Vu les procédures suivantes :
1° Sous le n° 392003, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 juillet et 10 novembre 2015 et le 24 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association CESAME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 16 juin 2015 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes relatif à l'admission dans les instituts préparant au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
2° Sous le n° 392009, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 23 juillet et 10 novembre 2015 et le 24 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cours généraux de perfectionnement et de révision, Institut régional sport et santé (CGPR-IRSS) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté que sous le n° 392003 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
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3° Sous le n° 392069, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 27 juillet et 10 novembre 2015 et le 24 mars 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la société Cours Galien demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir le même arrêté que sous le n° 392003;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
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4° Sous le n° 392690, par une requête, un mémoire complémentaire et un mémoire en réplique, enregistrés les 14 août et 17 août 2015 et le 19 janvier 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, la Fédération nationale de l'enseignement privé (FNEP) demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler le même arrêté que sous le n° 392003 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
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5° Sous le n° 396623, par une requête, enregistrée le 1er février 2016 au secrétariat du contentieux du Conseil d'Etat, l'association CESAME demande au Conseil d'Etat :
1°) d'annuler pour excès de pouvoir l'arrêté du 31 décembre 2015 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes modifiant l'arrêté du 16 juin 2015 relatif à l'admission dans les instituts préparant au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 5 000 euros au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
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Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le premier protocole additionnel à cette convention ;
- le traité sur le fonctionnement de l'Union européenne ;
- le code de l'éducation ;
- le code de la santé publique ;
- le décret n° 2015-1110 du 2 septembre 2015 ;
- l'arrêté du 23 décembre 1987 relatif à l'admission dans les écoles préparant aux diplômes d'Etat d'ergothérapeute, de laborantin d'analyses médicales, de manipulateur d'électroradiologie médicale, de masseur-kinésithérapeute, de pédicure-podologue et de psychomotricien ;
- l'arrêté du 2 septembre 2015 relatif au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ;
- le code de justice administrative ;
Après avoir entendu en séance publique :
- le rapport de M. Laurent Huet, maître des requêtes en service extraordinaire,
- les conclusions de Mme Sophie-Justine Lieber, rapporteur public ;
La parole ayant été donnée, avant et après les conclusions, à la SCP Fabiani, Luc-Thaler, Pinatel, avocat de la Fédération nationale de l'enseignement privé ;
Vu les notes en délibéré, enregistrées le 27 septembre 2017 présentées par l'association CESAME, la société Cours généraux de perfectionnement et de révision, Institut régional sport et santé et la société Cours Galien ;
1. Considérant que la requête de l'association CESAME enregistrée sous le n° 392003 et les requêtes de la société Cours généraux de perfectionnement et de révision, Institut régional sport et santé (CGPR-IRSS), de la société Cours Galien et de la Fédération nationale de l'enseignement privé (FNEP) sont dirigées contre l'arrêté du 16 juin 2015 de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche et de la ministre des affaires sociales, de la santé et des droits des femmes relatif à l'admission dans les instituts préparant au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ; que la requête de l'association CESAME enregistrée sous le n° 396623 est dirigée contre l'arrêté du 31 décembre 2015 modifiant cet arrêté ; que ces requêtes, présentées par des institutions ayant des classes de préparation à l'entrée dans les instituts de formation au diplôme d'Etat de masseur-kinésitérapeute, ou présentées au nom de ces institutions, présentent à juger les mêmes questions ; qu'il y a lieu de les joindre pour statuer par une seule décision ;
Sur la
légalité de l'article 1er de l'arrêté du 16 juin 2015 :
2. Considérant que cet article dispose que : " Peuvent être admis en première année d'études préparatoires au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute, dans la limite des places autorisées : / - les étudiants ayant validé la première année commune aux études de santé (PACES) ; / - les étudiants ayant validé la première année de licence en sciences mention " sciences et techniques des activités physiques et sportives " (STAPS) ; / - les étudiants ayant validé une première année de licence dans le domaine sciences, technologies, santé " ;
3. Considérant, en premier lieu, que si l'article
