Tribunal de grande instance de Paris, 15 décembre 2016, 2016/15711

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2016/15711
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : AU NOM DU PEUPLE
  • Classification pour les marques : CL16 ; CL35 ; CL38 ; CL41
  • Numéros d'enregistrement : 4279751
  • Parties : AU NOM DU PEUPLE (association) / UNANIME SARL ; B (Sighild) ; L (Marine) ; FRONT NATIONAL (association) ; JEANNE (association)
  • Président : Madame Marine Le Pen pour la campagne
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Paris
2017-03-07
Tribunal de grande instance de Paris
2016-12-15

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 15 décembre 2016 3ème chambre 4ème section N° RG : 16/15711 DEMANDERESSE Association AU NOM DU PEUPLE [...] 69003 LYON agissant poursuites et diligences de son représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège, et représentée par Me Christophe LEGUEVAQUES de la SELEURL CHRISTOPHE LEGUEVAQUES, AVOCAT, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant et plaidant, vestiaire #B0494 et par Me R, avocat au barreau de FORT-DE-FRANCE, avocat plaidant DÉFENDERESSES S.A.R.L. UNANIME 14 place Léon Deubel 75016 PARIS prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège, Madame Sighild B Madame Marine LE PEN Association FRONT NATIONAL [...] 92000 NANTERRE prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège, Association JEANNE prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège, Toutes représentées par Me David DASSA - LE DEIST, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #E1616 COMPOSITION DU TRIBUNAL Camille LIGNIERES. Vice-Présidente Laurence L, Vice-Présidente Laure A, Vice-Présidente assistées de Sarah BOUCRIS, greffier. DÉBATS À l’audience du 18 novembre 2016 tenue en audience publique JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE L'association loi 1901 AU NOM DU PEUPLE dont le siège social est à Lyon (69) a fait l'objet d'une déclaration en préfecture du Rhône, publiée le 2 novembre 2013. L'objet social de cette association consiste, selon ses statuts, à « défendre l'État de droit et l'égalité des droits ». L'association dit exploiter depuis 2013 un site internet accessible à l'adresse « aunomdupeuple.com ». L'association AU NOM DU PEUPLE explique que, dans le cadre de son activité, elle a rencontré différents parlementaires et représentants politiques, dont ceux du Front National. Elle expose avoir découvert l'utilisation, à compter de septembre 2016, du slogan « au nom du peuple » par le parti politique Front National et sa dirigeante Madame Marine Le Pen pour la campagne présidentielle de 2017. L'association AU NOM DU PEUPLE explique avoir également découvert que le signe verbal « au nom du peuple » avait été déposé auprès de l'INPI à titre de marque en date du 13 juin 2016 par Madame Sighild B « pour le compte de la société UNANIME »pour désigner des produits et services en classes 16 (imprimerie), 35 (publicité), 38 (télécommunications) et 41 (éducation, formation, divertissement, activités sportives et culturelles). L'enregistrement de cette marque a fait l'objet d'une publication au BOPI en date du 8 juillet 2016. L'association AU NOM DU PEUPLE allègue d'une atteinte à ses droits antérieurs sur sa dénomination sociale par l'enregistrement de la marque éponyme ainsi que par l'exploitation du slogan de la campagne présidentielle de Madame Marine Le Pen, candidate du Front National. L'association explique avoir adressé, par lettre avec accusé de réception du 20 septembre 2016, à Madame Marine Le Pen une mise en demeure de retirer toute mention des ternies « au nom du peuple » de ses slogans, affiches, tracts, réseaux sociaux, etc. Cette lettre serait restée sans réponse. C'est dans ces conditions que l'association AU NOM DU PEUPLE a été autorisée par ordonnance présidentielle du tribunal de grande instance de Paris du 7 octobre 2016 à assigner à jour fixe la SARL UNANIME, Madame B, Madame LE PEN, l'association FRONT NATIONAL et l'association JEANNE, ce qui a été fait par exploits délivrés le 10 octobre 2016. Dans ses dernières conclusions en réplique signifiées par RPVA en date du 18 novembre 2016, l'association AU NOM DU PEUPLE demande au tribunal de :

Vu les articles

42, 56, 700 du Code de procédure civile, Vu l'article 711-4 b) et l'article L. 712-6 du Code de la Propriété Industrielle, Vu l’article 1240 (anciennement 1382) du Code civil, - VOIR DIRE ET JUGER que l’association « AU NOM DU PEUPLE » o Est immatriculée sous cette dénomination sociale depuis le 4 novembre 2013 o Exploite une site internet de manière continue et permanente depuis cette date à l'adresse www.aunomdupeuple.com - VOIR. DIRE ET JUGER que la dénomination sociale de l'association « AU NOM DU PEUPLE » est protégée par la loi et le dépôt d'une marque identique et concurrente par un tiers lui cause un préjudice immédiat et direct. - VOIR, DIRE ET JUGER que le FRONT NATIONAL, Mme Marine LEPEN, JEANNE, Mme Sighild B et UNANIME avaient connaissance ou auraient dû avoir connaissance et de l'existence de l'association « AU NOM DU PEUPLE » et de son action. - VOIR. DIRE ET JUGER que le FRONT NATIONAL, Mme Marine LEPEN, JEANNE, Mme Sighild B et UNANIME agissent de concert et ont cherché à nuire à l’association « AU NOM DU PEUPLE »

