 325 et 326 du code de procédure civile,

Vu l'article 2262 ancien du code civil et l'article 26 II de la loi du 17 juin 2008,

Vu les articles 1131, 1315 et 2224 du code civil,

Vu l'article R.210-5 alinéas 1 et 2 du code de commerce,

Vu les articles L.511-1 à L.511-8 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l'article L.512- 4 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l'article R.512-3 du code de la propriété intellectuelle,

Vu l'ensemble des pièces versées aux débats,

Vu la jurisprudence citée,

' infirmer en toutes ses dispositions le jugement entrepris par le tribunal de grande instance de Rennes le 26 novembre 2013 ; Statuant à nouveau :

' déclarer Monsieur Roger Desmonts recevable et bien-fondé aussi bien à titre personnel qu'en qualité de liquidateur amiable de la sarl monts loup ;

À titre principal,

' dire et arrêter que Monsieur Y savait dès le départ de la relation contractuelle avec Monsieur Desmonts qu'une société se substituerait à celui-ci à compter son immatriculation pour l'exécution du contrat de licence conclu le 16 mars 2006 et de son avenant conclu 30mai 2006 ;

' dire et arrêter que la SARL Monts Loup, régulièrement immatriculée au rcs de la Roche S/Yon à compter du 8 juin 2006, a rétroactivement repris pour son compte le contrat de licence conclu le 16 mars 2006 ainsi que l'avenant conclu 30 mai 2006

conformément aux dispositions de ses statuts.

' débouter Monsieur Y de l'intégralité de ses demandes, fins et prétentions,

En conséquence,

' déclarer que la SARL Monts Loups a bien qualité à agir en justice dans le cadre de la présente instance ;

' déclarer la SARL Monts Loups recevable et bien fondée en ses demandes.

Sur le fond des débats :

' dire et arrêter que la SARL Monts Loups représentée aujourd'hui par son liquidateur est recevable en son action en justice puisque cette action a régulièrement été engagée dans le délai non couvert par la prescription ;

' dire et arrêter que le modèle n° 014360-001 déposé le 18 juillet 2001 représentant une potence d'extraction ne respecte pas les conditions de dépôt imposées par l'article R.512-3 du code de propriété intellectuelle ;

' dire et arrêter que ce même modèle n°014360-001 déposé le 18 juillet 2001 ne possède aucune caractéristique esthétique et/ou ornementale et que sa forme est strictement imposée par la fonction recherchée à savoir l'extraction d'un casier à bouteilles ; ' dire et arrêter que les modèles n°051492-001, n°051492-002 et n°051492-003 déposés le 14 mars 2005 ne présentent aucune valeur esthétique et/ou ornementale et que leur forme représentant un dispositif fonctionnel de stockage enterré de bouteilles de vin (étagères en bois formant des modules de rangement pour bouteilles dans une coque enterrée) est exclusivement dictée par la fonction ;

' dire et arrêter que les modèles n°051492-001, n°051492-002 et n°051492-003 déposés le 14 mars 2005 ne remplissent aucune des conditions de nouveauté et de caractère propre, par application des articles L.511-2 et suivants du code de propriété intellectuelle ;

' déclarer en conséquence que ces 4 dessins et modèles ne sont pas protégés par le livre v du code de propriété intellectuelle, par application des articles L.511-1 à l.511-8 dudit code :

' déclarer en conséquence la nullité de l'enregistrement de ces 4 dessins et modèles par application de l'article L.512-4 du code de propriété intellectuelle ;

' déclarer nuls pour absence de cause le contrat de licence conclu le 16 mars 2006 et l'avenant conclu le 30 mai 2006 par application de l'article 1131 du code civil;

' condamner en conséquence Monsieur Y à restituer à la SARL Monts Loups représentée par son liquidateur la totalité des sommes indûment perçues au titre dudit contrat de licence, soit la somme de 53 222 €.

