Cour d'appel de Versailles, Chambre 21, 12 mai 2022, 20/00554

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Versailles
  • Numéro de pourvoi :
    20/00554
  • Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
  • Décision précédente :tribunal de commerce de Versailles, 13 décembre 2018
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/627df99a0d41e0057d43e839
  • Président : Monsieur Thomas LE MONNYER
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Versailles
2022-05-12
Conseil de Prud'hommes de VERSAILLES
2020-01-28
tribunal de commerce de Versailles
2019-02-05
tribunal de commerce de Versailles
2018-12-13

Texte intégral

COUR D'APPEL DE VERSAILLES 21e chambre

ARRET

N° REPUTE CONTRADICTOIRE DU 12 MAI 2022 N° RG 20/00554 - N° Portalis DBV3-V-B7E-TYWW AFFAIRE : SELARL JSA Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la «SARL FAHTI » C/ [F] [Y] ... Décision déférée à la cour : Jugement rendu le 28 Janvier 2020 par le Conseil de Prud'hommes - Formation paritaire de VERSAILLES N° Chambre : N° Section : I N° RG : F 19/00277 Copies exécutoires et certifiées conformes délivrées à : Me Nathalie CHEVALIER Me Isabelle SCHUHLER BOURRELLIS le : RÉPUBLIQUE FRANÇAISE AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS LE DOUZE MAI DEUX MILLE VINGT DEUX, La cour d'appel de Versailles a rendu l'arrêt suivant dans l'affaire entre : SELARL JSA Es qualité de « Mandataire liquidateur » de la «SARL FAHTI » [Adresse 2] [Localité 4] Représentant : Me Nathalie CHEVALIER, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de VAL-DE-MARNE, vestiaire : 143 APPELANTE **************** Monsieur [F] [Y] né le 22 Mars 1961 à [Localité 10] (TUNISIE) de nationalité Tunisienne Chez Mme [O] [Adresse 3] [Localité 6] Représentant : Me Isabelle SCHUHLER BOURRELLIS, Plaidant/Constitué, avocat au barreau de PARIS, vestiaire : D0232 Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA IDF OUEST [Adresse 1] [Localité 5] Non comparant, non représenté La déclaration d'appel et les conclusions d'appelant lui ayant été signifiées le 20 Mai 2020, à personne habilitée. INTIMES **************** Composition de la cour : En application des dispositions de l'article 805 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue à l'audience publique du 07 Février 2022 les avocats des parties ne s'y étant pas opposés, devant Madame Odile CRIQ, Conseiller chargé du rapport. Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de : Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, Madame Valérie AMAND, Président, Madame Odile CRIQ, Conseiller, Greffier lors des débats : Monsieur Achille TAMPREAU, FAITS ET PROCEDURE M. [Y] a été engagé à compter du 1er janvier 2016 en qualité de boulanger, par la société Fahti, selon contrat de travail à durée indéterminée verbal, puis à compter du 1er mai 2017, les parties régulariseront un contrat à durée indéterminée à temps plein. L'entreprise employait moins de onze salariés et relevait de la convention collective de la boulangerie-pâtisserie. Le salarié affirme avoir été victime d'une agression le 14 juillet 2016, commise sur son lieu de travail, par le gérant de fait de la boulangerie M. [Z]. M. [Y] soutient également que l'employeur a cessé de lui payer son salaire à partir de juin 2017 jusqu'à juin 2018 et avoir subi de nouveau une agression physique le 25 mai 2018, de la part de M. [Z], ce qui l'a conduit à déposer une plainte en date du 28 mai 2018. Le 30 mai 2018, le salarié prétend avoir informé oralement son employeur qu'il prenait acte de la rupture de la relation de travail. M. [Y] a saisi le 23 octobre 2018, le conseil de prud'hommes de Versailles, demandant que sa prise d'acte produise les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse et que soit condamnée la société à lui verser diverses sommes de nature salariale et indemnitaire. Par jugement en date du 13 décembre 2018, le tribunal de commerce de Versailles a ouvert une procédure de redressement judiciaire à l'encontre de la société Fahti et a désigné la Selarl JSA en qualité de mandataire judiciaire. Par jugement en date du 5 février 2019, le tribunal de commerce de Versailles a converti la procédure de redressement judiciaire en liquidation judiciaire