Chronologie de l'affaire
Tribunal de Commerce de Blois 22 mai 2019
Tribunal de Commerce de Blois 22 octobre 2020
Cour d'appel d'Orléans 23 septembre 2021

Cour d'appel d'Orléans, 23 septembre 2021, 20/02415

Mots clés société · requête · service · procédure civile · tribunal de commerce · production · exercices · sociétés · inclusivement · procès · produits · secret des affaires · documents · contradictoire

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel d'Orléans
Numéro affaire : 20/02415
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Décision précédente : Tribunal de Commerce de Blois, 22 octobre 2020
Président : Madame Carole CAILLARD

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Commerce de Blois 22 mai 2019
Tribunal de Commerce de Blois 22 octobre 2020
Cour d'appel d'Orléans 23 septembre 2021

Texte

COUR D'APPEL D'ORLÉANS

CHAMBRE COMMERCIALE, ÉCONOMIQUE ET FINANCIÈRE

GROSSES + EXPÉDITIONS : le 23/09/2021
la SCP LAVAL - FIRKOWSKI
la SELARL LEXAVOUE POITIERS - ORLEANS
ARRÊT du : 23 SEPTEMBRE 2021

No : 184 - 21
No RG 20/02415
No Portalis DBVN-V-B7E-GHZH

DÉCISION ENTREPRISE : Ordonnance de référé du Président du TC de [Localité 1] en date du 22 Octobre 2020

PARTIES EN CAUSE

APPELANTE :- Timbre fiscal dématérialisé No: 1265264077072554
S.A.S. PHYTO SERVICE
Agissant en la personne de son représentant légal domicilié en cette qualité audit siège social
[Adresse 2]
[Adresse 2]
[Adresse 2]

Ayant pour avocat postulant Me Olivier LAVAL, membre de la SCP LAVAL - FIRKOWSKI, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Jean-louis FOURGOUX, membre de la SELARL FOURGOUX ET ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS

D'UNE PART

INTIMÉES : - Timbre fiscal dématérialisé No: 1265264893355393
S.A.S. GRITCHE
Prise en la personne de son Président, en exercice, et de tous autres représentants légaux domiciliés ès-qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Ayant pour avocat postulant Me Isabelle TURBAT, membre de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Denis BORGIA, membre de la SELARL BORGIA & CO, AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

S.A.S. VIGNERONS DE TUTIAC
Prise en la personne de son Président, en exercice, et de tous autres représentants légaux domiciliés ès-qualité audit siège
[Adresse 1]
[Adresse 1]

Ayant pour avocat postulant Me Isabelle TURBAT, membre de la SELARL LEXAVOUE POITIERS-ORLEANS, avocat au barreau d'ORLEANS et pour avocat plaidant Me Denis BORGIA, membre de la SELARL BORGIA & CO, AVOCATS, avocat au barreau de BORDEAUX

D'AUTRE PART

DÉCLARATION D'APPEL en date du : 25 Novembre 2020
ORDONNANCE DE CLÔTURE du : 20 Mai 2021

COMPOSITION DE LA COUR

Lors des débats à l'audience publique du jeudi 10 JUIN 2021, à 14 heures, Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, en charge du rapport, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont entendu les avocats des parties en leurs plaidoiries, avec leur accord, par application de l'article 786 et 907 du code de procédure civile.

Après délibéré au cours duquel Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel D'ORLEANS, et Madame Fanny CHENOT, Conseiller, ont rendu compte à la collégialité des débats à la Cour composée de :

Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS,
Madame Fanny CHENOT, Conseiller,
Madame Ferreole DELONS, Conseiller,

Greffier :

Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier lors des débats et du prononcé,

ARRÊT :

Prononcé publiquement par arrêt contradictoire le jeudi 23 SEPTEMBRE 2021 par mise à la disposition des parties au Greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

EXPOSE DU LITIGE ET DE LA PROCÉDURE :

La société Phyto Service, immatriculée en 1979, est une société spécialisée dans la vente de produits phytosanitaires, d'engrais, outils, matériels et équipements spécialisés aux agriculteurs.

La SAS Vignerons de Tutiac, immatriculée en 2004 et la SAS Gritche, immatriculée en 2006 commercialisent des produits Phytosanitaires dans le domaine agricole.

