Chronologie de l'affaire
Tribunal de Commerce de Toulon 14 février 2018
Tribunal de Commerce de Toulon 04 juin 2019
Tribunal de Commerce de Toulon 08 octobre 2019
Cour d'appel d'Aix-en-Provence 11 mai 2023

Cour d'appel d'Aix-en-Provence, Chambre 3-2, 11 mai 2023, 21/07874

Mots clés Demande tendant à contester l'agrément ou le refus d'agrément de cessionnaires de parts sociales ou d'actions · société · tribunal de commerce · argent · siège · requête · procédure collective · procédure civile · qualités · redressement

Synthèse

Juridiction : Cour d'appel d'Aix-en-Provence
Numéro affaire : 21/07874
Dispositif : Infirme la décision déférée dans toutes ses dispositions, à l'égard de toutes les parties au recours
Décision précédente : Tribunal de Commerce de Toulon, 08 octobre 2019
Président : Madame Gwenael KEROMES
Rapporteur : Madame Muriel VASSAIL

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Commerce de Toulon 14 février 2018
Tribunal de Commerce de Toulon 04 juin 2019
Tribunal de Commerce de Toulon 08 octobre 2019
Cour d'appel d'Aix-en-Provence 11 mai 2023

Texte

COUR D'APPEL D'AIX-EN-PROVENCE

Chambre 3-2

ARRÊT AU FOND

DU 11 MAI 2023

N° 2023/159

Rôle N° RG 21/07874 - N° Portalis DBVB-V-B7F-BHQ4E

[U] [N] épouse [P]

C/

[F] [X]

S.A.R.L. LE POISSON D'ARGENT

Copie exécutoire délivrée

le :

à :

Me David LAYANI

Me Christophe VINOLO

Décision déférée à la Cour :

Ordonnance du Tribunal de Commerce de TOULON en date du 08 Octobre 2019 enregistré(e) au répertoire général sous le n° 190P3288.

APPELANTE

Madame [U] [N] épouse [P]

née le [Date naissance 1] 1957 à [Localité 5], de nationalité française, demeurant [Adresse 6]

représentée par Me David LAYANI, avocat au barreau de MARSEILLE

INTIMES

Maître [F] [X],

agissant en qualité de mandataire judiciaire de la SARL LE POISSON D'ARGENT, selon jugement du tribunal de commerce de Toulon du 13/03/2018, demeurant [Adresse 3]

représenté par Me Christophe VINOLO, avocat au barreau de TOULON substitué par Me Lucas FAURE, avocat au barreau de TOULON

S.A.R.L. LE POISSON D'ARGENT,

dont le siège social est sis [Adresse 2], prise en la personne de son représentant légal domicilié es qualité audit siège

défaillante

*-*-*-*-*

COMPOSITION DE LA COUR

L'affaire a été débattue le 01 Mars 2023 en audience publique devant la cour composée de :

Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre

Madame Muriel VASSAIL, Conseiller rapporteur

Madame Agnès VADROT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Chantal DESSI.

Les parties ont été avisées que le prononcé de la décision aurait lieu par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023.

MINISTERE PUBLIC :

Auquel l'affaire a été régulièrement communiquée.

ARRÊT

Réputé contradictoire,

Prononcé par mise à disposition au greffe le 11 Mai 2023,

Signé par Madame Gwenael KEROMES, Président de chambre et Madame Chantal DESSI, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

***

FAITS PROCEDURE ET PRETENTIONS DES PARTIES

Madame [U] [N], épouse [P] (Mme [N]), exploitait un commerce de bar-restaurant situé à [Adresse 4] qu'elle a, par acte du 23 avril 2015, cédé à la société LE POISSON D'ARGENT pour la somme totale de 350 000 euros.

Par jugement du 14 février 2018, le tribunal de commerce de TOULON a condamné la société LE POISSON D'ARGENT à payer à Madame [N] la somme de 336 000 euros au titre du prix de cession du bar-restaurant.

Cette décision a été frappée d'appel.

Par jugement du 13 mars 2018, rendu à la requête de l'URSSAF, le tribunal de commerce de TOULON a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société LE POISSON D'ARGENT et désigné Monsieur [F] [X] en qualité de mandataire judiciaire.

Par jugement du 4 juin 2019, le tribunal de commerce de TOULON a arrêté le plan de redressement de la société LE POISSON D'ARGENT. Ce plan prévoit le remboursement de 100% de la dette sur 10 ans.

Affirmant que ce plan avait été adopté sur la base d'éléments comptables erronés, voire fallacieux, et non certifiés, Madame [N] a présenté une requête au tribunal de commerce de TOULON pour obtenir la désignation :

-d'un huissier de justice accompagné d'un serrurier et des forces de police,

-d'un expert comptable.

Elles souhaitait que mission soit donnée aux intéressés de se déplacer dans les locaux de la société GRANT THORTON pour poser toute question utile et analyser l'ensemble des documents comptables de la société LE POISSON D'ARGENT.