À titre subsidiaire,

Pour le cas où la cour devrait considérer la SARL Monts Loups, représentée par son liquidateur, comme étant irrecevable en ses demandes pour défaut de qualité à agir en justice,

Il est alors demandé à la cour de bien vouloir :

' déclarer Monsieur Desmonts comme principal demandeur poursuivant la présente action en justice ;

' déclarer Monsieur Desmonts recevable en son action en justice puisque régulièrement engagée dans le délais non couverts par la prescription ;

' dire et arrêter que le modèle n° 014360-001 déposé le 18 juillet 2001 représentant une potence d'extraction ne respecte pas les conditions de dépôt imposées par l'article R.512-3 du code de propriété intellectuelle ; ' dire et arrêter que ce même modèle n°014360-001 déposé le 18 juillet 2001 ne possède aucune caractéristique esthétique et/ou ornementale et que sa forme est strictement imposée par la fonction recherchée à savoir l'extraction d'un casier à bouteilles ;

' dire et arrêter que les modèles n°051492-001, n°051492-002 et n°051492-003 déposés le 14 mars 2005 ne présentent aucune valeur esthétique et/ou ornementale et que leur forme représentant un dispositif fonctionnel de stockage enterré de bouteilles de vin (étagères en bois formant des modules de rangement pour bouteilles dans une coque enterrée) est exclusivement dictée par la fonction ;

' dire et arrêter que le modèle n°051492-001, n°051492-002 et n°051492-003 déposés le 14 mars 2005 ne remplissent aucune des conditions de nouveauté et de caractère propre, par application des articles L.511-2 et suivants du code de propriété intellectuelle ;

' déclarer en conséquence que les 4 dessins et modèles ci-avant évoqués ne sont pas protégés par le livre v du code de propriété intellectuelle, par application des articles L.511-1 à l.511-8 dudit code ;

' déclarer en conséquence la nullité de l'enregistrement de ces dessins et modèles par application de l'article L.512-4 du code de propriété intellectuelle ;

' déclarer nuls pour absence de cause le contrat de licence conclu le 16 mars 2006 et l'avenant conclu le 30 mai 2006 par application de l'article 1131 du code civil;

' condamner en conséquence Monsieur Y à restituer à Monsieur Desmonts la totalité des sommes indûment perçues au titre dudit contrat de licence, soit la somme de 53 222 € ;

En tout état de cause,

' ordonner la publication du jugement à intervenir, en entier ou par extraits, dans trois revues et/ou magazines au choix de la SARL Monts Loups et/ou de Monsieur Desmonts et ce aux frais exclusifs de Monsieur Y, dans la limite de 10 000 €;

' débouter Monsieur Y de l'intégralité de ses demandes financières à l'encontre de la SARL Monts Loups et de Monsieur Desmonts au titre de dommages-intérêts pour procédure abusive ;

' condamner Monsieur Y à verser à chacun des demandeurs la somme de 8000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; ' condamner le même aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile par Maître Arnaud Fouquaut ;

Monsieur Y sollicite de :

- à titre principal constater que la SARL Monts Loups n'avait pas la personnalité morale lors de la passation du contrat ou de l'avenant initial,

- en conséquence dire et juger qu'elle n'avait pas qualité à agir, dire et juger irrecevable la procédure qu'elle a diligentée, condamner Monsieur Desmonts es qualités de liquidateur de la SARL Monts Loups aux dépens et à lui payer la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

- confirmer le jugement, constater que la procédure diligentée par Monsieur Desmonts en ses deux qualités est prescrite par application de l'article 2224 du code civil, en conséquence débouter l'appelant de ses demandes,

- subsidiairement, constater que les modèles déposés ont un caractère utilitaire et fonctionnel mais aussi ornemental et esthétique, en conséquence débouter l'appelant de ses demandes,

- en tout état de cause le condamner à lui payer la somme 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile

- le condamner aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de Maître Peignard.

Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure ainsi que des prétentions et moyens des parties, la Cour se réfère aux énonciations de la décision attaquée et aux dernières conclusions déposées le 1er octobre 2015 pour Monsieur Desmonts et le 5 octobre 2015 pour Monsieur Y. L'ordonnance de clôture est intervenue le 7 octobre 2015.

