LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
CIV. 2
LM
COUR DE CASSATION
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Audience publique du 1er octobre 2020
Cassation
M. PIREYRE, président
Arrêt n° 963 F-D
Pourvoi n° F 19-19.401
R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E
_________________________
AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS
_________________________
ARRÊT DE LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, DU 1ER OCTOBRE 2020
La société AlixPartners, société par actions simplifiée unipersonnelle, dont le siège est [...] , a formé le pourvoi n° F 19-19.401 contre l'arrêt rendu le 3 juillet 2019 par la cour d'appel de Paris (pôle 1 - chambre 3), dans le litige l'opposant :
1°/ à M. V... J..., domicilié [...] ,
2°/ à la société The Boston Consulting Group and Cie, société à responsabilité limitée unipersonnelle, dont le siège est [...] ,
défendeurs à la cassation.
La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt.
Le dossier a été communiqué au procureur général.
Sur le rapport de M. Fulchiron, conseiller, les observations de Me Laurent Goldman, avocat de la société AlixPartners, de la SCP Alain Bénabent, avocat de M. J..., et l'avis de M. Girard, avocat général, après débats en l'audience publique du 8 juillet 2020 où étaient présents M. Pireyre, président, M. Fulchiron, conseiller rapporteur, Mme Martinel, conseiller doyen, et Mme Thomas, greffier de chambre,
la deuxième chambre civile de la Cour de cassation, composée des président et conseillers précités, après en avoir délibéré conformément à la loi, a rendu le présent arrêt.
Désistement partiel
1. Il est donné acte à la société AlixPartners du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société The Boston Consulting Group and Cie (BCG).
Faits et procédure
2. Selon l'arrêt attaqué (Paris, 3 juillet 2019), M. J... a été licencié pour motif personnel par la société AlixPartners.
3. Soupçonnant des manquements de M. J... à ses obligations de loyauté et de non-sollicitation, la société AlixPartners a présenté une requête devant le président d'un tribunal de grande instance tendant à la désignation d'un huissier de justice pour procéder à diverses mesures d'investigation.
4. Par ordonnance du 9 avril 2018, le président d'un tribunal de grande instance a fait droit à sa demande.
Examen des moyens
Sur le premier moyen
Enoncé du moyen
5. La société AlixPartners fait grief à l'arrêt de confirmer l'ordonnance du 9 janvier 2019 par laquelle le président du tribunal de grande instance de Paris avait ordonné la rétractation de l'ordonnance sur requête du 9 avril 2018 et de déclarer nuls les actes subséquents, alors « que les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées sur requête lorsque les circonstances justifient qu'il soit dérogé au principe du contradictoire ; que la requête de la société AlixPartners comportant une motivation précise des circonstances propres à l'espèce qui étaient de nature à justifier l'éviction du contradictoire, de sorte qu'un retenant néanmoins, pour rétracter l'ordonnance sur requête, que cette requête n'était pas motivée, les considérations y figurant étant d'ordre général, sans démonstration ni prise en compte d'éléments propres au cas d'espèce, la cour d'appel a violé les articles
145 et
493 du code de procédure civile. »
Réponse de la Cour
Vu les articles
145 et
493 du code de procédure civile :
6. Il résulte de ces textes que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, le juge peut ordonner les mesures d'instruction légalement admissibles. Elles peuvent l'être par ordonnance sur requête dans le cas où le requérant est fondé à ne pas appeler de partie adverse.
7. Pour confirmer l'ordonnance du 9 janvier 2019 et déclarer nuls les actes subséquents, l'arrêt retient que ni la requête ni l'ordonnance, dont la motivation est tout aussi générale, ne font état de circonstances qui justifieraient de manière concrète qu'il soit dérogé au principe du contradictoire.