EN CONSEQUENCE

- En raison de l'indisponibilité du signe et du caractère frauduleux de l'enregistrement, ANNULER la marque déposée par la société UNANIME le 13 juin 2016 et publié au BPI le 8 juillet 2016 sous le n° 16 4 279 751 et faire interdiction au FRONT NATIONAL d'utiliser directement ou indirectement comme slogan, images, textes, illustrations tout support matériel ou immatériel et produits dérivés la dénomination sociale de l'association « AU NOM DU PEUPLE » déclarée en préfecture le 21 octobre 2013 - Notifier la présente décision à l’INPI - Faire procéder aux frais de FRONT NATIONAL, Mme Marine LEPEN, JEANNE, Mme Sighild B et UNANIME à la publication relative à l'annulation de la marque déposée dans le plus proche BOPI - CONDAMNER solidairement le FRONT NATIONAL, Mme Marine LEPEN, JEANNE, Mme Sighild B et UNANIME à payer à l'association « AU NOM DU PEUPLE » o La somme de 20.000 € au titre de dommages et intérêts en raison des actes de concurrence déloyale, de parasitisme et o La somme de 500 € par usage illicite de l'expression « au nom du peuple » constaté directement ou indirectement. Cette indemnisation complémentaire deviendra effective passé un délai de 15 jours à compter du prononcé du jugement à intervenir. Les articles de presse ne constituent pas un usage illicite. En revanche, tout document, photographie, tract, bulletin, brochure, publication électronique ou tout support matériel ou immatériel etc. (liste non exhaustive) mentionnant l'expression « au nom du peuple » et édité à titre onéreux ou gratuit impliquant directement ou indirectement le FRONT NATIONAL et/ou Mme Marine LE PEN sera considéré comme un usage illicite de la dénomination sociale de l'association « AU NOM DU PEUPLE ». o La somme de 15.000 € au titre de l'article 700 outre les entiers dépens dont distraction au bénéfice de la SELARL Christophe L, avocat. En défense, la SARL UNANIME, Madame B, Madame LE PEN, l'association FRONT NATIONAL, l'association JEANNE, dans leurs conclusions en date du 16 novembre 2016, demandent au tribunal de : In limine litis, sur l'irrecevabilité des demandes de l'Association « Au nom du peuple » Vu les dispositions des articles 31, 32 et 122 du Code de procédure civile : Dire et juger que l'association « Au nom du peuple » n'a pas été autorisée à agir en justice par son conseil d'administration en application de l'article 11 de ses statuts : - Dire et juger en conséquence l'association « Au nom du peuple » irrecevable à agir, pour défaut de qualité, à l'encontre de l'ensemble des défendeurs. Dire et juger que la société Unanime et l'association Jeanne sont étrangères au dépôt de la marque AU NOM DU PEUPLE enregistrée sous le numéro 4279 751 et/ou à l'usage de cette même expression à titre de slogan politique ou à tout autre titre : Dire et juger en conséquence l'association « Au nom du peuple » irrecevable à agir, pour défaut d'intérêt, à l'encontre de la société Unanime et de l'association Jeanne. Dire et juger que Madame Marine Le Pen et le Front National sont étrangers au dépôt de la marque AU NOM DU PEUPLE enregistrée sous le numéro 4279 751 : Dire et juger en conséquence l'association « Au nom du peuple » irrecevable à agir en annulation de la marque française AU NOM DU PEUPLE enregistrée sous le numéro 4279751, pour défaut d'intérêt à agir, à rencontre de Madame Marine Le Pen et du Front National Au fond, si par extraordinaire le Tribunal jugeait l'association « Au nom du peuple » recevable à agir, en tout ou partie de ses demandes, à l'encontre des défendeurs : À titre principal : Vu les dispositions de l'article L. 711-4 b du Code de la propriété intellectuelle : - Dire et juger que l'association « Au nom du peuple » ne produit ni ne fournit, sous sa dénomination sociale ou son nom de domaine « aunomdupeuple.com » aucun des produits ou services visés par la marque française AU NOM DU PEUPLE enregistrée sous le numéro 4279 751 et qu'aucun risque de confusion n'existe entre la dénomination sociale de l'association « Au nom du peuple » et la marque française AU NOM DU PEUPLE enregistrée sous le numéro 4279 751 : - Débouter conséquence l'association « Au nom du peuple » de son action en annulation de la marque française AU NOM DU PEUPLE enregistrée sous le numéro 4279 751. Vu les dispositions de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle : - Dire et juger que l'association « Au nom du peuple » ne revendique pas la marque française AU NOM DU PEUPLE enregistrée sous le numéro 4279751 ; - Débouter en conséquence l'association « Au nom du peuple » de son action fondée sur les dispositions de l'article L. 712-6 du Code de la propriété intellectuelle. Vu les dispositions de l'article 1240 du Code civil : - Dire et juger que les défendeurs n'ont commis acte de concurrence déloyale ou de parasitisme à l'encontre de l'association « Au nom du peuple » : - Débouter en conséquence l'association « Au nom du peuple » de son action en concurrence déloyale et en parasitisme. - Dire et juger que le choix du slogan politique « Au nom du peuple » par Madame