Tribunal de grande instance de Paris, 8 juin 2007, 2006/01029

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2006/01029
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : RAMEAUX DU MEDOC ; LES RAMEAUX
  • Classification pour les marques : CL30
  • Numéros d'enregistrement : 3188047 ; 1494016 ; 807478
  • Parties : MADEMOISELLE DE MARGAUX ; REVILLON CHOCOLATIER / TRIANON CHOCOLATIERS BV (Pays-Bas)

Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2010-10-26
Cour d'appel de Paris
2009-01-30
Tribunal de grande instance de Paris
2007-06-08

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS3ème chambre 2ème sectionN°RG: 06/01029JUGEMENT rendu le 08 Juin 2007Assignation du : 26 Décembre 2005 DEMANDERESSES Société MADEMOISELLE DE MARGAUX, Société REVILLON CHOCOLATIER,5 place de Pincourt 42120 LE COTEAU représentée par Me Catherine CARIOU, avocat au barreau de PARIS, vestiaire B. 107, Me Philippe C, avocat au barreau de PARIS, vestiaire D109 DEFENDERESSE Société TRIANON CHOCOLATIERS B.V.Spaanderstraat 12 NL-5348 LA Oss (PAYS-BAS) représentée par Me Isabelle LEROUX, avocat au barreau de PARIS, vestiaire R.255 COMPOSITION DU TRIBUNAL Claude V, Vice-Président, signataire de la décision Véronique R, Vice-Président Sophie CANAS, Jugeassistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier, signataire de la décision DEBATS A l'audience du 06 Avril 2007 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé en audience publiqueContradictoireen premier ressort FAITS, PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES La société REVILLON CHOCOLATIER (ci-après dénommée la société REVILLON), anciennement dénommée CHOCOLATERIE du COTEAU indique commercialiser depuis 1982 des produits ayant l'aspect de brindilles composées de chocolat parfumé. Elle est titulaire d'une marque française tridimensionnelle constituée par la forme de ces brindilles de chocolat déposée le 7 octobre 2002 et enregistrée sous le n° 02 3 188 047 pour désigner les "cacao, chocolat et produits de chocolaterie" de la classe 30 . Ces chocolats ont été vendus par la société REVILLON jusqu'en 2003 sous la dénomination SARMENTS DU MEDOC et depuis sous la dénomination FINESSES DE CHOCOLAT, la dénomination antérieure étant désormais utilisée par une société du même groupe, la société MADEMOISELLE DE MARGAUX. Suite à un apport partiel d'actifs, cette dernière est devenue propriétaire de la marque semi-figurative "RAMEAUX DU MEDOC" déposé le 14 septembre 1988, régulièrement renouvelée le 5 mai 1998 et enregistrée sous le n" 1 494 016 pour désigner notamment les "chocolat, chocolats et confiseries en particulier une boîte contenant des bâtons de chocolat" de la classe 30. Indiquant avoir eu connaissance de la commercialisation en France par la société de droit néerlandais la société TRIANON CHOCOLATIERS B.V (ci-après dénommée la société TRIANON) de chocolats ayant la forme de brindilles sous la dénomination "LES RAMEAUX" objet d'un dépôt international désignant la France du 17 juillet 2003, les sociétés REVILLON et MADEMOISELLE DE MARGAUX ont, selon acte d'huissier en date du 26 décembre 2005, fait assigner cette dernière sur le fondement des articles L 713-2, L 713-3 et L 711-4 du Code de la Propriété Intellectuelle ainsi que 1382 du Code Civil en contrefaçon, nullité de la marque seconde et concurrence déloyale pour obtenir, outre des mesures d'interdiction et de publication, paiement de dommages-intérêts ainsi que d'une indemnité fondée sur l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Par dernières écritures signifiées le 13 décembre 2006, les sociétés REVILLON et MADEMOISELLE DE MARGAUX demandent au Tribunal de : - débouter la société TRIANON de sa demande en déchéance de la marque n° 1 494 016 dont la société MADEMOISELLE DE MARGAUX est titulaire, - dire et juger que les produits de chocolaterie en forme de brindilles commercialisés par la société TRIANON sous la marque "LES RAMEAUX" constituent la contrefaçon de la marque n° 02 3 188 047 dont est titulaire la société REVILLON et de la marque "RAMEAUX DU MÉDOC" n" 1 494 016 dont la société MADEMOISELLE DE MARGAUX est titulaire, - dire que le dépôt à l'OMPI le 17 juillet 2003 sous le n° 807 478 par la société TRIANON de la dénomination LES RAMEAUX à titre de marque constitue également une contrefaçon de la marque n° 1 494 016, - déclarer nulle la partie française de l'enregistrement international n° 807 478 de la marque "LES RAMEAUX", - dire que la présentation adoptée par la société TRIANON pour les emballages de ses produits contrefaisants est également constitutive de concurrence déloyale à l'encontre de la société REVILLON - faire défense à la société TRIANON d'importer, d'offrir en vente et de vendre en France des produits dont la présentation porte atteinte à leurs droits, et ce sous astreinte définitive et non comminatoire de 200 euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir, - condamner la société TRIANON à payer à la société REVILLON la somme de 200.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les actes de contrefaçon et de concurrence déloyale commis à son encontre, - subsidiairement, ordonner une expertise aux fins de déterminer l'importance des ventes de produits contrefaisants réalisées sur le territoire français - condamner dans ce cas la société TRIANON à lui payer une somme de 100.000 euros à titre de provision, - autoriser la publication du jugement à intervenir dans trois journaux ou revues de leur choix, aux frais de la défenderesse, - ordonner l'exécution provisoire, - condamner la société TRIANON à payer à chacune des sociétés REVILLON et MADEMOISELLE DE MARGAUX la somme de 4.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile, ainsi qu'aux entiers dépens. Par dernières écritures signifiées le 1er février 2007, la société TRIANON CHOCOLATIERS B.V demande au Tribunal de : - dire que la marque tridimensionnelle n° 02 3 188 04 7 est nulle en ce qu'elle est dépourvue de caractère distinctif, - dire que la société MADEMOISELLE DE MARGAUX n'a pas fait un usage réel, sérieux et continu de la marque semi-figurative "RAMEAUX DU MÉDOCn" 1 494.016, et ce depuis son dépôt, - - dire qu'elle n'a pas commis d'actes de concurrence déloyale à l'égard de la société REVILLON CHOCOLATIER,