de la société et a désigné la Selarl JSA en qualité de mandataire liquidateur. L'affaire a été radiée le 15 janvier 2019 et a été réintroduite le 11 juin 2019. Par jugement rendu le 28 janvier 2020, notifié le 31 janvier 2020, le conseil a statué comme suit : Constate la liquidation judiciaire de la société Fahti prononcée par le tribunal de commerce de Versailles par jugement en date du 5 février 2019 et la désignation de la Selarl JSA, en qualité de mandataire liquidateur, représentée par Maître Nathalie Chevalier ; Dit l'affaire recevable. Donne acte à l'AGS d'Ile de France Ouest de son intervention. Requalifie la prise d'acte en un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Fixe le salaire de référence à 1 498,50 euros Déboute M. [Y] de sa demande d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement. Fixe la créance de M. [Y] sur l'état du passif de la liquidation judiciaire de la société Fahti dont la Selarl JSA, prise en la personne de Maître [K] [N] a été désignée es qualité de mandataire liquidateur, aux sommes suivantes : - 4 495,50 euros au titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. - 2 997 euros au titre du préavis. - 749,25 euros au titre d'indemnité de licenciement. - 1 198,80 euros au titre de paiement de congés payés non pris. - 17 482 euros au titre de rappel de salaire de juin 2017 à mai 2018. - 1 498,50 euros en dommages et intérêts pour conditions vexatoires Dit que le présent jugement sera commun et opposable à l'AGS d'Ile de France Ouest et que cet organisme viendra en garantie dans les éventuelles limites des dispositions légales. Dit que l'obligation de faire l'avance de fonds ne pourra s'exécuter que sur présentation, par le mandataire judiciaire, d'un relevé et des justifications de l'absence de fonds disponibles entre ses mains pour procéder à leur paiement. Ordonne à la Selarl JSA, prise en la personne de Maître [K] [N] a été désignée es qualité de mandataire liquidateur, la remise des documents conformes au présent judgement : - certificat de travail - attestation pôle emploi - bulletins de salaire pour avril et mai 2016, octobre 2016 à février 2017 et février 2018 à juin 2018 Ordonne l'exécution provisoire de droit. Déboute M. [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Fixe les dépens au passif de la liquidation judiciaire de la société sarl Fahti dont Maître [N] a été désignée mandataire liquidateur. Le 25 février 2020, la Selarl JSA, ès qualités, a relevé appel de cette décision par voie électronique. Par ordonnance rendue le 10 mai 2021, le conseiller chargé de la mise en état a constaté le désistement de chacune des parties de ses prétentions émises dans le cadre de l'incident initié par M. [Y] par conclusions reçues au greffe le 17 septembre 2020 tendant à voir constater la nullité de l'acte du 20 mai 2020 emportant dénonciation de la déclaration d'appel et des conclusions et la renonciation de chacune d'elles à ses prétentions, a constaté le dessaisissement du conseiller de la mise en état de l'incident et des demandes présentées par chacune des parties dans le cadre de la présente instance d'incident, a dit que chacune des parties conservera la charge des éventuels dépens par elle exposés et a dit n'y avoir lieu à indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Par ordonnance rendue le 12 janvier 2022, le conseiller chargé de la mise en état a ordonné la clôture de l'instruction et a fixé la date des plaidoiries au 7 février 2022. Aux termes de ses dernières conclusions, en date du 18 mai 2020, la Selarl JSA, en qualité de mandataire liquidateur de la société Fahti demande à la cour de : Dire et juger qu'elle est recevable et bien fondée en l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions

; En conséquence