Marine Le Pen et le Front National n'est pas constitutif d'une quelconque faute à l'égard de l'association « Au nom du peuple » : - Débouter en conséquence l'association « Au nom du peuple » de l'ensemble de ses demandes fondées sur les dispositions de l'article 1240 du Code civil. À titre subsidiaire - Si, par extraordinaire, le Tribunal devait juger de la validité de la marque française AU NOM DU PEUPLE enregistrée sous le numéro 4279 751 sur le fondement du principe général du droit fraus omnia corrumpit : - Dire et juger que le dépôt de la marque française AU NOM DU PEUPLE enregistrée sous le numéro 4279 751 n'est pas frauduleux ; - Débouter en conséquence l'association « Au nom du peuple » de sa demande en nullité de la marque française AU NOM DU PEUPLE enregistrée sous le numéro 4279751. À titre reconventionnel Vu les dispositions de l'article 1240 du Code civil : - Dire et juger l'action de l'association « Au nom du peuple » abusive : - Condamner en conséquence l'association « Au nom du peuple » à indemniser, au titre de leur préjudice moral, chacun des défendeurs en leur versant à titre de dommages-intérêts la somme de 1 000 euros. En toute hypothèse : - Condamner l'association « Au nom du Peuple » à verser à chacun des codéfendeurs la somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ; Condamner l'association « Au nom du Peuple » aux entiers dépens de l'instance. L'affaire a été plaidée à l'audience du 18 novembre 2016. MOTIFS Sur la recevabilité : -la qualité à agir : la fin de non-recevoir tirée du défaut de mandat à agir Les défendeurs prétendent que la demanderesse ne justifie pas de sa qualité à agir, faute d'avoir été autorisée à agir en justice par son Conseil d'administration, seul organe statutaire habilité à « autoriser le Président à agir en justice » au nom de l'association, selon les tenues de l'article 11 des statuts de la demanderesse. Ils ajoutent que l'association ne justifie pas non plus avoir convoqué régulièrement un Conseil d'administration à cette fin dans les 15 jours précédant sa réunion, conformément à l'article 10 de ses statuts. La demanderesse réplique que l'article 13 de ses statuts prévoit que son président a qualité pour ester en justice au nom de l'association, que la décision d'ester en justice a été prise en urgence et à titre conservatoire et qu'une assemblée générale extraordinaire du 5 novembre 2016 est venue régulariser la décision prise par la présidente, en tant que de besoin, conformément à l'article 121 du code de procédure civile. SUR CE ; Les statuts de l'association AU NOM DU PEUPLE prévoient que le président a qualité pour ester en justice au nom de l'association (article 13), et que c'est le Conseil d'administration qui autorise le président à agir en justice (article 11). Il est également prévu à l'article 16 que c'est l'Assemblée Générale Extraordinaire qui a les pouvoirs les plus larges. L'association AU NOM DU PEUPLE produit aux débats un document daté du 5 novembre 2016 signé par Madame M, la présidente, et par trois membres présents du Conseil d'administration dont il ressort que l'action en justice initiée à titre conservatoire par la présidente de donner mandat à Me Leguevaques d'agir au nom et pour le compte de l'association dans le cadre du litige qui l'oppose au Front National et à Madame Marine Le Pen a reçu validation par l'Assemblée Générale Extraordinaire par résolution adoptée à l'unanimité (pièce 41 en demande). Il est donc justifié de la qualité à agir de l'association AU NOM DU PEUPLE. -l'intérêt à agir : Il est fait valoir en défense que la seule déposante de la marque est Madame B, personne physique, et en tire comme conclusion que la demanderesse n'a pas d'intérêt à agir en annulation de marque à l'encontre de tous les autres défendeurs. SUR CE ; Il résulte de l'article 31 du code de procédure civile que l'intérêt à agir qui doit être né et actuel, s'entend de tout avantage susceptible de résulter, en faveur du demandeur, de la mise en œuvre du droit dont il se prétend titulaire, et que cet intérêt n'est pas subordonné à la démonstration préalable du bien-fondé de l'action, l'existence du droit invoqué par le demandeur étant une condition du succès de son action et non de sa recevabilité. L'association AU NOM DU PEUPLE n'a pas qualité à agir sur le fondement de l'article 3 de la Constitution en faisant valoir que le Front National ne peut « privatiser l'expression Au nom du peuple », l'association demanderesse n'étant en effet pas recevable à emprunter les voies judiciaires pour défendre l'intérêt général. En revanche, les faits de dépôt frauduleux fondé sur l'adage « fraus omnit corrompit » et les faits de concurrence déloyale et parasitaire fondés sur l'article 1382 du code civil allégués par l'association AU NOM DU PEUPLE sont susceptibles de contrevenir directement à ses intérêts personnels. En effet, l'association a intérêt à agir à l'encontre de ceux qui ont, soit déposé, soit exploité à leur profit dans la vie publique, un signe identique à sa dénomination. Or, il n'est pas contesté qu' « au nom du peuple » constitue le slogan de campagne 2017 de Madame Le Pen et que ce signe a été déposé à titre de marque