Cour de cassation, Chambre criminelle, 15 décembre 2010, 10-80.201

Synthèse

  • Juridiction : Cour de cassation
  • Numéro de pourvoi :
    10-80.201
  • Dispositif : Cassation partielle
  • Publication : Inédit au recueil Lebon
  • Décision précédente :Cour d'appel de Bordeaux, 15 décembre 2009
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/JURITEXT000023433967
  • Rapporteur : Mme Ract-Madoux
  • Président : M. Louvel (président)
  • Avocat(s) : Me Ricard, SCP Waquet, Farge et Hazan
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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2010-12-15
Cour d'appel de Bordeaux
2009-12-15

Texte intégral

Statuant sur le pourvoi formé par

: - M. Jacques X..., contre l'arrêt de la cour d'appel de BORDEAUX, chambre correctionnelle, en date du 15 décembre 2009, qui, pour exercice d'activité professionnelle malgré interdiction judiciaire, présentation de comptes infidèles, abus de biens sociaux et banqueroute, l'a condamné à trois ans d'emprisonnement dont vingt et un mois avec sursis et mise à l'épreuve, a ordonné son maintien en détention, et a prononcé sur les intérêts civils ; Vu les mémoires en demande et en défense et les observations complémentaires produits ;

Sur le deuxième moyen

de cassation, pris de la violation des articles 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945, 434-40, 434-44, alinéa 1er et 4, 121-1, 121-3, 131-27, 131-10 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de violation de l'interdiction d'exercer la profession d'expert-comptable ; " aux motifs que M. X... a été condamné le 30 novembre 2006 par la cour d'appel de Pau à une interdiction d'exercice pendant cinq ans, décision devenue définitive le 17 décembre 2007 après rejet de son pourvoi en cassation ; que, par ailleurs, M. X... s'est vu confirmer le 27 novembre 2007 par la chambre nationale de discipline des experts-comptables une suspension de cinq ans ; qu'il ressort des déclarations de M. Y..., lors de l'enquête de police, que celui-ci a été amené à prendre la gérance de la société SAC, à compter de novembre 2007, eu égard à l'interdiction d'exercice de la profession d'expert-comptable frappant M. X... ; qu'au mois de mai 2008, M. Y... a constaté que M. X... avait signé la liasse fiscale de la SAC ; que ce dernier a alors justifié sa signature par le fait qu'il avait provisionné à hauteur de trois millions d'euros, ce qui allait entraîner un résultat déficitaire ; que, suite à cette signature de la liasse et à d'autres désaccords, M. Y... a démissionné, au motif qu'il était dans l'incapacité d'exercer sereinement ses fonctions ; que la signature de la liasse fiscale de la société SAC par M. X..., en mai 2008, alors qu'il lui était interdit d'exercer les fonctions d'expert-comptable, est caractérisée ; que cet exercice illégal est également corroboré par les éléments du dossier et, notamment, les déclarations de Mme Z..., assistante comptable au sein de la société SAC, qui a précisé qu'à la demande de M. X..., elle avait dû supprimer diverses écritures de la liasse fiscale 2007 datée du 5 mai 2008 et que celui-ci continuait à diriger la SAC après le 27 décembre 2007, la plupart des clients ayant déclaré ignorer la sanction touchant M. X... ; " alors que la simple signature d'une seule liasse fiscale de la société d'expertise-comptable dont une personne est salariée n'établit pas l'exercice de la profession d'expert-comptable, qui suppose de faire « profession habituelle de réviser et d'apprécier les comptabilités des entreprises et des organismes auxquelles il n'est pas lié par un contrat de travail » aux termes de l'article 2 de l'ordonnance n° 45-2138 du 19 septembre 1945 ; qu'après avoir relevé que M. X... avait démissionné de ses fonctions de gérant de la SARL SAC le 27 novembre 2007, dont il est devenu salarié, au profit de M. Y..., expert-comptable, la cour d'appel se borne à retenir, pour déclarer M. X... coupable de violation de l'interdiction d'exercer la profession d'expert-comptable, qu'il avait signé la liasse fiscale de la société SAC, le 5 mai 2008, et que la plupart des clients de la SAC étaient dans l'ignorance de son interdiction d'exercer ;

qu'en statuant par

de tels motifs qui ne caractérisent ni l'exercice de la profession d'expert-comptable ni, par conséquent, la violation de l'interdiction d'exercer cette profession, la cour d'appel a violé les articles 2 de l'ordonnance précitée et 434-40 du code pénal ;