, Confirmer le jugement de première instance en ce qu'il a : - débouté M. [Y] de sa demande d'indemnité pour non respect de la procédure de licenciement, - débouté M. [Y] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Infirmer le jugement pour le surplus, Et statuant de nouveau, Constater, dire et juger M. [Y] mal fondé en ses demandes, fins et conclusions, Débouter M. [Y] de l'intégralité de ses demandes, Condamner M. [Y] aux entiers dépens. Selon ses dernières conclusions du 8 avril 2021, M. [Y] demande à la cour de : Dire et juger irrecevable et mal fondé l'appel de la Selarl JSA, prise en la personne de Maître [K] [N], es qualité de mandataire liquidateur de la société Fahti, Ce faisant, La débouter purement et simplement de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions, Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a requalifié la prise d'acte en licenciement sans cause réelle et sérieuse, fixé son salaire de référence à 1 498,50 euros, Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle lui a alloué les sommes de : - 2 997 euros à titre d'indemnité de préavis, - 749,25 euros à titre d'indemnité de licenciement, - 1 198,80 euros au titre de paiement de congés payés non pris, - 17 482 euros au titre de rappel de salaire de juin 2017 à mai 2018, Confirmer la décision entreprise en ce qu'elle a ordonné à la Selarl JSA la remise des documents conformes au présent jugement : - certificat de travail, - attestation Pôle Emploi, - bulletins de salaire pour avril et mai 2016, octobre 2016 à février 2017 et février 2018 à juin 2018, Le recevoir en son appel incident, Ce faisant, Réformer la décision entreprise en ce qu'elle lui a alloué seulement 3 mois de salaire à titre d'indemnité de licenciement sans cause réelle ni sérieuse, Condamner la Selarl JSA à lui verser la somme de 26 973 euros à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse au visa de l'article L. 1152-1 du code du travail, du fait du harcèlement moral dont il a été victime dans les circonstances ci-avant démontrées, Réformer la décision entreprise en ce qu'elle ne lui a alloué qu'un mois de salaire du fait son licenciement vexatoire Condamner la Selarl JSA à lui verser 8 mois de salaire, soit 11 988 euros à titre de dommages et intérêts du fait des circonstances particulièrement vexatoires de son licenciement l'ayant contraint à invoquer une prise d'acte, Condamner la Selarl JSA à lui verser la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, La condamner en outre, en tous les dépens de première instance et d'appel. Par exploit d'huissier en date du 20 mai 2020, la Selarl JSA a signifié la déclaration d'appel et ses conclusions à l'AGS CGEA d'Ile de France Ouest. L'AGS CGEA n'a pas constitué avocat et n'a pas conclu. Par courrier du 15 avril 2022, la cour invitait les conseils des parties à présenter en cours de délibérer leurs observations sur les points suivants: Dans l'hypothèse où la cour considèrerait qu'il n'est pas établi que le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail au 28 juin 2018, comme il le soutient, conviendrait-il d'analyser la saisine du conseil de Prud'hommes en une demande de résiliation judiciaire' Dans l'affirmative, et sous réserve que la cour considère que le salarié établisse un/ des manquements d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de ce contrat, à quelle date la rupture devrait-elle prendre effet' Par message transmis par RPVA le 19 avril 2022, Me Schuller Bourrelis énonçait que dans l'hypothèse où la cour considèrerait qu'il n'est pas établi que le salarié a pris acte de la rupture du contrat de travail, la saisine du conseil de Prud'hommes s'analyserait en une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail de M. [Y] et que celle-ci devrait prendre effet au 30 mai 2018, date à laquelle M. [Y] a fait savoir à son employeur qu'il ne reviendrait pas travailler au regard des faits de violence dont il avait été victime le 25 mai 2018. Le conseil faisant état d'un arrêt de la cour de Cassation du 04 septembre 2019. Pour un plus ample exposé des faits et de la procédure, ainsi que des moyens et prétentions des parties, il convient de se référer aux écritures sus MOTIFS Srecevabilité de l'appel formé par la SELARL JSA prise en la personne de Maître [K] [N] en qualité de mandataire liquidateur, de la société Fahti. M. [Y] soulève l'irrecevabilité de l'appel formé par la SELARL JSA prise en la personne de Maître [K] [N] en qualité de mandataire liquidateur, de la société Fahti sans soulever aucun moyen à l'appui de cette prétention. La décision contestée ayant été notifiée le 31 janvier 2020, l'appel, régularisé le 25 février 