TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 21 mars 2019
3ème chambre 1ère section N° RG 17/14149 -N° Portalis 352J-W-B7B-CLP3J
Assignation du 12 octobre 2017
DEMANDERESSE SOCIETE D'AVOCATS ETIC 55 avenue du Général De Gaulle 47000 AGEN représentée par Maître Jean-Louis FOURGOUX de la SELARL FOURGOUX ET ASSOCIES, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0069
DÉFENDERESSE Association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC- PRIVATE PARTNERSHIPS 9 rue de Berri 75008 PARIS représentée par Maître Gérard HAAS de la SELEURL HAAS SOCIETE D'AVOCAT, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #K0059
COMPOSITION DU TRIBUNAL Nathalie SABOTIER, 1ère vice-présidente adjointe Gilles BUFFET, Vice-président Karine THOUATI. Juge assisté de Maud J, Greffier
DEBATS À l'audience du 29 janvier 2019 tenue en audience publique
JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort
EXPOSÉ DU LITIGE : La société d'avocats ETIC est une société d'exercice libéral d'avocats créée en 2011, immatriculée au RCS d'Agen, basée initialement à Angers puis implantée à Bordeaux et Pau, qui expose en outre un projet d'implantation à Paris avant 2020. Elle est spécialisée dans le conseil juridique aux entreprises et aux dirigeants, en droit des affaires, droit des sociétés, droit commercial, droit fiscal, droit social, et indique avoir une clientèle de 1000 sociétés allant des TPE aux groupes nationaux et internationaux.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIElle a déposé les marques suivantes :
- Marque verbale française AVOCATS ETIC, déposée le 3 décembre 2013 et enregistrée sous le n°13 4 051 950, pour désigner des produits et services répertoriés en classes 9,16, 35, 36, 38, 41, 42 et 45 ;
- Marque semi-figurative française, déposée le 3 décembre 2013 et enregistrée sous le n°13 4 051 948, pour désigner des produits et services répertoriés en classes 9, 16, 35, 36, 38, 41, 42 et 45 :
Dans le cadre de la surveillance de ses marques, la demanderesse a détecté la publication aux fins d'opposition de la demande d'enregistrement de marque suivante :
marque verbale française ETIC-PPP, déposée le 13 mai 2015 et publiée sous le n° 15 4 180 744, au nom de ETIC-PPP, Association, destinée à distinguer les services suivants, répertoriés en classes 41, 42 et 45 :
« Éducation ; formation ; recyclage professionnel ; organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; microédition » (classe 41),
« Évaluations et estimations dans les domaines scientifiques et technologiques rendues par des ingénieurs ; études de projets techniques » (classe 42,) ;
« Services juridiques ; médiation » (classe 45).
L'association déposante, EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS/PUBLIC-PRTVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) (ci-après « EXPERT TEAM ») est une association régie par la loi de 1901, déclarée le 24 janvier 2014.
Elle indique avoir été créée conjointement par la confédération internationale des contracteurs internationaux (CICA) et par l'institut français des experts juridiques internationaux (IFEJI) pour répondre, selon elle, au souhait des Nations-Unies de créer en France un centre d'excellence à vocation mondiale permettant le développement de
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIprojets d'infrastructures de services publics essentiels dans les pays émergents et en développement.
Son président est l'économiste Vincent P.