II - MOTIFS :

Sur les conclusions de procédure

Par conclusions de procédure déposées le 9 octobre 2015, Monsieur Desmonts sollicite le rejet des écritures de Monsieur Y déposées le 5 octobre 2015, deux jours avant la clôture au motif qu'elles contiennent des arguments nouveaux notamment quant à l'existence d'un caractère esthétique des œuvres objets du litige.

Monsieur Y s'oppose à la demande dans ses conclusions de procédure déposées le 12 octobre 2015 au motif que les indications portant sur le caractère esthétique ne font que confirmer ce qui est indiqué dès les premiers écrits.

En l'espèce, les quatre paragraphes nouveaux par rapport aux conclusions antérieures figurent en page 9 et 10 des conclusions déposées le 5 octobre 2015 par Monsieur Y et complètent les douze paragraphes développés plus avant relatifs au caractère esthétique de la cave enterrée, en les synthétisant et en concluant au caractère propre et nouveau de la cave, sans qu'un nouveau moyen soit évoqué de sorte qu'il n'y a pas lieu de rejeter les conclusions du 5 octobre 2015.

Sur les fins de non-recevoir soulevées par Monsieur Y

*sur la qualité à agir de la SARL Monts Loups lors de l'assignation

Monsieur Y soutient que la SARL Monts Loups n'est pas son cocontractant et qu'elle ne pouvait agir avant son immatriculation, le 8 juin 2006.

La Cour adopte expressément les motifs exacts en fait et en droit des premiers juges qui ont parfaitement démontré que la SARL Monts Loups a valablement repris dans ses statuts les engagements pris par Monsieur Desmonts au nom de la société en formation et notamment 'le contrat de licence de modèles, de marque et de savoir-faire avec Monsieur Pierre Y pour la fabrication et la pose de caves enterrées moyennant une redevance de 270 000 € hors taxes', de sorte que l'action de la SARL Monts Loups et partant de Monsieur Desmonts es qualités est recevable.

*sur la prescription

Monsieur Desmonts fait valoir que la prescription n'est pas acquise en application de l'article 2262 ancien du code civil et des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008.

Monsieur Y soutient qu'en application de l'article 2224 du code civil, la prescription quinquennale est acquise dès lors que le contrat a été signé le 16 mars 2006 et l'assignation délivrée le 6 juin 2011. Il expose que Monsieur Desmonts est irrecevable à soutenir que sont applicables les dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 alors qu'il s'est prévalu en première instance et jusqu'en appel de la prescription quinquennale, que les premiers juges ont constaté que 'les parties s'accordent sur l'application à la cause de l'article 2224 du code civil dans sa rédaction issue de la Loi n°2008-561 du 17 juin 2008", qu'il est jugé par la Cour de Cassation que nul ne peut se contredire au détriment d'autrui, que la règle de l'estoppel doit s'appliquer et que le droit pour une partie d'invoquer un moyen nouveau en cour d'appel ne l'autorise pas à se contredire. En l'espèce, Monsieur Desmonts a toujours soutenu que son action es qualités et en son nom personnel n'était pas prescrite de sorte qu'il ne s'est pas contredit et n'a pas changé de position. Il n'est produit par Monsieur Y aucun accord des parties ayant pour objet de s'en tenir aux dispositions de l'article 2224 du code civil et ne pas soulever l'application des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008 qui n'est que la poursuite par l'appelant de son moyen de défense visant à rejeter la fin de non-recevoir soulevée par Monsieur Y. La circonstance que devant les premiers juges et dans ses conclusions du 26 février 2014 Monsieur Desmonts ait invoqué au soutien de son moyen de prescription les dispositions de l'article 2224 du code civil ne signifie pas qu'il ait renoncé à invoquer un autre fondement juridique de prescription et ne rend pas irrecevable sur le fondement de la règle de l'estoppel ce même moyen développé dans ses dernières conclusions au regard des dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008.