2020, est recevable au regard du délai d'un mois prescrit par l'article 538 du code de procédure civile. I - Sur le rappel de salaire Affirmant ne pas avoir perçu son salaire pour les mois de juin 2017 à juin 2018, le salarié a réclamé le paiement de la somme de 19 480,50 euros, soit 13 mois de salaire. En cause d'appel, M. [Y] conclut que : 'le conseil de prud'hommes lui a alloué 12 mois de salaire, soit la somme de 17 482 euros ; M. [Y] accepte ce chiffre'. Le mandataire liquidateur de la société déclare que l'employeur a réglé intégralement les rémunérations contractuelles à son salarié et souligne que M. [Y] reconnaît non seulement avoir été réglé de la somme de 500 euros le 24 janvier 2018 mais également avoir été réglé de ses salaires au cours de l'année. Il précise qu'il ressort par ailleurs des bulletins de paie que le salaire lui a été réglé et qu'il revient au salarié d'apporter la preuve contraire, ce qu'il ne fait pas en l'espèce. L'appelant fait également valoir qu'à compter de janvier 2018, le salarié ne démontre pas qu'il a travaillé pour le compte de la société Fahti ou que son employeur l'a empêché de travailler, de sorte qu'il n'est pas fondé à solliciter un éventuel rappel de salaire pour la période postérieure. Par application des dispositions de l'article 1315 du code civil, devenu 1353, s'il appartient à celui qui se prévaut d'une obligation d'en justifier, il revient à celui qui prétend s'en être libéré de justifier du paiement ou du fait extinctif. Par l'effet de ce texte, sous réserve pour le salarié de justifier du principe de l'obligation contractuelle ou conventionnelle dont il se prévaut, il appartient à l'employeur de justifier du paiement ou du fait extinctif de son obligation. En l'espèce, il ressort des bulletins de paie des mois de juin 2017 à janvier 2018 versés aux débats par M. [Y] que le salaire dû pour chacun de ces mois s'élève à 1 487,88 euros bruts, soit 1126,81 euros nets, à l'exception du mois de janvier 2018 pour lequel le salaire brut s'élève à 1498,50 euros, soit 1 142,05 euros nets. Certes, aucun bulletin de paie ultérieur au mois de janvier 2018 n'est produit. Néanmoins, cette seule constatation ne saurait établir l'absence de travail de la part de M. [Y] pour le compte de la société, ni le fait que le salarié ne se serait pas maintenu à la disposition de l'employeur. Alors que M. [Y] invoque n'avoir pas perçu les montants figurant sur ses bulletins de paie, censés être payés par chèque, selon mention y figurant, il appartient à l'employeur de justifier de l'effectivité du paiement des salaires. Or la société Fahti ne justifie en rien avoir réglé les salaires dus sur la période considérée, étant précisé que M. [Y] a reconnu le 24 janvier 2018, avoir perçu la somme de 500 euros 'en acompte sur les salaires qui me sont dus depuis le mois de juin 2017", ce document étant également signé par M. [Z] et que M. [Y] a produit ses relevés de compte chèques couvrant la période du 25 février 2018 au 25 juillet 2018 dont il résulte qu'aucun virement ni aucun chèque provenant de la société et d'un montant égal aux salaires dûs, n'y apparaît. Au vu des pièces dont dispose la cour, faute pour l'employeur de rapporter la preuve de s'être libéré de son obligation, il y a donc lieu de faire droit à la demande de rappel de salaire d'un montant total de 17 482 euros dûs au titre de la période allant du mois de juin 2017 à juin 2018, en ce compris l'acompte de 500 euros pris en compte dans le calcul de cette somme. Le jugement sera confirmé à ce titre. II - Sur le harcèlement moral M. [Y] affirme avoir été victime d'agissements répétés de harcèlement moral de la part du gérant de fait de la boulangerie, M. [Z], faits notamment caractérisés par les deux agressions physiques commises par ce dernier, qui ont dégradé ses conditions de travail, porté atteinte à sa dignité et gravement altéré sa santé, mais également par la privation injuste d'une grande majorité de sa rémunération, de ses droits à congés payés depuis le mois de mai 2017. Il reproche à son employeur de s'être appuyé sur sa situation précaire pour exiger qu'il effectue des heures supplémentaires au delà du temps légal de travail, entre 12h et 14h par jour, de