Avis juridique important
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61997C0208
Conclusions de l'avocat général Léger présentées le 2 avril 1998. - Commission des Communautés européennes contre République portugaise. - Manquement d'Etat - Directive 84/156/CEE - Non-transposition dans le délai prescrit. - Affaire C-208/97.
Recueil de jurisprudence 1998 page I-04017
Conclusions de l'avocat général
1 Par requête enregistrée au greffe de la Cour le 30 mai 1997, la Commission des Communautés européennes a, en vertu de l'article 169 du traité CE, introduit un recours visant à faire constater que, en ne prenant pas, dans le délai imparti, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives nécessaires pour transposer dans son droit interne la directive 84/156/CEE du Conseil, du 8 mars 1984, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de mercure des secteurs autres que celui de l'électrolyse des chlorures alcalins (1) (ci-après la «directive»), la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 189, paragraphe 3, du traité CE et de l'article 4 de la directive.
2 L'article 4, paragraphe 1, de la directive prévoit que les États membres établissent des programmes spécifiques pour les rejets de mercure effectués par des sources multiples qui ne sont pas des établissements industriels et pour lesquelles les normes d'émission prévues à son article 3 ne peuvent pas être appliquées dans la pratique. En outre, l'article 4, paragraphe 3, de la directive précise que les programmes spécifiques s'appliquent à partir du 1er juillet 1989 et sont communiqués à la Commission.
3 Conformément à l'article 7, paragraphe 1, de la directive, les États membres mettent en vigueur les mesures nécessaires pour s'y conformer dans un délai de deux ans à compter de sa notification. Ils en informent immédiatement la Commission.
4 Le 18 juin 1993, en raison du silence du gouvernement portugais à sa demande de communication du ou des programmes visés à l'article 4 de la directive, la Commission l'a mis en demeure de présenter, dans un délai de deux mois, ses observations sur l'acquittement des obligations résultant de la directive.
5 Le 6 janvier 1994, le gouvernement portugais a répondu à cette mise en demeure en expliquant qu'aucune unité effectuant des rejets de mercure dans les secteurs autres que celui de l'électrolyse des chlorures alcalins n'avait été identifiée sur son territoire. Par conséquent, aucun rejet de mercure ni de pollution au mercure ne pouvait être constaté. La République portugaise soutenait donc qu'elle ne pouvait pas être concernée par l'obligation d'établir les programmes visés à l'article 4 de la directive.
6 N'étant pas convaincue du bien-fondé de ces observations, la Commission a adressé au gouvernement portugais, par lettre du 25 octobre 1995, un avis motivé l'invitant à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à cet avis dans un délai de deux mois à compter de sa notification.
7 Le 18 juillet 1996, le gouvernement portugais a réagi et a indiqué que, tout en reconnaissant la nécessité et l'urgence de mettre en pratique les programmes mentionnés, il rencontrait de multiples difficultés pour leur application en raison des problèmes liés à l'identification des sources d'origines différentes et multiples. Toutefois, il ajoutait qu'il s'employait à se conformer le plus rapidement possible aux prescriptions de la directive et qu'il informerait la Commission de l'issue de ses travaux.
8 N'ayant obtenu du gouvernement portugais aucune autre information lui permettant de conclure que la République portugaise avait depuis satisfait aux obligations résultant de la directive, la Commission a décidé d'engager le présent recours.
9 Dans son mémoire en défense, le gouvernement portugais ne conteste pas le manquement reproché, mais il fait valoir qu'il rencontre de graves difficultés pratiques pour la mise en oeuvre des programmes spécifiques prévus par l'article 4 de la directive. C'est pourquoi il vous propose de suspendre votre décision jusqu'à la réalisation de la transposition.
10 La Commission vous a fait savoir qu'elle renonçait à répliquer à ce mémoire en défense.
11 S'agissant de la demande de suspension, force est de constater que le gouvernement portugais n'a fait part des difficultés d'ordre pratique qu'il a rencontrées pour la mise en oeuvre des mesures de transposition qu'après l'expiration du délai fixé pour l'adoption des mesures de transposition de la directive, c'est-à-dire à une époque où elle était en vigueur. Dans pareille hypothèse - directive déjà adoptée et entrée en vigueur -, nous estimons qu'un tel argument ne peut pas suspendre ou justifier sur le plan juridique le manquement au traité que constitue la non-transposition, faute de quoi un État membre pourrait aisément se soustraire à l'obligation de transposer une directive dans le délai en invoquant de telles difficultés, prétendues ou réelles (2).
12 De plus, il convient de souligner que la République portugaise ne conteste pas que les mesures nécessaires à la transposition de la directive en droit interne n'ont pas été prises dans le délai fixé par celle-ci.
13 Dès lors, il y a lieu de faire droit au recours de la Commission et de constater que, en ne prenant pas, dans le délai imparti, les mesures nécessaires pour se conformer à la directive en cause, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4 de la directive. Conformément à l'article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure de votre Cour, la République portugaise doit être condamnée aux dépens.
Conclusion
14 En conséquence, nous vous proposons de:
1) constater que, en ne prenant pas, dans le délai imparti, toutes les dispositions législatives, réglementaires et administratives pour transposer dans son droit interne la directive 84/156/CEE du Conseil, du 8 mars 1984, concernant les valeurs limites et les objectifs de qualité pour les rejets de mercure des secteurs autres que celui de l'électrolyse des chlorures alcalins, la République portugaise a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu de l'article 4 de la directive;
2) condamner la République portugaise aux dépens de l'instance.
(1) - JO L 74, p. 49.
(2) - Par analogie, voir l'arrêt du 16 septembre 1997, Commission/Allemagne (C-139/96, Rec. p. I-4845), et le point 12 de nos conclusions présentées le 16 décembre 1997 dans l'affaire Commission/Allemagne (C-344/96, non encore publiée au Recueil).