Tribunal de grande instance de Paris, 17 mars 2016, 2014/08651

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2014/08651
  • Domaine de propriété intellectuelle : BREVET
  • Numéros d'enregistrement : EP0817637 ; FR05C0022
  • Parties : MYLAN SAS (intervenante volontaire) / VIIV HEALTHCARE IK LIMITED (Royaume-Uni) ; WELLCOME FOUNDATION LIMITED (Royaume-Uni)

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 17 mars 2016 3ème chambre 1ère section N° RG : 14/08651 DEMANDERESSE La société MYLAN, SAS, intervenante volontaire [...] 69800 SAINT PRIEST représentée par Me Denis SCHERTENLEIB, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0948 DÉFENDERESSES La Société VIIV HEALTHCARE UK LIMITED [...] ROYAUME UNI La Société WELLCOME FOUNDATION LIMITED [...] ROYAUME UNI représentées par Maître Michel ABELLO de la SELARL LOYER & ABELLO, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #J49 COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C, Vice-Présidente Julien RICHAUD, Juge Aurélie JIMENEZ, Juge assistés de Léoncia BELLON, Greffier DEBATS À l'audience du 09 février 2016 tenue publiquement JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoirement en premier ressort EXPOSÉ DU LITIGE En vertu de cessions conclues avec la société de droit anglais WELLCOME FOUNDATION LIMITED et inscrites au registre national des brevets le 12 juillet 2011, la société de droit anglais VIIV HEALTHCARE UK LIMITED, dont l'activité est consacrée à la recherche et aux traitements contre le VIH, est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur : - le brevet européen visant la France n° EP 0817637 intitulé «Combinaisons synergiques de Zidovudine, 1592U89 et de 3TC » déposé le 28 mars 1996 sous la priorité de 2 demandes de brevet britanniques déposées le 30 mars 1995, - le certificat complémentaire de protection n° FR 05C0022 portant sur la combinaison d'Abacavir et de Lamivudine. Le brevet demeure en vigueur par le paiement régulier des annuités. Par acte d'huissier du 2 juin 2014, la SAS TEVA SANTE et la société de droit néerlandais TEVA PHARMA B.V. ont assigné les sociétés VIIV HEALTHCARE UK LIMITED et WELLCOME FOUNDATION LIMITED devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité des revendications 1-2, 6-9, 11-14 et 17-18 de la partie française du brevet européen n° EP 0817637 et du certificat complémentaire de protection n° FR 05C0022 ainsi qu'en concurrence déloyale et parasitaire. La SAS MYLAN intervenait volontairement à l'instance par conclusions notifiées par la voie électronique le 25 mai 2015 en sollicitant l'annulation des revendications de bithérapie 1, 2, 6, 7, 8, 9, 11, 12, 13, 14, 17 et 18 du brevet EP817637B et l'annulation du CCP 05C0022. Par conclusions notifiées par la voie électronique le 26 mai 2015, les sociétés TEVA SANTE et TEVA PHARMA B.V. se désistaient de leur instance et de leur action, les sociétés VIIV HEALTHCARE UK LIMITED et WELLCOME FOUNDATION LIMITED acceptant ce désistement par conclusions du même jour. Par ordonnance du 5 novembre 2015, le juge de la mise en état a constaté la perfection du désistement des sociétés TEVA SANTE et TEVA PHARMA B.V. et a renvoyé au fond pour plaidoiries sur la recevabilité de l'intervention volontaire de la SAS MYLAN. Parallèlement, la SAS MYLAN a, par acte d'huissier du 18 juin 2015, assigné la société de droit anglais VIIV HEALTHCARE UK LIMITED devant le tribunal de grande instance de Paris en nullité de toutes les revendications du brevet et du certificat complémentaire de protection. Cette instance, enrôlée sous le numéro de RG 15/09218 a été distribuée à la 3ème section de la 3ème chambre. Dans leurs dernières conclusions notifiées par la voie électronique le 4 décembre 2015 auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de leurs moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, les sociétés VIIV HEALTHCARE UK LIMITED et WELLCOME FOUNDATION LIMITED demandent au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, de : constater que l'instance enrôlée sous le RG n° 14/08651 est éteinte par désistement mutuel des sociétés TEVA PHARMA BV, TEVA S, ViiV HEALTHCARE UK Ltd et THE WELLCOME FOUNDATION Ltd, rétroactivement depuis le 18 mai 2015; dire que la SAS MYLAN est irrecevable à poursuivre son intervention, compte tenu de l'instance parallèle introduite par elle par assignation du 18 juin 2015 enrôlée sous le RG n° 15/09218 ; dire que le tribunal n'a pas pouvoir d'ordonner la jonction de la procédure n° 15/09218 avec la présente instance

