Cour de cassation, Chambre commerciale, financière et économique, 26 novembre 2003, 01-17.162

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2003-11-26
Cour d'appel de Versailles (1e chambre civile - 1ère section)
2001-09-06
tribunal de grande instance ayant
1999-06-23

Texte intégral

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS Attendu, selon l'arrêt confirmatif attaqué (Versailles, 6 septembre 2001), que la société Elen (la société), dont M. X... était le gérant, a été placée en redressement judiciaire le 6 décembre 1990, puis en liquidation judiciaire le 20 juin 1991 ; qu'en avril 1999, le receveur des impôts a assigné M. X... sur le fondement de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales afin qu'il soit déclaré solidairement responsable du paiement de la dette due à sa caisse par la société au titre de la TVA et de la taxe d'apprentissage ; que par jugement du 23 juin 1999, le président du tribunal de grande instance ayant accueilli la demande, M. X... a fait appel de cette décision ;

Sur le premier moyen

:

Attendu que M. X... fait grief à

l'arrêt d'avoir confirmé le jugement, alors, selon le moyen, que l'exercice de poursuites à l'encontre du dirigeant d'une société en application des dispositions de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales suppose une autorisation valable du directeur des services fiscaux ; que cette autorisation, à tout le moins, doit contenir les motifs pour lesquels le dirigeant est poursuivi ; qu'en l'espèce, l'autorisation produite par le comptable public se contente de préciser qu'est autorisée l'action prévue à l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ; qu'en décidant que les poursuites avaient été valablement engagées, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

Mais attendu

, que contrairement à ce qui est affirmé par le moyen, l'autorisation produite précise que c'est au vu du projet d'assignation qui lui a été soumis que le directeur des services fiscaux d'Eure-et-Loir a autorisé le receveur principal des impôts de Dreux, comptable chargé du recouvrement, à engager à l'encontre de M. X..., ancien gérant de la SARL Elen, l'action prévue à l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ; qu'il s'ensuit que le moyen manque par le fait sur lequel il se fonde ;

Sur le second moyen

: Attendu que M. X... fait également grief à l'arrêt d'avoir confirmé le jugement, alors, selon le moyen que toute personne a le droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, et par un tribunal compétent ; qu'en l'espèce, la cour d'appel décide, pour refuser le sursis à statuer jusqu'à ce que le juge administratif se soit prononcé sur le bien fondé des impositions en litige, que ni les critiques fondées sur l'irrégularité de la procédure, ni celles fondées sur une erreur d'encaissement, ni celles contestant les pénalités ne présentaient un caractère sérieux ;

qu'en statuant ainsi

alors qu'il ne lui appartenait pas de statuer sur des questions relevant de la compétence du juge de l'impôt, la cour d'appel a privé M. X... du droit à un procès équitable et a en conséquence violé l'article 6 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme ; Mais attendu qu'il ne résulte ni des conclusions ni de la décision attaquée que le moyen ait été soutenu devant les juges du fond ; que le moyen est donc nouveau, et qu'étant mélangé de fait et de droit, il est irrecevable ;

Et sur le troisième moyen

, pris en ses trois branches :

Attendu que M. X... fait encore grief à

l'arrêt d'avoir confirmé le jugement alors, selon le moyen : 1 / qu'il résulte des termes de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales que le dirigeant d'une société ne peut être déclaré débiteur solidaire du paiement des impositions dues par cette société que si la société est responsable de l'inobservation grave et répétée de ses obligations fiscales ; que la qualification d'inobservation grave et répétée suppose que les manquements se soient produits sur une longue période d'une durée supérieure à celle d'un unique exercice ; qu'en l'espèce, la cour d'appel se contente, pour faire droit à la demande de l'administration, de relever que les inobservations fiscales alléguées consistent essentiellement dans le dépôt sans paiement de six déclarations mensuelles de TVA et dans la minoration des bases taxables à la TVA au cours de quatre mois ajoutant même que le seul défaut de paiement de la TVA suffit à caractériser les manquements graves et répétés au sens de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ;

