Cour de cassation, Première chambre civile, 13 novembre 1990, 87-18.305

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
1990-11-13
Cour d'appel de Versailles
1987-06-25

Texte intégral

Sur le pourvoi formé par M. Patrick X..., syndic judiciaire, demeurant à Nanterre (Hauts-de-Seine), ..., agissant en sa qualité de syndic de la liquidation des biens de la société à responsabilité limitée La Lutherie, ayant eu son siège social au Rhodoire par Herbignac (Loire-Atlantique), fonctions auxquelles il a été nommé par jugement du tribunal de commerce de Nanterre en date du 15 janvier 1985, en cassation d'un arrêt rendu le 25 juin 1987 par la cour d'appel de Versailles (3e chambre civile), au profit la société Le Finistère, société d'assurance à forme mutuelle et à cotisations fixes, dont le siège social est à Quimper (Finistère), rue de Kervilou, défenderesse à la cassation ; La société Le Finistère a formé un pourvoi incident contre l'arrêt de la cour d'appel de Versailles ; M. X..., demandeur au pourvoi principal, invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ; La société Le Finistère, demanderesse au pourvoi incident, invoque, à l'appui de son recours, le moyen unique de cassation également annexé au présent arrêt ; LA COUR, composée selon l'article L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 9 octobre 1990, où étaient présents : M. Jouhaud, président, M. Kunhmunch, rapporteur, M. Viennois, conseiller, Mme Flipo, avocat général, Mlle Ydrac, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Kuhnmunch, les observations de Me Choucroy, avocat de M. X..., ès qualités, de Me Odent, avocat de la société Le Finistère, les conclusions de Mme Flipo, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; Attendu, selon les énonciations des juges du fond, que la société la Lutherie qui, mise en liquidation des biens, est représentée par son syndic, M. X..., exploitait un commerce d'instruments de musique dans plusieurs magasins, dont un à Nantes et un autre à Herbignac ; qu'elle avait soucrit une "police multirisques des commerçants" auprès de la société le Finistère ; que les conditions particulières étaient définies par des "intercalaires" qui, après rappel de la valeur totale du matériel et des marchandises assurés, précisaient pour chaque magasin la valeur du matériel et des marchandises ; qu'un avenant a exclu le risque d'un des magasins et procédé à une nouvelle répartition des valeurs de risque entre les autres ; qu'il y était précisé, pour le magasin de Nantes, que le risque assuré était de 420 000 francs dont 320 000 francs pour les pianos et 100 000 francs pour les marchandises et instruments de musique ; qu'il y était aussi indiqué que les marchandises garanties seraient "amenées" à être déplacées dans les différents magasins et que la valeur totale des marchandises pour l'ensemble des magasins était de 2 200 000 francs ; qu'un orage a provoqué des dégâts dans le magasin de Nantes ; qu'un vol a été commis dans celui d'Herbignac ; que l'arrêt attaqué (Versailles, 25 juin 1987) a jugé, en ce qui concerne le premier sinistre, que l'assureur n'était tenu à garantie que dans la limite propre au risque de Nantes et qu'on ne saurait lui imputer à faute un réglement hors des délais contractuels ; que, pour le vol, la cour d'appel a décidé que la compagnie devait en couvrir les conséquences comme civilement responsable de son agent général qui ne lui avait pas transmis la déclaration, les intérêts légaux ne devant commencer à courir qu'à compter de l'arrêt de condamnation

Sur le premier moyen

du pourvoi principal formé par la société la Lutherie, pris en ses deux branches :

Attendu que cette société fait grief à

l'arrêt attaqué d'avoir décidé que la société le Finistère n'était tenue à garantie qu'à concurrence de 420 000 francs pour le sinistre survenu dans le magasin de Nantes, et non dans la limite globale de 2 200 000 francs, alors que, selon le moyen, d'une part, il y a eu violation des stipulations claires de l'avenant et alors que, d'autre part, la cour d'appel n'a pas tiré les conséquences légales de certaines de ses constatations ;

Mais attendu

que la cour d'appel a relevé que la mention de l'avenant selon la laquelle "les marchandises sont amenées à être déplacées dans les divers risques" envisageait la rotation du stock et sa garantie d'un magasin à l'autre mais ne remettait pas pour autant en cause les limites de la valeur du risque pour chaque lieu d'exploitation et qu'il incombait à l'assurée, sauf à modifier les valeurs déclarées, d'organiser les mouvements de ses marchandises en fonction des valeurs particulilères de risques selon les volumes d'exploitation propres à chaque magasin ; qu'elle a ajouté que si les parties avaient voulu envisager chaque cas de sinistre par référence à la valeur globale constante du risque, soit 2 200 000 francs, elles n'auraient pas à nouveau précisé dans l'avenant la valeur du risque par magasin, une telle indication s'avérant dans ce cas inutile ; que les juges du second degré en ont justement déduit, sans dénaturation des stipulations contractuelles ni méconnaissance de leurs propres constatations, "qu'en conséquence la nouvelle valeur totale des marchandises portée à l'avenant... ne constituait qu'une modification de la limitation de la valeur du matériel et des marchandises telle qu'elle figurait sur chacune des intercalaires portant conditions particulières, à titre de référence de calcul de la cotisation du contrat, fractionnée ensuite au prorata, par quittances séparées" ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses deux branches