Sur le troisième moyen

de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3, L. 241-9 du code de commerce, 121-1, 121-3 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable de présentation de bilans inexacts ; " aux motifs que le bilan de la société SAC au 31 décembre 2007, signé et déposé par M. X... le 5 mai 2008 auprès de l'administration fiscale, présentait un résultat négatif à hauteur de 3 804 015 euros, alors que le bilan au 31 décembre 2007, présenté aux associés de la SAC lors de l'assemblée générale du 26 juin 2008, faisait apparaître un résultat positif de 2 108 euros ; que ce résultat positif résultait notamment de l'annulation d'écritures au poste " dotation aux amortissements " portant sur des redevances pour 637 000 euros, de l'ajout à l'actif d'une écriture de 37 500 euros relative au fonds commercial, de la variation du poste " autres créances " pour 77 288 euros, de celle du poste " emprunts et dettes financières " pour 137 839 euros, de celle du poste " dettes fiscales et sociales " pour 435 127 euros, ayant trait essentiellement à un redressement de l'Urssaf pour un montant de 441 486 euros notifié le 26 décembre 2007 et de celle du poste " autres dettes " pour 3 118 868 euros ; que M. X... ne pouvait ignorer que le bilan présenté à cette assemblée générale n'était pas conforme à celui qu'il avait lui-même déposé auprès de l'administration fiscale le 5 mai 2008 ; que la qualité de M. X... de gérant de fait de la société SAC, lors de l'assemblée générale du 26 juin 2008, est caractérisée par les déclarations concordantes lors de l'enquête des clients de la société SAC (MM. A... et K..., Mme B...) et des salariés (Mmes C..., D..., Z..., E..., F...) desquelles il ressort que M. X... a continué à diriger la société SAC après que l'interdiction d'exercer la profession d'expert-comptable ait prit effet à son encontre ; qu'il se comportait comme le patron, donnait des ordres, gérait le personnel et la comptabilité, recevait des clients ; que Mme Z... a ainsi précisé que c'était sur les directives de M. X... que les comptes 2007 avaient été modifiés pour arriver à un bilan positif ; qu'il apparaît, dans ces conditions, que M. X..., gérant de fait, a sciemment présenté un bilan modifié pour être positif lors de l'assemblée générale de la société SAC du 26 juin 2008, laquelle a approuvé les comptes ; que ce bilan modifié ne donnait pas une image fidèle des résultats des opérations de l'exercice, de la situation financière et du patrimoine de la SAC au 31 décembre 2007 dès lors que, comme relevé par M. G..., dans sa mission menée dans le cadre de l'article 60 du code de procédure pénale, ces seconds comptes ne sont pas sincères et réguliers mais comportent la suppression de certaines écritures, dont un redressement Urssaf pour un montant de 485 634 euros ; que M. X..., à l'origine de l'établissement de ces comptes, ne pouvait ignorer leur caractère erroné et la dissimulation ainsi commise de la situation réelle de la société SAC ; " 1) alors que le fait pour un salarié