Son objet déclaré est :
- regrouper des experts internationaux dans le domaine de la réalisation de projets d'infrastructures, concessions et autres PPP afin de participer à des travaux dans le cadre d'un centre d'excellence et de contribuer au développement des avoirs et à la diffusion de standards internationaux ;
- de développer les relations avec toutes personnes ou tous organismes privés ou publics régionaux, nationaux et internationaux qui engagent des actions visant à faciliter la réalisation d'Infrastructures Publiques et relatives aux concessions et autres PPP et, d'une façon plus générale, de coopérer avec toutes personnes physiques ou morales poursuivant les mêmes buts ;
- d'identifier et de sélectionner des experts internationaux confirmés possédant une pratique de terrain reconnue dans une ou plusieurs des problématiques liées à la réalisation des projets d'Infrastructures Publiques de délégations de service public, Concessions, affermages, régies de toutes natures et autres formes de PPP dans les pays en développement et émergents;
- de conclure avec tout État, organisation ou société tant au niveau national ou international tout protocole, contrat ou convention pour réaliser des prestations d'échange d'informations, de recherche, d'études, d'assistance et de rédaction de tous mémos, notes, recommandations ou documents ;
-de participer aux travaux qui seront réalisés par le "Centre d'Excellence International PPP bonnes pratiques, lois et institutions", et de coordonner l'activité des experts que l'Association choisira pour réaliser ces travaux ;
- de participer à toute autre activité d'expertise ou d'assistance de toute nature, ainsi qu'à l'animation ou la participation à des formations, des ateliers, des séminaires, la rédaction d'articles, de rapports, etc. à la demande du Centre d'Excellence International dans le cadre d'actions générées par ce Centre en France et à l'étranger ;
- de contribuer au développement qualitatif des informations, savoirs et connaissances sur les projets d'Infrastructures Publiques, Concessions et autres PPP par tous moyens, et notamment par des actions d'information, de sensibilisation, de formation et de coordination;
•
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI- d'élaborer et de contribuer à diffuser des standards internationaux et des bonnes pratiques internationales respectant notamment les standards des Nations Unies ».
Le 30 juillet 2015, la demanderesse formait opposition, auprès de l'Institut National de la Propriété Industrielle (INPI), contre l'enregistrement de la demande contestée, estimant qu'il y avait risque de confusion avec ses propres marques antérieures.
Le 10 septembre 2015, la société PIRON CONSULTING, présidée par Vincent P, procédait à la réservation du nom de domaine e-t-i-c- ppp.com, en le redirigeant vers son site internet.
Le 13 octobre 2015, l'association déposante renonçait au dépôt de la demande contestée et présentait une déclaration de retrait total auprès des services de l'INPI.
Parallèlement, le 8 octobre 2015 elle déposait la marque française semi-figurative n°15 4 215 996 ci-dessous dans les classes 35, 41 et 42
Le 29 janvier 2016, le Directeur général de l'INPI notifiait la clôture de la procédure d'opposition, devenue sans objet.
La défenderesse continuait à faire usage du signe litigieux sur son site internet, alors accessible à l'adresse électronique www.e-t-i-c- ppp.com.
Le 5 février 2016, la demanderesse mettait en demeure l'association EXPERT TEAM de cesser d'utiliser le signe litigieux ETIC-PPP sous réserve d'un éventuel accord de coexistence de marque.
Le 15 février 2016, l'association déposante faisait savoir qu'elle entendait poursuivre l'exploitation de l'identifiant commercial ETIC- PPP mais pourrait accepter certaines réserves à cette exploitation.
Le 27 février 2017, le nom de domaine www.etic-ppp.com était réservé de manière anonyme, et redirigeait vers le même site internet que le nom de domaine e-t-i-c-ppp.com.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPILe 12 octobre 2017, la société d'avocats ETIC assignait la défenderesse devant le tribunal de grande instance de Paris, en contrefaçon de marque et concurrence déloyale.
Dans ses conclusions notifiées le 22 juin 2018, elle demande au tribunal, au visa des articles L.711-1 et suivants et L.713-3 et L.716- 1 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, et
1240 du Code Civil, de :
Dire et juger la SOCIETE D'AVOCATS ETIC recevable et bien fondée en son action ;
À TITRE PRINCIPAL :
Dire et juger que l'association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP), en déposant la demande d'enregistrement de marque en faisant usage du signe ETIC-PPP dans le cadre de ses activités, s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon des marques verbale et semi- figurative françaises AVOCATS ETIC n°15 4 180 744 et n°13 4 051 948, sanctionnés sur le fondement des dispositions des articles L.713- 3 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle ;
Dire et juger que l'association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP), en adoptant et en faisant usage au sein de sa raison sociale et à titre de sigle inscrit le signe ETIC-PPP s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la SOCIETE D'AVOCATS ETIC, sanctionnés sur le fondement des dispositions de l'article 1240 et suivants du Code Civil ;
Dire et juger que l'association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP), en réservation et en faisant usage du nom de domaine etic-ppp.com s'est rendue coupable d'actes de concurrence déloyale à l'encontre de la société SOCIETE D'AVOCATS ETIC, sanctionnés sur le fondement des dispositions de l'article 1240 et suivants du Code Civil ;
En conséquence :
Interdire à l'association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) l'usage du signe ETIC-PPP, ainsi que des marques verbale et semi- figurative françaises AVOCATS ETIC n° 15 4 180 744 et n°13 4 051 948, à quelque titre que ce soit, ainsi que toute reproduction, représentation, sous quelque forme que ce soit et sur quelque support que ce soit de tout ou partie de ces signes et ce, sous astreinte de 500 € (cinq cents euros) par infraction constatée à compter du prononcé de la décision à intervenir, le Tribunal restant saisi pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte ;
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIOrdonner à l'association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) de modifier dans ses statuts et auprès de la Préfecture compétente, sa raison sociale et son sigle et ce, sous astreinte de 500 € (cinq cent euros) par jour de retard, le Tribunal restant saisi pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte ;
Ordonner à l'association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) de procéder à la radiation du nom de domaine etic-ppp.com et à celle de ses éventuelles autres extensions et ce, sous astreinte de 500 € (cinq cent) euros par jour de retard à compter de la signification du jugement à intervenir le Tribunal restant saisi pour statuer sur la liquidation de ladite astreinte ;
Condamner l'association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) à verser à la SOCIETE D'AVOCATS ETIC la somme de 100.000 € (cent mille) euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de contrefaçon ;
Condamner l'association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) à verser à la SOCIETE D'AVOCATS ETIC la somme de 50.000 € (cent mille) euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice résultant des actes de concurrence déloyale.