sorte que ses conditions de travail étaient invivables. Le mandataire liquidateur nie tout acte de harcèlement moral de la part de la société et affirme que M. [Y] ne rapporte aucunement la preuve de faits qu'il prétend être constitutifs de harcèlement moral, précisant que ce dernier confond harcèlement moral et mésentente avec l'employeur. En application des articles L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Selon les dispositions de l'article L. 1154-1 du même code, dans sa version issue de la loi n°2016-1088 du 8 août 2016, du code du travail, lorsque le salarié présente des éléments de fait, précis et concordants, laissant supposer l'existence d'un harcèlement, il appartient au juge d'apprécier si ces éléments, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral et, dans l'affirmative, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces dispositions que, pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. En l'espèce, M. [Y] verse aux débats les pièces suivantes : - un compte-rendu de passage aux urgences de l'hôpital privé de l'Ouest Parisien de [Localité 11] qui indique que M. [Y] a été pris en charge dans le service des urgences le 14 juillet 2016 à 14:35 pour 'douleur, sans précision'. Ce compte-rendu mentionne que M. [Y] s'est dit victime, aux urgences : 'suite agression par tiers personnes sur lieu de travail, a eu des marques de strangulations face antérieure du cou, pas de s osseux, contusion, ecchymose face antérieure du cou, contusion du cuir chevelu, des deux tempes suite chute de sa hauteur, contusions multiples visage, pas de d opn, pas de s osseux, retentissement psychologique, itt 10 jours', - un courrier du syndicat CGT daté du 23 janvier 2018, adressé à la société qui relate les incidents suivants : l'absence de paiement des salaires depuis 7 mois, des fiches de paie erronées, l'absence de transmission de certains documents, à savoir le contrat de travail, l'attestation employeur pour la CPAM, les fiches de paie corrigées, les salaires de mai à décembre 2017, se réservant la possibilité de saisir le conseil de prud'hommes en cas d'absence de régularisation, - une reconnaissance de M. [Y] datée du 24 janvier 2018, qui atteste avoir reçu la somme de 500 euros 'en acompte sur les salaires qui me sont dus depuis le mois de juin 2017. Cette somme m'est remise par M. [Z], en présence du secrétaire de l'Union Locale CGT des Clayes sous Bois', signée par M. [Z] et par l'Union locale CGT, - une plainte déposée par M. [Y] le 28 mai 2018 à 13h42 au commissariat de [Localité 8], qui déclare avoir été victime de violences de la part de son employeur le 25 mai 2018 vers 19h20, - un certificat médical descriptif émanant des services des urgences de l'hôpital [9] à [Localité 7] daté du 27 mai 2018, indiquant que M. [Y] a été examiné et s'est déclaré avoir été victime d'une agression. L'examen a révélé les lésions suivantes : impact latéro-cervical droit, pas de signe cutané, ne nécessitant pas une hospitalisation, l'itt à prévoir est d'une incapacité temporaire totale de 1 jour sous réserve de réévaluation ultérieure, - une déclaration d'accident du travail datée du 4 août 2018 remplie uniquement par M. [Y] pour un accident qui se serait déroulé le 24 mai 2018 à 21h sur le lieu de travail qui indique : 'serré la main sur le coup, poussé dans le mur, douleur cervicale post traumatique avec douleur', avec témoin, M. [B], - un courrier du syndicat CGT daté du 4 juin 2018 envoyé à la société et rédigé en ces termes : 'concernant ce salarié [M. [Y]], nous vous avons rencontré à plusieurs reprises afin que ce salarié obtienne le paiement de ses salaires et puisse travailler dans des conditions conformes à la législation en vigueur. Nous sommes avisés que vous n'avez pas respecté vos engagements sur les deux points susvisés et nous sommes surpris car vous n'êtes pas sans ignorer les difficultés que rencontrent M. [Y]. Par appel téléphonique de ce jour, vous nous avez informés que vous aviez pris la décision d'annuler le contrat de travail et que vous n'aviez plus besoin de M. [Y] au sein de votre entreprise. Nous prenons acte de votre décision', - ses fiches de paie de janvier 2016 à janvier 2018 et ses relevés de compte