Aux termes du II de l'article 26 de la loi n° 2008-561 du 17 juin 2008, 'Les dispositions de la présente loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de l'entrée en vigueur de la présente loi sans que la durée totale puisse excéder la durée prévue par la loi antérieure.'

Par application de l'article 2224 du code civil, la durée de la prescription antérieurement fixée à trente ans à l'article 2262 du code civil est de cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer. La prescription applicable en l'espèce est de cinq ans à compter du jour de l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 soit le 18 juin 2013.

Monsieur Y a été assigné par la SARL Monts Loups le 10 juin 2010 et Monsieur Desmonts est intervenu volontairement en son nom personnel par conclusions signifiées le 16 décembre 2011 de sorte que la prescription n'est pas acquise.

Le jugement sera en conséquence infirmé en ce qu'il a déclaré prescrite l'action de Monsieur Desmonts es qualités et en son nom personnel.

Sur les demandes de Monsieur Desmonts es qualités et en son nom personnel

* sur la nullité des enregistrements

Monsieur Desmonts sollicite de prononcer la nullité des enregistrements des modèles n°0143360-001 déposé le 18 juillet 2001, n° 051492-001/002/003 déposés le 14 mars 2005, sur le fondement de l'article L 512-4 du code de la propriété intellectuelle. Il fait valoir, au visa des articles L.511-1 à L.511-8 et R. 512-3 du même code que:

- les descriptifs des modèles déposés ne comprennent aucune description esthétique ou ornementale,

- les modèles déposés sont exclusivement dictés par des impératifs techniques et fonctionnels,

- le modèle déposé le 18 juillet 2001 contrevient aux dispositions des articles susvisés car constitué de deux photographies représentant l'intérieur d'un garage et un système de treuil,

- la description de la cave enterrée qui figure dans le brevet déposé le 28 décembre 1990 démontre que le modèle n° 051492-001 correspond à un dessin industriel fonctionnel,

- que les modèles n° 051492-001/002/003 n'ont pas de caractère propre et ne sont pas nouveaux.

Monsieur Y ne vise dans ses écritures aucun texte légal ou réglementaire mais il ressort de ses écritures qu'il se fonde sur les articles L.511-1 et suivants du code de la propriété intellectuelle pour s'opposer à la demande de nullité, soutenant que :

- le modèle de cave s'inspire de la construction navale et qu'au-delà de l'aspect fonctionnel, il a été souhaité de donner à la cave enterrée un caractère maritime, -la cave présente une physionomie propre avec la présence de vitrines produisant un effet ornemental,

- l'utilisation de bois massif donne une impression de robustesse, les poignées de fermeture et les porte-étiquettes sont traités en laiton poli,

- le modèle de cave diffère de tous les modèles antérieurs,

- la cave réalisée est une œuvre d'expression originale et marquée de l'empreinte de son auteur lui donnant ainsi une figuration propre et nouvelle,

- les photographies versées aux débats permettent de déterminer exactement ce dont il s'agit,

- ce qui doit être envisagé et recherché, c'est l'ensemble du modèle et de l'invention, l'ensemble du modèle est nouveau et protégeable, et protégé par l'INPI.

L'article L 511-1 du Code de la propriété intellectuelle dispose que 'Peut être protégé à titre de dessin ou modèle l'apparence d'un produit ou d'une partie d'un produit caractérisée en particulier par ses lignes, ses contours, ses couleurs, sa forme, sa texture et ses matériaux. Ces caractéristiques peuvent être celles du produit lui-même ou de son ornementation.

Est regardé comme un produit tout objet industriel ou artisanal, notamment les pièces conçues pour être assemblées en un produit complexe, les emballages, les présentations, les symboles graphiques et les caractères typographiques, à l'exclusion toutefois des programmes d'ordinateur.'

Aux termes de l'article L 511-2 du même code : 'Seul peut être protégé le dessin ou modèle qui est nouveau et présente un caractère propre.'

