Vu la procédure suivante
:
Par une requête enregistrée le 13 mars 2022, Mme A B demande au Tribunal :
1°) d'annuler la décision par laquelle le directeur régional de la direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France a fixé le montant de son complément indemnitaire annuel (CIA) pour l'année 2020 à la somme de 295 euros, correspondant au niveau 2, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux née le 17 janvier 2022 ;
2°) d'enjoindre au directeur de la DRIEETS d'Ile-de-France de lui attribuer un CIA de 590 euros, correspondant au niveau 3, pour l'année 2020 et de procéder au versement de cette prime après déduction de la somme de 295 euros déjà perçue, dans le délai d'un mois ;
3°) de condamner le ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion à lui verser la somme de 1000 euros en réparation du préjudice moral subi du fait de l'illégalité de la décision attaquée ;
4°) de mettre à la charge du ministre du travail, de l'emploi et de l'insertion une somme de 1 000 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée revêtant le caractère d'une sanction collective, elle est entachée d'un vice de procédure en l'absence de respect des garanties disciplinaires, d'une méconnaissance des dispositions de l'article
66 de la loi du 11 janvier 1984, d'un défaut de motivation et d'un détournement de pouvoir ;
- elle est entachée d'un défaut d'examen de sa situation personnelle et d'une erreur de droit, en ce que l'administration ne pouvait régulièrement se fonder, pour décider de lui attribuer un CIA de niveau 2, sur le seul critère tiré de la non utilisation du logiciel de compte-rendu d'activité Wiki'T , sans tenir compte de de l'ensemble des éléments permettant d'apprécier sa manière de servir ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation, dès lors que sa manière de servir pour l'année 2020 justifie l'attribution d'un CIA correspondant au moins au niveau 3 ;
- la décision attaquée lui a causé un préjudice moral dont il sera fait une juste appréciation en condamnant l'administration à lui verser une somme de 1 000 euros.
Par un mémoire en défense, enregistré le 1er juin 2022, la DRIEETS d'Ile-de-France conclut au rejet de la requête, au motif que l'ensemble des moyens qu'elle contient sont infondés.
La clôture de l'instruction a été fixée au 9 octobre 2023.
Par une lettre du 11 janvier 2024, Mme B a été invitée, en application de l'article
R. 612-1 du code de justice administrative, à régulariser dans un délai de quinze jours les conclusions indemnitaires de la requête par la production de la décision par laquelle la DRIEETS a rejeté sa réclamation préalable ou, dans l'hypothèse où un rejet implicite aurait été opposé à cette demande, de la preuve de la réception par l'administration d'une telle réclamation.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code du travail ;
- la loi n°83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-16 du 11 janvier 1984 ;
- le décret n° 2010-888 du 28 juillet 2010 ;
- le décret n° 2014-513 du 20 mai 2014 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Van Maele ;
- les conclusions de Mme de Bouttemont, rapporteure publique,
- les observations de Mme B.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme B, inspectrice du travail, est affectée au sein de l'unité départementale de la Seine-Saint-Denis direction régionale et interdépartementale de l'économie, de l'emploi, du travail et des solidarités (DRIEETS) d'Ile-de-France. Par une décision qui lui a été notifiée le 1er octobre 2021, le directeur régional de la DRIEETS d'Ile-de-France a fixé le montant de son complément indemnitaire annuel (CIA), au titre de l'année 2020, à la somme de 295 euros, correspondant, selon la note interne du 20 juillet 2020, à un niveau 2, sur les 5 niveaux définis, pour lequel " la manière de servir de l'agent et/ou ses résultats doivent progresser pour être au niveau attendu du poste ". Mme B, qui sollicite l'attribution d'un CIA de niveau 3, dit niveau " pivot ", pour lequel, selon ladite note du 20 juillet 2020, " la manière de servir de l'agent et/ou ses résultats, satisfaisants, sont au niveau attendu sur le poste ", demande l'annulation de cette décision, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux née le 17 janvier 2022, ainsi que la condamnation de l'État à lui verser la somme de 1 000 euros en réparation du préjudice moral qu'il estime avoir subi du fait de l'illégalité de cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. D'une part, aux termes de l'article