par « Madame B, société UNANIME » tel que cela apparaît sur le registre INPI, dans le but d'être exploité au profit de la candidate du Front National aux élections présidentielles. En revanche, la demanderesse tente de justifier son intérêt à agir à l'encontre de l'association Jeanne en faisant valoir que cette dernière participe au financement des campagnes du Front National. Elle appuie ses affirmations sur des articles de presse indiquant que l'association Jeanne est mise en examen pour financement illégal de la campagne du Front National de 2012 (pièces 6, 7 et 40 en demande). Pour autant, son intérêt à agir l'encontre de l'association Jeanne tant en annulation de marque qu'en concurrence déloyale et parasitaire pour un slogan utilisé dans le cadre de la campagne présidentielle 2017 n'est pas justifié. L'association AU NOM DU PEUPLE justifie donc d'un intérêt à agir et ses demandes en annulation des marques et en concurrence déloyale et parasitaire sont recevables à l'égard de tous les défendeurs, à l'exception de l'association Jeanne. Sur le bien-fondé de la nullité de la marque : À titre préliminaire, il convient de souligner que le caractère distinctif de la marque n'a pas été remis en cause par la demanderesse, c'est donc sur l'indisponibilité du signe et sur le dépôt frauduleux qu'est fondée la demande en nullité de la marque. -l'indisponibilité du signe du fait d'une atteinte à une antériorité Selon l'article L 711-4 du code de propriété intellectuelle : « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment: a) À une marque antérieure enregistrée ou notoirement connue au sens de l'article 6 bis de la convention de Paris pour la protection de la propriété industrielle; b) À une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; c) A un nom commercial ou à une enseigne connus sur l'ensemble du territoire national, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public; d) À une appellation d'origine protégée (L. no 2014-344 du 17 mars 2014, art. 73) «ou à une indication géographique»; e) Aux droits d'auteur; f/ Aux droits résultant d'un dessin ou modèle protégé; g) Au droit de la personnalité d'un tiers, notamment à son nom patronymique, à son pseudonyme ou à son image; h) Au nom, à l'image ou à la renommée d'une collectivité territoriale. » Pour soutenir que la marque critiquée est indisponible, l'association AU NOM DU PEUPLE fait valoir que les termes sont protégés par le droit d'auteur, qu'ils constituent le nom de domaine servant à exploiter son site internet et que cela porte atteinte à sa dénomination sociale. - L'atteinte au nom de domaine : L'article L 711-4 du code de la propriété intellectuelle n'a pas prévu expressément l'atteinte au nom de domaine, mais s'agissant d'une liste non limitative introduite par l'adverbe « notamment », une atteinte à un nom de domaine peut fonder une action en annulation sur cet article. En l'espèce, le nom de domaine opposé a été enregistré le 16 octobre 2012 par Madame M, (WHOIS, pièce 39 en demande) qui en est seule titulaire à ce jour. Il n'est pas contesté que ce nom de domaine est exploité au profit de l'association AU NOM DU PEUPLE en permettant d'accéder à son site internet. S'agissant d'un signe d'usage, il faut justifier de l'antériorité de l'exploitation de ce nom de domaine comme adresse du site de l'association, ce qui n'est pas fait en l'espèce, le seul constat internet qui est produit à cet effet date du 20 septembre 2016, soit postérieurement au dépôt de la marque litigieuse (pièce 26 en demande). - L’atteinte à un droit d'auteur : Le demandeur soutient que la dénomination « au nom du peuple » présente un caractère original lui assurant une protection au nom des droits d'auteur. Elle fait remarquer qu'il ne s'agit pas de « Au nom du peuple français » mais de « AU NOM DU PEUPLE », et que le fait de retirer l'adjectif « français » constitue un choix délibéré et nouveau pour caractériser une formule qui trouve son origine dans la Révolution française et ses suites, que cette restriction évite également tout risque de confusion avec les formules sacramentelles des décisions judiciaires. Le demandeur ajoute que « AU NOM DU PEUPLE » n'apparaît nulle part en tant que tel dans les publications judiciaires ou politiques, que ces termes, « AU NOM DU PEUPLE » n'étaient pas pris ou utilisés quand Madame Corinne M, sa présidente, a choisi ce nom fin 2012. En défense, il est répliqué que les termes « au nom du peuple » sont dépourvus d'originalité en ce qu'ils ne font que reprendre une expression du langage courant, utilisée depuis la Constitution de 1793. L'article L.111-1 du code de la propriété intellectuelle dispose que l'auteur d'une œuvre de l'esprit jouit sur cette œuvre, du seul fait de sa création, d'un droit de propriété incorporelle exclusif et opposable à tous, comportant des attributs d'ordre intellectuel et moral ainsi que des attributs d'ordre patrimonial. Le droit de l'article susmentionné est conféré, selon l'article L. 112-1 du même code, à l'auteur de toute œuvre de l'esprit, quels qu'en soit le genre, la forme d'expression, le mérite ou la destination. Il se déduit de ces dispositions le principe de la protection