EN TOUT ETAT DE CAUSE :
Ordonner la publication du jugement à intervenir en entier ou par extraits, dans trois journaux généraux et/ou juridiques, au choix de la SOCIETE D'AVOCATS ETIC mais aux frais avancés de l'association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC- PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP), de la décision à intervenir, sans que le coût global de l'ensemble de ces publications n'excède la somme de 15.000 € (quinze mille euros) hors taxes ;
Condamner l'association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) à verser à la SOCIETE D'AVOCATS ETIC la somme de 10.000 € (dix mille euros) au titre de l'article 700 du CPC ;
Ordonner l'exécution provisoire du jugement à intervenir dans toutes ses dispositions, en ce compris l'article 700 du CPC, nonobstant appel et sans constitution de garantie ;
Condamner l'association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL FOURGOUX, DJAVADI & ASSOCIES, Avocats aux offres de droit, conformément à l'article
699 du Code de Procédure Civile.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIEn réplique, dans ses conclusions notifiées le 16 mai 2018 l'association ETC-PPP demande au tribunal au visa des articles
L. 713-3 et L. 716-1 et suivants du Code de la propriété intellectuelle, de l'article
1240 du Code Civil, des articles 122 et suivants et
699 et
700 du Code de procédure civile, de : In limine litis, - DECLARER IRRECEVABLE la SOCIETE D'AVOCATS ETIC de sa demande visant à obtenir la radiation du nom de domaine etic- ppp.com, dès lors que le titulaire dudit nom de domaine n'est pas partie à l'instance ; - DECLARER IRRECEVABLE la SOCIETE D'AVOCATS ETIC de ses demandes au titre de la contrefaçon par le dépôt de la demande d'enregistrement de la marque verbale française « ETIC-PPP » n°15 4 180 744, dès lors que cette demande d'enregistrement a fait l'objet d'une procédure d'opposition devant l'INPI qui a été clôturée suite au retrait de cette demande dès le mois d'octobre 2016 ; À titre principal, - CONSTATER que la concluante ne s'est pas opposée au principe d'un accord de coexistence de marques proposé par la SOCIETE D'AVOCATS ETIC ; - DEBOUTER purement et simplement la SOCIETE D'AVOCATS ETIC de l'ensemble de ses demandes, moyens et prétentions ; - DIRE ET JUGER qu'il n'existe aucun risque de confusion entre d'une part, la dénomination sociale de l'Association EXPERT TEAM,
INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) et l'usage qu'elle fait des signes « ETIC-PPP », etic-ppp.com
Et d’autre par les signes SOCIETE D’AVOCATS ETIC, ETIC AVOCATS ET
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI- DIRE ET JUGER que l’association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) et la SOCIETE D'AVOCATS ETIC ne sont pas concurrentes et que leurs services ne s'adressent pas au même public ; - DIRE ET JUGER que les faits invoqués par la SOCIETE D'AVOCATS ETIC pour fonder son action en concurrence déloyale ne sont pas distincts de ceux invoqués au titre de la contrefaçon ; En conséquence,
- DIRE ET JUGER que l’association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) n'a commis aucun acte de contrefaçon de marques par imitation à l'encontre de la SOCIETE D'AVOCATS ETIC ; - DIRE ET JUGER que l’association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) n'a commis aucun acte de concurrence déloyale, - DEBOUTER la SOCIETE D'AVOCATS ETIC de ses prétentions et demandes ; À titre subsidiaire, - CONSTATER que l'Association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) n'utilise pas le signe ETIC à titre de marque, mais comme partie de l'abréviation de sa dénomination sociale ;