de signer la liasse fiscale de la société qui l'emploie, de recevoir des clients et d'encadrer le personnel ne saurait lui conférer la qualité de dirigeant de fait, laquelle ne peut résulter que d'une activité positive de gestion et de direction exercée en toute souveraineté et indépendance ; qu'en se bornant, pour retenir la gérance de fait de M. X..., que ce dernier, salarié de la société SAC, avait signé le bilan 2007 de cette société, recevait des clients et encadrait le personnel, motifs impropres à établir un pouvoir de direction exercé en toute indépendance et en toute liberté par M. X... lors de la gérance de droit effectuée par M. Y..., sans relever de surcroît que ce dernier était un homme de paille, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; " 2) alors que nul n'est responsable que de son fait personnel ; que le délit visé à l'article 241-3, 3°, réprime la présentation des comptes inexacts et non l'établissement d'un bilan prétendument inexact ; qu'en se bornant à relever que M. X... ne pouvait ignorer que le second bilan, présenté à l'assemblée générale du 26 juin 2008, n'était pas conforme à celui qu'il avait lui-même déposé à l'administration fiscale le 5 mai 2008, sans établir ni même relever qu'il ait été l'auteur de la présentation de ce bilan modifié à cette assemblée générale, la cour d'appel a violé l'article 241-3, 3°, du code de commerce ; " 3) alors que le délit suppose que les associés aient été trompés, ou qu'ils auraient pu l'être, sur la situation réelle de la société ; qu'en l'espèce, il résulte des pièces du dossier de procédure que les associés de M. X..., à savoir son propre père, M. Roger X..., ainsi que M. Y..., gérant de la SARL SAC, connaissaient la situation exacte de l'entreprise ; qu'il résulte encore des pièces de procédure que c'est postérieurement à l'envoi du bilan le 5 mai 2008 à l'administration fiscale et à la suite d'une décision prise par l'assemblée générale des associés le 15 mai 2008 sous la présidence de M. Y..., gérant de la société SAC, qu'il a été décidé par les associés de mettre la société en sommeil et de procéder à son état liquidatif comprenant seulement les dettes certaines, liquides et exigibles, à l'exclusion des dettes non avérées et non définitives, d'où un résultat bénéficiaire qui a été validé par l'assemblée le 26 juin 2008 ; qu'en se mettant ainsi en contradiction avec les pièces du dossier qui excluaient toute volonté de dissimulation de la situation réelle de l'entreprise aux associés dès lors que le second bilan a été réalisé suite à une décision collective des associés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision ; " 4) alors que le délit visé à l'article 241-3, 3°, du code de commerce suppose un élément intentionnel consistant en la volonté de dissimuler la véritable situation de l'entreprise ; qu'en s'abstenant de caractériser à l'encontre de M. X... ce dol spécial à l'égard de ses associés, la cour d'appel a violé les articles 121-3 du code pénal et 241-3, 3°, du code de commerce " ;