Par ordonnance du 8 octobre 2019, le président du tribunal de commerce de TOULON a rejeté sa requête considérant que la mesure était disproportionnée et qu'une voie de recours était ouverte pour les tiers ayant un intérêt à agir.

Par ordonnance du 29 octobre 2019, rendue sur recours formé le 22 octobre 2019, le président du tribunal de commerce de TOULON a :

-dit n'y avoir lieu à rétracter l'ordonnance du 8 octobre 2019,

-ordonné la transmission du dossier de l'affaire au greffe de la cour d'appel de ce siège.

Par ordonnance du 1er octobre 2020, le magistrat délégué a déclaré l'appel irrecevable pour défaut de paiement du timbre fiscal et laissé les dépens à la charge de l'appelante.

Par arrêt de déféré du 22 avril 2021, la cour de ce siège a :

-infirmé l'ordonnance déférée,

-déclaré l'appel recevable.

Le dossier, initialement enrôlé sous le numéro RG 19-17476, a été réenrôlé sous le numéro RG 21-7874.

A l'audience du 20 janvier 2022, le dossier a été renvoyé au 28 avril 2022, le conseiller rapporteur ayant enjoint à Madame [N] d'assigner Monsieur [X] en qualité de mandataire judiciaire de la société LE POISSON D'ARGENT.

A l'audience du 16 juin 2022, le dossier a de nouveau été renvoyé en raison du dépôt de conclusions d'incident de la part de Monsieur [X] ès qualités.

Par ordonnance du 8 décembre 2022, le conseiller de la mise en état a :

-débouté Monsieur [X] de sa demande tendant à ce que l'appel soit déclaré irrecevable,

-déclaré Monsieur [X] infondé en ses prétentions au titre des frais irrépétibles,

-renvoyé la cause et les parties à l'audience du 1er mars 2023,

-ordonné que la procédure soit clôturée le 2 février 2023,

-condamné Monsieur [X] aux dépens de l'incident.

Dans ses dernières conclusions, déposées au RPVA le 4 mars 2020 et manifestement affectées d'une erreur matérielle en ce qu'elles sont adressées au conseiller de la mise en état, Madame [N] demande de :

-constater le caractère motivé, justifié et proportionné de la mesure,

-infirmer en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 8 octobre 2019 par le président du tribunal de commerce de TOULON,

-commettre maître [J] [K], huissier de justice, avec pour mission de :

-se rendre au siège de la société GRANT THORTON à la [Localité 7], si besoin accompagné d'un serrurier et des forces de police ou de gendarmerie,

-se faire accompagner d'un expert-comptable et l'autoriser à analyser les ordinateurs présents au siège et à faire les recherches nécessaires pour retrouver sur tous supports informatiques (disque dur, clé USB, carte flash, services de stockage, boites de messagerie ou autres), le ou les fichiers informatiques (emails, fichiers word etc) mentionnant les termes LE POISSON D'ARGENT HUGUES [N] et pouvant constituer tout ou partie de fichiers relatifs à la comptabilité de la société LE POISSON D'ARGENT,

-se faire remettre, au besoin, la liste des mots de passe d'accès aux ordinateurs et adresses mails,

-nonobstant le refus de communiquer les mots de passe, autoriser le ou les informaticiens à tenter de pénétrer dans les ordinateurs et les boites mail afin de pouvoir réaliser la présente mission,

-prendre en photographie tout document papier relatif à la comptabilité de la société LE POISSON D'ARGENT,

-procéder à l'extraction et à la copie informatique sur tout support des fichiers informatiques,

-réaliser une copie du disque dur, du serveur présent sur site ou distant, en vu du procès,

-poser toute question qu'il jugera utile en lien avec la comptabilité de la société LE POISSON D'ARGENT et notamment l'établissement du poste «'avances conditionnées'» au passif,

-dresser un constat de ces constatations auquel il joindra une copie de toutes les pièces afférentes et plus généralement enregistrer, noter et retranscrire tous les échanges et discussions afin de les produire dans un procès-verbal de constat,

-dire que l'ensemble des éléments recueillis par le mandataire de justice seront conservés par lui en séquestre, sans qu'il puisse lui en donner connaissance,

-dire que les parties viendront devant le tribunal de commerce de TOULON ou tout autre tribunal de commerce, en référé, afin d'examen des pièces saisies et qu'il soit statué sur la communication des pièces sous séquestre,

-fixer la provision due à l'huissier à 1 000 euros,

-dire qu'en cas de difficulté il en sera référé à la cour.

Dans ses dernières conclusions, communiquées au RPVA le 24 janvier 2023, Monsieur [X], assigné en qualité de mandataire judiciaire de la société LE POISSON D'ARGENT, demande à la cour de juger un certain nombre de choses qui sont autant de moyens et :

A titre liminaire, de déclarer Madame [N] irrecevable en ses demandes, fins et conclusions,

A titre principal et subsidiaire, de confirmer l'ordonnance rendue par le président du tribunal de commerce de TOULON,

En tout état de cause, de condamner Madame [N] aux dépens avec distraction et à lui payer 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses réquisitions, signifiées au RPVA le 4 avril 2022, le ministère public déclare s'en rapporter.

