Copies exécutoires REPUBLIQUE FRANCAISE
délivrées aux parties le : AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE PARIS
Pôle 3 - Chambre 5
ARRET
DU 13 FEVRIER 2024
(n° , 5 pages)
Numéro d'inscription au répertoire général : N° RG 22/15172 - N° Portalis 35L7-V-B7G-CGKFB
Décision déférée à la Cour : Jugement du 22 mai 2020 rendu par le tribunal judiciaire de Paris - RG n° 18/02371
APPELANT
Monsieur [T] [I] [J] né le 1er avril 2003 à [Localité 5] (Algérie), devenu majeur
[Adresse 6]
[Localité 3] - ALGÉRIE
représenté par Me Nadir HACENE, avocat au barreau de PARIS, toque : P0298
INTIME
LE MINISTÈRE PUBLIC pris en la personne de MADAME LE PROCUREUR GÉNÉRAL près la cour d'appel de Paris - Service nationalité
[Adresse 1]
[Localité 2]
représenté à l'audience par Madame Laure de CHOISEUL PRASLIN, avocat général, magistrat honoraire
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles
805 et
907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 11 janvier 2024, en audience publique, l' avocat de l'appelant et le ministère public ne s'y étant pas opposés, devant Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre, chargée du rapport.
Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre
Mme Marie-Catherine GAFFINEL, conseillère
Madame Marie LAMBLING, conseillère,
Greffier, lors des débats : Mme Mélanie PATE
ARRET :
- contradictoire
- par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article
450 du code de procédure civile.
- signé par Mme Hélène FILLIOL, présidente de chambre et par Mme Mélanie PATE, greffière, présente lors de la mise à disposition.
Vu le jugement contradictoire rendu le 22 mai 2020 par le tribunal judiciaire de Paris qui a constaté la régularité de la procédure au regard de l'article
1043 du code de procédure civile, jugé que M. [P] [J], se disant né le 5 mai 1974 à [Localité 7] (Algérie), n'est pas de nationalité française, jugé que M. [T] [I] [J], se disant né le 1er avril 2003 à [Localité 5] (Algérie), n'est pas de nationalité française, jugé que [W] [K] [Z] [J], se disant née le 31 juillet 2008 à [Localité 8] (Algérie), n'est pas de nationalité française, jugé que [A] [U] [G] [J], se disant né le 11 juin 2016 à [Localité 4] (Algérie), n'est pas de nationalité française, ordonné la mention prévue par l'article
28 du code civil, rejeté toute autre demande de M. [P] [J] et Mme [D] [M], condamné in solidum M. [P] [J] et Mme [D] [M] aux dépens et dit n'y avoir lieu à distraction des dépens ;
Vu la déclaration d'appel du 14 août 2022 de M. [T] [I] [J] ;
Vu les conclusions notifiées le 3 janvier 2023 par M. [T] [J] qui demande à la cour d'infirmer le jugement de première instance, dire qu'il est de nationalité française et condamner le Trésor public aux dépens ;
Vu les conclusions notifiées le 31 mars 2023 par le ministère public qui demande à la cour de, titre principal, constater la caducité de l'appel pour non-respect des dispositions de l'article
1040 du code de procédure civile, à titre subsidiaire, juger l'appel irrecevable car tardif et à titre infiniment subsidiaire, confirmer le jugement de première instance, ordonner la mention prévue par l'article
28 du code civil et condamner M. [T] [J] aux entiers dépens ;
Vu l'ordonnance de clôture rendue le 23 novembre 2023 ;
Vu le bulletin du 7 février 2024 aux termes duquel la cour a demandé à Maître [S] la communication de son dossier de plaidoirie avec les originaux ;
Vu l'absence de transmission à la cour du dossier de plaidoirie de l'app
MOTIFS
:
Scomplissement de la formalité prévue par l'article
1040 du code de procédure civile
Il est justifié de l'accomplissement de la formalité prévue par l'article
1040 du code de procédure civile dans sa version applicable à la présente procédure, par la production du récépissé délivré le 25 octobre 2023 par le ministère de la Justice. La déclaration d'appel n'est donc pas caduque et les conclusions sont recevables.
Sur la recevabilité de l'appel
Moyens des parties
Pour conclure à l'irrecevabilité de l'appel, le ministère public fait valoir que l'appel a été interjeté le 14 août 2022, soit à l'expiration du délai de 1 mois prévu par l'article
538 du code de procédure civile dès lors que le jugement du 22 mai 2020 a été régulièrement signifié à l'appelant et sa famille par actes d'huissier des 2 et 8 octobre 2020 et qu'un certificat de non-appel a ainsi été délivré le 12 avril 2021.
L'appelant n'a pas répondu sur ce point.
Réponse de la cour
L'article
538 du code de procédure civile dispose que « Le délai de recours par une voie ordinaire est d'un mois en matière contentieuse ; il est de quinze jours en matière gracieuse. »
Le protocole judiciaire signé le 28 août 1962 entre le gouvernement de la République française et l'Exécutif provisoire algérien prévoit notamment en son article 21 que « les actes judiciaires et extrajudiciaires, tant en matière civile et commerciale qu'en matière pénale, destinés à des personnes résidant sur le territoire de l'un des deux pays seront transmis directement par l'autorité compétente au parquet dans le ressort duquel se trouve le destinataire de l'acte. »
L'article 22 précise « Si l'autorité requise est compétente, elle transmettra d'office l'acte à l'autorité compétente et en informera immédiatement l'autorité requérante ».