8. En statuant ainsi, alors qu'il résultait de ses constatations que la société AlixPartners avait exposé un ensemble d'éléments laissant craindre l'existence d'agissements déloyaux de M. J... au bénéfice de son nouvel employeur et que le risque de dissimulation des preuves recherchées était motivé par renvoi à cet ensemble d'éléments, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
Et sur le second moyen, pris en ses quatre premières branches
Enoncé du moyen
9. La société AlixPartners fait grief à l'arrêt de rétracter l'ordonnance sur requête rendue le 9 avril 2018 par le président du tribunal de grande instance de Paris et d'annuler les actes subséquents, alors :
« 1°/ que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'en retenant, pour dire que la société AlixPartners ne justifiait pas d'un motif légitime à obtenir la mesure sollicitée et ainsi rétracter l'ordonnance sur requête, que lors de la présentation de sa requête au président du tribunal de grande instance, elle n'avait pas informé celui-ci du dépôt d'une requête partiellement identique devant le président du tribunal de commerce, ce qui, s'il l'avait su, l'aurait au moins conduit à surseoir à statuer, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'absence d'un motif légitime et a ainsi violé l'article
145 du code de procédure civile ;
2°/ qu'en se fondant également, pour statuer comme elle l'a fait, sur la circonstance inopérante, qu'il était « surprenant » d'avoir saisi sur requête à la fois le président du tribunal de grande instance et celui du tribunal de commerce puisque la requête présentée devant le second aurait pu inclure M. J..., ce qui était sans incidence sur l'intérêt de la mesure sollicitée, la cour d'appel a violé l'article
145 du code de procédure civile ;
3°/ que doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale ; qu'en prenant en compte, pour dire dépourvus d'intérêt les aspects professionnels de la mesure sollicitée, l'ordonnance rendue le 12 avril 2018 par le président du tribunal de commerce, postérieure à la requête déposée le 9 avril 2018 devant le président du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé l'article
145 du code de procédure civile ;
4°/ que, en tout état de cause, en se fondant encore sur la circonstance inopérante que l'ordonnance sur requête rendue le 12 avril 2018 par le président du tribunal de commerce aurait retiré, pour les aspects professionnels de la recherche, tout intérêt à la mesure sollicitée devant le président du tribunal de grande instance, qui était sans incidence sur les recherches autorisées au domicile de M. J..., et ne privait donc pas la requête de tout intérêt, la cour d'appel a violé l'article
145 du code de procédure civile. »
Réponse de la cour
Vu l'article
145 du code de procédure civile :
10. Il résulte de ce texte que s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, le juge peut ordonner les mesures d'instruction légalement admissibles.
11. Pour ordonner la rétractation de l'ordonnance rendue sur requête et l'annulation des actes subséquents, l'arrêt retient que la société AlixPartners n'a pas informé le président du tribunal de grande instance de l'existence concomitante d'une requête partiellement identique formée devant le président du tribunal de commerce, qui, si elle avait été connue du premier juge, aurait nécessairement eu une influence sur sa décision et l'aurait au moins conduit à surseoir à statuer.
12. En se déterminant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'absence de motif légitime au jour du dépôt de la requête, la cour d'appel a privé sa décision de base légale.
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les cinquième, sixième et septième branches du second moyen :
DONNE ACTE à la société AlixPartners du désistement de son pourvoi en ce qu'il est dirigé contre la société The Boston Consulting Group and Cie (BCG) ;
CASSE ET ANNULE, en toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 3 juillet 2019, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ;
Remet l'affaire et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant cet arrêt et les renvoie devant la cour d'appel de Paris autrement composée ;
Condamne M. J... aux dépens ;
En application de l'article
700 du code de procédure civile, rejette la demande formée par M. J... et le condamne à payer à la société AlixPartners la somme de 3 000 euros ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, prononcé par le président en son audience publique du premier octobre deux mille vingt et signé par lui et Mme Martinel, conseiller doyen, en remplacement du conseiller rapporteur empêché, conformément aux dispositions des articles
452 et
456 du code de procédure civile. MOYENS ANNEXES au présent arrêt
Moyens produits par Me Laurent Goldman, avocat aux Conseils, pour la société AlixPartners
PREMIER MOYEN DE CASSATION
La société AlixPartners fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance sur requête du 9 avril 2018 du président du tribunal de grande instance de Paris et d'avoir annulé les actes subséquents notamment le procès-verbal de constat établi par Mes O... et B... les 14 et 18 mai 2018 pour les opérations et le 30 mai 2018 pour la rédaction, en exécution de l'ordonnance du 9 avril 2018 ;
AUX MOTIFS PROPRES QUE :
Aux termes de la requête présentée au président du tribunal de grande instance de Paris le 9 avril 2018, la société AlixPartners expose que le départ de la société de M. J..., est concomitant à celui de deux autres Managing Directors, qui ont tous rejoint la société BCG, afin de participer au lancement d'une activité de conseil en redressement et en restructuration d'entreprises sous la dénomination "BCG Turns", dont la presse s'est fait l'écho en novembre 2017 ; que ce départ ne pouvait être le fruit du hasard ; que dans ces circonstances, elle a été amenée à rappeler à M. J... par lettre du 10 novembre 2017 les engagements contractés aux termes du protocole transactionnel du 11 août 2017 destiné au règlement de leur différend relatif à la rupture de son contrat de travail, de loyauté et de non-sollicitation ; qu'en parallèle, elle a pris directement attache avec BCG afin de protester du choix délibéré de ce concurrent de cibler ses personnels de manière parfaitement déloyale et de lui demander de lui retourner toute donnée confidentielle qui aurait été emportée par ses anciens salariés ; que devant les dénégations de BCG comme de M. J..., elle a fait procéder à une expertise non contradictoire du disque dur de l'ordinateur personnel de M. J... qui conclut qu'il existe de fortes probabilités pour que les répertoires figurant sur le disque dur analysé, correspondant à des dossiers professionnels appartenant à la société, aient été placés par l'utilisateur "J..." sur le disque dur externe connecté le 8 mars 2017 à l'ordinateur professionnel du salarié.