L'ordonnance de clôture est intervenue le 2 février 2023 avec rappel de la date de fixation.

Conformément à l'article 455 du code de procédure civile, il conviendra de se reporter aux écritures des parties pour l'exposé de leurs moyens de fait et de droit.


MOTIFS

1)Sur la recevabilité des demandes de Madame [N]

Pour conclure à l'irrecevabilité des demandes de Madame [N], Monsieur [X] ès qualités excipe de l'article L622-20 du code de commerce qui pose pour principe qu'à compter du jugement d'ouverture de la procédure collective seul le mandataire judiciaire a qualité pour agir dans l'intérêt des créanciers.

Il en tire pour conséquence qu'à défaut pour elle de rapporter la preuve d'un préjudice distinct, personnel et spécial, Madame [N], qui a déclaré sa créance, n'avait pas qualité pour déposer la requête objet du litige.

Madame [N] ne s'explique pas sur ce point.

Dans ses dernières conclusions, elle rappelle qu'elle est créancière de la société LE POISSON D'ARGENT et admet que cette dernière bénéficie d'une procédure collective depuis le 13 mars 2018 et que Monsieur [X] a été désigné mandataire judiciaire à compter de cette date.

Elle fait encore valoir que pour obtenir son plan de redressement, arrêté le 4 juin 2019 par le tribunal de commerce de TOULON, la société le POISSON D'ARGENT a transmis au mandataire judiciaire et à la juridiction des éléments comptables erronés voire fallacieux.

Se livrant à une analyse de la comptabilité présentée par la débitrice, elle affirme que l'architecture de son passif est troquée et trompeuse et que la comptabilité de l'entreprise est irrégulière.

Sans l'indiquer formellement, elle semble suggérer que le plan de redressement, qui prévoit un remboursement de 100% du passif sur 10 ans, aurait été obtenu de façon frauduleuse.

Elle soutient qu'elle justifie d'un intérêt particulier à produire la comptabilité de la société LE POISSON D'ARGENT :

-dans le cadre de la procédure pendante devant la cour d'appel,

-pour dénoncer le plan et solliciter l'ouverture d'une liquidation judiciaire.

Son premier argument sera écarté puisque, par arrêt du 4 mai 2023, la cour de ce siège a confirmé le jugement rendu le 14 février 2018 par le tribunal de commerce de TOULON qui a condamné la société LE POISSON D'ARGENT à lui payer la somme de 336 000 euros au titre du prix de cession du bar-restaurant.

S'agissant de son second argument, Madame [N], qui ne démontre pas une situation particulière par rapport aux autres créanciers de la débitrice, n'allègue ni ne rapporte la preuve d'aucun intérêt spécifique et personnel.

Bien plus, elle relève qu'elle avait alerté le ministère public et le mandataire judiciaire d'éventuelles irrégularités susceptibles d'affecter la comptabilité de la société LE POISSON D'ARGENT et que ces derniers les ont écartées.

Elle agit donc contre l'avis des organes de la procédure collective et probablement contre l'intérêt de ses créanciers qui n'auraient peut-être pas grand chose à gagner d'une liquidation judiciaire alors que le plan adopté leur garantit le remboursement de 100% de leur créance.

N'ayant aucun intérêt spécifique, spécial et personnel à défendre, elle n'est effectivement pas recevable en sa demande qui, en tout état de cause, n'est pas justifiée au fond dans la mesure où les saisies qu'elle réclame :

-sont extrêmement étendues,

-affectent le secret des affaires puisqu'il s'agit d'investiguer sur tous les supports de tout un cabinet comptable,

-pas leur ampleur, sont disproportionnées au regard de l'exercice des droits des parties.

En conséquence, l'ordonnance frappée d'appel sera infirmée et Madame [N] sera déclarée irrecevable en sa demande.

2)Madame [N] sera condamnée aux dépens d'appel.

Il serait inéquitable de laisser supporter à Monsieur [X] ès qualités l'intégralité des frais qu'il a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

Madame [N] sera condamnée à lui payer 1 500 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile.

La distraction des dépens sera autorisée pour le conseil de Monsieur [X].

PAR CES MOTIFS



La cour, statuant publiquement, après débats publics, par arrêt réputé contradictoire et mis à disposition au greffe ;

Infirme l'ordonnance rendue le 8 octobre 2019 par le président du tribunal de commerce de TOULON ;

Déclare Madame [N] irrecevable en sa demande pour défaut de qualité pour agir ;

Condamne Madame [N] à payer à Monsieur [X] ès qualités 1 500 euros du chef de l'article 700 du code de procédure civile ;

Condamne Madame [N] aux dépens ;

Autorise l'application de l'article 699 du code de procédure civile au bénéfice du conseil de Monsieur [X], ès qualités.

LA GREFFIERE, LA PRESIDENTE,