En conséquence

, - prononcer la déchéance de l'ensemble des droits que la société MADEMOISELLE DE MARGAUX détient sur la marque n'1.494.016, - condamner les sociétés REVILLON et MADEMOISELLE DE MARGAUX à lui verser la somme de 30 000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile ainsi qu'aux entiers dépens.L'ordonnance de clôture a été rendue le 8 mars 2007. MOTIFS DE LA DÉCISION :Sur la nullité de la marque tridimensionnelle n°02 3 188.047 Attendu qu'aux termes de l'article L 711-2 du Code de la Propriété Intellectuelle, sont dépourvus de caractère distinctif les signes constitués exclusivement par la forme imposée par la nature ou la fonction du produit, ou conférant à ce dernier sa valeur substantielle ; Attendu que la marque litigieuse a été déposée le 7 octobre 2002 pour désigner les "cacao, chocolat et produits de chocolaterie" ; qu'elle est constituée par la forme d'une brindille de chocolat évoquant un sarment de vigne ; que pour en contester la validité, la société TRIANON fait valoir que le signe se confond avec l'apparence du produit et est dès lors dépourvu de tout caractère distinctif propre à remplir à la fonction de marque ; Mais attendu que la forme de brindille en chocolat n'est pas une forme nécessaire pour désigner les produits visés à savoir le chocolat et les produits de chocolaterie ; qu'elle ne confère pas plus à ceux-ci leur valeur substantielle qui tient à leur qualité, leur goût ou leur consistance et non pas à leur forme ; que cette forme se distingue des autres formes connues sur le marché par son aspect spécifique tenant à la sinuosité de la brindille, à sa taille, sa composition entière de chocolat et à l'aspect irrégulier de sa surface ; que partant, le signe déposé permet au consommateur de chocolat d'identifier le produit qu'il achète et remplit donc la fonction première de la marque ; qu'à cet égard il est inopérant pour la défenderesse de se prévaloir d'un sondage d'opinion dans la mesure où la notoriété de la marque n'est pas invoquée ; Attendu que le grief de nullité sera en conséquence rejeté ; Sur la déchéance de la marque n° 1 494 016 Attendu qu'aux termes des dispositions de l'article L.714-5 du Code de la Propriété Intellectuelle, "encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l'enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. (...) La déchéance peut être demandée en justice par toute personne intéressée. Si la demande ne porte que sur une partie des produits ou des services visés dans l'enregistrement, la déchéance ne s'étend qu aux produits ou services concernés.'" Attendu que la société défenderesse soutient depuis le 4 mai 2006 que la déchéance de la marque "RAMEAUX DU MEDOC" n° 1 494 016 n'a pa s fait l'objet d'un usage sérieux, réel et continu, ces cinq dernières années dans le corps de ses écritures et depuis le dépôt dans le dispositif de celles-ci, et ce pour l'ensemble des produits qu'elle désigne ; Mais attendu qu'il importe peu qu'il n'ait pas été fait une exploitation de la marque depuis son dépôt le 14 septembre 1988 dès lors que la société MADEMOISELLE DE MARGAUX produit aux débats, en dehors d'une boîte de chocolats de couleur blanche et de sa reproduction non datées, trois factures établies le 28 avril 2005 correspondant à la vente de 72 boites de produits "RAMEAUX DU MEDOC" de 125 g ; que ces actes d'exploitation, certes intervenus sur une période unique mais entrepris plus de trois mois avant que la demanderesse ait eu connaissance de la demande de déchéance, sont de nature à faire obstacle à celle-ci dès lors qu'ils sont effectifs ; qu'il n'est en effet pas nécessaire que l'exploitation de la marque soit importante dès lors qu'elle est réelle ; Que la société MADEMOISELLE DE MARGAUX rapporte ainsi la preuve d'un usage sérieux au cours de la période de