L'article L.511-8 du même code prévoit que n'est pas susceptible de protection l'apparence dont les caractéristiques sont exclusivement imposées par la fonction technique du produit.

Aux termes de l'article L.512-4 du même code : ' L'enregistrement d'un dessin ou modèle est déclaré nul par décision de justice :

a) S'il n'est pas conforme aux dispositions des articles L. 511-1 à L.511-8 ; ...

Il convient de constater que les dispositions rappelées ci-dessus, issues de l'ordonnance n° 2001-670 du 25 juillet 2001, ne sont pas applicables au modèle déposé le 18 juillet 2001 qui relève des dispositions des anciens articles L. 511-1 et suivants issus de la loi du 14 juillet 1909. Particulièrement, ces dispositions ne prévoient pas l'annulation à titre principal d'un dépôt de dessins et modèles à l’INPI de sorte que Monsieur Desmonts sera débouté de sa demande d'annulation de l'enregistrement de ce modèle.

S'agissant des trois modèles déposés le 14 mars 2005, il y a lieu d'examiner uniquement chaque objet représenté sur le dépôt sans se référer à la description ou légende qui n'a aucune valeur juridique. Les arguments de Monsieur Y qui sont relatifs à la cave enterrée appréciée globalement dans son ensemble, modèle et invention, sont en conséquence inopérants. De surcroît, le dépôt a un caractère déclaratif de droit et n'est pas constitutif de propriété.

Le modèle n°051492-001 a l'apparence d'une étagère constituée de casiers de forme cubique simple, composée de lignes droites verticales et horizontales, empilés les uns au-dessus des autres sans aucune ornementation, ni effort de création de la part de Monsieur Y qui puisse exprimer sa personnalité et conférer au modèle, pour un observateur averti, un caractère propre ou nouveau au sens de l' article L.511-2 du code de la propriété intellectuelle. Au contraire, cette étagère a un but uniquement fonctionnel afin de permettre d'y ranger divers objets et notamment, au vu de la profondeur des casiers, des bouteilles. Ne répondant pas aux exigences de la protection des dessins et modèles, l'enregistrement de ce modèle sera annulé.

Le modèle n°051492-002 tel que déposé à l'INPI en couleur bleue a l'apparence d'une simple étagère constituée d'éléments verticaux et horizontaux sans aucune ornementation, ni effort de création de la part de Monsieur Y qui puisse exprimer sa personnalité et lui conférer aux yeux de l'observateur averti un caractère propre ou nouveau au sens de l' article L.511-2 du code de la propriété intellectuelle. Au contraire, cette étagère a un but uniquement fonctionnel afin de permettre d'y ranger divers objets, étant observé que la profondeur des casiers n'apparaît pas pouvoir accueillir des bouteilles couchées. Ne répondant pas aux exigences de la protection des dessins et modèles, l'enregistrement de ce modèle sera annulé.

Le modèle n°051492-002 tel que déposé à l'INPI a l'apparence d'une étagère dont les montants verticaux sont plus larges que les montants horizontaux lesquels comportent au-dessous de chaque casier ainsi constitués un porte étiquette en laiton permettant de classer les objets rangés dans ces casiers. L'étagère comporte une vitre afin de la fermer partiellement (six casiers en l'espèce). L'utilisation du bois, matériau classique pour une étagère, des porte-étiquettes que l'on retrouve habituellement dans le matériel de rangement et la partie vitrée également usuelle pour protéger certains objets ne confère à l'ensemble du modèle aucun caractère propre aux yeux de l'observateur averti, ou de nouveauté exprimant un effort de création ou la personnalité de Monsieur Y. Au contraire, cette étagère a un but uniquement fonctionnel afin de permettre d'y ranger divers objets par classement et de les protéger par une vitre. Ne répondant pas aux exigences de la protection des dessins et modèles, l'enregistrement de ce modèle sera annulé.

*sur la nullité subséquente du contrat de licence

Monsieur Desmonts soutient que le contrat de licence doit en conséquence être annulé pour défaut de cause. Monsieur Y ne développe aucun moyen à l'encontre de cette demande.