20 de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires, alors en vigueur : " Les fonctionnaires ont droit, après service fait, à une rémunération comprenant le traitement, l'indemnité de résidence, le supplément familial de traitement ainsi que les indemnités instituées par un texte législatif ou réglementaire. Les indemnités peuvent tenir compte des fonctions et des résultats professionnels des agents ainsi que des résultats collectifs des services. S'y ajoutent les prestations familiales obligatoires () ". Selon l'article
1er du décret du 20 mai 2014 portant création d'un régime indemnitaire tenant compte des fonctions, des sujétions, de l'expertise et de l'engagement professionnel dans la fonction publique de l'Etat (RIFSEEP) : " Les fonctionnaires relevant de la loi du 11 janvier 1984 susvisée peuvent bénéficier, d'une part, d'une indemnité de fonctions, de sujétions et d'expertise et, d'autre part, d'un complément indemnitaire annuel lié à l'engagement professionnel et à la manière de servir, dans les conditions fixées par le présent décret () ". L'article 4 de ce décret dispose : " Les fonctionnaires mentionnés à l'article 1er peuvent bénéficier d'un complément indemnitaire annuel qui tient compte de l'engagement professionnel et de la manière de servir, appréciée dans les conditions fixées en application de l'article
55 de la loi du 11 janvier 1984 susvisée. / Il est compris entre 0 et 100 % d'un montant maximal par groupe de fonctions fixé par arrêté du ministre chargé de la fonction publique et du ministre chargé du budget et, le cas échéant, du ministre intéressé./ Le complément indemnitaire fait l'objet d'un versement annuel, en une ou deux fractions, non reconductible automatiquement d'une année sur l'autre. ".
3. D'autre part, aux termes de l'article
55 de la loi du 11 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique de l'Etat, alors en vigueur : " () l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires se fonde sur un entretien professionnel annuel conduit par le supérieur hiérarchique direct () ". L'article
16 du décret du 28 juillet 2010 relatif aux conditions générales de l'appréciation de la valeur professionnelle des fonctionnaires de l'Etat dispose : " Lorsque des régimes indemnitaires prévoient une modulation en fonction des résultats individuels ou de la manière de servir, ces critères sont appréciés par le chef de service au vu du compte rendu de l'entretien professionnel. ".
4. En premier lieu, Mme B soutient que la décision attaquée est entachée d'une erreur de droit, dès lors que l'administration s'est uniquement fondée sur son refus d'utiliser le logiciel " Wiki'T ", sans tenir compte de sa manière de servir. Toutefois, le refus de l'intéressée de saisir les données concernant ses interventions et contrôles dans le système d'informations " Wiki'T " , comme lui en fait pourtant obligation l'article
R. 8124-9 du code du travail aux termes duquel tout agent doit rendre compte de ses actions, notamment de celles concernant le partage des informations relatives à ses actions et aux entreprises contrôlées dans le système d'information prévu à cet effet, alors d'ailleurs que le respect de cette obligation figure parmi ses objectifs au titre de l'année 2020, constitue un élément d'appréciation de sa manière de servir que l'administration pouvait régulièrement prendre en compte pour fixer le taux de CIA à lui attribuer. En tout état de cause, il ressort des pièces du dossier, notamment du courrier du 15 mars 2022 adressé à Mme B en réponse à sa demande de motivation de la décision implicite de rejet de son recours gracieux, que le directeur régional de la DRIEETS d'Ile-de-France a pris en compte, pour déterminer le montant du CIA de Mme B au titre de l'année 2020, non seulement son refus de rendre compte de son activité dans le logiciel " Wiki'T ", mais aussi son refus d'accomplir une partie de ses missions, notamment l'instruction des demandes de licenciements de salariés protégés qui lui avaient été attribuées. L'administration fait encore valoir en défense que Mme B n'a pas suffisamment contribué à la réalisation des objectifs collectifs de l'inspection du travail. Il ressort d'ailleurs des pièces du dossier que les objectifs d'utilisation de l'applicatif " Wiki'T ", de participation aux actions collectives, et de participation au fonctionnement collectif du service et du champ travail figuraient parmi les quatre objectifs professionnels qui avaient été assignés à Mme B au titre de l'année 2020, et que ces objectifs ont été renseignés comme " non atteint " s'agissant du premier et " partiellement atteints " s'agissant des deux autres. Par suite, le moyen tiré de l'erreur de droit doit être écarté.