- DIRE ET JUGER que la SOCIETE D'AVOCATS ETIC ne démontre aucun préjudice subi du fait de la marque de l'Association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRTVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) ;
- DIRE ET JUGER que les parties au litige ne sont pas en situation de concurrence ;
- DEBOUTER la SOCIETE D'AVOCATS ETIC de la totalité de ses prétentions et demandes indemnitaires ;
À titre reconventionnel,
- CONDAMNER la SOCIETE D'AVOCATS ETIC à payer à l'Association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) la somme de dix mille euros (10.000 €) pour procédure abusive ;
En tout état de cause,
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI- CONDAMNER la SOCIETE D'AVOCATS ETIC à payer à l'Association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS / PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIPS (ETIC-PPP) la somme de cinq mille euros (5.000 €) sur le fondement de l'article
700 du Code de Procédure Civile ;
- CONDAMNER la SOCIETE D'AVOCATS ETIC aux entiers dépens, dont distraction au profit de HAAS Société d'Avocats, sur le fondement de l'article
699 du Code de Procédure Civile.
La clôture a été prononcée le 23 octobre 2018. Les deux parties s'étant régulièrement constituées, le jugement sera de nature contradictoire.
MOTIFS DE LA DÉCISION
• Sur l'irrecevabilité de la demande de radiation du nom de domaine etic-ppp .corn
La défenderesse expose que le nom de domaine www.etic-ppp.com a été réservé par un tiers qui n'est pas partie à l'instance, l'association EXPERT TEAM n'en ayant que le droit d'usage, par conséquent la demande de radiation est irrecevable. La demanderesse ne répond pas explicitement sur ce point.
Sur ce.
L'article
122 du code de procédure civile dispose : « Constitue une fin de non-recevoir tout moyen qui tend à faire déclarer l'adversaire irrecevable en sa demande, sans examen au fond, pour défaut de droit d'agir, tel le défaut de qualité, le défaut d'intérêt, la prescription, le délai préfix, la chose jugée. »
Il n'a pas été révélé par la défenderesse qui était le titulaire du nom de domaine litigieux, et elle n'a pas été enjointe à le faire lors de la mise en état. Néanmoins il n'est pas contesté que l'association EXPERT TEAM n'est pas titulaire du nom de domaine litigieux. Par conséquent, le titulaire du nom de domaine n'étant pas partie à l'instance, la demande de radiation du nom de domaine sera déclarée irrecevable.
• Sur l'irrecevabilité de la demande en contrefaçon par dépôt de la demande d'enregistrement de la marque verbale française ETIC-PPP n° 15 4 180 744 :
La défenderesse soutient que la demande de la société ETIC au titre de la contrefaçon par dépôt de la marque verbale française « ETIC- PPP » n° 15 4 180 744 est irrecevable puisque le dépôt du 13 mai 2015 a fait l'objet d'un retrait le 13 octobre 2015.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPILa demanderesse réplique que le retrait d'une demande d'enregistrement n'empêche pas la demande en contrefaçon de pouvoir être introduite et de prospérer.
Sur ce.
Il est constant que la simple demande d'enregistrement d'une marque est susceptible de caractériser la contrefaçon (Cass.com 26 nov.2003, n°01-l 1.784), même si la demande a fait l'objet d'un retrait avant l'assignation (CA Paris, 4 ème ch, 17 février 2006).
Dès lors la demande de contrefaçon par dépôt de la marque litigieuse est recevable.