chèques du 25 février 2018 au 25 juillet 2018. Certes, la réalité des agressions physiques qui auraient été provoquées par l'employeur n'est pas établie. En effet, le compte-rendu de passage aux urgences du 14 juillet 2016, le certificat descriptif du 27 mai 2018 et la déclaration d'accident du travail du 4 août 2018, ne font pas état de l'auteur des agressions alléguées et si la plainte du 28 mai 2018 mentionne que le salarié a été agressé par le gérant de la boulangerie M. [Z], elle se limite à relater les dires du salarié, de sorte que ses allégations ne sont pas objectivées. En revanche, il a été jugé ci-avant que le non-paiement itératif du salaire est, quant à lui, établi. Le salarié justifie de la dégradation de ses conditions de travail apparue au cours de la relation de travail et qui a notamment porté atteinte à ses droits et à sa dignité. Pris dans leur ensemble, les faits matériellement établis, précis et concordants, laissent présumer l'existence d'un harcèlement moral. Il appartient à l'employeur d'établir que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement moral et que ses décisions étaient justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Le mandataire liquidateur de la société se borne à critiquer les éléments produits par le salarié et à affirmer qu'il ne s'agit que d'une mésentente avec l'employeur et non d'un harcèlement moral, sans établir que les agissements sus-mentionnés soient étrangers à tout harcèlement moral. En l'état de l'ensemble de ces éléments, la cour retient, par infirmation du jugement que le salarié a été victime de harcèlement moral. Le jugement sera infirmé sur ce point. III - Sur la rupture du contrat de travail Le mandataire liquidateur de la société Fahti critique le jugement qui a retenu que la prise d'acte était justifiée et devait prendre les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, lui reprochant d'avoir jugé sans la moindre motivation en réponse à son argumentation. Il explique que le salarié n'a jamais formalisé de prise d'acte de la rupture le 30 juin 2018 et qu'il ne démontre par aucun élément la réalité de la prétendue prise d'acte. Il précise que la saisine du conseil de prud'hommes ne vaut pas prise d'acte et qu'en tout état de cause, il ne verse aucun élément démontrant les griefs reprochés à l'employeur, de sorte que le salarié doit être débouté de l'intégralité de ses demandes relatives à la prise d'acte de la rupture. M. [Y] réplique que la prise d'acte verbale du 30 mai 2018 est justifiée dès lors que l'employeur a gravement manqué à ses obligations à savoir qu'il n'a pas payé les salaires, qu'il a violé la réglementation relative au temps de travail en lui refusant ses congés payés et qu'il a porté atteinte à son intégrité physique par l'intermédiaire du gérant de la boulangerie. La prise d'acte de la rupture du contrat de travail n'est soumise à aucun formalisme et peut valablement être présentée par le conseil du salarié au nom de celui-ci à la condition qu'elle soit adressée directement à l'employeur. Elle ne peut cependant pas résulter d'une demande émise par un salarié devant le conseil de prud'hommes mais doit être adressée directement à l'employeur. La seule saisine du conseil de prud'hommes doit dès lors s'analyser comme une demande de résiliation judiciaire. Le salarié peut demander la résiliation judiciaire du contrat de travail en cas d'inexécution par l'employeur de ses obligations contractuelles. Il lui appartient alors de rapporter la preuve des faits qu'il allègue. Si les manquements invoqués par le salarié au soutien de sa demande de résiliation judiciaire du contrat de travail sont établis et d'une gravité suffisante pour empêcher la poursuite de ce contrat, la résiliation judiciaire est prononcée aux torts de l'employeur et produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse au jour de la décision qui la prononce dès lors que le contrat n'a pas été rompu avant cette date. Le salarié n'établit, par aucun élément, avoir notifié verbalement sa volonté explicite de rompre le contrat de travail directement à l'employeur, le seul courrier du 4 juin 2018, émanant du syndicat CGT faisant mention de la décision de l'employeur 'd'annuler le