Sur le quatrième moyen

de cassation, pris de la violation des articles L. 241-3 et L. 241-9 du code de commerce, 121-1, 121-3 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale, contradiction de motifs ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable d'abus de biens sociaux ; " aux motifs que le prévenu a signé le bilan de l'exercice 2007 de la SARL SAC adressé le 5 mai 2008 à l'administration fiscale ; qu'il recevait encore les clients après avoir démissionné de ses fonctions de dirigeant le 27 novembre 2007 et encadrait le personnel ; que M. X... s'est fait verser, en sa qualité de gérant de fait de la SAC, des redevances pour un montant de 565 012, 02 euros comptabilisé en 2007 sur le compte courant associé n° 61560 pour l'exploitation entre 2004 et 2007 de logiciels informatiques obsolètes, dont l'utilisation a été arrêtée en 2003 ; que M. G... a procédé à un décompte précis des redevances ainsi comptabilisées au compte courant de M. X... dans la société SAC ; que le fait que ces redevances aient été versées sur un compte courant d'associé au nom de M. X... n'a pas d'incidence sur la culpabilité de celui-ci du chef d'abus de biens sociaux ; qu'en effet, les fonds inscrits à un tel compte courant représentent une créance de l'associé sur la société, laquelle en perd donc la propriété ; que M. X... a ainsi commis un usage abusif des biens sociaux de la société SAC dès lors que les redevances ont été inscrites à son compte en 2007, pour une exploitation entre 2004 et 2007, sans correspondre à un objet réel, les logiciels en cause n'étant plus utilisés par la société SAC depuis 2003 au plus tard ; que M. G... a ainsi relevé qu'il convenait de s'interroger sur la justification de redevances pour des logiciels arrêtés en 2003 ; que, de même, M. H... a précisé lors de l'enquête qu'en 2000 et 2002, les logiciels litigieux avaient été remplacés par le système Koala ; que M. L... a confirmé cette situation ; qu'en ce qui concerne le montant des redevances ainsi versées par la société SAC, il ressort du décompte établi par M. G..., que, sur la somme de 565 012, 12 euros, celle de 460 756, 66 euros correspond non à des redevances mais à des " rétrocessions " ; que la prévention portant sur des redevances, il convient de limiter à 104 255, 36 euros le montant sur lequel porte l'abus de biens sociaux commis par M. X... et de le maintenir pour ce montant dans les liens de la prévention ; " 1) alors que la gérance de fait de M. X... pour la période visée à la prévention, à savoir la comptabilisation dans le bilan arrêté au 31 décembre 2007 par crédit du compte courant de M. X... au sein de la SARL SAC par cette dernière, n'est pas établie ; qu'en se bornant, pour retenir la gérance de fait de M. X..., que ce dernier, salarié de la société SAC, avait signé le bilan de l'exercice 2007 de la SARL SAC adressé à l'administration fiscale le 5 mai 2008, recevait des clients et encadrait le personnel, motifs impropres à établir un pouvoir de direction exercé en toute indépendance et en toute liberté par M. X... lors de la gérance de droit effectuée par M. Y..., la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ; " 2) alors que les juges du fond doivent indiquer l'origine des constatations de fait qu'ils retiennent lorsque celles-ci s'écartent des éléments du dossier ; qu'en considérant, pour caractériser un abus de bien social, que les sommes litigieuses correspondaient à la cession à la société SAC de logiciels obsolètes et sans aucune utilité depuis 2003 car remplacés par le logiciel Koala, bien que les éléments du dossier de procédure établissent non seulement que les sommes en cause concernaient aussi la location et la maintenance des logiciels Koala, mais aussi que le logiciel SI (SI Paie, SI Gestion, SI Compta) était encore utilisé par la société SAC en 2009 tant pour l'archivage que pour l'établissement de la comptabilité des anciens clients qui en étaient toujours équipés, la cour d'appel n'a pas justifié sa décision " ;