d'une œuvre sans formalité et du seul fait de la création d'une forme originale. Néanmoins, lorsque cette protection est contestée en défense, l'originalité d'une œuvre doit être explicitée par celui qui s'en prétend auteur, seul ce dernier étant à même d'identifier les éléments traduisant sa personnalité. En l'espèce, la demanderesse, pour nommer une association dont l'objet social est d'améliorer le fonctionnement de la justice en France, a repris une expression juridique utilisée notamment par les rédacteurs du code de procédure civile à l'article 454 « le jugement est rendu au nom du peuple français » en faisant valoir que, Madame M, sa présidente, a eu l'idée d'en retirer le mot « français ». Cependant, le simple fait de retirer le mot « français » à une expression juridique couramment utilisée depuis la Révolution française, sans d'ailleurs expliciter le sens de ce retrait, ne peut suffire à démontrer un effort créatif et l'empreinte de la personnalité de son auteur, mais correspond plutôt à une simple abréviation dépourvue de toute originalité. L'expression « Au nom du peuple » n'est donc pas accessible à la protection du droit d'auteur et l'association demanderesse n'est pas recevable à arguer d'une atteinte à son droit d'auteur. - L'atteinte à la dénomination sociale : Selon la demanderesse, le risque de confusion est flagrant en ce que, d'une part, la marque litigieuse reprend à l'identique sa dénomination et, d'autre part, que l'association et le Front National ainsi que sa dirigeante Madame Le Pen agissent dans le même secteur d'activité : le débat public, politique et citoyen. Les défendeurs répondent que l'association AU NOM DU PEUPLE ne prouve pas que son activité est identique ou similaire aux produits ou services pour lesquels la marque « au nom du peuple » est enregistrée et que, par conséquent, le risque de confusion n'est pas démontré. Il convient de rappeler que selon l'article L 711-4 du code de propriété intellectuelle : « Ne peut être adopté comme marque un signe portant atteinte à des droits antérieurs, et notamment: b) A une dénomination ou raison sociale, s'il existe un risque de confusion dans l'esprit du public : [...] ». -l'antériorité : Concernant une dénomination sociale, l'antériorité existe dès lors qu'elle a fait l'objet d'une immatriculation au registre du commerce et des sociétés pour une société, ou une déclaration à la préfecture pour une association. En l'espèce, la déclaration à la préfecture de l'association AU NOM DU PEUPLE a été publiée en date du 2 novembre 2013. La marque critiquée a été déposée le 13 juin 2016. La dénomination sociale opposée est donc bien antérieure à la marque litigieuse. -l'identité des signes : La marque critiquée est verbale et reproduit à l'identique la dénomination sociale de l'association demanderesse. Cette reproduction à l'identique ne suffit pas à prouver l'existence d'une atteinte à une antériorité puisque l'article L 711-4 ajoute qu'il faut un risque de confusion dans l'esprit du public. -l'identité ou la similarité des produits ou services : La loi n'a pas précisé que la protection de la dénomination sociale doit obéir au principe de spécialité, c'est-à-dire au critère d'identité ou de similarité des services et produits visés dans la marque critiquée en comparaison à l'objet social, ou plus précisément à l'activité réelle de la personne morale, qui oppose sa dénomination sociale. Cependant, l'appréciation de l'existence d'un risque de confusion aux yeux du public implique nécessairement de prendre en compte le domaine d'activité dans lequel intervient la personne morale qui porte cette dénomination. C'est ce qu'a précisé la Cour de Cassation (CCom 22 février 2005) en indiquant « l'indisponibilité d'un signe résultant d'une dénomination sociale antérieure s'apprécie au regard du risque de confusion impliquant l'examen des produits ou services désignés au dépôt de la marque postérieure ». La loi n'a pas non plus précisé, à la différence des atteintes au nom commercial ou à une enseigne, que la dénomination sociale doit être connue sur le territoire national. Cependant, l'appréciation de l'existence d'un risque de confusion aux yeux du public implique nécessairement de prendre en compte, dans l'appréciation in concreto de ce risque, l'ampleur du rayonnement dont jouit la dénomination sociale opposée aux yeux du public pris en considération. Ainsi une dénomination sociale qui jouit d'une renommée, échappe au principe de spécialité. La charge de la preuve de l'existence d'un risque de confusion pèse sur le demandeur à l'annulation. En l'espèce, la demanderesse ne revendique pas la renommée de sa dénomination sociale mais indique être connue au plan national du fait de ses interventions, notamment auprès de tous les parlementaires français et européens. Il convient donc de vérifier si la demanderesse a démontré l'existence d'un risque de confusion en procédant à un examen comparatif entre sa propre activité et les produits ou services désignés au dépôt de la marque critiquée. L'objet de l'association AU NOM DU PEUPLE est défini dans ses statuts (pièce 2 en demande) à l'article 2 : « défendre l'état de droit et