M. [M] [H], directeur commercial de la société Phyto Service a démissionné le 23 mai 2016 de cette société, son préavis prenant fin le 23 août 2016 et a été embauché par la SAS Gritche le 5 septembre 2016. Mme [B] [S], assistante commerciale et administrative au sein de la société Phyto Service a également démissionné et cessé ses fonctions le 31 août 2016 et a été embauchée par la SAS Gritche le 5 septembre 2016.

Faisant valoir que les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche se seraient livrées à des actes de concurrence déloyale, de concert avec M. [H] et Mme [S] qui auraient utilisé des informations confidentielles sur la clientèle de la société Phyto Service et auraient démarché ses clients, cette dernière a saisi par voie de requête le président du tribunal de grande instance de Libourne afin d'obtenir la désignation d'un huissier assisté d'un informaticien en vue de recueillir des informations susceptibles d'établir des faits de concurrence déloyale. Par ordonnance du 10 juillet 2017, le président du tribunal a fait droit à la requête et missionné un huissier de justice.

Saisi d'une demande de rétractation, le président du tribunal de grande instance de Libourne a refusé de rétracter l'ordonnance. Par arrêt du 8 octobre 2018, la cour d'appel de Bordeaux a confirmé l'ordonnance en toutes ses dispositions. Un pourvoi en cassation a été interjeté contre cet arrêt, qui a été rejeté par arrêt de la Cour de cassation en date du 5 décembre 2019.

Par acte du 26 décembre 2018 délivré après autorisation d'assigner à jour fixe donnée par ordonnance du 18 décembre 2018, la société Phyto Service a fait assigner à jour fixe devant le tribunal de commerce de Blois les sociétés Tutiac et Gritche afin d'obtenir des dommages et intérêts en raison des agissements de concurrence déloyale commis par ces dernières.

Après avoir délivré en vain à la société Phyto Service une sommation de communiquer, les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche ont saisi par voie de requête déposée le 16 mai 2019 le président du tribunal de commerce de Blois d'une demande de communication par la société Phyto Service de divers documents comptables et autres pièces, au visa des articles 11, 14, 15, 138 et 142 du code de procédure civile et l'article 10 du Code civil.

Par ordonnance du 22 mai 2019, le président du tribunal de commerce de Blois a :
Vu la requête qui précède et les motifs y exposés,
Vu les articles 11, 14, 15, et 138 à 142 du Code de Procédure Civile, ensemble l'article 10 du Code civil,
Ordonne à la demanderesse de produire les pièces ci après listées, dans un délai de 10 jours de la date de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard, à savoir:
A/ les documents comptables suivants de la société Phyto Service, pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement :
- le bilan
- le compte de résultat
- les annexes
- le grand libre
- le livre d'inventaire
B/ le rapport de gestion du président pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement,
C/ le registre du personnel à jour,
D/ la liste des ouvertures de magasins en 2016, 2017 et 2018 ainsi que le détail des coûts d'ouverture pour chacun d'un, s'ils n'apparaissent pas aux pièces comptables visées au paragraphe A/ qui précède,
E/ copie de toutes les invitations à participer à des appels d'offres reçues de groupements d'achat
pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement,
F/ copie de toutes les réponses faites à des appels d'offres de groupements d'achat pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement,
G/ la liste des appels d'offres remportés par Phyto Service suite à ces réponses ainsi que l'indication du (ou des) prestataire(s) retenu(s) lorsque ce n'était pas Phyto Service,
H/ la liste des produits que Phyto Service propose aux groupements d'achat,
I/ copie de toutes les lettres ou circulaires transmises aux groupements d'achat en 2016, 2017 et
2018 (autres que les réponses aux appels d'offres visés au paragraphe F/qui précède),
J/ les documents comptables suivants de la société Financière Phyto Service, société par actions simplifiée immatriculée au RCS de [Localité 1] sous le no [Cadastre 1] pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement :
- le bilan
- le compte de résultat
- les annexes
K/ les documents comptables suivants de la société Agri Pilote, société à responsabilité limitée
immatriculée au RCS de [Localité 1] sous le no [Cadastre 2], pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement :
- le bilan
- le compte de résultat
- les annexes
Dit que l'affaire sera rappelée pour fixation à la première date disponible après que la partie la
plus diligente aura avisé le Président du Tribunal de Commerce de Blois que les pièces ont été
produites par la demanderesse,
Subsidiairement, dit que l'affaire est fixée pour être plaidée le 12/07/2019 à 14 heures,
Dit que les parties devront en référer au Président du Tribunal de Commerce de Blois pour voir
trancher toutes difficulté se rapportant à la production des pièces susvisées,
Réserve les dépens et les frais irrépétibles pour le jugement à intervenir au fond.

