Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 10 février 2015, 13-19.442

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2015-02-10
Cour d'appel de Versailles
2013-02-26

Texte intégral

Donne acte aux sociétés Ferrero SpA et Ferrero France du désistement de leur pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société Wiha GmbH ;

Sur le moyen

unique, pris en ses quatre dernières branches : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Versailles, 26 février 2013), que la société Ferrero SpA, distributeur de produits de chocolaterie, confiserie et biscuiterie sous la marque Kinder, est titulaire de la marque internationale tridimensionnelle définie comme un produit de pâtisserie constitué par une plaque supportant quatre portions semi-cylindriques régulières sur lesquelles s'étendent des cordons transversaux, enregistrée sous le numéro 665 564 le 26 novembre 1996, renouvelée le 26 novembre 2006 et revendiquant la France, pour désigner la confiserie ; que cette société et la société Ferrero France, qui commercialise ces produits en France, ont assigné la société Wiha Sarl (la société Wiha) en contrefaçon de marque ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire ;

Attendu que les sociétés Ferrero SpA et Ferrero France font grief à

l'arrêt de rejeter leurs demandes alors, selon le moyen : 1°/ que si la cour d'appel relève, qu'en tout état de cause, la marque internationale n° 665 564 est composée de quatre portions semi-cylindriques régulières, tandis que « la barre chocolatée commercialisée par la société Wiha sarl » n'est « pas nettement pré-découpée en portions, seuls deux cordons transversaux apposés sur cette barre formant sillons diagonaux qui seront perçus comme un décor », une telle motivation ne permet pas de déterminer si elle se réfère ainsi à la barre chocolatée incriminée ou à la représentation de celle-ci sur les emballages sous lesquels elle est commercialisée ;