5. En deuxième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment du compte-rendu d'entretien professionnel de Mme B pour l'année 2020, que l'intéressée, ainsi qu'il a été dit ci-dessus, n'a pas atteint l'ensemble des objectifs qui lui avaient été fixés, et en particulier celui tenant à son obligation de rendre compte de son action par l'utilisation du système d'information " Wiki't ". Mme B n'apporte pas d'élément de nature à remettre en cause ces appréciations, l'intéressée ayant en outre refusé de participer à son entretien d'évaluation. Dans ces conditions, et alors même que la requérante a rempli son objectif au regard de son activité de contrôle et est qualifiée de " bon agent de contrôle capable de produire des procédures notamment pénales de grande qualité technique () durant une période d'épidémie de Covid-19 rendant l'activité de contrôle plus difficile " l'administration, qui a procédé à une évaluation réelle et individualisé de sa manière de servir, n'a pas, en lui attribuant un CIA de niveau 2 pour lequel, selon la note interne du 2 juillet 2020, la manière de servir de l'agent doit encore progresser pour être au niveau attendu du poste, entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.
6. En dernier lieu, la décision par laquelle l'autorité qui en est chargée détermine, dans les conditions fixées par la règlementation, le montant des indemnités d'un agent public au regard de sa contribution au bon fonctionnement du service ne revêt pas le caractère d'une mesure disciplinaire. Si Mme B soutient toutefois que l'attribution d'un CIA de niveau 2 constitue une sanction disciplinaire déguisée et collective, le détournement de pouvoir allégué n'est pas établi, dès lors qu'il ressort des pièces du dossier, ainsi qu'il a été dit précédemment, que le montant du CIA octroyé à l'intéressée a été déterminé au regard de sa manière de servir. Il s'ensuit que le moyen selon lequel la décision attaquée constitue une sanction déguisée doit être écarté, de même que les moyens tirés du défaut de motivation de la sanction, du non-respect de la procédure disciplinaire et de la méconnaissance des dispositions de l'article
66 de la loi du 11 janvier 1984.
7. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B n'est pas fondée à demander l'annulation de la décision par laquelle le directeur régional de la DRIEETS d'Ile-de-France lui a attribué un CIA de niveau 2 au titre de l'année 2020, ensemble la décision implicite de rejet de son recours gracieux.
Sur les conclusions indemnitaires :
8. Sans qu'il soit besoin d'examiner leur recevabilité, les conclusions indemnitaires de Mme B ne peuvent être que rejetées en l'absence d'illégalité fautive des décisions attaquées.
Sur les conclusions à fin d'injonction:
9. Le présent jugement, qui rejette les conclusions à fin d'annulation, n'implique aucune mesure d'exécution. Par suite, les conclusions aux fins d'injonction présentées par Mme B doivent être rejetées.
Sur les frais de l'instance :
10. Les dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme demandée par Mme B au titre des frais exposés dans l'instance.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B est rejetée.
Article 2 : Le présent jugement sera notifié à Mme A B et à la ministre du travail, de la santé et des solidarités.
Copie en sera adressée au directeur régional de la DRIEETS d'Ile-de-France.
Délibéré après l'audience du 2 février 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Ribeiro-Mengoli, présidente,
Mme Van Maele, première conseillère,
Mme Caro, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 février 2024.
La rapporteure,
S. Van Maele
La présidente,
N. Ribeiro-Mengoli La greffière,
P. Demol
La République mande et ordonne à la ministre du travail, de la santé et des solidarités en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.