Cette ordonnance a été signifiée le 7 juin 2019 à la société Phyto Service qui en a formé appel par déclaration du 20 juin 2019.

Par arrêt du 9 janvier 2020, la cour d'appel d'Orléans a déclaré l'appel irrecevable, la voie du référé-rétractation devant être utilisée au préalable.

Par acte du 10 février 2020, la société Phyto Service a fait assigner les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche en rétractation de l'ordonnance du 22 mai 2019 au motif que la dérogation au principe du contradictoire n'était pas justifiée et que les documents réclamés sont confidentiels, ne serviraient pas au débat circonscrit d'actes de concurrence déloyale et seraient de nature à permettre à son concurrent d'accéder à des documents stratégiquese dans une démarche contraire à la libre concurrence.

Par ordonnance du 22 octobre 2020, le président du tribunal de commerce de Blois a statuté ainsi :
Déclarons la société Phyto Service recevable et bien fondée en sa demande de rétractation de l'ordonnance rendue le 22 mai 2019,
Confirmons que l'ordonnance n'entrave pas le principe du contradictoire et que les circonstances
qui ont présidées à la requête ont justifié son existence,
Rétractons partiellement l'ordonnance du 22 mai 2019 dont la nouvelle teneur sera :
Vu la requête qui précède et les motifs y exposés,
Vu les articles 11,14,15 et 138 à 142 du code de procédure civile, ensemble l'article 10 du
code civil,
Ordonne à la demanderesse de produire les pièces ci-après listées dans un délai de 10 jours à compter de la date de la décision, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à savoir :
A/ les documents comptables suivants de la société Phyto Service, pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement :
o Le bilan
o Le compte de résultat
o Les annexes
B/ le rapport de gestion du président pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement,
C/ la liste des ouvertures des magasins en 2016, 2017, 2018,
D/ copie de toutes les invitations à participer à des appels d'offres de groupements d'achat pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement,
E/ liste des réponses faites à des appels d'offres de groupement d'achat pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement,
F/ la liste des appels d'offres remportés par la société Phyto Service suite à ses réponses ainsi que l'indication du (ou des) prestataires retenu(s) lorsque ce n'était pas la société Phyto Service,
G/ la liste des produits que la société Phyto Service propose aux groupements d'achat,
H/ les documents comptables suivants de la société Financière la société Phyto Service, SAS immatriculée au RCS de [Localité 1] sous le numéro [Cadastre 1] pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement :
o Le bilan
o Le compte de résultat
o Les annexes
I/ les documents comptables suivants de la société Agri Pilote, SARL immatriculée au RCS de [Localité 1] sous le numéro [Cadastre 2] pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement :
o Le bilan
o Le compte de résultat
o Les annexes
- Dit que l'affaire sera rappelée pour fixation à la première date disponible après que la partie la
plus diligente aura avisé le Président du Tribunal de commerce de Blois que les pièces ont été
produites par la demanderesse,
- Dit que les parties devront en référer au Président du Tribunal de commerce de Blois pour voir
trancher toutes difficultés se rapportant à la production des pièces susvisées,
- Réserve les dépens et les frais irrépétibles pour le jugement à intervenir au fond.

Sur le principe du contradictoire, le premier juge a relevé que les sociétés Gritche et les Vignerons de Tutiac ont demandé à plusieurs reprises dans le cadre de l'instance au fond un certain nombre d'éléments qu'elles considéraient comme nécessaires à l'établissement de la vérité, ce que la société Phyto Service a refusé, qu'elles ont ensuite utilisé le moyen adéquat pour obtenir les pièces qu'elles estiment nécessaires à leur défense et que l'instance au fond est garante du contradictoire entre les parties, les pièces étant communiquées.

