AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Sur le pourvoi formé par la société De Keyser expédition, dont le siège est ...,
en cassation d'un arrêt rendu le 13 février 1997 par la cour d'appel de Paris (5e chambre, section B), au profit :
1 / de la société Moore Paragon, dont le siège est ...,
2 / de la société NV Seaport Terminals, dont le siège est Muisbroeklaan, Kaal 478, B2030 Antwerp (Belgique),
3 / de la société Cigna France, dont le siège est ...,
4 / de la Société nationale des chemins de fer fançais (SNCF), dont le siège de la direction juridique est ...,
défenderesses à la cassation ;
Les sociétés Moore Paragon et Cigna France, défenderesses au pourvoi principal ont formé un pourvoi incident contre le même arrêt :
La demanderesse au pourvoi principal invoque, à l'appui de son recours, les six moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
Les demanderesses au pourvoi incident invoque, à l'appui de leur recours, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ;
LA COUR, composée selon l'article
L. 131-6, alinéa 2, du Code de l'organisation judiciaire, en l'audience publique du 8 juin 1999, où étaient présents : M. Bézard, président, M. Rémery, conseiller référendaire rapporteur, M. Grimaldi, conseiller, M. Lafortune, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. Rémery, conseiller référendaire, les observations de Me Parmentier, avocat de la société De Keyser expédition, de la SCP Delaporte et Briard, avocat des sociétés Moore Paragon et Cigna France, de Me Odent, avocat de la SNCF, les conclusions de M. Lafortune, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Statuant tant sur le pourvoi incident relevé par les sociétés Moore Paragon et Cigna France que sur le pourvoi principal formé par la société De Keyser expéditions ;
Dit n'y avoir lieu de mettre hors de cause la société Moore Paragon et la Société nationale des chemins de fer français ;
Attendu, selon l'arrêt attaqué
, que la société Moore Paragon (société Moore), ayant acheté des bobines de papier au Brésil, les a fait transporter sur les navires "Egda" et "Summerfield" jusqu'au port d'Anvers (Belgique) où les deux cargaisons ont été réceptionnées par la société De Keyser expéditions (société De Keyser) ; que celle-ci a chargé la société Seaport terminals (société Seaport) de débarquer la marchandise, de l'entreposer et de la recharger sur des wagons, pour être acheminée jusqu'en gare de Châteauroux par la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) ; qu'ayant constaté des avaries, la société Moore, après expertise, a demandé l'indemnisation de son préjudice aux sociétés De Keyser et Seaport, ainsi qu'à la SNCF ;
Sur le troisième moyen
, pris en sa deuxième branche :
Vu
l'article
3 du Code civil ;
Attendu que, pour décider que la responsabilité de la société De Keyser devait s'apprécier sur le fondement de la loi française, l'arrêt retient
que "s'agissant d'un transport entre la Belgique et la France, commandé de France et à destination de la France, les rapports des parties doivent être soumis au droit français, d'autant que la cour (d'appel) a écarté l'opposabilité des conditions générales de la société De Keyser à la société Moore" ;
Attendu qu'en se déterminant par
de tels motifs, sans procéder à l'examen d'ensemble des indices de localisation du contrat international de commission conclu entre la société Moore et la société De Keyser et prendre en considération, comme celle-ci l'y invitait, les éléments tirés du lieu d'établissement de la société De Keyser et du lieu d'exécution de la prestation caractéristique du contrat qu'elle fournissait, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
Sur ce même moyen, pris en sa troisième branche
:
Vu
l'article
4 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que, pour décider que la responsabilité de la société De Keyser devait s'apprécier sur le fondement de la loi française, l'arrêt retient
encore que cette société "n'hésite pas à se référer à l'article
1315 du Code civil français" ;
Attendu qu'en statuant ainsi
, alors que, dans ses conclusions, la société De Keyser indiquait qu'elle n'invoquait les dispositions législatives françaises qu'à titre subsidiaire, pour le cas "où la cour (d'appel) par extraordinaire écarterait l'application du droit belge", la cour d'appel a méconnu l'objet du litige ;
Et sur ce même moyen, pris en sa quatrième branche
:
Vu
les articles
94, alinéa 1er,
98 et
99 du Code de commerce ;
Attendu que, pour décider
, si la loi française est applicable, que la société De Keyser avait la qualité de commissionnaire de transport au sens du premier de ces textes et en déduire qu'elle était ainsi garante, envers la société Moore, des avaries et pertes sur le fondement des deux autres, l'arrêt, après avoir indiqué que la société De Keyser soutenait que l'utilisation du chemin de fer lui avait été imposée par la société Moore, retient "qu'à supposer que la société De Keyser n'ait pas agi en qualité de commissionnaire pour le transport ferroviaire proprement dit, elle n'en a pas moins agi comme tel pendant tout le transit anversois de la marchandise, en organisant sa réception à bord des navires, son stockage et sa manutention" et qu'elle "figure sur les documents comme destinataire du transport maritime et comme expéditeur du transport ferroviaire" ;
Attendu qu'en se déterminant par
ces seuls motifs tirés du rôle joué par la société De Keyser lors de la rupture de charge qui sont impropres à caractériser la latitude laissée à la société De Keyser d'organiser librement le transport d'Anvers à Châteauroux par les voies et moyens de son choix, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi principal et sur le pourvoi incident :
CASSE ET ANNULE, sauf en ce qu'il a condamné la Société nationale des chemins de fer français (SNCF) à payer à la société Moore Paragon une somme de 130 000 (cent trente mille francs) pour la rétention injustifiée en gare de Châteauroux de la marchandise provenant du navire "Summerfield", l'arrêt rendu le 13 février 1997, entre les parties, par la cour d'appel de Paris ; remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne les défenderesses au pourvoi principal aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, rejette la demande de la SNCF ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. Grimaldi, conseiller le plus ancien qui en a délibéré, en remplacement du président en l'audience publique du douze octobre mil neuf cent quatre-vingt-dix-neuf.