Cour de cassation, Première chambre civile, 12 septembre 2012, 11-18.530

Synthèse

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2012-09-12
Cour d'appel de Pau
2011-02-22

Texte intégral

Sur le moyen

unique : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Pau, 22 février 2011), qu'à la suite de la rupture, le 30 septembre 2005, par les sociétés Prodim et CSF, des contrats de partenariat et d'approvisionnement conclus avec la société Codis Aquitaine (la société Codis), coopérative de commerçants détaillants dans le secteur alimentaire, la société Falco et fils (la société Falco), qui en était adhérente, ayant, le 3 novembre 2005, résilié le contrat de franchise qu'elle avait conclu avec la société Prodim pour l'exploitation d'un fonds de commerce de produits alimentaires sous l'enseigne "8 à Huit", cette dernière société a engagé une série d'actions devant des juridictions étatiques et arbitrales ; que, par une ordonnance de référé du 17 novembre 2005, un tribunal de commerce, constatant l'existence d'un trouble manifestement illicite résultant d'un manquement de la société Falco à ses obligations contractuelles d'usage de l'enseigne "8 à Huit" et d'assortiment minimum, l'a enjointe de rétablir cette enseigne, et ce sous astreinte, et de respecter l'obligation d'assortiment minimum, le tout jusqu'au terme du contrat de franchise fixé au 2 janvier 2007 ; que, par jugements du 9 février 2006 et du 26 juin 2008, un juge de l'exécution a assorti d'une astreinte l'injonction relative à l'assortiment minimum puis a liquidé celle-ci ; que, par une sentence du 9 janvier 2007, un tribunal arbitral a déclaré fautive la résiliation du contrat de franchise et, en conséquence, a condamné la société Falco à payer une certaine somme à la société Prodim à titre de dommages-intérêts ;

Attendu que la société

Carrefour proximité France (la société Carrefour), venant aux droits de la société Prodim, fait grief à l'arrêt de confirmer le jugement entrepris ayant déclaré irrecevable sa demande en indemnisation des conséquences du refus d'exécution par la société Falco des décisions de justice la condamnant, alors, selon le moyen : 1°/ que l'autorité de chose jugée ne peut être opposée avec succès que si l'objet de la demande présentée dans la seconde instance est identique à celui de la première instance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a accueilli la fin de non-recevoir présentée par la société Falco et tirée de la chose jugée dans l'instance arbitrale, en retenant que l'objet de la demande était identique dans les deux instances, quand la seconde, poursuivie devant les juridictions étatiques, tendait à obtenir, sur un fondement quasi délictuel, réparation de la résistance opposée par l'ex-franchisée à l'exécution des diverses décisions de justice rendues contre elle -et dont certaines étaient postérieures à la sentence arbitrale du 9 janvier 2007-, alors que la première tendait à obtenir réparation de la rupture abusive, par la société Falco et fils, du contrat de franchise la liant à la société Prodim (devenue Carrefour Proximité France), a violé l'article 1351 du code civil ; 2°/ que les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige, tels qu'ils ont été fixés par les prétentions des parties; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui a énoncé que la société Carrefour Proximité France venait demander à la juridiction étatique la réparation de l'inexécution de l'ordonnance de référé du 17 novembre 2005 faisant injonction à la société Falco de respecter son obligation d'assortiment minimum, quand l'exposante avait sollicité réparation des conséquences de la résistance abusive de la société Falco à exécuter les diverses décisions de justice l'ayant condamnée, a modifié les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 3°/ que l'identité de cause est requise pour que la chose jugée dans une première instance soit opposée avec succès lors d'une seconde instance ; qu'en l'espèce, la cour d'appel, qui, en se fondant sur le principe de la concentration des moyens, a jugé que la cause des deux instances poursuivies, la première, devant un tribunal arbitral, et la seconde, devant les tribunaux étatiques, était identique, quand la première instance tendait, sur un fondement contractuel, à obtenir réparation de la rupture abusive, avant terme, du contrat de franchise liant les parties, et la seconde visait, sur un fondement quasi délictuel, à obtenir réparation de la résistance abusive opposée par la société Falco aux diverses décisions de justice la condamnant et dont certaines étaient postérieures à la sentence arbitrale du 9 janvier 2007, a violé l'article 1351 du code civil ;