Le premier juge a ensuite examiné la demande de communication des pièces réclamées une par une et a autorisé celles qui ne lui apparaissaient pas contraires au principe de protection du secret des affaires et exclu les autres.

La SAS Phyto Service a interjeté appel de l'ordonnance par déclaration du 25 novembre 2020 en intimant les sociétés Gritche et Vignerons de Tutiac et en critiquant tous les chefs de la décision.

Dans ses dernières conclusions du 10 mars 2021, elle demande à la cour, de :
Vu les articles 11, 16, 142, 146, 493 et 700 du code de procédure civile,
Vu les articles 151 et suivants et les articles R 152-1, R 153-8 et R 153-9 du code de commerce,
Vu la directive (UE) 2016/943 sur la protection des savoir-faire et des informations commerciales non divulgués contre l'obtention, l'utilisation et la divulgation illicites en date du 8 juin 2016.
Recevoir la société Phyto Service et la dire bien fondée en son appel ;
Et statuant à nouveau,
Constater que l'ordonnance de référé du 22 octobre 2020 n'a rétracté que partiellement
l'ordonnance sur requête du 22 mai 2019 prise en violation du principe du contradictoire ;
Constater que les documents que la société Phyto Service doit communiquer selon
l'ordonnance de référé du 22 octobre 2020 sont protégés par le secret des affaires ;
En conséquence :
Infirmer l'ordonnance entreprise et
Rétracter l'ordonnance 22 mai 2019 ;
Infirmer l'ordonnance de Référé en date du 22 cctobre 2020 en ce qu'elle a ordonné à Phyto
Service de produire les pièces suivantes :
A/ les documents comptables suivants de la société Phyto Service, pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement :
o Le bilan
o Le compte de résultat
o Les annexes
B/ le rapport de gestion du président pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement,
C/ la liste des ouvertures des magasins en 2016, 2017, 2018,
D/ copie de toutes les invitations à participer à des appels d'offres de groupements d'achat pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement,
E/ liste des réponses faites à des appels d'offres de groupement d'achat pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement,
F/ la liste des appels d'offres remportés par la société Phyto Service suite à ses réponses ainsi que l'indication du (ou des) prestataires retenu(s) lorsque ce n'était pas la société Phyto Service,
G/ la liste des produits que la société Phyto Service propose aux groupements d'achat,
H/ les documents comptables suivants de la société Financière la société Phyto Service, SAS immatriculée au RCS de [Localité 1] sous le numéro [Cadastre 1] pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement :
o Le bilan
o Le compte de résultat
o Les annexes
I/ les documents comptables suivants de la société Agri Pilote, SARL immatriculée au RCS de [Localité 1] sous le numéro [Cadastre 2] pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement :
o Le bilan
o Le compte de résultat
o Les annexes
Rejeter l'appel incident des sociétés SAS Gritche et Les Vignerons de Tutiac en ce qu'il est mal fondé et viole le secret des affaires
Condamner les sociétés SAS Gritche et Les Vignerons de Tutiac à payer 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Elle fait valoir que l'exécution de l'ordonnance sur requête du 10 juillet 2017 démontre que les sociétés Gritche et Tutiac ont utilisés des fichiers de Phyto Service ce qui a permis un détournement de clientèle massif puisque de nombreux groupements d'agriculteurs qui n'avaient jamais été clients du groupe Vignerons de Tutiac le sont devenus, dès l'arrivée de M. [H] et Mme [S].

Elle soutient que les sociétés Gritche et Tutiac ont de manière dilatoire, pour retarder le débat sur le fond, sollicité par voie de requête et non par le biais d'un incident au fond comme elles auraient dû, des pièces qui ne sont d'aucun intérêt pour leur défense au fond et sont strictement confidentielles. Elle estime que l'ordonnance du 22 mai 2019 a été rendue :
- en violation du droit applicable car une demande forcée de pièces fondée sur l'article 145 du code de procédure civile doit être formée avant tout procès, et non quand une audience est pendante au fond,
- alors qu'aucune circonstance n'exigeait que la mesure demandée ne soit pas prise contradictoirement,
- pour assurer la propre défense des sociétés Gritche et Tutiac alors qu'en application des articles 9 et 146 du code de procédure civile, il incombe à chaque partie de pouver les faits nécessaires au succès de sa prétention et qu'une mesure d'instruction ne peut être ordonnée en vue de suppléer la carence de la partie dans l'administration de la preuve, étant ajouté qu'on voit mal comment l'absence de communication par Phyto Service des informations sur ses documents comptables, la liste des ouvertures de ses magasins entre 2016 et 2018 ou encore la liste de ses appels d'offres remportés serait de nature à établir un risque de déperdition des preuves, ces pièces ne servant en rien à résoudre le litige au fond.