• Sur la contrefaçon des marques verbale n°15040180744 et semi figurative n°13 4 051 948 :
La société ETIC soutient que l'association Expert Team, en déposant la marque verbale ETIC-PPP et en faisant usage du signe « ETIC- PPP », s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon de la marque verbale française ETIC n°15040180744 et de la marque semi figurative française n°13 4 051 948
Concernant le dépôt de la marque verbale ETIC-PPP, elle fait valoir qu'il y a identité ou très forte similarité entre les services protégés : « l'organisation et conduite de colloques, conférences ou congrès, l'étude de projets techniques ; médiation » ; les services de « publication électronique de livres et de périodiques en ligne » de la demande contestée et les services de « publication de livres, de revues périodiques, de magazines et de lettres d'information » des marques antérieures ; les « services juridiques » de la demande contestée et les « services juridiques rendus par les avocats pour le compte de tiers » pour les marques antérieures ; les services « éducation ; formation » de la demande contestée et les « prestations en matière de formation et enseignement professionnel ; enseignement par correspondance » des marques antérieures.
Concernant la similarité avec la marque antérieure « AVOCATS - ETIC », elle expose que le terme ETIC constitue l'élément dominant de la marque « AVOCATS ETIC » et du signe « ETIC-PPP » ; que les initiales PPP sont l'acronyme de « Partenariat Public Privé » et sont donc usuelles et non distinctives ; que visuellement, l'élément dominant ETIC est repris à l'identique avec son orthographe fantaisiste que rien n'imposait ; que phonétiquement le terme
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIdominant ETIC est repris à l'identique, le terme « AVOCATS » n'étant pas prépondérant car générique et échappant à l'attention du consommateur moyen ; que le consommateur moyen retiendra nécessairement le terme ETIC ; que conceptuellement, les signes sont très proches, puisque dans les deux cas, le terme ETIC est associé à une autre terme usuel et descriptif.
Concernant la similarité avec la marque semi figurative antérieure :
elle fait valoir que la partie figurative de ladite marque ne vient pas capter l'attention du consommateur d'attention moyenne car elle ne vient que mettre en exergue l'élément verbal ETIC repris à l'identique en position d'attaque par la demande contestée; ainsi le risque de confusion est élevé au regard des services identiques ou très similaires.
Sur l'usage du signe « ETIC-PPP » par l'association EXPERT TEAM, la société ETIC indique qu'il figure sur toutes les pages du site internet www.etic-ppp.com qui fait la promotion d'un réseau d'experts et d'avocats, offrant des services identiques ou à tout le moins similaires aux services couverts par les marques antérieures ; que l'usage du signe ETIC est effectué dans la vie des affaires dans le but de promouvoir les membres de l'association ETIC-PPP et notamment trois avocats , aux fins de les faire intervenir dans les domaines d'expertise juridique proposés ; que l'usage du signe litigieux a perduré après le retrait de la marque le 13 octobre 2015 et perdure aujourd'hui.
L'association Expert Team réplique qu'elle n'a jamais exploité la marque verbale ETIC-PPP celle-ci- n'ayant jamais été enregistrée suite à l'opposition formée par la société ETIC, par conséquent la demande en contrefaçon de marque sur ce fondement est infondée.
Concernant l'usage du signe « ETIC-PPP », elle soutient qu'il n'y a pas contrefaçon car il existe pas de risque de confusion entre celui-ci et les marques antérieures au regard du public pertinent car les services qu'elle propose le sont sous l'égide des Nations-Unies et exclusivement vers l'international alors que les clients du cabinet ETIC sont essentiellement des entreprises du Sud-Ouest ; que seuls deux experts de l'association sont des avocats français ; que l'association elle-même ne réalise pas de prestations de conseil juridique, d'ailleurs sa marque semi-figurative n'est pas déposée en classe 45 ; que l'usage des signes litigieux n'est pas un usage dans la vie des affaires ; que les sigles sont différents tant visuellement que phonétiquement ou conceptuellement ; que le mot ETIC est faiblement distinctif car il fait référence à la qualité éthique des services proposés d'ailleurs deux autres marques antérieures à celles du cabinet ETIC ont été déposées avec ce terme en classe 45 ;
Sur ce.
L'article L713-1 du code la propriété intellectuelle dispose :
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI« L'enregistrement de la marque confère à son titulaire un droit de propriété sur cette marque pour les produits et services qu'il a désignés ».
Les marques antérieures étant françaises, et le signe ETIC-PPP n'étant pas identique à celles-ci, il convient d'examiner la demande en contrefaçon au regard de l'article
L713-3 du code de la propriété intellectuelle, qui dispose :
« Sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public :a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement ;b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement » L'article
L716-1 du même code dispose : «L'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L. 713-2. L. 713-3 et L. 713-4. »
Sur la contrefaçon par dépôt de la marque contestée : Il est constant qu'un simple dépôt de marque peut constituer une contrefaçon même si la demande a fait l'objet d'un retrait avant l'assignation (CA Paris, 4 ème ch, 17 février 2006).