Mais attendu

qu'il incombe au demandeur de présenter dès l'instance relative à la première demande l'ensemble des moyens qu'il estime de nature à fonder celle-ci; qu'ayant relevé que le tribunal arbitral avait été saisi, comme le juge étatique à sa suite, d'une demande en réparation des manquements à l'obligation de réassortiment postérieurement à l'ordonnance de référé du 14 novembre 2005 qui fixait l'injonction de réassortiment, la cour d'appel en a exactement déduit, sans méconnaître l'objet du litige, une identité d'objet entre les demandes, dont la seule différence de fondement juridique, fût-elle avérée, était insuffisante à écarter la fin de non-recevoir tirée de l'autorité de la chose jugée attachée à la sentence du 30 novembre 2007 ; que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Carrefour Proximité France aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette la demande de la société Carrefour Proximité France et la condamne à payer à la société Falco et fils la somme de 2 500 euros ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, première chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du douze septembre deux mille douze.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Odent et Poulet, avocat aux Conseils, pour la société Carrefour proximité Fance Il est fait grief à l'arrêt attaqué D'AVOIR confirmé le jugement entrepris, en ce qu'il avait dit irrecevable et rejeté la demande en indemnisation formée par un franchiseur (la société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE), contre son ex-franchisée (la société FALCO ET FILS), tendant à obtenir réparation des conséquences du refus, par cette dernière, d'exécuter les décisions de justice la condamnant ; AUX MOTIFS QU'en matière arbitrale, il convenait de retenir une conception large de l'autorité de chose jugée ; qu'en l'espèce, l'identité de parties était parfaite et elles agissaient en les mêmes qualités ; que la demande était la même : la société PRODIM soutenait, devant le tribunal arbitral, que « le contrat de franchise a été rompu irrégulièrement et que si le magasin arbore toujours une enseigne 8 à huit, la société FALCO commercialise en masse des produits CASINO et ne respecterait plus l'assortiment minimum » ; qu'elle venait demander devant la juridiction étatique la réparation de l'inexécution de l'ordonnance de référé du 17 novembre 2005, faisant injonction à la SARL FALCO de procéder à l'assortiment minimum ; qu'il en résultait que les deux juridictions étaient saisies de la même demande ; que le fait que le tribunal arbitral ait statué en amiable compositeur n'altérait pas l'autorité de chose jugée attachée à sa sentence, alors qu'il était saisi de l'intégralité des postes d'indemnisation réclamés par la société PRODIM ; que la cause était la même ; que la société PRODIM ne pouvait ignorer, pour être à l'origine à l'origine du principe de la concentration des moyens à la matière arbitrale par la haute juridiction, qu'il incombait aux demandeurs de présenter dans la même instance toutes les demandes fondées sur la même cause ; que la société PRODIM avait demandé devant le tribunal arbitral réparation de la responsabilité encourue par CODIS pour avoir vendu de façon prolongée dans la superette des produits dont la marque ne correspondait pas à son enseigne ; que la société PRODIM n'avait pas produit le mémoire qu'elle avait déposé devant le tribunal arbitral, seulement certaines pages portant extrait du dispositif ; que, dans le corps de la sentence, les demandes de la société PRODIM étaient ainsi reprises : « la société PRODIM soutient que le contrat de franchise a été rompu irrégulièrement et que si le magasin arbore toujours une enseigne 8 à huit, la société FALCO commercialise en masse des produits CASINO et ne respecterait plus l'assortiment minimum » ; que la motivation de la sentence arbitrale visait notamment une atteinte à l'image du