Elle ajoute que l'ordonnance déférére ordonne la communication de certaines pièces malgré un empêchement légitime au sens de l'article 11 alinéa 2 du code de procédure civile, les informations sollicitées relevant du secret des affaires au sens de l'article L151-1 du Code de commerce et permettant aux sociétés adverses d'avoir à des accès confidentiables depuis 2015 alors que les faits litigieux ont été commis entre septembre 2016 et août 2017.

Les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche demandent à la cour, par dernières conclusions du 20 avril 2021 de:
Dire l'appel infondé,
Rejeter l'appel,
Dire l'appel infondé et rejeter l'appel,
Sur l'appel incident : le dire recevable et réformer partiellement l'ordonnance rendue le 22 octobre 2020 par le président du tribunal de commerce de Blois.
Dire que les intimées sont en droit d'obtenir les pièces suivantes, outre celles dont la production est déjà ordonnée par la décision du premier juge :
A) Les annexes des comptes de l'appelante pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement ;
B) Le registre du personnel de l'appelante ;
C) Copie de toutes les lettres ou circulaires transmises aux groupements d'achat en 2016, 2017 et 2018.
Maintenir l'ordonnance pour le surplus.
A titre subsidiaire :
Vu les articles 11, 14 et 15 du code de procédure civile, ensemble l'article 10 du code civil.
Dire recevable l'appel incident,
Ordonner à l'appelante et intimée incidente de produire les pièces ci-après listées dans un délai de 10 jours de la date de la notification de la décision à intervenir, sous astreinte de 500,00€ par jour de retard, à savoir :
A) Les documents comptables suivants de la société Phyto Service, pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement :
i) Le bilan ;
ii) Le compte de résultat ;
iii) Les annexes ;
B) Le rapport de gestion du président pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement.
C) Le registre du personnel à jour.
D) La liste des ouvertures de magasins en 2016, 2017 et 2018.
E) Copie de toutes les invitations à participer à des appels d'offres reçues de groupements d'achat pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement.
F) Copie de toutes les réponses faites à des appels d'offres de groupements d'achat pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement.
G) La liste des appels d'offres remportés par Phyto Service suite à ces réponses, ainsi que l'indication du (ou des) prestataire(s) retenu(s) lorsque ce n'était pas Phyto Service.
H) La liste des produits que Phyto Service propose aux groupements d'achat.
I) Copie de toutes les lettres ou circulaires transmises aux groupements d'achat en 2016, 2017 et 2018 (autres que les réponses aux appels d'offres visées au paragraphe F) qui précède).
J) Les documents comptables suivants de la société Financière Phyto Service, société par actions simplifiée immatriculée à [Localité 1] sous le No [Cadastre 1], pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement :
i) Le bilan ;
ii) Le compte de résultat ;
iii) Les annexes.
K) Les documents comptables suivants de la société Agri Pilote, société à responsabilité limitée immatriculée à [Localité 1] sous le No [Cadastre 2], pour les exercices 2015 à 2018 inclusivement :
i) Le bilan ;
ii) Le compte de résultat ;
iii) Les annexes.
En tout état de cause :
Débouter l'appelante de toutes ses demandes, fins et prétentions,
Condamner l'appelante à payer à chacune des intimées la somme de 3.000€ au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ensemble les dépens.