En l'espèce, le sigle « ETIC -PPP » a été déposé pour des services incontestablement similaires à ceux des marques antérieures, notamment les services juridiques ; la perception du public pertinent sera examinée par référence aux services désignés, c'est-à-dire les particuliers, associations ou entreprises consommateurs de services juridiques. Le signe dominant est incontestablement le mot « ETIC », les termes « Avocats et « PPP » étant des termes ou acronymes génériques peu distinctifs ; visuellement, le terme dominant ETIC est repris à l'identique, phonétiquement le terme dominant ETIC est prononcé à l'identique, et conceptuellement, les signes sont très proches puisque dans les deux cas le terme ETIC dominant est associé à un terme usuel non distinctif. S'agissant de services juridiques dispensés par des professionnels à destination du grand public, il n'est pas démontré que le niveau d'attention du consommateur moyen soit particulièrement élevé. Au regard de la similarité des services et de la similitude entre les signes en présence, le risque de confusion est élevé et la contrefaçon est constituée à l'égard de la marque verbale AVOCATS ETIC.
En ce qui concerne la marque semi-figurative antérieure, les services concernés et les parties verbales des signes en présence présentent
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIles mêmes similitudes que ci-dessus développé, sans que l'élément figuratif ne vienne diminuer de manière significative le risque de confusion pour le public concerné n'ayant pas simultanément les deux signes sous les yeux. La contrefaçon est donc constituée à l'égard de ladite marque également.
Sur la contrefaçon par usage du signe « ETIC-PPP » Les pièces versées aux débats ne démontrent nullement que les services proposés par l'association EXPERT TEAM seraient des services institutionnels effectués sous l'égide des Nations Unis. Le site internet www.etic-ppp.com fait au contraire la promotion de plusieurs experts dans le domaine des partenariats public-privé, et en particulier deux avocats au barreau de Paris et un avocat américain, dont la grande compétence en matière de conseil juridique dans ce secteur est présentée, le site insistant particulièrement sur le terme « compétence juridique » en exposant le parcours des avocats présentés. Le site s'adresse donc aux entreprises, associations et institutionnels consommateurs de services juridiques, il est en langue française et rien n'indique qu'il s'adresse exclusivement à des clients étrangers. Il n'est nullement démontré que l'association ne réalise pas de services juridiques, bien au contraire puisque ses activités sont, selon ses statuts (article 3) : « la rédaction de toutes notes et documents de stratégie et autres, ainsi que de mise en œuvre pratique et la rédaction et l'organisation de dossiers standards de projets, de procédures, de conditions contractuelles et autres » et ses ressources sont (article 9) : (...) les sommes perçues en contrepartie des prestations fournies par l'association », et ce, nonobstant le fait que sa marque semi-figurative ne soit pas déposée en classe 45.
Il est donc incontestable que le terme ETIC-PPP est utilisé par l'association EXPERT TEAM dans la vie des affaires, en France, pour promouvoir des services juridiques, services identiques à ceux pour lesquels les marques antérieures sont déposées, notamment par l'utilisation du nom de domaine www.etic-ppp.com. Par conséquent en utilisant ce signe sur l'ensemble des pages du site, sous des formes nominales et dans son logo, l'association EXPERT TEAM a commis des actes de contrefaçon de la marque verbale « AVOCATS -ETIC » et de la marque semi figurative ETIC.
• Sur la concurrence déloyale :
La société ETIC soutient que constituent des faits de concurrence déloyale l'adoption par l'association Expert Team dans sa dénomination du sigle ETIC-PPP imitant sa dénomination sociale antérieure, et son usage du nom de domaine www.etic-ppp.com.
L'association EXPERT TEAM réplique que ce ne sont pas des faits distincts de ceux ayant fondé la demande en contrefaçon, et qu'à ce titre la demande sera rejetée.
Sur ce.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIL'utilisation du signe ETIC-PPP y compris comme nom de domaine fait déjà l'objet de la demande au titre de la contrefaçon. Elle n'en constitue donc pas un fait distinct. La demande sera donc rejetée.