Le contrat de cession de licence expose que Monsieur Y est titulaire et propriétaire:

1-de deux modèles déposés à l'INPI sous les numéros 644554 et 759462 à 759464 permettant la création de volumes enterrés dont la fraîcheur protège denrées solides et liquides craignant les températures élevées pour leur bonne conservation et bon vieillissement...

2-d'un savoir-faire très complet déposé à l'INPI sous enveloppe

3 -de la marque Caventer déposée à l'INPI. Le contrat est un contrat de cession de concession de licence d'exploitation de la marque Caventer et de ses produits (marque, savoir-faire, modèles déposés à l'INPI).

Les 'deux modèles déposés à l'INPI sous les numéros 644554 et 759462 à 759464" qui sont les numéros de publication correspondent en réalité aux quatre modèles n°0143360-001 déposé le 18 juillet 2001, n° 051492-001/002/003 déposés le 14 mars 2005. Ainsi que le souligne le contrat de cession de licence, ces modèles permette la création de volumes enterrés. Ils constituent ainsi les éléments essentiels et interdépendants du dispositif de stockage de type enterré notamment à usage de cave à vins qui a fait l'objet du brevet d'invention déposé le 28 décembre 1990 et tombé dans le domaine public le 3 1 août 2006. Dès lors que les enregistrements des modèles n° 051492-001/002/003 sont annulés, ne conférant plus aux modèles aucune valeur, la cause du contrat de cession de licence disparaît, le modèle n°0143360-001, la marque et le savoir-faire restant les accessoires des modèles dont l'enregistrement est annulé.

Il convient en conséquence d'annuler le contrat de concession de licence en date du 16 mars 2006 et son avenant en date du 30 mai 2006 pour défaut de cause.

Monsieur Y sera condamné à restituer à Monsieur Desmonts es qualités la somme de 53 222 € versé par la SARL Monts Loups, justifiée par les pièces du dossier et d'ailleurs non contestée.

Sur la publication

Elle n'apparaît pas utile dès lors que l'affaire est ancienne. La demande sera rejetée.

Il serait inéquitable de laisser à la charge de Monsieur Desmonts es qualités et en nom personnel les frais irrépétibles qu'il a engagés pour faire valoir ses droits. Monsieur Y sera condamné payer à lui payer la somme de 5000 € en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile

Il sera également condamné aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Fouquaut.

-

PAR CES MOTIFS

:

La Cour,

Statuant publiquement et contradictoirement, Dit n'y avoir lieu à rejet des conclusions déposées le 5 octobre 2015 par Monsieur Y,

Confirme le jugement déféré en ce qu'il a déclaré Monsieur Desmonts es qualités de liquidateur de la SARL Monts Loups et en son nom personnel recevable en son action et en son intervention volontaire,

Infirme le jugement déféré pour le surplus, Statuant à nouveau,

Déboute Monsieur Desmonts es qualités de liquidateur de la SARL Monts Loups et en son nom personnel de sa demande de nullité de l'enregistrement du modèle n°0143360-001 déposé à l'INPI le 18 juillet 2001,

Prononce la nullité des enregistrements des modèles n° 051492-001, 051492-002 et 051492-003 déposés à l'INPI le 14 mars 2005, sur le fondement de l'article L 512-4 du code de la propriété intellectuelle,

Prononce la nullité du contrat de concession de licence en date du 16 mars 2006 et de son avenant en date du 30 mai 2006,

Condamne Monsieur Y à payer à Monsieur Desmonts es qualités de liquidateur de la SARL Monts Loups la somme de 53 222 €,

Déboute les parties de leurs autres demandes,

Y ajoutant,

Condamne Monsieur Y à payer à Monsieur Desmonts es qualités de liquidateur de la SARL Monts Loups et en son nom personnel la somme de 5000 € par application de l'article 700 du code de procédure civile,

Condamne Monsieur Y aux entiers dépens de première instance et d'appel dont distraction au profit de Maître Fouquaut.