qu'en statuant par

une telle motivation ambiguë, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du code de procédure civile ; 2°/ que la fonction essentielle de la marque est de garantir non seulement à l'acheteur mais également à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance ; que le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de l'ensemble des circonstances pertinentes du cas d'espèce, et notamment des conditions dans lesquelles le produit incriminé se présente pour le consommateur final ; qu'un risque de confusion dans l'esprit de ce dernier suffit à caractériser une atteinte au droit de marque ; qu'en appréciant le risque de confusion au regard des « conditions d'achat ou de présentation au public » des barres chocolatées incriminées et en se fondant, pour écarter un tel risque, sur le fait qu'au moment de l'achat, les barres chocolatées des sociétés Wiha sont conditionnées dans des emballages opaques, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, postérieurement à l'acte d'achat, la seule forme du produit incriminé de la société Wiha n'était pas susceptible de conduire le consommateur du produit, qui n'est pas nécessairement l'acheteur de celui-ci, à confondre cette barre avec celle objet de la marque internationale n° 665 564 et de créer ainsi un risque de confusion sur l'origine des produits, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'apprécier à la lumière de l'article 5, paragraphe 1, sous b) de la directive 2008/95/CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ; 3°/ que l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci ; qu'en se bornant à relever que la marque internationale n° 665 564 est composée de quatre portions semi-cylindriques régulières et que la « barre chocolatée commercialisée par la société Wiha France » n'est pas « nettement prédécoupée en portions, seuls deux cordons transversaux apposés sur cette barre formant sillons diagonaux qui seront perçus comme un décor », sans prendre en considération le fait que la marque n° 665 564 ne comprenait pas uniquement des portions semi-cylindriques mais également, elle aussi, des cordons transversaux et qu'elle était, en outre, composée d'une plaque de base, avec les extrémités des cordons superposées au bord de ladite plaque, et sans comparer l'impression d'ensemble ainsi produite par cette marque avec celle produite par la « barre chocolatée commercialisée par la société Wiha France », la cour d'appel a violé l'article L. 713-3 du code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'apprécier à la lumière de l'article 5, paragraphe 1, sous b) de la directive 2008/95/CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ; 4°/ que l'exploitant d'une marque est fondé à obtenir la réparation de son préjudice propre, peu important que les éléments sur lesquels il fonde sa demande en concurrence déloyale soient matériellement les mêmes que ceux pour lesquels le titulaire de la marque a obtenu une condamnation pour actes de contrefaçon ; que dans ses conclusions d'appel, la société Ferrero France faisait valoir qu'en tant qu'exploitante en France des marques invoquées par la société Ferrero SpA, elle était fondée à agir en concurrence déloyale et parasitaire pour demander la réparation du préjudice propre qu'elle avait subi du fait des actes de contrefaçon ; qu'ainsi, la cassation à intervenir du chef ayant rejeté les demandes de la société Ferrero SpA pour contrefaçon entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt en ce qu'il a débouté la société Ferrero France de ses demandes pour concurrence déloyale et parasitaire, et ce en application de l'article 624 du code de procédure civile ; Mais attendu, en premier lieu, qu'ayant comparé la marque invoquée, d'un côté, avec la représentation de la barre chocolatée sur l'emballage du produit incriminé et, de l'autre, avec la barre chocolatée commercialisée par la société Wiha, la cour d'appel a statué par des motifs dépourvus d'ambiguïté ; Attendu, en deuxième lieu, qu'après avoir relevé que les produits litigieux sont commercialisés dans un emballage coloré sur lequel figurent, outre leur dénomination « Milk Jumbo & Hazelnut », « Milk Jumbo & Noisette », « Milk Jumbo & Cacao » ou « Milk Jumbo & Noix de Coco », un morceau de barre chocolatée, en position cavalière, sortant d'une flaque de lait et « croqué », l'arrêt retient que cette représentation de la barre chocolatée ne constitue pas l'élément dominant de l'emballage ; qu'il en déduit qu'il n'existe aucun risque de confusion entre le produit tel qu'offert à la vente dans son emballage et la marque invoquée ; qu'en l'état de ces constatations et appréciations, la cour d'appel, qui a procédé à la comparaison d'ensemble des signes en présence, en fonction de leurs éléments distinctifs et dominants, et en se plaçant, à bon droit, au moment où s'opère le choix entre les différents produits mis sur le marché et vis-à-vis du consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, a, abstraction faite du motif surabondant critiqué par la troisième branche, légalement justifié sa décision ; Et attendu, enfin, que le rejet du moyen, pris en ses trois premières branches, rend le grief de la dernière branche sans objet ; D'où il suit que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ; Et attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le grief de la première branche, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne les sociétés Ferrero SpA et Ferrero France aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, les condamne à payer à la société Wiha Sarl la somme globale de 3 000 euros et rejette leur demande ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du dix février deux mille quinze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Hémery et Thomas-Raquin, avocat aux Conseils, pour les sociétés Ferrero France et Ferrero SpA. Il est fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir débouté la société FERRERO SpA de ses demandes pour contrefaçon de sa marque internationale n° 665 564 et d'avoir débouté la société FERRERO FRANCE, exploitant cette marque, de ses demandes pour concurrence déloyale et parasitaire ; AUX MOTIFS PROPRES QUE « - la contrefaçon de la marque n° 665 564 : (¿) pour apprécier le risque de confusion entre le signe déposé et le produit litigieux, il convient de prendre en compte les conditions d'achat ou de présentation au public de ce produit ; qu'au moment du choix du produit et de son achat, aucun risque de confusion ne peut exister entre le dessin de la marque et les emballages colorés des produits vendus sous les dénominations « Milk Jumbo & Hazelnut », « Milk Jumbo & Noisette », « Milk Jumbo & Cacao », « Milk Jumbo & Noix de Coco » ; que la représentation de la barre chocolatée sur l'emballage apparaît comme un élément secondaire qui ne peut en elle-même générer la moindre confusion, les différents emballages montrant un seul morceau de cette barre en chocolat, en position cavalière, sortant d'une flaque de lait et « croqué » ; qu'en tout état de cause, la marque de la société Ferrero SpA est selon sa description, composée de quatre portions semicylindriques régulières ; que la barre chocolatée commercialisée par la société Wiha