qu'en statuant ainsi

alors que ces manquements ne se sont pas produits sur une période suffisamment longue pour constituer des manquements graves et répétés, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de ses propres constatations, violant ainsi le texte susvisé ; 2 / que le juge ne peut appliquer les dispositions de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales sans établir un lien de causalité entre les manquements et le préjudice allégués, c'est-à-dire sans rechercher les circonstances, autres que le défaut de déclaration et de paiement, en raison desquelles l'inobservation grave et répétée des obligations fiscales de la société a rendu impossible le recouvrement des impositions ; qu'en l'espèce, la cour d'appel se contente de relever, pour engager sa responsabilité solidaire, que ces manquements sont bien à l'origine de l'impossibilité de recouvrer la créance fiscale, les procédures de redressement et les déclarations déposées sans paiement ayant différé l'élaboration des titres exécutoires et compromettant l'action en recouvrement ; qu'en statuant ainsi, alors que la seule mise en redressement judiciaire de la société ne suffit à caractériser ni le lien entre les manquements et l'impossibilité de recouvrer, ni même l'impossibilité de recouvrer elle-même, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article L. 267 du Livre des procédures fiscales ; 3 / que le juge ne peut appliquer l'article L. 267 du livre des procédures fiscales sans rechercher si le comptable des impôts a mis en oeuvre en vain tous les moyens de poursuite dont il dispose pour obtenir en temps utile le paiement des impositions dues par la société ; qu'en l'espèce, la cour d'appel relève, pour mettre en jeu sa responsabilité que les manquements allégués sont bien à l'origine de l'impossibilité de recouvrer la créance fiscale et qu'il n'est pas possible de reprocher au receveur d'avoir tardé à faire diligence ; qu'en statuant ainsi sans rechercher, comme il l'y invitait si le comptable du trésor avait vainement mis en oeuvre tous les moyens dont il disposait pour obtenir paiement en temps utile des impositions dues, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé ; Mais attendu que la cour d'appel, par motifs adoptés des premiers juges, a indiqué qu'il résultait des explications de M. X... qu'il avait poursuivi l'activité de la société pendant sept mois alors qu'il était dans l'incapacité de régler la TVA qu'il avait encaissée auprès de ses clients, utilisant ainsi des fonds qui revenaient au Trésor pour les besoins de la société, dont il avait, de cette façon, pu poursuivre artificiellement l'activité ; qu'elle a constaté que la créance du Trésor n'avait pas été acquittée malgré onze avis de mise en recouvrement suivis, entre août et novembre 1990, de cinq mises en demeure ; qu'au surplus, par motifs propres, la cour d'appel a rappelé qu'il y avait eu dépôt sans paiement de six déclarations de TVA, dont aucune n'avait pu être apurée en dépit de l'action du comptable de mai à octobre 1990, et minoration des bases taxables à la TVA au cours des mois d'octobre, novembre 1989 et avril, mai 1990 ; qu'elle a retenu que ces manquements étaient bien à l'origine de l'impossibilité de recouvrer la créance fiscale, en dépit des diligences opérées par l'administration, dès lors qu'ils avaient eu pour effet de différer l'élaboration des titres exécutoires, compromettant ainsi l'action en recouvrement interrompue par la mise en redressement judiciaire de la société Elen ; qu'elle a, enfin, ajouté que M. X... ne pouvait reprocher au receveur d'avoir tardé à faire diligence alors qu'il avait pris son attache pour obtenir des délais de paiement puisque dès le non respect de la première échéance de l'engagement d'apurement pris le 5 novembre 1990, et préalablement à l'ouverture de la procédure collective, des avis à tiers détenteur avaient été délivrés ; qu'ainsi la cour d'appel a légalement justifié sa décision, sans méconnaître les dispositions visées par le moyen ; d'où il suit, que celui-ci n'est fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne M. Y... aux dépens ; Vu l'article 700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de M. X... ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du vingt-six novembre deux mille trois.