Sur la possibilité de procéder par voie d'ordonnance sur requête et sur la question concernant le contradictoire, elles font valoir :
- que l'ordonnance de référé du 22 octobre 2020 ne viole aucunement le principe du contradictoire et l'ordonnance du 22 mai 2019 non plus, puisque la société Phyto Service a été expressément avisée par les intimées, lors de l'audience de mise en état du 15 mars 2019 devant le président, qu'une requête serait présentée au président du tribunal, si la communication demandée n'avait pas lieu ; que dans le cadre de la procédure d'ordonnance sur requête, l'appelante disposait non seulement d'un droit immédiat au contradictoire, par la voie de la demande de rétractation, mais aussi d'un droit d'appel sur cette décision, alors que si les intimées s'étaient adressées au juge dans le cadre de la procédure de mise en état, les appelantes n'auraient disposé d'aucun droit de pourvoi, s'agissant d'une décision avant dire droit insusceptible d'un appel séparé du fond,
- que la voie de l'ordonnance sur requête est ouverte à la partie qui veut voir ordonner la production de pièces, sur le fondement des articles 10, 11, 14, 15, 145 et 874 du code de procédure civile et que cette procédure n'exclut pas le respect de la contradiction, le débat étant seulement différé, et réapparaissant en cas de demande en rétractation
- que le président du tribunal, a renvoyé l'affaire lors de l'audience de mise en état du 15 mars 2019, afin de permettre aux intimées de procéder à leur demande de communication de pièces.

Sur le bien-fondé de la demande de communication, elles indiquent que face à l'action menée par la société Phyto Service qui agit au fond en responsabilité pour actes de concurrence déloyale, elles doivent démontrer qu'elles n'ont pas débauché M. [H] et Mme [S], ni planifié de désorganiser les affaires de l'appelante, ne sont pas à l'origine des difficultés alléguées par l'appelante, à les supposer avérées et qu'il n'y a eu aucun détournement de clientèle et sont donc en droit d'exiger de l'appelante, qu'elle leur fournisse les pièces en sa possession dont elles ont besoin pour la préparation de leur défense. Elles ajoutent que la demande d'expertise de Phyto Service est une reconnaissance, de sa part, que les éléments requis par les intimées sont nécessaires au débat.

Sur l'argument tiré de ce que les éléments demandés relèveraient du secret des affaires, elles rétorquent que cet argument n'a jamais été soulevé en réponse aux demandes de communication de pièces et n'est soulevé que par opportunité, dans la présente procédure. Elles rappellent que les informations faisant partie du secret des affaires sont celles qui ne sont pas généralement connues des personnes appartenant aux milieux qui s'occupent du genre d'informations en question, qui ont une valeur commerciale et qui font l'objet de mesures de protection, de la part de leur détenteur pour en conserver le secret, et que tel n'est pas le cas des pièces sollicitées en l'espèce puisque notamment, les pièces comptables demandées auraient pu être obtenues via Infogreffe, si l'appelante n'était pas en infraction avec l'article L.232-21 du code de commerce, qui impose le dépôt de ces pièces au greffe du tribunal. Elles ajoutent qu'à supposer même que tel soit le cas, l'appelante peut demander au juge que soient ordonnées des mesures de protection mais ne peut prétendre empêcher les intimées d'exercer leur droit à une défense pleine et entière.

L'affaire a été fixée à l'audience du 10 juin 2021.

Il est expressément référé aux écritures des parties pour plus ample exposé des faits ainsi que de leurs moyens et prétentions.

La clôture de la procédure a été prononcée par ordonnance du 20 mai 2021.


MOTIFS DE LA DÉCISION :


A titre liminaire la cour observe qu'elle n'est saisie ni par la déclaration d'appel ni par appel incident, du chef de l'ordonnance ayant déclaré la société Phyto service recevable en sa demande de rétractation de l'ordonnance rendue le 22 mai 2019. Il ne sera donc pas statué sur ce point.

En vertu des articles 493 et 495 du même code, l'ordonnance sur requête est une décision provisoire rendue non contradictoirement dans les cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse. Elle doit être motivée.

En l'espèce, les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche ont saisi le président du tribunal de commerce par requête le 16 mai 2019 et il est constant qu'à cette date, le tribunal de commerce était saisi depuis une assignation délivrée le 26 décembre 2018 à la demande de la société Phyto service d'une action au fond en concurrence déloyale à l'encontre des sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche.

Il ressort des motifs de la requête déposée le 16 mai 2019 que cette requête et l'ordonnance sur requête rendue le 22 mai 2019, partiellement rétractée par l'ordonnance du 22 octobre 2020 ont un lien direct avec cette procédure au fond en cours.