Sur le cinquième moyen

de cassation, pris de la violation des articles L. 654-1, L. 654-2 du code de commerce, 121-1, 121-3 du code pénal, 591 à 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale, contradiction de motifs ; " en ce que l'arrêt attaqué a déclaré M. X... coupable du délit de banqueroute ; " aux motifs adoptés qu'une première somme de 508 000 euros correspondant à une facture en date du 1er janvier 2003 a été enregistrée le 31 décembre 2004 dans les comptes de la SAC, puis portée au compte courant associé du prévenu, de même, en 2005, le compte courant associé de M. X... a été à nouveau crédité de 508 300 euros correspondant à deux factures établies le 1er janvier 2003 par CIA ; que ces factures ont été enregistrées alors que CIA était en liquidation judiciaire, qu'il n'y a eu aucune production au passif, et qu'il s'agit de factures sans numérotation, avec des dates portées à la main, concernant des logiciels anciens et obsolètes dont l'exploitation avait été interrompue en 2003 ; " aux motifs propres qu'il ressort des éléments de la procédure que la SARL CIA a vendu à la SAC des logiciels pour un prix global de 1 016 600 euros, selon trois factures datées du 1er janvier 2003 ; que, selon facture de la même date, M. X... a vendu à la société CIA des logiciels pour le même prix de 1 016 600 euros ; que, selon actes de cession de créance, également datés du 1er janvier 2003, la société CIA a cédé à M. X... les créances qu'elle possédait sur la société SAC, pour un prix de 1 016 600 euros ; que les trois factures émises par la société CIA et adressées à la société SAC n'ont été enregistrées à la comptabilité de la SAC que le 31 décembre 2004 et le 1er janvier 2005 ; qu'à la même période, le compte courant associé de M. X... dans la société SAC a été crédité d'une somme de 1 016 600 euros ; qu'il apparaît que les factures datées du 1er janvier 2003 ne sont pas numérotées ; que les factures CIA n'ont été enregistrées par la SAC qu'en 2004/ 2005 ; que l'ensemble de l'opération, datée du 1er janvier 2003, n'a été suivie d'aucun effet, d'aucun paiement, d'aucune réclamation de la part des créanciers, d'aucune convention de report de paiement ; que M. I..., expert commis dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société CIA, a examiné la comptabilité CIA de 2003 et n'a relevé l'existence d'aucune facture correspondante, d'aucune opération de vente de logiciels ; que Me J..., liquidateur de la société CIA, n'a pas eu connaissance de ces factures et de la créance en résultant pour la société CIA ; que les cessions de créances, datées du 1er janvier 2003, n'ont été signifiées à la société SAC, à la demande de M. X..., que le 29 juin 2007 ; qu'il ressort de ces considérations que l'ensemble de cette opération, et notamment les trois factures émises par la société CIA en paiement de logiciels par la société SAC, a été réalisée, en réalité, postérieurement au 11 juin 2003, date à laquelle la société CIA a été placée en liquidation judiciaire ; que l'opération peut être datée de l'époque de l'enregistrement des factures CIA par la société SAC et de l'inscription au compte courant de M. X... dans la société SAC d'une créance de 1 016 600 euros, c'est-à-dire fin 2004 début 2005 ; que ces factures, émises alors que la société CIA était en liquidation judiciaire, ont été établies à l'initiative de M. X... qui se comportait comme dirigeant de fait de la société CIA, dont M. X..., père, était le gérant de droit ; qu'il s'avère, en effet, que le fait que M. X... ait établi une facture datée du 1er janvier 2003 correspondant à la vente par lui de logiciels à la société CIA, qu'il ait signé l'acte de cession de créances également daté du 1er janvier 2003, et qu'il ait, en définitive, bénéficié de cette opération, par inscription à son compte courant associé dans la société SAC d'une somme d'un même montant, implique qu'il était l'initiateur de ce montage et qu'il avait ainsi des pouvoirs de dirigeant de fait sur la société CIA, gérée en droit par son père ; qu'au vu de ces considérations, il apparaît que M. X... a bien détourné de l'actif de la société CIA, en liquidation judiciaire, une somme de 1 016 600 euros en la faisant verser sur son compte courant associé dans la société SAC en 