Sarl n'est pas nettement pré-découpée en portions, seuls deux cordons transversaux apposés sur cette barre formant sillons diagonaux qui seront perçus comme un décor ; qu'il en résulte une impression d'ensemble visuelle différente qui exclut tout risque de confusion, le consommateur moyen normalement informé et raisonnablement attentif et avisé n'étant pas conduit à confondre, voire à associer, le produit incriminé et la marque opposée et à leur attribuer une origine commune ; que la décision déférée, qui a débouté la société Ferrero SpA de ses demandes au titre de la contrefaçon de la marque n° 665 564, sera confirmée » ; ET AUX MOTIFS ADOPTES QU'« aux termes de l'article L. 713-3 b du Code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public, l'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ; que le risque de confusion doit s'apprécier globalement et se fonder, en ce qui concerne la similitude visuelle de la marque et des produits en cause, sur l'impression d'ensemble qu'ils produisent, en tenant compte de leurs éléments distinctifs et dominants ; qu'il s'apprécie au moment de l'achat ; que, comme l'exposent à juste titre les défenderesses, le produit « Milk Jumbo » n'est pas visible en tant que tel par le consommateur lors de l'achat, puisqu'il est conditionné dans un emballage opaque ; que les différents emballages de ce produit, qu'il s'agisse de « Milk Jumbo », « Hazelnut », « Cacao » ou « Noix de coco », le montrent en partie uniquement, en position cavalière, sortant d'une flaque de lait et « croqué » ; que cette représentation ne laisse cependant apparaître qu'une seule « bosse » pouvant rappeler les portions semicylindriques de la marque en cause, éléments dominants de cette marque, sans certitude d'identité avec ces portions caractéristiques ; que cette représentation, appréciée dans son ensemble, n'est donc pas de nature à occasionner un risque de confusion avec la marque en question » ; ALORS, D'UNE PART, QUE dans leurs conclusions d'appel (cf. pp. 60 à 65, et notamment p. 63), les sociétés FERRERO SpA et FERRERO FRANCE incriminaient uniquement, au titre de la contrefaçon de la marque internationale n° 665 564, la forme de la barre chocolatée des sociétés WIHA, et non son emballage ; qu'en comparant la marque internationale n° 665 564, non pas avec la barre chocolatée incriminée, mais avec les différents emballages de celle-ci et la représentation, partielle de surcroît, de la barre y figurant, la Cour d'appel a dénaturé les termes du litige, en violation de l'article 4 du Code de procédure civile ; ALORS, D'AUTRE PART, QUE si la Cour relève ensuite, qu'en tout état de cause, la marque internationale n° 665 564 est composée de quatre portions semi-cylindriques régulières, tandis que « la barre chocolatée commercialisée par la société Wiha sarl » n'est « pas nettement pré-découpée en portions, seuls deux cordons transversaux apposés sur cette barre formant sillons diagonaux qui seront perçus comme un décor », une telle motivation ne permet pas de déterminer si elle se réfère ainsi à la barre chocolatée incriminée ou à la représentation de celle-ci sur les emballages sous lesquels elle est commercialisée ; qu'en statuant par une telle motivation ambiguë, la Cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences de l'article 455 du Code de procédure civile ; ALORS, DE TROISIEME PART, QUE la fonction essentielle de la marque est de garantir non seulement à l'acheteur mais également à l'utilisateur final l'identité d'origine du produit ou du service marqué, en lui permettant de distinguer, sans confusion possible, ce produit ou service de ceux qui ont une autre provenance ; que le risque de confusion doit être apprécié globalement en tenant compte de l'ensemble des circonstances pertinentes du cas d'espèce, et notamment des conditions dans lesquelles le produit incriminé se présente pour le consommateur final ; qu'un risque de confusion dans l'esprit de ce dernier suffit à caractériser une atteinte au droit de marque ; qu'en appréciant le risque de confusion au regard des « conditions d'achat ou de présentation au public » des barres chocolatées incriminées et en se fondant, pour écarter un tel risque, sur le fait qu'au moment de l'achat, les barres chocolatées des sociétés WIHA sont conditionnées dans des emballages opaques, sans rechercher, comme elle y était invitée, si, postérieurement à l'acte d'achat, la seule forme du produit incriminé de la société WIHA n'était pas susceptible de conduire le consommateur du produit, qui n'est pas nécessairement l'acheteur de celui-ci, à confondre cette barre avec celle objet de la marque internationale n° 665 564 et de créer ainsi un risque de confusion sur l'origine des produits, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'apprécier à la lumière de l'article 5, paragraphe 1 sous b) de la directive 2008/95/CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ; ALORS, DE QUATRIEME PART, SUBSIDIAIREMENT, QUE l'appréciation globale du risque de confusion doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques en tenant compte, notamment, des éléments distinctifs et dominants de celles-ci ; qu'en se bornant à relever que la marque internationale n° 665 564 est composée de quatre portions semi-cylindriques régulières et que la « barre chocolatée commercialisée par la société Wiha France » n'est pas « nettement prédécoupée en portions, seuls deux cordons transversaux apposés sur cette barre formant sillons diagonaux qui seront perçus comme un décor », sans prendre en considération le fait que la marque n° 665 564 ne comprenait pas uniquement des portions semi-cylindriques mais également, elle aussi, des cordons transversaux et qu'elle était, en outre, composée d'une plaque de base, avec les extrémités des cordons superposées au bord de ladite plaque, et sans comparer l'impression d'ensemble ainsi produite par cette marque avec celle produite par la « barre chocolatée commercialisée par la société Wiha France », la Cour d'appel a violé l'article L. 713-3 du Code de la propriété intellectuelle, tel qu'il doit s'apprécier à la lumière de l'article 5, paragraphe 1 sous b) de la directive 2008/95/CE rapprochant les législations des Etats membres sur les marques ; ALORS, ENFIN, QUE l'exploitant d'une marque est fondé à obtenir la réparation de son préjudice propre, peu important que les éléments sur lesquels il fonde sa demande en concurrence déloyale soient matériellement les mêmes que ceux pour lesquels le titulaire de la marque a obtenu une condamnation pour actes de contrefaçon ; que dans ses conclusions d'appel (p. 71), la société FERRERO FRANCE faisait valoir qu'en tant qu'exploitante en France des marques invoquées par la société FERRERO SpA, elle était fondée à agir en concurrence déloyale et parasitaire pour demander la réparation du préjudice propre qu'elle avait subi du fait des actes de contrefaçon ; qu'ainsi, la cassation à intervenir du chef ayant rejeté les demandes de la société FERRERO SpA pour contrefaçon entraînera, par voie de conséquence, celle de l'arrêt en ce qu'il a débouté la société FERRERO FRANCE de ses demandes pour concurrence déloyale et parasitaire, et ce en application de l'article 624 du Code de procédure civile.