En effet, les sociétés requérantes Vignerons de Tutiac et Gritche exposent dans leur requête qu'elles ont le droit d'exiger de la "demanderesse", c'est à dire la société Phyto service, demanderesse à l'action au fond engagée devant le tribunal de commerce, qu'elle leur fournisse les pièces en sa possession dont les "défenderesses", c'est à dire les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche défenderesses à l'action au fond, estiment avoir besoin pour la préparation de leur dépense, notamment, les documents comptables de la société Phyto service de 2015 à 2018 qui permettront de démontrer que les difficultés financières dont se plaint cette dernière dans le cadre de son action au fond, ne proviennent pas des défenderesses, et des pièces commerciales permettant de démontrer qu'elle n'a aucunement été empêchée de mener ses affaires comme bon lui semblait. Les requérantes précisent en outre qu'elles ont vainement sollicité la communication de pièces par courriels officiels, ce dont elles ont informé le juge du fond notament lors des débats du 15 mars 2019, l'affaire étant ensuite renvoyée.

Les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche ont fondé leur requête du 16 mai 2019 sur les articles
11, 14, 15, 138 et 142 du code de procédure civile et l'article 10 du Code civil.

L'article 11 du code de procédure civile énonce que les parties doivent apporter leur concours aux mesures d'instruction, sauf au juge à tirer toute conséquence d'une abstention ou d'un refus et que si une partie détient un élément de preuve, le juge peut à la requête de l'autre partie lui enjoindre de le produire au besoin à peine d'astreinte.

Ce texte concerne le cas précis dans lequel le juge a ordonné des mesures d'instruction, ainsi que l'article 10 le lui permet. Il ne peut donc servir de fondement à ce qu'une ordonnance sur requête soit ordonnée que si une mesure d'instruction a déjà été ordonnée et que l'une des partie refuse de produire un élément de preuve qu'elle détient. Tel n'est pas le cas en l'espèce puisque lorsque la requête a été déposée le 16 mai 2019, aucune d'instruction n'avait encore été ordonnée.

L'article 10 du Code civil énonce que chacun est tenu d'apporter son concours à la justice en vue de la manifestation de la vérité et que celui qui sans motif légitime se soustrait à cette obligation lorsqu'il en a été légalement requis peut être contraint d'y satisfaire.

Les articles 14 et 15 du code de procédure civile rappellent le principe du contradictoire et le fait que les parties doivent se faire connaître en temps utile, les moyens de fait, éléments de preuve et moyens de droit qu'elles invoquent pour que chacune soit à même d'organiser sa défense.

Ces trois textes sont des dispositions générales qui s'appliquent à toutes parties à un procès en cours, mais qui ne concernent pas spécialement les cas dans lesquels une ordonnance sur requête peut être ordonnée.

Enfin les articles 138 et 142 du code de procédure civile concernent l'hypothèse précise dans laquelle la demande de production forcée de pièces détenues par une partie ou un tiers intervient au cours d'une instance déjà engagée, l'article 138 visant d'ailleurs "le juge saisi de l'affaire".
Ces textes ne concernent donc pas la saisine du président d'une juridiction par voie de requête.

S'il est exact, ainsi que les intimées l'indiquent, que la voie de l'ordonnance sur requête est ouverte à la partie qui veut voir ordonner la production de pièces, qu'elles soient détenues par des parties ou par un tiers, la cour observe que pour affirmer cette règle, les intimées se réfèrent à l'article 145 du code de procédure civile (page 11 de leurs conclusions) et que d'ailleurs, l'arrêt du 26 mai 2011 qu'elles citent à ce titre (C. Cass Civ2, no 10-20048) vise également, outre les articles 10 du Code civil et 11 du code de procédure civile, l'article 145 du même code.

En conséquence, même si la requête ne cite pas expressément l'article 145 du code de procédure civile, la mesure d'instruction sollicitée par voie de requête par les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche repose nécessairement, outre les dispositions citées dans leur requête, et celles des article 493 et suivants relatifs à la procédure de l'ordonnance sur requête, sur les dispositions de l'article 145 du code de procédure civile au terme desquelles :
"S'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé".

