AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par M. X...,
en cassation d'un arrêt rendu le 1er septembre 1997 par la cour d'appel de Nancy (Chambre sociale), au profit de la société Néodis, société anonyme, dont le siège est 99, avenue Kennedy, 88302 Neufchâteau,
défenderesse à la cassation ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 novembre 1999, où étaient présents : M. Waquet, conseiller doyen faisant fonctions de président, Mme Lebée, conseiller référendaire rapporteur, M. Lanquetin, conseiller, MM. Rouquayrol de Boisse, Funck-Brentano, conseillers référendaires, Mme Barrairon, avocat général, Mme Ferré, greffier de chambre ;
Sur le rapport de Mme Lebée, conseiller référendaire, les observations de la SCP Masse-Dessen, Georges et Thouvenin, avocat de M. X..., de Me Odent, avocat de la société Néodis, les conclusions de Mme Barrairon, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le moyen unique :
Attendu que M. X..., engagé le 5 décembre 1983 par la société Néodis, en qualité de directeur administratif et financier, devenu directeur puis président du conseil d'administration, a été licencié pour faute grave le 26 octobre 1995, motif tiré de ce qu'il sétait octroyé des avances sur salaires ;
Attendu que le salarié reproche à l'arrêt attaqué (Nancy, 1er septembre 1997) d'avoir dit que le licenciement reposait sur une faute grave, alors que, selon le moyen, s'agissant de l'amnistie résultant de la loi du 3 août 1995, saisi de conclusions tendant à voir dire amnistiés les faits retenus pour sanctionner un salarié, le juge ne peut examiner que ces faits et ne peut leur en substituer d'autres ; que l'employeur, dans la lettre de licenciement, ne faisait état que d'avances, au demeurant remboursées, que le salarié se serait octroyées sans autorisation ou information préalable ; que la cour d'appel, qui a considéré que les agissements de M. X..., qui lui permettaient clandestinement d'obtenir à titre gratuit le prêt de sommes importantes dont les fruits avaient échappé à la société Néodis, pouvaient être sanctionnés, sans rechercher si les seuls faits imputés étaient constitutifs de manquement à la probité, n'a pas légalement justifié sa décision au regard de l'article 14 de la loi du 3 août 1995 ; que la cour d'appel, en statuant ainsi, a également méconnu les termes du litige tels que résultant de la lettre de licenciement, en violation de l'article
L. 122-14-2 du Code du travail ;
alors, surtout, que l'intention frauduleuse ne se présume pas ; que la cour d'appel, qui n'a relevé aucun élément de nature à caractériser une telle intention, a statué par voie de simple affirmation et violé l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, d'autre part, s'agissant de la prescription des faits fautifs résultant de l'article
L. 122-44 du Code du travail, qu'il appartient à l'employeur, qui soutient avoir eu tardivement connaissance de la survenance d'une faute non sanctionnée dans le délai de deux mois à compter de sa commission, d'en rapporter la preuve ; que la cour d'appel, qui, pour écarter le moyen péremptoire pris de la prescription des faits fautifs, s'est contentée de relever qu'il ne ressortait pas des éléments de la cause que les griefs formulés aient été atteints par la prescription de l'article
L. 122-44 du Code du travail, a fait peser sur le salarié le risque d'une preuve qu'il ne lui appartenait pas d'apporter, en violation des articles
1315 du Code civil et
L. 122-8 et 9 du Code du travail ; alors, sur le caractère fautif des faits reprochés au salarié, que l'employeur convenait que, comme le soutenait M. X..., celui-ci disposait du pouvoir d'accorder des avances sur rémunération au personnel placé sous ses ordres ; que celui-ci invoquait également être titulaire d'un "mandat spécial" lui donnant tous pouvoirs de signature ;
que la cour d'appel, qui n'a pas manifesté avoir pris en considération ce moyen péremptoire dont il résultait que ne pouvait être qualifié de gravement fautif le fait pour un salarié de s'accorder à lui-même les avantages qu'il était habilité à consentir aux autres salariés, a entaché sa décision d'un défaut de réponse à conclusions, en violation de l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ; alors, enfin, qu'en prêtant à M. X... au sein de la société Néodis les fonctions sociales de président du conseil d'administration et d'administrateur qu'il n'avait pas, la cour d'appel a méconnu les termes du litige et violé l'article
4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu, d'abord, que la cour d'appel, qui a relevé que les agissements du salarié lui permettaient clandestinement d'obtenir à titre gratuit le prêt de sommes importantes dont les fruits ont échappé à l'employeur quand bien même les capitaux ont été remboursés, a, sans encourir les griefs du moyen, d'une part, caractérisé le manquement à la probité excluant le bénéfice de l'amnistie, et, d'autre part, caractérisé les faits fautifs ;
Attendu, ensuite, que la cour d'appel, ayant constaté que l'employeur n'avait eu connaissance des faits que le 17 octobre 1995, a exactement décidé que les poursuites disciplinaires avaient été engagées dans le délai de deux mois prévu par l'article
L. 122-44 du Code du travail ; que le moyen n'est pas fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ;
Condamne M. X... aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes de M. X... et de la société Néodis ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-cinq janvier deux mille.