contrat de travail' puisqu'il 'n'avait plus besoin de M. [Y]' dans l'entreprise, n'étant pas susceptible d'en justifier. Faute pour le salarié de justifier avoir notifié à l'employeur, verbalement ou par écrit, la prise d'acte aux torts de l'employeur, le jugement sera infirmé en ce qu'il a constaté la prise d'acte et dit que celle-ci produisait les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. En revanche, la saisine du conseil de prud'hommes ultérieure en date du 23 octobre 2018, même faisant référence à la requalification de la prise d'acte et d'une rupture intervenue le 30 juin 2018, s'analyse en une demande de résiliation judiciaire du contrat de travail. Saisie d'une résiliation judiciaire du contrat de travail, la cour relève qu'il suit de ce qui précède qu'en s'abstenant de procéder au règlement du salaire pendant près d'un an et en exerçant un harcèlement moral sur le salarié, l'employeur a gravement manqué à ses obligations. Ce manquement ainsi établi étant d'une gravité suffisante pour faire obstacle à la poursuite du contrat de travail, il sera fait droit à la demande de résiliation judiciaire du contrat de travail, laquelle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse. Le jugement sera réformé en ce qu'il a dit que le contrat de travail avait été rompu par l'effet d'une prise d'acte et la cour prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail qui produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, dans les limites de la demande du salarié, et ce au jour de la saisine du conseil de Prud'hommes soit le 23 octobre 2018 ( Cf. page n° 3 du jugement de première instance), les éléments de la cause et notamment les dires du salarié, la plainte qu'il a déposé pour violences volontaires le 28 mai 2018 et la lettre du syndicat CGT du 4 juin 2018, laquelle fait état de la décision de l'employeur « d'annuler le contrat de travail » permettant d'acter qu'au jour de la saisine du conseil en résiliation judiciaire, le salarié ne se maintenait plus au service de la société. IV - Sur les conséquences de la résiliation Au jour de la rupture, M. [Y], né le 9 mars 1990, était titulaire d'une ancienneté de plus de 2 ans dans une entreprise employant moins de onze salariés, le salaire s'établissant à 1498,50 euros par mois. La rupture étant imputable à l'employeur, le salarié a droit, conformément à l'article L. 1234-5 du code du travail, à une indemnité compensatrice de préavis équivalente à deux mois de salaire. Il convient dès lors, dans les limites de la demande du salarié et en l'absence de contestation de la part de l'appelant quant aux montants réclamés, d'accorder à M. [Y] la somme de 2 997 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis. M. [Y] est également bien fondé en sa demande d'allocation de la somme de 749,25 euros à titre d'indemnité de licenciement, dans les limites de sa demande, dont la société ne critique pas utilement ni le calcul ni le montant. Comme l'indique à juste titre le salarié, il n'est pas soumis au barème de l'article L.1235-3 du code du travail, issu de l'ordonnance n° 2017-1387 du 22 septembre 2017 dès lors que la rupture est imputable au harcèlement moral de l'employeur, la perte injustifiée de son emploi sera justement indemnisée par l'allocation de la somme de 8 991 euros, soit six mois de salaire à titre d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. V - Sur les conditions vexatoires de la rupture Au soutien de sa demande de 11 988 euros de dommages et intérêts pour les conditions vexatoires dans lesquelles la rupture est intervenue, M. [Y] explique que la rupture est intervenue dans des circonstances d'une particulière gravité, notamment par le comportement humiliant de M. [Z]. Le mandataire liquidateur de la société rétorque qu'il n'y a pas eu de procédure de licenciement, que M. [Y] n'a pas été licencié, de sorte qu'il ne peut être fait droit à la demande du salarié, qui ne justifie pas, en tout état de cause, de son préjudice. Le fait pour un salarié de prendre l'initiative de la demande de rupture de son contrat de travail n'est pas exclusif d'un comportement fautif de l'employeur à l'occasion de la rupture du contrat de travail. Or, en l'espèce, alors que la