2004/ 2005, alors que cette somme aurait dû être créditée à l'actif de la société CIA, suite à la vente par cette société à la société SAC de logiciels pour le même montant ; qu'il convient de relever que la société CIA ne pouvait régler en 2004/ 2005 la facture émise par M. X..., eu égard à son état de liquidation judiciaire ; que la somme de 1 016 600 euros que devait lui payer la société SAC en paiement de la vente de logiciels avait donc vocation à venir accroître l'actif de la société CIA dans le cadre des opérations de liquidation, sans qu'un paiement préférentiel à l'un des créanciers ne puisse intervenir ; " 1) alors qu'en déduisant la gérance de fait de M. X... de la seule opération litigieuse sans justifier en quoi il aurait exercé en toute indépendance et en toute liberté la direction de fait la SARL CIA, la cour d'appel a violé les articles L. 626-2 et L. 652-2 du code de commerce ; " 2) alors que le détournement d'actif n'est constitué que par un acte de disposition portant sur un bien appartenant au débiteur et ayant pour but de priver les créanciers de leur gage ; que la cour d'appel constate que les logiciels cédés appartenaient à M. X... ; que l'opération reprochée à M. X... est le fait d'avoir cédé à la SARL CIA des logiciels au prix de 1 016 600 euros le 1er janvier 2003, laquelle les a le jour même revendus à la SARL CIA pour le même montant sans régler le prix de cession à M. X... du fait d'une cession des créances de la SARL CIA sur la SARL SAC au profit du prévenu le 1er janvier 2003 ; qu'ainsi que le relève l'arrêt attaqué, la SARL CIA n'a jamais versé le prix d'acquisition des logiciels à M. X... ni à quiconque, la somme de 1 016 600 euros ne lui ayant jamais été réclamée en application des conventions précitées ; qu'il ne s'agit donc pas d'un paiement préférentiel mais d'un simple jeu d'écritures et d'une opération blanche pour la SARL CIA, équivalant à une cession directe desdits logiciels par M. X... à la SARL SAC, et qui n'a pas porté préjudice aux créanciers de la SARL CIA, l'opération excluant tout détournement d'actifs ; qu'en condamnant néanmoins M. X... du chef de détournement d'actifs, l'arrêt attaqué a violé l'article L. 654-1 du code de commerce ; " 3) alors que l'opération litigieuse doit être analysée dans sa globalité, avec toutes les conséquences de droit qui en résultent ; qu'en effet, la facturation de la SARL CIA à la SARL SAC ne trouve sa justification que par la propre facturation de M. X... à la SARL CIA et, de même, l'absence de dette de la SARL CIA suite à l'acquisition desdits logiciels à M. X... résulte de la cession à ce dernier des créances détenues par la SARL CIA au sein de la SARL SAC ; qu'en conséquence, l'arrêt attaqué ne pouvait, sans se contredire, se fonder sur le seul acte de revente des logiciels par la SARL CIA à la SARL SAC au prix de 1 016 600 euros pour condamner M. X... du chef de détournement d'actifs et considérer que la somme aurait dû être portée à l'actif de la SARL CIA au lieu de l'être au crédit du compte courant de M. X... au sein de la SAC, sans tenir compte de son corollaire, à savoir l'opération de cession des logiciels par M. X... à la société CIA d'un montant de 1 016 000 euros réalisée sans que la SARL CIA n'ait à verser à qui que ce soit le moindre centime en vertu de la cession de créance précitée qui ne permet pas davantage à la SARL CIA de revendiquer le prix de revente ; " 4) alors que le détournement d'actifs suppose un élément intentionnel ; qu'à l'évidence, M. X... n'avait nullement l'intention de porter préjudice aux créanciers de la société CIA en cédant à cette dernière les logiciels au prix de 1 016 600 euros avant que la SARL CIA les revende le jour même à la SARL SAC et cède à M. X... les créances qu'elle détenait sur la SARL SAC puisqu'il n'a jamais fait supporter le coût de cette cession à la SARL CIA qui n'a jamais supporté, de quelque manière que ce soit le prix d'acquisition de 1 016 600 euros, l'opération consistant in fine en une cession directe des logiciels par M. X... à la SARL SAC ; qu'en s'abstenant d'établir l'élément intentionnel de l'infraction, particulièrement en pareilles circonstances, la cour d'appel a violé les articles 121-3 du code pénal et L. 654-1 du code de commerce " ;