référence de la marque "RAMEAUX DU MEDOC " dans les conditions de l'article L.714-5 précité ; Attendu que la société TRJANON sera donc déboutée de sa demande reconventionnelle en déchéance de ladite marque ; Sur la contrefaçon Attendu qu'il n'est pas contesté que les chocolats sous forme de brindilles commercialisées par la société TRJANON et leur représentation sur les emballages reproduisent à l'identique la marque n° 02 3 188 04 7 dont est titulaire la société REVILLON ; que ces faits sont en tout état de cause établis par le constat dressé le 9 novembre 2005 par Maître Jean-Daniel L, Huissier de Justice associé à Paris ; Attendu que les actes de contrefaçon de la marque "RAMEAUX DU MEDOC" n 1 494 016 ne sont pas plus contestés et résultent de la commercialisation par la société TRIANON de chocolats dont l'apparence reproduit l'élément figuratif de la marque en cause, du dépôt et de l'utilisation de la dénomination "LES RAMEAUX" qui constitue la reproduction de la partie dénominative de la marque, l'adjonction de l'adjectif "LES" n'étant pas de nature à écarter tout risque de confusion dans l'esprit du consommateur de chocolat ; que la partie française de la marque internationale "LES RAMEAUX" n° 807 478 sera en conséquence déclarée nulle par application combinée des articles L 711-4 et L 714-3 du Code de la Propriété Intellectuelle comme portant atteinte aux droits de la société MADEMOISELLE DE MARGAUX sur la marque n°l 4 94 016; Sur la concurrence déloyale Attendu que la société REVILLON incrimine à ce titre la représentation par la société TRIANON sur les emballages de ses produits d'un ruban pour former un fagot de brindilles de chocolat comme elle le fait elle-même sur ses propres produits ; que pour s'opposer à cette demande, la défenderesse fait valoir qu'il est d'usage d'apposer sur l'emballage d'un produit la représentation de celui-ci ; Mais attendu que cet usage, à le supposer avéré, ne justifie pas la représentation par la société TRIANON sur les boîtes de chocolats qu'elle commercialise d'un fagot lié par un ruban à l'instar de la société REVILLON ; que cet agissement est source de confusion dans l'esprit du consommateur et constitue ainsi un acte de concurrence déloyale au préjudice de la demanderesse, les quelques différences relevées par la société défenderesse notamment quant au nombre de brindilles de chocolats figurant dans ledit fagot n'étant pas suffisantes à écarter ce risque de confusion s'agissant de produits identiques ; Sur les mesures réparatrices Attendu qu'il sera fait droit à la mesure d'interdiction sollicitée dans les termes précisés au dispositif de la présente décision ; Attendu qu'en l'absence de tout justificatif d'un quelconque préjudice commercial, les atteintes portées aux droits privatifs de la société REVILLON seront justement indemnisées par l'octroi de la somme de 10.000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation des actes de contrefaçon ainsi que celle de 10.000 euros en réparation des actes de concurrence déloyale commis à son encontre sans qu'il soit besoin d'ordonner une mesure d'expertise ; que le préjudice étant intégralement réparé par ces dommages-intérêts il n'y a pas lieu d'autoriser en outre la publication de la présente décision ; Attendu qu'il y a lieu de constater qu'aucune demande indemnitaire n'est formulée au bénéfice de la société MADEMOISELLE DE MARGAUX; Sur les autres demandes Attendu que la nature de l'affaire et l'ancienneté du litige justifient l'exécution provisoire de la présente décision ; Attendu qu'il serait inéquitable de laisser à la charge des demanderesses la totalité des frais irrépétibles et qu'il convient de leur allouer ensemble la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. Que la société TRIANON qui succombe sera condamnée aux dépens ;