l'égalité des droits ». Il est précisé à 1' article 6 des statuts que les moyens d'action sont les suivants : « procédures juridiques, QPC, campagnes d'information (affiches, tracts), rencontres, manifestation, publications, réalisations de films et vidéos ». Au vu du bulletin d'adhésion et de son annexe (pièce 4 en demande), le rôle de l'association est de : « dénoncer et de rendre publics les abus commis par l'institution judiciaire quand ceux-ci sont avérés » et sa fonction est de « réfléchir sur la nature des problèmes et de proposer des solutions. À cet effet, différentes actions sont organisées : saisine des élus sur les dysfonctionnements judiciaires et abus de pouvoir commis par les magistrats et par les auxiliaires de justice, propositions-concrètes auprès des responsables politiques, défense des victimes, création d'un organe de contrôle citoyen, procédures juridiques, QPC, campagnes d'information manifestations, distribution de tracts, organisation de spectacles, vidéos, publications, films, ect. Les politiques ne seront sollicités que par rapport à l'objectif premier », c'est-à-dire « défendre l'État de droit et l'égalité des droits ». Si l'objet social déclaré doit être pris en compte dans la détermination des domaines d'intervention de la demanderesse, il convient de vérifier s'il correspond à son activité réelle. L'association AU NOM DU PEUPLE verse aux débats des captures d'écran qu'elle dit provenir de son site internet accessible à l'adresse « aunomdupeuple.com » et qui montrent : -un communiqué de presse intitulé « La République au cœur des tribunaux 217 parlementaires disent oui à la proposition de l'association AU NOM DU PEUPLE» qui consiste à «demander l'affichage dans toutes les salles d'audience de tous les tribunaux de la Déclaration des droits de l'Homme et du Citoyen » suivie des noms de ces « élus de tous bords » politiques (pièces 18 à 19 en demande) ; -l'information selon laquelle «Au nom du peuple a lancé, en février 2016, une Grande consultation nationale sur la Justice », « cet audit des usagers de la justice a pour but de montrer la réalité du fonctionnement judiciaire [...] », il est indiqué que « des centaines de Français ont déjà répondu à ce questionnaire », que « le questionnaire en ligne est ouvert à tous les usagers de la justice » en mentionnant le lien correspondant, et que les résultats de ce questionnaire seront exploités par le Commission d'enquête sur l'état de la justice mise en place en avril 2016 par le député Jean L (pièce 20 en demande) ; -une lettre datée du 1er juin 2015 adressée au Parlement européen dont l'objet est une requête en lien avec l'opération Justice et Souffrance (pièce 21 en demande). Ces actions concrètes révèlent 1' activité réelle de l'association qui est celle du « lobbying », c'est-à-dire une activité qui consiste à agir pour infléchir une norme, en créer une nouvelle ou supprimer des dispositions existantes en intervenant auprès des décideurs publics sur les questions relatives au fonctionnement de la Justice. Elle n'intervient à l'évidence pas dans le domaine de l'imprimerie (classe 16), même si elle utilise des tracts ou des prospectus, ce ne sont que les moyens d'exercer son activité et non l'objet même de son activité. Le raisonnement est identique concernant les services de la publicité (classe 35), ou celui des télécommunications (classe 38), l'association utilise le web à travers l'exploitation de son site internet, des réseaux sociaux ou des enquêtes en ligne, mais ce ne sont que les moyens de son activité associative. Concernant les services visés en classe 41 : « Éducation ; formation ; divertissement ; activités sportives et culturelles ; informations en matière de divertissement ; informations en matière d'éducation ; recyclage professionnel .mise à disposition d'installations de loisirs ; publication de livres ; prêt de livres ; production de films cinématographiques ; location d'enregistrements sonores ; location de postes de télévision ; location de décors de spectacles ; montage de bandes vidéo ; services de photographie ; organisation de concours (éducation ou divertissement) ; organisation et conduite de colloques ; organisation et conduite de conférences ; organisation et conduite de congrès ; organisation d'expositions à buts culturels ou éducatifs ; réservation de places de spectacles ; services de jeu proposés en ligne à partir d'un réseau informatique ; services de jeux d'argent ; publication électronique de livres et de périodiques en ligne ; micro- édition », l'association AU NOM DU PEUPLE ne procède pas à une analyse service par service visé, pour démontrer ceux qui seraient identiques ou similaires à son activité. La demanderesse se limite à affirmer qu'elle publie des livres, produit des films et organise des colloques, conférences et expositions à but culturel, sans d'ailleurs en apporter la preuve. Il n'est donc pas démontré un risque de confusion aux yeux du public entre la dénomination de l'association AU NOM DU PEUPLE et la marque objet du litige au vu des produits et services visés dans l'enregistrement. L'atteinte à la dénomination de l'association ne sera pas retenue. -le dépôt frauduleux