franchiseur « consistant notamment dans la vente prolongée dans une importante superette de produits dont les marques ne correspondent pas à son enseigne » ; qu'au-delà de ce préjudice d'image, les violations répétées du contrat de franchise, commises en dépit d'une série de décisions judiciaires les constatant, avaient eu un impact dépassant le cadre des relations bilatérales en ce qu'elles étaient le fait d'un franchisé vice-président de la coopérative CODIS ; que la demande présentée au tribunal de commerce de Bayonne rappelait que les relations entre les parties n'avaient pas été reprises, alors que cette reprise aurait dû être immédiate à compter de l'ordonnance du 17 novembre 2005 et visait le dommage causé par le comportement abusif de la société FALCO dans le développement procédural dont il avait eu à connaître ; qu'il en résultait que le tribunal arbitral avait été saisi comme juge étatique à la suite d'une même demande en réparation des manquements à l'obligation de réassortiment, postérieurement à l'ordonnance de référé du 17 novembre 2005 qui portait ladite injonction de réassortiment ; qu'il en résultait qu'à bon droit la société FALCO ET FILS pouvait opposer dans la présente instance l'autorité de chose jugée par le tribunal arbitral dans sa sentence du 9 janvier 2007 ; que la demande de la société FALCO était ainsi irrecevable et le jugement devait être confirmé de ce chef ; 1°/ ALORS QUE l'autorité de chose jugée ne peut être opposée avec succès que si l'objet de la demande présentée dans la seconde instance est identique à celui de la première instance ; qu'en l'espèce, la cour, qui a accueilli la fin de non-recevoir présentée par la société FALCO et tirée de la chose jugée dans l'instance arbitrale, en retenant que l'objet de la demande était identique dans les deux instances, quand la seconde, poursuivie devant les juridictions étatiques, tendait à obtenir, sur un fondement quasi délictuel, réparation de la résistance opposée par l'ex-franchisée à l'exécution des diverses décisions de justice rendues contre elle - et dont certaines étaient postérieures à la sentence arbitrale du 9 janvier 2007 -, alors que la première tendait à obtenir réparation de la rupture abusive, par la société FALCO ET FILS, du contrat de franchise la liant à la société PRODIM (devenue CARREFOUR PROXIMITE FRANCE), a violé l'article 1351 du code civil ; 2°/ ALORS QUE les juges du fond ne peuvent modifier les termes du litige, tels qu'ils ont été fixés par les prétentions des parties ; qu'en l'espèce, la cour, qui a énoncé que la société CARREFOUR PROXIMITE FRANCE venait demander à la juridiction étatique la réparation de l'inexécution de l'ordonnance de référé du 17 novembre 2005 faisant injonction à la SARL FALCO de respecter son obligation d'assortiment minimum, quand l'exposante avait sollicité réparation des conséquences de la résistance abusive de la société FALCO à exécuter les diverses décisions de justice l'ayant condamnée, a modifié les termes du litige, en violation des articles 4 et 5 du code de procédure civile ; 3°/ ALORS QUE l'identité de cause est requise pour que la chose jugée dans une première instance soit opposée avec succès lors d'une seconde instance ; qu'en l'espèce, la cour qui, en se fondant sur le principe de la concentration des moyens, a jugé que la cause des deux instances poursuivies, la première, devant un tribunal arbitral, et la seconde, devant les tribunaux étatiques, était identique, quand la première instance tendait, sur un fondement contractuel, à obtenir réparation de la rupture abusive, avant terme, du contrat de franchise liant les parties, et la seconde visait, sur un fondement quasi délictuel, à obtenir réparation de la résistance abusive opposée par la société FALCO aux diverses décisions de justice la condamnant et dont certaines étaient postérieures à la sentence arbitrale du 9 janvier 2007, a violé l'article 1351 du code civil.