PAR CES MOTIFS

: Le Tribunal, statuant en audience publique, par jugement contradictoire et en premier ressort, - Rejette la demande de nullité de la marque tridimensionnelle n°02 3 188.047. - Rejette la demande de déchéance de la marque n° 1 4 94 016. - Dit que les chocolats en forme de brindilles commercialisés par la société TRIANON CHOCOLATIERS B.V. sous la marque "LES RAMEAUX" et objet du constat d'huissier du 9 novembre 2005 constituent la contrefaçon de la marque n° 02 3 188 047 dont est titulaire la société REVILLON et de la marque "RAMEAUX DU MÉDOC" n° 1 494 016 dont est titulaire la société MADEMOISELLE DE MARGAUX. - Dit que le dépôt à l'OMPI le 17 juillet 2003 sous le n° 807 478 par la société TRIANON CHOCOLATIERS B.V. de la dénomination "LES RAMEAUX" à titre de marque constitue également une contrefaçon de la marque "RAMEAUX DU MÉDOC" n° 1 494 016. - Déclare nulle la partie française de l'enregistrement international n° 807 478 de la marque "LES RAMEAUX". - Dit que la présentation par la société TRIANON CHOCOLATIERS B.V. sur les emballages de ses produits d'un ruban pour former un fagot de brindilles de chocolat est également constitutive de concurrence déloyale à l'encontre de la société REVILLON CHOCOLATIER. - En conséquence, - Interdit à la société TRIANON CHOCOLATIERS B.V. la poursuite de ces agissements, sous astreinte de 200 euros par jour de retard passé le délai de quinze jours après la signification de la présente décision. - Condamne la société TRIANON CHOCOLATIERS B.V. à payer à la société REVILLON CHOCOLATIER, la somme de 10. 000 euros à titre de dommages- intérêts pour les actes de contrefaçon ainsi que la somme de 10.000 euros à titre de dommages-intérêts pour les actes de concurrence déloyale commis à son encontre. - Constate qu'aucune demande indemnitaire n'est formulée au bénéfice de la société MADEMOISELLE DE MARGAUX. - Ordonne l'exécution provisoire. - Condamne la société TRIANON CHOCOLATIERS B.V. à payer à chacune des sociétés REVILLON CHOCOLATIER et MADEMOISELLE DE MARGAUX ensemble la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du Nouveau Code de Procédure Civile. - Condamne la société TRIANON CHOCOLATIERS B.V aux entiers dépens qui seront recouvrés conformément aux dispositions de l'article 699 du nouveau Code de Procédure Civile.