de la marque A l'appui de sa demande, l'association AU NOM DU PEUPLE fait valoir que Madame Le Pen avait connaissance de l'existence de l'association du fait qu’elle a été destinataire d'une pétition prise à l'initiative de l'association. La demanderesse affirme qu'en s'accaparant l'expression « au nom du peuple » par le droit protecteur des marques, le FRONT NATIONAL et ses « complices »ont cherché à évincer l'Association du débat public tout en récupérant le patient travail réalisé et destiné à apporter une critique raisonnée et constructive de l'institution judiciaire. Le demandeur souligne que la cession de la marque postérieurement à l'assignation au profit de l'AFEMLP 2017, association gérant le financement de la campagne 2017 du Front National, démontre l'existence d'une concertation frauduleuse des défendeurs dans le dépôt de la marque litigieuse. Les défendeurs répondent que les demandes en revendication et les demandes en nullité sont exclusives l'une de l'autre, que par conséquent l'association AU NOM DU PEUPLE qui a demandé l'annulation de la marque sur le fondement d'une disposition qui concerne exclusivement l'action en revendication est irrecevable. Ils ajoutent que les circonstances de la fraude ne sont pas réunies en l'espèce, et que la prétendue intention de nuire à l'association n'est pas démontrée, celle-ci pouvant toujours utiliser sa dénomination même en présence du dépôt de marque servant à garantir l'origine des services et produits délimités par la liste visée dans l'enregistrement. Il est précisé en défense que le cessionnaire de la marque litigieuse est l'AFEMLP 2017, association qui gère les finances de la campagne de Madame Marine Le Pen pour les présidentielles de 2017, conformément aux règles du code électoral. SUR CE ; À titre préalable, il convient de constater, au vu des pièces (titre INPI) et des explications données (échanges avec l'INPI de Madame B lors de la procédure d'enregistrement) que le déposant de la marque litigieuse est Madame Sighild B, personne physique, domiciliée au siège de la société UNANIME, et que c'est d'ailleurs Madame B qui a cédé la marque à l'AFEMLP 2017 selon contrat de cession inscrit sur le registre national des marques en date du 3 novembre 2016. -la recevabilité : Il est vrai que la demanderesse vise l'article L 712-6 du code de la propriété intellectuelle alors qu'elle ne demande pas la revendication de la marque alléguée de nullité, pour autant, une demande en nullité pour dépôt frauduleux de la marque peut être fondée sur le principe général « la fraude corrompt tout », lequel est aussi visé par la demanderesse dans les motifs de ses conclusions en page 28. L'action en nullité de la marque pour dépôt frauduleux est donc recevable. -le bien-fondé : Pour démontrer l'existence d'un dépôt frauduleux, il faut rechercher si le déposant avait connaissance au moment du dépôt du fait qu'un tiers utilisait un signe identique ou similaire. Il faut encore démontrer l'intention de nuire, c'est-à-dire le fait que le déposant, à la date du dépôt, avait l'intention d'empêcher le tiers d'utiliser ce signe. En l'espèce, il n'est pas contesté que la marque litigieuse a été déposée par Madame B dans le but d'une exploitation de ce signe pour la campagne présidentielle de Madame Le Pen, candidate du Front National pour 2017. Cependant, le seul fait que l'association indique avoir adressé un e- mail à des parlementaires - le tribunal n'étant d'ailleurs pas en mesure de savoir si cet e-mail a été effectivement envoyé et reçu par Madame Le Pen - ne permet pas de prouver la connaissance par le Front National et sa dirigeante de l'existence de l'association AU NOM DU PEUPLE. Il n'est donc nullement prouvé qu'au moment du dépôt de la marque, le déposant ou la candidate aux présidentielles ou tout autre défendeur au litige avait même connaissance de l'existence de l'utilisation de ce signe par l'association en demande. L'acte de cession de la marque litigieuse au profit de l'AFEMLP 2017, (inscription au RNM en pièce 6 en défense) qui est présentée par les défendeurs comme l'association gérant les comptes de la campagne présidentielle de Madame Marine Le Pen, relève de la stratégie électorale afin de ne pas dévoiler le slogan de campagne et pouvoir l'exploiter pour des produits dérivés, mais ne démontre pas l'intention de nuire à l'encontre de l'association demanderesse. L'association demeure d'ailleurs libre de conserver sa dénomination « Au nom du peuple » puisque ces termes restent disponibles pour un usage autre qu'à titre de marque pour désigner des produits et services visés dans l'enregistrement. D'autant que le dépôt de la marque n'a été effectué que pour des services et produits que n'exploite pas l'association. L'association AU NOM DU PEUPLE échoue donc à démontrer que les conditions du dépôt frauduleux de la marque objet du litige sont réunies. Sur l'action en concurrence déloyale et parasitaire L'association AU NOM DU PEUPLE reproche aux défendeurs d'utiliser sa dénomination comme slogan de campagne électorale. La demanderesse prétend que cet « usage massif » est constitutif d'une faute lui causant un préjudice du fait de la « sulfureuse