rupture est prononcée au jour de la saisine du conseil, M. [Y] ne justifie pas de circonstances entourant la rupture qui soient de nature brutale ou vexatoire, ni aucun préjudice spécifique distinct de celui causé par la perte de son emploi. Le jugement sera infirmé sur ce point. VI - Sur l'indemnité pour non-respect de la procédure de licenciement Aux termes de l'article 954 du code de procédure civile, les prétentions sont récapitulées sous forme de dispositif et la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif. Il en découle que nonobstant les moyens et, le cas échéant, les demandes formulées dans le corps des conclusions de chacune des parties, la cour n'est saisie que des demandes figurant dans le dispositif des conclusions et pas de celles qui n'auraient pas été reprises dans ce dispositif. En l'espèce, il convient de relever que M. [Y], qui demande à la cour dans le corps de ses conclusions de confirmer le jugement qui l'a débouté de sa demande d'indemnité pour non-respect de la procédure, ne reprend pas cette demande dans son dispositif. En conséquence, il y a lieu de considérer que la cour n'est pas valablement saisie de cette demande. VII - Sur l'indemnité de congés payés Au soutien de sa demande de 1 198,80 euros au titre de l'indemnité de congés payés, M. [Y] affirme qu'à compter de mai 2017 l'employeur a refusé de lui permettre de bénéficier de ses congés payés et précise qu'aucune indemnité ne lui a été versée à ce titre alors qu'il lui restait 20 jours ouvrables. La société s'oppose à cette demande en indiquant qu'en l'absence de prise d'acte de la rupture du contrat de travail, le salarié doit être débouté de sa demande. Il ressort de la lecture des bulletins de paie versés aux débats qu'au mois de janvier 2018, M. [Y] avait acquis 20 jours de congés payés pour l'année N, et qu'il était dû 41 jours au titre de l'année N-1. Alors que le salarié soutient n'avoir jamais bénéficié de ses congés payés acquis à compter du mois de mai 2017, l'appelant se borne à indiquer qu'il n'y a eu aucune prise d'acte de la rupture, sans contester les affirmations de M. [Y]. Il s'ensuit qu'au jour de la rupture du contrat de travail, la créance du salarié au titre de ses jours de congés payés non pris s'établissait, dans les limites de sa demande, à la somme de 1 198,80 euros. VIII - Sur les autres demandes C4est à bon droit que le conseil de prud'hommes a ordonné à la Selarl JSA ès qualités de remettre à M. [Y] les bulletins de paye d'avril et mai 2016, octobre 2016 à février 2017 et février à juin 2018, le certificat de travail et l'attestation Pôle Emploi conformes à la présente décision. Il y a lieu de débouter le salarié de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de dire que les dépens seront considérés comme frais privilégiés dans le cadre de la procédure collective.

PAR CES MOTIFS

La COUR, statuant publiquement, par arrêt réputé contradictoire, Déclare l'appel recevable, Confirme le jugement sauf en ce qu'il a constaté l'existence d'une prise d'acte de la rupture par M. [Y] au 30 mai 2018, débouté le salarié de sa demande de reconnaissance de harcèlement moral, fixé au passif de la liquidation judiciaire de la société Fahti la somme de 4 495,50 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, et alloué la somme de 1 498,50 euros à titre de dommages et intérêts pour conditions vexatoires, Statuant à nouveau des chefs infirmés et y ajoutant, Dit que M. [Y] a été victime de harcèlement moral, Prononce la résiliation judiciaire du contrat de travail au jour de la saisine du conseil des prud'hommes , à savoir au 23 octobre 2018 , Fixe la créance de M. [Y] au passif de la société Fahti à la somme de 8 991 euros au titre de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, Déboute M. [Y] de sa demande au titre de l'indemnité pour rupture vexatoire et au titre de l'article 700 du code de procédure civile, Dit que les dépens seront considérés comme frais privilégié dans le cadre de la procédure collective. Prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile. Signé par Monsieur Thomas LE MONNYER, Président, et par Monsieur TAMPREAU, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. Le greffier,Le président,