Sur le sixième moyen

de cassation, pris de la violation des articles 1382 du code civil, 2, 3, 591 à 593 du code de procédure pénale et 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale, contradiction de motifs, excès de pouvoirs ; " en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à verser les sommes de 1 016 000 euros à la société civile professionnelle Silvestri-Baujet, ès qualités de liquidateur de la SARL CIA, et de 104 255, 36 euros à la SELARL Mequinion, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL SAC ; " aux motifs que société civile professionnelle Silvestri-Baujet, ès qualités de liquidateur de la SARL Centre informatique arcachonnais (CIA) sera reçue en sa constitution de partie civile, son préjudice est constitué par les détournements d'actifs, à savoir 1 016 000 euros ; qu'il est alloué à la SELARL Mequinion ès-qualités d'administrateur judiciaire de la Société arcachonnaise de comptabilité, la somme de la somme de 104 255, 36 euros en réparation du préjudice subi du fait de l'abus de biens sociaux, seules les redevances perçues étant concernées par la prévention ; " 1) alors qu'il est établi que la SARL CIA, dont le liquidateur revendique le coût des logiciels revendus par cette dernière à la SARL SAC, soit 1 016 000 euros, n'a jamais versé le prix d'acquisition correspondant à l'achat de ces logiciels à qui que ce soit, n'en a jamais supporté le coût de quelque manière que ce soit, de sorte que la SARL CIA n'a subi aucun préjudice résultant de l'opération reprochée qui n'était qu'un jeu d'écriture et une opération blanche pour la SARL CIA en vertu d'une cession des créances que la SARL CIA détenait sur la SARL SAC au profit de M. X... ; que la condamnation de M. X... à rembourser ce montant au liquidateur de la SARL CIA suppose qu'il ait été effectivement causé et supporté par la SARL CIA, ce qui n'est pas le cas et ne le sera jamais en l'absence de réclamation et de déclaration de créance au passif de la SARL CIA ainsi que le relève la cour d'appel ; qu'en condamnant néanmoins M. X... à verser la somme de 1 016 000 euros à la SARL CIA, la cour d'appel a violé les articles susvisés ; " 2) alors qu'en condamnant M. X... à verser la somme de 104 255, 36 euros à la SELARL Mequinion, ès qualités d'administrateur judiciaire de la SARL SAC, correspondant au remboursement de redevances de logiciels dont le dossier de procédure relève une utilité réelle et donc l'absence de préjudice pour la SARL SAC, la cour d'appel a violé l'article 1382 du code civil " ; Les moyens étant réunis ; Attendu que les énonciations de l'arrêt attaqué mettent la Cour de cassation en mesure de s'assurer que la cour d'appel a, sans insuffisance ni contradiction, répondu aux chefs péremptoires des conclusions dont elle était saisie et caractérisé en tous leurs éléments, tant matériels qu'intentionnel, les délits dont elle a déclaré le prévenu coupable, et a ainsi justifié l'allocation, au profit de la partie civile, de l'indemnité propre à réparer le préjudice en découlant ;

D'où il suit

que les moyens, qui se bornent à remettre en question l'appréciation souveraine, par les juges du fond, des faits et circonstances de la cause, ainsi que des éléments de preuve contradictoirement débattus, ne sauraient être admis ;