réputation » du Front National, parti d'extrême-droite, qui s'inscrit « en contradiction avec l'héritage des Lumières en mettant en avant un national populisme » auquel elle ne souhaite pas être assimilée en tant qu'association «apolitique ». En défense, il est répliqué que le choix du slogan « au nom du peuple » n'est constitutif d'aucune faute civile, que le demandeur qui supporte la charge de la preuve conformément à l'article 9 du code de procédure civile ne démontre pas l'existence d'un grief de concurrence déloyale, parce qu'il n' y a aucune concurrence commerciale entre les parties, qu'aucun moyen déloyal n'a été employé, et qu'aucun préjudice en lien de causalité avec la faute alléguée n'est démontré. SUR CE ; Vu l'article 1240, anciennement 1382, du code civil, La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée. Le parasitisme est caractérisé dès lors qu'une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, s'inspire ou copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. Contrairement à ce qu'affirme les défendeurs, un parti politique ou une association peut intervenir dans la vie des affaires. Ainsi, un parti politique ou une association peut être amené à vendre des produits dérivés pour financer en partie son activité, sans que le but de son activité soit lucratif. C'est pourquoi un parti politique ou une association a le droit de déposer une marque pour l'exploitation dans la vie des affaires de produits dérivés. Quant au parasitisme, il peut être fondé sur la captation d'un effort intellectuel développé dans le cadre d'une activité autre que commerciale et utilisé de façon injustifiée pour financer en partie l'activité d'un parti politique ou d'une association. Il a été démontré que les termes « au nom du peuple » ne sont pas protégés par le droit d'auteur s'agissant d'une simple abréviation de la formule juridique « au nom du peuple français ». Il a été également dit plus haut qu'il n'était pas prouvé que le Front National, Madame Le Pen ou un des autres défendeurs avaient, lors du choix du slogan de campagne, connaissance de l'existence de l'association homonyme. De toute façon, il n'était pas nécessaire de connaître l'existence de cette association pour avoir l'idée d'utiliser comme slogan de campagne électorale cette expression très connue, faisant partie du fond commun depuis la Révolution française. En outre, rien ne démontre que la candidate du Front National et le parti politique qui la soutient aient voulu se mettre dans le sillage de l'association lyonnaise, dont il n'est pas démontré qu'elle ait acquis une réputation d'envergure nationale. Il ressort en effet des pièces du dossier que les actions de l'association n'avaient reçu, au moment du dépôt de la marque, qu'un écho médiatique très limité. Ainsi, ni la faute au sens d'une concurrence déloyale ou d'un acte de parasitisme, ni une quelconque intention de nuire à l'association demanderesse n'est démontrée. L'association AU NOM DU PEUPLE sera déboutée de toutes ses demandes en annulation de marque et sur le fondement de la faute civile délictuelle ainsi que de ses demandes indemnitaires subséquentes. Sur la demande reconventionnelle en procédure abusive L'exercice d'une action en justice constitue par principe un droit et ne dégénère en abus pouvant donner naissance à une dette de dommages et intérêts que dans le cas de malice, de mauvaise foi ou d'erreur équipollente au dol. Les défendeurs seront déboutés de leur demande à ce titre faute pour eux de rapporter la preuve d'une quelconque intention de nuire ou légèreté blâmable de la part de la demanderesse qui a pu légitimement se méprendre sur l'étendue de ses droits et d'établir l'existence d'un préjudice autre que celui subi du fait des frais exposés pour sa défense. Sur les frais et l'exécution provisoire Les dépens seront mis à la charge de l'association AU NOM DU PEUPLE, partie qui succombe au principal. L'équité commande que l'association AU NOM DU PEUPLE participe aux frais irrépétibles engagés par la SARL UNANIME, Madame Sighild B, Madame Marine LE PEN, l'association FRONT NATIONAL et l'association JEANNE dans le présent litige à hauteur de 500 euros pour chacun des défendeurs. L'exécution provisoire de la présente décision sera ordonnée.

PAR CES MOTIFS

. Le tribunal statuant par jugement contradictoire, en premier ressort et mis à la disposition du public par le greffe le jour du délibéré, Dit l'association AU NOM DU PEUPLE irrecevable à l'encontre de l'association JEANNE, Dit l'association AU NOM DU PEUPLE recevable dans ses demandes envers la SARL UNANIME, Madame Sighild B, Madame Marine LE PEN et l'association FRONT NATIONAL, Déboute l'association AU NOM DU PEUPLE de toutes ses demandes envers la SARL UNANIME, Madame Sighild B, Madame Marine LE PEN et l'association FRONT NATIONAL, Rejette la demande reconventionnelle en procédure abusive, Condamne l'association AU NOM DU PEUPLE à payer à chacun des défendeurs la somme de 500 euros, soit la somme globale de 2500 euros, au titre de l'article 700 du code de la propriété intellectuelle, Ordonne l'exécution provisoire. Condamne l’association AU NOM DU PEUPLE à payer tous les dépens de l’instance.