L'article 23 ajoute « L'autorité requise se bornera à faire effectuer la remise de l'acte du destinataire. Si celui-ci l'accepte volontairement, la preuve de la remise se fera au moyen soit d'un récépissé daté et signé par le destinataire, soit d'une attestation de l'autorité requise et constatant le fait, le mode et la date de la remise. L'un ou l'autre de ces documents sera envoyé directement à l'autorité requérante. Si le destinataire refuse de recevoir l'acte, l'autorité requise enverra immédiatement celui-ci à l'autorité requérante en indiquant le motif pour lequel la remise n'a pu avoir lieu ».
En l'espèce, force est de constater que si le ministère public produit la preuve de la transmission du jugement du 22 mai 2020 à l'autorité compétente algérienne, elle ne justifie pas que l'autorité requise a remis l'acte à M. [T] [I] [J], aucun des « documents » visés par l'article 23 précité n'étant produit aux débats.
C'est vainement que le ministère public se prévaut de la notification de l'acte à M. [T] [I] [J] par voie d'huissier, celle-ci n'étant pas prévue par le protocole franco-algérien précité pour les ressortissants algériens.
En l'absence de preuve de la remise du jugement à M. [T] [I] [J], le délai de recours n'a pas commencé à courir de sorte que l'appel formé par M. [T] [I] [J] est recevable.
Sur le fond
Invoquant l'article
18 du code civil, M. [T] [J] soutient être français par filiation paternelle pour être né le 1er avril 2003 à [Localité 5] (Algérie) de M. [P] [J], né le 5 mai 1974 à [Localité 7] (Algérie), descendant de [B] [E], née le 14 novembre 1883 à [Localité 9] (Algérie), citoyenne française de statut civil de droit commun qui a transmis ledit statut civil à sa descendance. Il en déduit que son père est français et qu'il l'est lui-même, par filiation.
Conformément à l'article
30 du code civil, la charge de la preuve en matière de nationalité incombe à celui qui revendique la qualité de français lorsqu'il n'est pas déjà titulaire d'un certificat de nationalité délivré à son nom en vertu des articles
31 et suivants du code civil.
En application de l'article
30 alinéa 1er du code civil, il appartient à M. [T] [I] [J] qui revendique la nationalité française d'en rapporter la preuve, dès lors qu'il n'est pas titulaire d'un certificat de nationalité française délivré à son nom conformément aux dispositions des articles
31 et suivants du code civil.
Il doit en premier lieu établir qu'il dispose d'un état civil certain au sens de l'article
47 du code civil, qui énonce que « Tout acte de l'état civil des Français et des étrangers fait en pays étranger et rédigé dans les formes usitées dans ce pays fait foi, sauf si d'autres actes ou pièces détenus, des données extérieures ou des éléments tirés de l'acte lui-même établissent, le cas échéant après toutes vérifications utiles, que cet acte est irrégulier, falsifié ou que les faits qui y sont déclarés ne correspondent pas à la réalité. Celle-ci est appréciée au regard de la loi française».
Or, comme l'a retenu le jugement par des motifs exacts et pertinents que la cour adopte, l'intéressé ne justifie pas d'un état civil probant, la copie de son acte de naissance produite en arabe, accompagnée de sa traduction en langue française, ne mentionnant ni la date, ni le lieu de naissance des père et mère ou tout le moins leurs âges, ce en violation de l'article 30 de l'ordonnance algérienne n° 70/200 du 19 février 1970 sur l'état civil.
Comme le relève justement le ministère public, M. [T] [I] [J] ne produit en cause d'appel aucun élément nouveau de nature à remettre en cause l'analyse des premiers juges.
En effet, il n'a pas communiqué à la cour, en dépit des demandes du greffe, son dossier de plaidoirie comportant les pièces en original visées dans son bordereau de communication de pièces et les copies scannées de certaines pièces invoquées en cause d'appel transmises via le RPVA numérotées de 53 à 58 ne présentent aucune garantie d'authenticité et ce faisant aucune valeur probante.
Au surplus, l'ordonnance algérienne du 17 novembre 2022 concernant des tiers (ses pièces n°57 et 58) ayant rejeté au visa de l'ordonnance algérienne du 19 février 1970 précitée, une demande de rectification d'un acte de naissance au motif que l'âge et la profession du père ne sont pas considérés comme substantiels dans les actes de naissance ne permet pas d'écarter les dispositions légales algériennes. En l'absence desdites mentions, il n'est pas en établi qu'il y a une identité de personne entre le père mentionné dans l'acte de naissance de l'intéressé et le père revendiqué dont il tiendrait la nationalité française.
Enfin, contrairement à ce que soutient l'intéressé, la détermination par un Etat de ses nationaux par application de la loi sur la nationalité ne peut constituer une discrimination même au sens de l'article 14 de la Convention européenne des droits de l'homme, dans la mesure où le droit à une nationalité est assurée et les articles 8 et 14 de ladite Convention ne peuvent pas faire échec au droit de chaque Etat de déterminer les conditions d'accès à sa nationalité.
Le jugement est donc confirmé.
M. [T] [I] [J], qui succombe, est condamné aux dépens.
PAR CES MOTIFS
Constate l'accomplissement de la formalité prévue par l'article du code de procédure civile ;
Dit que la déclaration d'appel n'est pas caduque ;
Déclare l'appel recevable ;
Confirme le jugement ;
Ordonne la mention prévue par l'article
28 du code civil ;
Condamne M. [T] [I] [J] aux dépens.
LA GREFFIERE LA PRESIDENTE