L. 631-1 du code de l'éducation dispose que : " La première année des études de santé est commune aux études médicales, odontologiques, pharmaceutiques et de sage-femme ", cet article, qui fixe les conditions dans lesquelles se déroule la première année des études médicales, odontologiques, pharmaceutiques ou de sage-femme, n'a pas pour objet de limiter les formations accessibles aux étudiants qui, après cette première année d'études de santé, ne poursuivent pas dans cette voie ; que le moyen tiré de ce que les dispositions attaquées, en ce qu'elles prévoient que les étudiants ayant validé la première année commune aux études de santé ont accès à la première année d'études préparatoires au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute, méconnaîtraient l'article
L. 631-1 du code de l'éducation ne peut, par suite, qu'être écarté ;
4. Considérant, en deuxième lieu, qu'aux termes de l'article
L. 4321-3 du code de la santé publique : " Le diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute est délivré après des études préparatoires et des épreuves dont la durée et le programme sont fixés par décret " ; qu'aux termes de l'article
D. 4321-18 du même code, dans sa version en vigueur à la date de l'arrêté litigieux : " Sont fixées par arrêté du ministre chargé de la santé : / 1° Les conditions d'accès des candidats aux études conduisant au diplôme d'Etat ; / 2° Les modalités d'admission ; / 3° La nature des épreuves ; / 4° Les conditions dans lesquelles les handicapés visuels sont dispensés des épreuves d'admission " ; qu'en disposant que l'accès aux études préparant au diplôme de masseur-kinésithérapeute se fait par l'une des trois filières qu'il énumère, l'article 1er de l'arrêté attaqué fixe une condition d'accès aux instituts de formation au diplôme de masseur-kinésithérapeute et n'est, ainsi, pas entaché d'incompétence ;
5. Considérant, en troisième lieu, qu'en réservant l'accès aux études conduisant au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute aux étudiants issus de l'une des trois filières qu'il énumère, l'article 1er de l'arrêté attaqué ne méconnaît pas le principe d'égalité, compte tenu de la différence de situation entre les étudiants issus de ces filières de formation et ceux issus d'autres filières, au regard de la formation nécessaire à l'exercice du métier de masseur-kinésithérapeute ;
6. Considérant, en quatrième lieu, que la circonstance que l'article 1er de l'arrêté attaqué réserve l'accès au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute aux étudiants ayant préalablement suivi certaines formations ne saurait, par elle-même, caractériser une incompatibilité de ses dispositions avec les stipulations de l'article 2 du premier protocole additionnel à la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, aux termes desquelles : " Nul ne peut se voir refuser le droit à l'instruction " ;
7. Considérant, en cinquième lieu, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'expression " étudiants ayant validé la première année commune aux études de santé " est imprécise ou inintelligible ; que doivent, par ailleurs, être écartés comme inopérants les moyens tirés de l'absence de dispositions relatives aux étudiants ayant redoublé leur première année d'étude universitaire ou étant atteints d'un handicap visuel, aucune disposition n'imposant au pouvoir réglementaire, de fixer dans un même arrêté l'ensemble des dispositions qu'il lui appartient de prendre pour l'application de l'article D. 4321-18 du code de l'éducation ; que d'ailleurs, à ce titre, les dispositions propres aux personnes handicapées visuelles sont fixées par l'article 34 de l'arrêté du 2 septembre 2015 de la ministre des affaires sociales et de la santé et des droits des femmes et de la ministre de l'éducation nationale, de l'enseignement supérieur et de la recherche relatif au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute ;
8. Considérant, en sixième lieu, que si les dispositions de l'article 1er de l'arrêté litigieux peuvent avoir pour effet d'obliger les établissements d'enseignement privé dispensant des formations préparatoires à l'accès aux instituts de formation au diplôme de masseur-kinésithérapeute d'adapter leur offre de formation, elles ne portent pas, en cela, atteinte au caractère propre de ces établissements privés et n'ont pas davantage pour effet d'empêcher de créer, gérer ou financer un tel établissement d'enseignement ; qu'ainsi, les moyens tirés de ce qu'elles porteraient une atteinte à la liberté d'entreprendre, à la liberté de l'enseignement ou aux règles du droit communautaire en matière de concurrence doivent être écartés ;
Sur la légalité de l'article 2 de l'arrêté du 16 juin 2015 :
9. Considérant que le premier alinéa de cet article dispose que : " Une convention signée entre le directeur de l'institut de formation en masso-kinésithérapie et un ou plusieurs présidents d'universités précise les modalités retenues pour sélectionner les étudiants et le nombre de places offertes respectivement aux étudiants issus de la PACES, de la première année de licence en STAPS ou d'une première année de licence de sciences " ; que, dans sa rédaction initiale, cet article comportait un troisième alinéa ainsi rédigé : " L'admission des étudiants issus de la PACES en première année d'études préparatoires au diplôme d'Etat de masseur-kinésithérapeute est prioritaire dans chaque institut de formation " ; que, avant que ces dispositions du troisième alinéa aient reçu application, elles ont été abrogées par l'article 1er de l'arrêté du 31 décembre 2015 mentionné au point 1 et remplacées par les dispositions suivantes : " Le nombre de places fixé par la convention pour les étudiants ayant validé la PACES est prépondérant par rapport au nombre cumulé de places offertes pour les deux autres filières " ; que les requérants doivent être regardés comme demandant l'annulation de l'article 2 de l'arrêté du 16 juin 2015, dans sa rédaction issue de ces dernières dispositions ;
10. Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article
L. 4383-1 du code de la santé publique : " L'Etat fixe les conditions d'accès aux formations des professionnels mentionnés aux titres 1er à VII du présent livre (...). Il détermine les programmes de formation, l'organisation des études, les modalités d'évaluation des étudiants ou élèves. Il délivre les diplômes " ; que la seule circonstance que, au titre de la participation de leur institut à la formation des masseurs-kinésithérapeutes, les directeurs des instituts de formation en masso-kinésithérapie en soit appelés à conclure des conventions avec un ou plusieurs présidents d'universités pour préciser les modalités de sélection des étudiants de ces universités et la répartition des places par filière, ne porte atteinte ni à la liberté d'entreprendre ni à la liberté de l'enseignement ;
11. Considérant, en deuxième lieu, qu'il ne ressort pas des pièces du dossier que le dispositif prévu par l'arrêté litigieux favoriserait par lui-même les étudiants demeurant à... ;
12. Considérant, en troisième lieu, que les dispositions critiquées n'ont ni pour objet ni pour effet de fixer le nombre maximum d'élèves pouvant être admis au niveau national à entreprendre des études en vue de la délivrance du diplôme de masseur-kinésithérapeute ; que, par suite, les requérants ne sauraient utilement soutenir qu'elles méconnaissent les dispositions de l'article
L. 4383-2 du code de la santé publique relatives à la fixation de ce nombre ;
13. Considérant, enfin, qu'en accordant un nombre de place supérieur aux étudiants ayant validé la première année commune aux études de santé (PACES) sur ceux issus des deux autres filières d'accès, les dispositions de l'article 2 de l'arrêté attaqué, qui ne sont pas entachées d'inintelligibilité, ne méconnaissent pas, eu égard au contenu de cette formation universitaire, le principe d'égalité ;
Sur la légalité des autres articles de l'arrêté du 16 juin 2015 :
14. Considérant, en premier lieu, que, d'une part, dans sa rédaction initiale, l'article 5 de l'arrêté du 16 juin 2015 prévoyait que les instituts de formation en masso-kinésithérapie qui n'auraient pas signé de convention avec un ou plusieurs directeurs d'université avant le 31 décembre 2015 ne seraient pas autorisés à accueillir une nouvelle promotion d'étudiants au titre de l'année universitaire 2017-2018 ; que cette disposition a, toutefois, été abrogée par l'arrêté du 31 décembre 2015, lequel a inséré un nouvel article 5-1 qui en reprend les termes, mais reporte la date limite de signature des conventions au 29 février 2016 ; que, d'autre part, il résulte des articles 4 à 7 de l'arrêté du 16 juin 2015 que les nouvelles modalités d'accès à la formation de masseur-kinésithérapeute ne sont, en tout état de cause, applicables qu'à partir de la rentrée 2017 pour treize instituts de formation mentionnés à l'article 4 ; que, par suite, les requérants ne sont pas fondés à soutenir que l'arrêté qu'ils attaquent méconnaît, faute de comporter des dispositions transitoires permettant l'entrée en vigueur des règles nouvelles, le principe de sécurité juridique ;
15. Considérant, en second lieu, que si treize instituts déjà existants, énumérés à l'article 4, sont autorisés à n'appliquer les nouvelles dispositions introduites par l'arrêté attaqué qu'à compter de l'année universitaire 2017-2018, alors que, en vertu de l'article 6 de ce même arrêté, ces nouvelles dispositions s'appliquent dès la rentrée universitaire 2016-2017 aux instituts créés postérieurement à sa publication, la différence de traitement ainsi introduite entre les instituts qui débutent leurs formations et ceux qui les avaient préalablement organisées selon la réglementation antérieure est justifiée par la différence de situation entre ces instituts et ne méconnaît pas, par suite, le principe d'égalité ;
16. Considérant qu'il résulte de tout ce qui précède que les requérants ne sont pas fondés à demander l'annulation des arrêtés qu'ils attaquent ; que leurs requêtes doivent être rejetées, y compris, par voie de conséquence, leurs conclusions présentées au titre de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative ;
D E C I D E :
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Article 1er : Les requêtes de l'association CESAME, de la société Cours généraux de perfectionnement et de révision, Institut régional sport et santé, de la société Cours Galien et de la Fédération nationale de l'enseignement privé sont rejetées.
Article 2 : La présente décision sera notifiée à l'association CESAME, à la société Cours généraux de perfectionnement et de révision, Institut régional sport et santé, à la société Cours Galien, à la Fédération nationale de l'enseignement privé, au ministre de l'éducation nationale et à la ministre des solidarités et de la santé.