Afin de motiver la nécessité de recourir à une mesure d'investigation non contradictoire destinée à rechercher les preuves de ce que les dossiers et fichiers transférés sur des supports externes à partir de l'ordinateur professionnel de M. J... auraient été stockés sur les ordinateurs, serveurs, ou autres supports utilisés par celui-ci que ce soit à son domicile ou sur son lieu de travail actuel au sein de BCG Paris, la société AlixPartners indique :
"Le recours à la procédure non contradictoire de l'ordonnance sur requête est ainsi justifié lorsque "la mission de l'huissier a plus de chance de succès si elle est exécutée lorsque la partie adverse n'en est pas avertie".
Tel est le cas lorsque les mesures sollicitées portent sur des documents, en particulier sur des documents stockés sur des supports informatiques, qui sont exposés au risque d'une destruction facile et rapide.
(...) Il résulte des faits précédemment exposés que la mesure d'instruction sollicitée vise à déterminer si M. V... J... a, comme le craint la requérante :
(i) copié et conservé de très nombreux fichiers et dossiers professionnels appartenant à la requérante ;
(ii) communiqué ou utilisé ces données, alors que M. V... J..., ainsi que deux anciens Managers Directors de la requérante exercent désormais leurs activités chez son principal concurrent.
La mesure d'instruction sollicitée vise par conséquent à appréhender, notamment, des dossiers et fichiers issus de matériels informatiques de la requérante, transférés et stockés sur des supports informatiques externes aux matériels AlixPartners.
La préservation de ces éléments qui peuvent être facilement supprimés, effacés, parfois de manière irréversible, à l'insu de la requérante, si la mesure d'instruction est annoncée à l'avance au requis, est donc essentielle à l'efficacité de la mesure et à l'utilité même de la mesure.
Or cette préservation ne peut être assurée que si la mesure d'instruction est mise en oeuvre par surprise."
L'éviction du contradictoire, principe directeur du procès, nécessite que le requérant justifie de manière concrète, les motifs pour lesquels, dans le cas d'espèce, il est impossible de procéder autrement que par surprise, le seul fait que les documents recherchés se trouvent sur des supports volatiles étant insuffisant à les caractériser.
Or, les considérations figurant dans la requête sont d'ordre général.
L'effet de surprise recherché, sans démonstration ni prise en compte d'éléments propres au cas d'espèce caractérisant des circonstances justifiant la dérogation au principe du contradictoire, est insuffisant pour satisfaire aux exigences posées par l'article
493 du code de procédure civile.
Faute de motivation contenue dans la requête, comme dans l'ordonnance dont la motivation est tout aussi générale, de circonstances particulières de nature à autoriser une dérogation au principe du contradictoire, l'ordonnance sur requête du 9 avril 2018 doit être rétractée, et l'ordonnance de référé sur rétractation confirmée de ce chef.
ALORS QUE les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées sur requête lorsque les circonstances justifient qu'il soit dérogé au principe du contradictoire ; que la requête de la société AlixPartners comportait une motivation précise des circonstances propres à l'espèce qui étaient de nature à justifier l'éviction du contradictoire, de sorte qu'en retenant néanmoins, pour rétracter l'ordonnance sur requête, que cette requête n'était pas motivée, les considérations y figurant étant d'ordre général, sans démonstration ni prise en compte d'éléments propres au cas d'espèce, la cour d'appel a violé les articles
145 et
493 du code de procédure civile.