Sur le troisième moyen

du pourvoi principal :

Attendu que la société la Lutherie fait encore grief à

l'arrêt attaqué de l'avoir déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour le retard mis par son assureur à régler le sinistre de Nantes, alors que, selon le moyen, dès lors qu'il était contractuellement prévu que le règlement devait être opéré dans un délai de trois mois, le retard mis par l'expert de l'assureur à déposer son rapport ne pouvait suffire à exclure la faute de la compagnie ;

Mais attendu

que la cour d'appel a relevé que l'on "ne saurait imputer à faute à l'assureur un règlement hors des délais contractuels alors qu'aucun accord ni décision exécutoire n'étaient intervenus sur ce montant" et "qu'il est donc justifié que la société le Finistère... n'a pas cherché à fuir ses obligations et par là aggravé le dommage de son assurée" ; qu'elle a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est donc pas fondé

Sur le moyen

unique du pourvoi incident, pris en ses deux branches, formé par la société le Finistère, dont l'examen est préalable à celui du deuxième moyen du pourvoi principal :

Attendu que la compagnie d'assurance fait grief à

l'arrêt attaqué, infirmatif à cet égard, de l'avoir condamnée à indemniser la société la Lutherie des conséquences du vol commis dans son magasin d'Herbignac, comme civilement responsable de son agent général, alors que, selon le moyen, d'une part, la cour d'appel a dénaturé les conclusions de l'assureur qui soulignaient que l'assurée n'établissait pas la réalité matérielle de l'effraction ni l'étendue du préjudice invoqué ; et alors que, d'autre part, les juges du second degré n'ont pas répondu aux conclusions de l'assureur qui, en sollicitant la confirmation du jugement, s'est approprié les motifs des premiers juges selon lesquels les seuls documents versés aux débats étaient insuffisants pour prouver la réalité, les circonstances et l'importance du vol ;

Mais attendu

que, le jugement de première instance ayant décidé que la demande de paiement relative au vol devait être rejetée en l'état en raison de l'insuffisance des documents versés aux débats, la cour d'appel a constaté au contraire que les éléments d'information nécessaires sur le sinistre, qu'elle énumère, avaient été remis en temps utile à l'agent et régulièrement versés aux débats ; qu'elle a pu en déduire que la faute de l'agent était constituée et que l'assureur devait réparer le préjudice en résultant ; qu'elle a souverainement estimé que ce préjudice devait être fixé par référence au montant déclaré du vol ; qu'elle a ainsi justifié sa décision sans dénaturer les conclusions invoquées n'y omettre d'y répondre ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses deux branches

Et sur le deuxième moyen

du pourvoi principal, pris en ses deux branches :

Attendu que la société

la Lutherie reproche encore à la cour d'appel de l'avoir déboutée de sa demande d'intérêts sur la somme due par la compagnie d'assurance, comme civilement responsable de son agent général, pour le vol commis dans le magasin d'Herbignac alors que, selon le moyen, d'une part, l'agent étant le mandataire de l'assureur, celui-ci ne pouvait opposer à l'assurée la carence de ce mandataire et était débiteur de l'indemnité dans les termes du contrat, de sorte que les intérêts étaient dus à la date de la réclamation qui en avait été faite ; et alors que, d'autre part, l'arrêt, fixant l'indemnité due au montant déclaré du vol, ne pouvait refuser d'allouer des intérêts antérieurs à la date de sa décision ;

Mais attendu

que les juges du second degré ont relevé que la compagnie d'assurance était civilement responsable de son agent, selon les prévisions de l'article L. 511-1 du Code des assurances, et que si l'indemnité due à l'assurée devait être fixée par référence au montant déclaré du vol, il n'en demeurait pas moins que, s'agissant de dommages-intérêts alloués à la date de leur décision, les intérêts ne pouvaient courir qu'à compter du prononcé de l'arrêt ; que la cour d'appel a ainsi légalement justifié sa décision ; que le moyen n'est donc fondé en aucune de ses branches ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; ! Laisse à chaque partie la charge respective de ses dépens ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du treize novembre mil neuf cent quatre vingt dix.