Mais sur le premier moyen

, pris de la violation des articles 132-19, 132-24, du code pénal, 465, 591 à 593 du code de procédure pénale, 6 de la Convention européenne des droits de l'homme, défaut de motifs, manque de base légale ; " en ce que l'arrêt attaqué a condamné M. X... à une peine d'emprisonnement pour une partie ferme de quinze mois et ordonné son maintien en détention ; " aux motifs qu'au regard de la gravité des infractions commises, notamment dans le cadre de l'exercice de la profession d'expert-comptable, du fait que M. X... a déjà été condamné (le 30 novembre 2006 à trois ans d'emprisonnement avec sursis et 50 000 euros d'amende pour escroquerie, le 6 mai 2008, à huit mois d'emprisonnement avec sursis et 20 000 euros d'amende pour escroquerie et banqueroute), il convient de prononcer à son encontre la peine de trois ans d'emprisonnement dont quinze mois ferme et vingt et un mois avec sursis et mise à l'épreuve pendant trois ans avec obligation d'indemniser les victimes, prévue à l'article 132-45 du code pénal ; qu'il y a lieu d'ordonner le maintien en détention de M. X..., cette mesure étant seule à même de garantir son maintien à la disposition de la justice dès lors qu'il y a lieu de craindre, au regard de la peine prononcée, de son absence lors du prononcé du jugement déféré et des difficultés rencontrées pour l'interpeller lors de l'enquête, que l'intéressé se soustraie à l'action de la justice ; " 1) alors que toute peine d'emprisonnement prononcée sans sursis par une juridiction correctionnelle doit être spécialement motivée ; qu'en se bornant à prononcer une peine d'emprisonnement ferme par référence à des considérations d'ordre général telles que la gravité des infractions ou de précédentes condamnations, sans aucunement motiver un tel choix en fonction des circonstances des infractions reprochées et de la personnalité de son auteur, la cour d'appel a violé les articles 132-19, alinéa 2, et 132-24 du code pénal ; " 2) alors que les juges du fond ne peuvent décerner un mandat d'arrêt que par décision spéciale et motivée en application de l'article 465 du code de procédure pénale, laquelle doit être distincte de la motivation justifiant le choix d'une peine d'emprisonnement ; qu'en se bornant, pour ordonner une telle mesure de sûreté, à se référer à des considérations inopérantes, telles que de prétendues difficultés d'appréhender le prévenu lors de l'enquête bien que ce dernier se soit présenté librement devant le tribunal correctionnel, ou le fait que M. X... n'était pas présent lors du prononcé du jugement, une telle présence n'étant obligatoire que lors de l'audience mais non le jour du prononcé du jugement, le prévenu ayant été aisément écroué dès le lendemain du prononcé, la cour d'appel a violé le texte susvisé " ;

Vu

l'article 132-24 du code pénal, en sa rédaction issue de la loi du 24 novembre 2009 ; Attendu qu'il résulte de ce texte qu'en matière correctionnelle, en dehors des condamnations en récidive légale prononcées en application de l'article 132-19-1, une peine d'emprisonnement sans sursis ne peut être prononcée qu'en dernier recours si la gravité de l'infraction et la personnalité de son auteur rendent cette peine nécessaire et si toute autre sanction est manifestement inadéquate ; que, dans ce cas, la peine d'emprisonnement doit, si la personnalité et la situation du condamné le permettent, et sauf impossibilité matérielle, faire l'objet d'une des mesures d'aménagement prévues aux articles 132-25 à 132-28 ; Attendu qu'après avoir déclaré M. X... coupable des infractions qui lui sont reprochées, l'arrêt, pour le condamner à trois ans d'emprisonnement dont vingt et un mois avec sursis et mise à l'épreuve, se borne à retenir la gravité des infractions commises dans le cadre de l'exercice de la profession d'expert-comptable et l'existence de condamnations antérieures ;

Mais attendu

qu'en prononçant ainsi, la cour d'appel a méconnu le texte susvisé ; D'où il suit que la cassation est encourue de ce chef ; qu'elle sera limitée à la peine, dès lors que la déclaration de culpabilité n'encourt pas la censure ;

Par ces motifs

: CASSE et ANNULE, en ses seules dispositions relatives à la peine l'arrêt susvisé de la cour d'appel de Bordeaux, en date du 15 décembre 2009, toutes autres dispositions étant expressément maintenues ; RENVOIE la cause et les parties devant la cour d'appel d'Agen, à ce désignée par délibération spéciale prise en chambre du conseil ; ORDONNE l'impression du présent arrêt, sa transcription sur les registres du greffe de la cour d'appel de Bordeaux et sa mention en marge ou à la suite de l'arrêt annulé ; Ainsi jugé et prononcé par la Cour de cassation, chambre criminelle, en son audience publique, les jour, mois et an que dessus ; Etaient présents aux débats et au délibéré, dans la formation prévue à l'article 567-1-1 du code de procédure pénale : M. Louvel président, Mme Ract-Madoux conseiller rapporteur, M. Dulin conseiller de la chambre ; Greffier de chambre : Mme Krawiec ; En foi de quoi le présent arrêt a été signé par le président, le rapporteur et le greffier de chambre ;