SECOND MOYEN DE CASSATION
La société AlixPartners fait grief à l'arrêt attaqué d'avoir rétracté l'ordonnance sur requête du 9 avril 2018 du président du tribunal de grande instance de Paris et d'avoir annulé les actes subséquents notamment le procès-verbal de constat établi par Mes O... et B... les 14 et 18 mai 2018 pour les opérations et le 30 mai 2018 pour la rédaction, en exécution de l'ordonnance du 9 avril 2018 ;
AUX MOTIFS EVENTUELLEMENT ADOPTES QUE :
Il n'est ni contesté ni contestable que, lors de la présentation de la requête le 9 avril 2018 au président du tribunal de grande instance de Paris, la SAS ALIX PARTNERS n'a pas informé celui-ci du dépôt d'une requête partiellement identique - ainsi que le surlignage en gras dans la présente décision permet de le faire ressortir - devant le président du tribunal de commerce et de la mise en délibéré de la décision au 12 avril suivant.
Or, cette information, si elle avait été divulguée au président du tribunal de grande instance de Paris, aurait nécessairement été de nature à influer sur sa décision et l'aurait au moins conduit à surseoir à statuer dans l'attente de l'ordonnance du président du tribunal de commerce antérieurement saisi d'une requête.
Ainsi, le 9 avril 2018, lors du dépôt de la requête devant le président du tribunal de grande instance de Paris, la SAS ALIX PARTNERS ne justifiait pas d'un motif légitime pour la recherche, sur ce qu'il conviendra d'appeler par souci de concision, les appareils ou messageries professionnels utilisés par ou appartenant à M. V... J....
De plus, l'ordonnance du 12 avril 2018 révèle que la mesure autorisée par le président du tribunal de commerce de Paris retirait, pour les aspects professionnels de la recherche, tout intérêt à la mesure sollicitée devant le président du tribunal de grande instance de Paris — étant observé que les mots-clés « alix », « alixpartners » et « AP » n'était pas suffisamment précis et discriminant pour une recherche pertinente ne s'apparentant pas à une mesure d'investigation générale. S'il avait eu connaissance de l'ordonnance du 12 avril 2018, le juge des requêtes agissant sur délégation du président du tribunal de grande instance de Paris n'aurait pas rendu l'ordonnance qu'il a rendue le 9 avril 2018 et aurait rejeté la requête, au moins, sur les aspects professionnels de la recherche.
De plus, si la SAS ALIX PARTNERS n'avait pas l'obligation de concentrer ses demandes devant le président du tribunal de commerce de Paris, la présentation de deux requêtes distinctes et en partie redondantes est néanmoins surprenante dès lors que, comme le rappelle la SAS ALIX PARTNERS dans sa requête du 9 avril 2018, la cour de cassation a pu dire que :
« le juge des requêtes peut ordonner une mesure d'instruction avant tout procès dès lors que le fond du litige est de nature à relever, ne serait-ce qu'en partie, de la compétence de la juridiction à laquelle il appartient ». La requête présentée au président du tribunal de commerce aurait donc pu inclure les aspects personnels de la recherche concernant M. J... - étant observé que les éléments de preuve obtenus à la suite d'une ordonnance sur requête devant le président du tribunal de commerce peuvent être utilisés dans une procédure diligentée devant une autre juridiction que le tribunal de commerce.
Enfin, dans l'appréciation de l'existence d'un motif légitime, le juge des requêtes met en balance, d'une part, le droit à la preuve revendiqué par la SAS ALIX PARTNERS et, d'autre part, la proportionnalité de la mesure à l'atteinte à la vie privée de la personne concernée par cette mesure.
En l'espèce, M. J... s'est opposé à l'exécution de la mesure à son domicile personnel. En revanche, la mesure a été exécutée au siège social de BCG Paris.
La recherche au domicile de M. J... sur des appareils ou des messageries personnels utilisés par M. J... ne permet pas d'exclure que cette recherche s'applique à des appareils ou des messageries appartenant à ses proches et ponctuellement utilisés par lui. Par ailleurs, les mots-clés tels que « alix », « alixpartners » et « AP » sont trop généraux pour exclure des messages dans lesquels M. J... aurait évoqué avec des proches ou des amis ses relations professionnelles à partir du printemps 2017 au sein de la société ALIX PARTNERS sans néanmoins révéler des informations sur l'activité ou les clients de cette société.
Dès lors, la mesure en ce qu'elle consiste à effectuer une recherche sur des appareils et messageries personnels au domicile de M. J... porte une atteinte disproportionnée au droit au respect de la vie privée de M. J... et qui n'est pas susceptible d'être justifiée par les intérêts légitimes de la SAS ALIX PARTNERS.