• Sur les mesures réparatrices
La société ETIC demande une somme forfaitaire de 60 000 euros au titre de son préjudice patrimonial constitué par les redevances manquées, et 40 000 euros au titre de son préjudice moral ; elle demande 40 000 euros de dommages intérêts sur le fondement de la concurrence déloyale, son préjudice étant constitué par l'atteinte à sa notoriété et ses investissements. En outre elle demande l'interdiction d'usage du signe ETIC-PPP sous astreinte, la publication du jugement et une somme de 10 000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile.
L'association EXPERT TEAM répond que la demanderesse ne justifie d'aucun préjudice, qu'elle-même a retiré la marque contestée et utilise seulement le logo objet de la marque française semi-figurative qu'elle a déposée le 8 octobre 2015. Sur la concurrence déloyale, elle fait valoir qu'il n'est pas démontré un détournement de clientèle, ni d'ailleurs une situation de concurrence.
Sur ce.
L'article L.716-14 modifié par la loi n°2014-315 du 11 mars 2014, dispose :
« Pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : I° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ;
2° Le préjudice moral causé à cette dernière ;
3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon.
Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée ».
II n'est pas démontré l'existence d'un préjudice patrimonial ; en revanche, la contrefaçon entraîne nécessairement une dévalorisation des marques de la demanderesse, ce qui constitue un préjudice moral. Au vu des pièces versées aux débats, ce préjudice sera suffisamment réparé par l'allocation d'une somme de 20 000 euros.
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIConformément à l'article
L716-15 du code de la propriété intellectuelle, l'interdiction de faire usage du signe « ETIC-PPP » sera ordonnée dans les termes du dispositif.
La demande reconventionnelle de la défenderesse pour procédure abusive devient sans objet.
Partie perdante au sens de l'article
696 du code de procédure civile, l'association EXPERT- TEAM sera condamnée aux dépens, ainsi qu'à payer la société ETIC la somme de 5000 euros sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile.
Nécessaire et compatible avec la nature de l'affaire, l'exécution provisoire sera ordonnée.
PAR CES MOTIFS
.
Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire et en premier ressort,
Déclare irrecevable la demande de radiation du nom de domaine www.etic-ppp.com.
Déclare recevable la demande en contrefaçon au titre du dépôt de la demande d'enregistrement de la marque verbale française ETIC-PPP n° 15 4 180 744
Dit que l'association EXPERT TEAM INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS/PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIP (ETIC-PPP) en déposant la demande d'enregistrement de marque verbale française n° 15 4 180 744 et en faisant usage du signe « ETIC-PPP » s'est rendue coupable d'actes de contrefaçon des marques verbale AVOCATS ETIC n° 15 4 180 744 et semi figurative n° 13 4 051 948 ,
Déboute la société ETIC de sa demande en concurrence déloyale,
Interdit à l'association EXPERT TEAM INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS/PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIP (ETIC-PPP) toute utilisation comme sigle, toute reproduction ou utilisation du signe « ETIC-PPP » sous astreinte de 500 euros par infraction constatée passé un délai de 30 jours après la signification de la présente décision, et pendant six mois,
Interdit à l'association EXPERT TEAM INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS/PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIP (ETIC-PPP) toute utilisation du nom de domaine www.etic-ppp.com sous astreinte de 500 euros par jour passé le délai de 30 jours suivant la signification de la présente décision et pendant six mois,
Se réserve la liquidation des astreintes,
Condamne l'association EXPERT TEAM INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS/PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIP (ETIC-PPP) à
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPIpayer à la société d'avocats ETIC la somme de 20 000 euros sur le fondement de la contrefaçon de marque,
Rejette la demande reconventionnelle de l'association EXPERT TEAM INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS/PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIP (ETIC-PPP),
Condamne l'association EXPERT TEAM INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS/PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIP (ETIC-PPP) à payer la somme de 5000 euros à la société d'avocats ETIC sur le fondement de l'article
700 du code de procédure civile,
Condamne l'association EXPERT TEAM, INFRASTRUCTURE, CONCESSIONS/PUBLIC-PRIVATE PARTNERSHIP (ETIC-PPP) aux entiers dépens de l'instance dont distraction au profit de la SELARL FOURGOUX, DJAVADI et Associés conformément à l'article
699 du code de procédure civile,
Document issu des collections du centre de documentation de l’INPI