Il ressort de ces dispositions que le juge, saisi d'une demande de rétractation de l'ordonnance sur requête ayant ordonné une mesure sur le fondement de l'article 145 du code de procédure civile, doit s'assurer de l'existence d'un motif légitime à ordonner la mesure probatoire avant tout procès et des circonstances justifiant de ne pas y procéder contradictoirement.

La mise en oeuvre de l'article 145 du code de procédure civile suppose donc nécessairement qu'aucune instance au fond n'a été engagée lorsque le juge des requêtes est saisi et l'absence d'instance au fond est une condition de recevabilité de la demande formée sur ce fondement.

L'article R 153-8 du Code de commerce également cité par les intimées contient d'ailleurs la même condition puisqu'il énonce : "Lorsqu'elle intervient avant tout procès au fond, la décision statuant sur la demande de communication ou de production de la pièce est susceptible de recours dans les conditions prévues par l'article 490 ou l'article 496 du code de procédure civile".

Or, ainsi qu'il a été dit, une instance au fond était déjà engagée devant le tribunal de commerce lorsque le président du tribunal de commerce a été saisi par voie de requête le 16 mai 2019 et la mesure d'instruction sollicitée est directement liée au procès au fond.

En vertu de l'article 145 du code de procédure civile, et également des articles 138 et 142 du même code visés dans la requête, les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche devaient former leur demande de production de pièces devant le juge saisi de l'affaire, c'est à dire le tribunal de commerce et non son président saisi par voie de requête, qui intervient alors comme juridiction distincte.

La demande d'ordonnance sur requête formée le 16 mai 2019 était donc irrecevable et l'ordonnance du 22 mai 2019 doit donc être rétractée.

A titre surabondant, la cour constate qu'en tout état de cause, il n'est pas justifié, ni dans la requête du 16 mai 2019 ni dans l'ordonnance du 22 mai 2019, des circonstances justifiant de déroger au principe de la contradiction en procédant par voie de requête, ainsi qu'exigé par l'article 493 du code de procédure civile.

Contrairement à ce qu'a retenu le premier juge, la question n'est pas de savoir si l'ordonnance sur requête du 22 mai 2019 entrave le principe du contradictoire, ce qui est nécessairement le cas d'une ordonnance sur requête puisque la partie adverse n'est pas appelée, mais uniquement si les requérantes étaient fondées à procéder de manière non contradictoire.

Or, l'ordonnance du 22 mai 2019 procède uniquement par renvoi aux motifs de la requête et la requête du 16 mai 2019 ne mentionne aucune circonstance justifiant de ne pas procéder contradictoirement, par exemple les éléments de nature à faire craindre la disparition des pièces sollicitées.

Les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche indiquent même au contraire qu'elles ont demandé au préalable à la société Phyto service de communiquer les pièces litigieuses et lui ont indiqué lors de l'audience du 15 mars 2019 du tribunal de commerce saisi au fond, qu'elles entendaient demander la communication des dites pièces si la société Phyto service ne les communiquait pas spontanément.

Les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche n'étaient donc pas fondées à procéder de manière non contradictoire et devaient former leur demande de production forcée de pièces de manière contradictoire devant le tribunal de commerce déjà saisi de l'affaire sur le fond.

En conséquence, l'ordonnance du 22 octobre 2020 déférée à la cour doit être infirmée en toutes ses dispositions et l'ordonnance du 22 mai 2019 rétractée, les intimées étant en outre déboutées de leur appel incident tendant à autoriser la production de pièces telle qu'ordonnée par l'ordonnance du 22 mai 2019.

Les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche succombant en leurs demandes, les dépens exposés en première instance et devant la cour seront mis à leur charge et elles devront verser à la société Phyto service la somme de 2500€ sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour,

- Infirme l'ordonnance déférée en toutes ses dispositions critiquées ;

Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant,

- Rétracte l'ordonnance du 22 mai 2019 ;

- Déboute les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche de leur appel incident et de leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;

- Condamne les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche à verser à la société Phyto service une indemnité de 2500 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- Rejette le surplus des demandes ;

- Condamne les sociétés Vignerons de Tutiac et Gritche aux dépens de première instance et d'appel.

Arrêt signé par Madame Carole CAILLARD, Président de la chambre commerciale à la Cour d'Appel d'ORLEANS, présidant la collégialité et Madame Marie-Claude DONNAT, Greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

LE GREFFIERLE PRÉSIDENT