L'ensemble de ces éléments suffit à caractériser l'absence d'intérêt légitime de la SAS ALIX PARTNERS et à justifier la rétractation de l'ordonnance rendue le 9 avril 2018 par le juge des requêtes agissant sur délégation du président du tribunal de grande instance de Paris.
En conséquence, les actes subséquents exécutés en application de cette ordonnance, notamment le procès-verbal de constat seront déclarés nuls.
1°) ALORS QUE s'il existe un motif légitime de conserver ou d'établir avant tout procès la preuve de faits dont pourrait dépendre la solution d'un litige, les mesures d'instruction légalement admissibles peuvent être ordonnées à la demande de tout intéressé, sur requête ou en référé ; qu'en retenant, pour dire que la société AlixPartners ne justifiait pas d'un motif légitime à obtenir la mesure sollicitée et ainsi rétracter l'ordonnance sur requête, que lors de la présentation de sa requête au président du tribunal de grande instance, elle n'avait pas informé celui-ci du dépôt d'une requête partiellement identique devant le président du tribunal de commerce, ce qui, s'il l'avait su, l'aurait au moins conduit à surseoir à statuer, la cour d'appel a statué par des motifs impropres à caractériser l'absence d'un motif légitime et a ainsi violé l'article
145 du code de procédure civile ;
2°) ALORS QU'en se fondant également, pour statuer comme elle l'a fait, sur la circonstance inopérante, qu'il était « surprenant » d'avoir saisi sur requête à la fois le président du tribunal de grande instance et celui du tribunal de commerce puisque la requête présentée devant le second aurait pu inclure M. J..., ce qui était sans incidence sur l'intérêt de la mesure sollicitée, la cour d'appel a violé l'article
145 du code de procédure civile ;
3°) ALORS QUE doit apprécier l'existence du motif légitime au jour du dépôt de la requête initiale ; qu'en prenant en compte, pour dire dépourvus d'intérêt les aspects professionnels de la mesure sollicitée, l'ordonnance rendue le 12 avril 2018 par le président du tribunal de commerce, postérieure à la requête déposée le 9 avril 2018 devant le président du tribunal de grande instance, la cour d'appel a violé l'article
145 du code de procédure civile ;
4°) ALORS QUE, en tout état de cause, en se fondant encore sur la circonstance inopérante que l'ordonnance sur requête rendue le 12 avril 2018 par le président du tribunal de commerce aurait retiré, pour les aspects professionnels de la recherche, tout intérêt à la mesure sollicitée devant le président du tribunal de grande instance, qui était sans incidence sur les recherches autorisées au domicile de M. J..., et ne privait donc pas la requête de tout intérêt, la cour d'appel a violé l'article
145 du code de procédure civile ;
5°) ALORS QUE la mesure autorisée concernait exclusivement les « boite(s) e-mail(s) de Monsieur V... J... », de sorte qu'en retenant, pour dire qu'elle portait une atteinte disproportionnée à la vie privée, qu'il n'était pas exclu que la recherche s'applique à des messageries appartenant à des proches de M. J... et ponctuellement utilisées par lui, la cour d'appel a dénaturé l'ordonnance sur requête et ainsi violé l'article
4 du code de procédure civile ;
6°) ALORS QUE le respect de la vie privée ne constitue pas en lui-même un obstacle à l'application de l'article
145 du code de procédure civile ; qu'en se fondant, pour exclure toute recherche au domicile de M. J..., sur la circonstance qu'une telle recherche ne permettait pas d'exclure qu'elle s'applique à des appareils ou des messageries appartenant à ses proches et ponctuellement utilisés par lui, la cour d'appel, qui a de facto exclu toute exécution d'une mesure d'instruction au domicile privé d'une personne, a violé l'article
145 du code de procédure civile ;
7°) ALORS QUE, en tout état de cause, il appartient au juge de la rétractation de modifier la mesure autorisée afin qu'elle corresponde à ce qu'il estime admissible ; que la cour d'appel qui, après avoir relevé que la recherche autorisée au domicile de M. J... ne permettait pas d'exclure qu'elle s'applique à des appareils ou des messageries appartenant à ses proches et ponctuellement utilisés par lui et que certains mots-clés étaient trop généraux, ce qui devait la conduire à modifier les termes de la mission autorisée, a néanmoins prononcé la rétractation de l'ordonnance sur requête, a violé l'article
145 du code de procédure civile.