; EN CONSEQUENCE

: déclarer irrecevable l'intervention volontaire de la SAS MYLAN à l'instance sous le numéro de RG 14/08651, renvoyer la SAS MYLAN à poursuivre la procédure enrôlée sous le RG n° 15/09218 condamner la SAS MYLAN à verser in solidum aux sociétés VIIV HEALTHCARE LIMITED et THE WELLCOME FOUNDATION LIMITED la somme de 10 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, condamner la SAS MYLAN aux entiers dépens, qui seront directement recouvrés par la SELARL LOYER & ABELLO conformément aux dispositions de l'article 699 du code de procédure civile. En réplique, dans ses dernières écritures notifiées par la voie électronique le 20 novembre 2015 auxquelles il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article 455 du code de procédure civile, la SAS MYLAN demande au tribunal : DE DIRE et juger recevable la société MYLAN en son intervention volontaire principale ; DE DÉBOUTER la société VIIV et la société WELLCOME de l'ensemble de leurs demandes, fins et conclusions contraires à l'encontre de MYLAN ; D'ORDONNER la jonction de la procédure pendante sous le numéro de rôle n° 15/09218 avec la présente procédure ; DE CONDAMNER la société VIIV et la société WELLCOME in solidum au paiement de 5000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de l'instance. L'ordonnance de clôture était rendue le 9 février 2016. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article 467 du code de procédure civile. MOTIFS DU JUGEMENT Au soutien de leur fin de non-recevoir, les sociétés VIIV HEALTHCARE UK LIMITED et WELLCOME FOUNDATION LIMITED opposent en ces termes quatre moyens distincts: - le juge constatant l'extinction de l'instance, son ordonnance a un effet déclaratif et non constitutif et rétroagit au jour du désistement réciproque des parties qui s'est manifesté dans la transaction du 18 mai 2015, dont l'existence se prouve par tous moyens, et non dans les conclusions de désistement. L'instance étant éteinte lors de l'intervention volontaire, celle-ci est irrecevable, - l'intervention de la SAS MYLAN est accessoire et non principale puisque ses demandes sont strictement identiques à celles des sociétés TEVA SANTE et TEVA PHARMA B.V., les revendications concernées étant les mêmes alors qu'elles sont toutes concernées par l'instance seconde. Aussi, l'extinction de l'instance s'étend à l'intervention volontaire accessoire, - l'intervention ne présente pas un lien suffisant avec les prétentions originaires, l'intervention est l'instrument d'un détournement de procédure. En réplique, la SAS MYLAN explique que l'ordonnance de dessaisissement est un acte procédural qui produit l'extinction de l'instance à l'exclusion de la transaction, qui n'est pas produite aux débats et à laquelle elle n'est pas partie, puisque l'extinction de l'instance suppose le dessaisissement préalable sur la base des conclusions de désistement qui seules divulguaient l'existence de la transaction. Elle en déduit que son intervention volontaire, antérieure à l'extinction de l'instance, est recevable. Subsidiairement, elle précise que son intervention volontaire est principale puisqu'elle élève des prétentions dans son intérêt personnel en recherchant l'annulation du brevet à son profit, l'autorité de la chose jugée lui profitant en cas de succès de ses prétentions et la prémunissant contre toute mesure d'interdiction provisoire en cas d'appel. Elle explique par ailleurs que ses demandes sont les mêmes que celles des sociétés TEVA SANTE et TEVA PHARMA B.V. et présentent de ce fait un lien suffisant avec celles-ci. Elle conteste enfin tout détournement de procédure. En application de l'article 384 du code de procédure civile, en dehors des cas où cet effet résulte du jugement, l'instance s'éteint accessoirement à l'action par l'effet de la transaction, de l'acquiescement, du désistement d'action ou, dans les actions non transmissibles, par le décès d'une partie. L'extinction de l'instance est constatée par une décision de dessaisissement. Il appartient au juge de donner force exécutoire à l'acte constatant l'accord des parties, que celui-ci intervienne devant lui ou ait été conclu hors sa présence. Selon les termes clairs de cette disposition, la transaction est, au même titre que le désistement d'action et l'acquiescement, une cause d'extinction volontaire de l'instance qui opère accessoirement en raison de la disparition du droit d'agir. Le désistement d'action est parfait par sa seule manifestation unilatérale quand la transaction l'est par la rencontre des volontés des parties sur l'objet dans lequel elle se renferme au sens des articles 2044 et 2048 du code civil. L'un comme l'autre produit à sa date l'effet extinctif qui lui est attaché par la loi : «l'instance s'éteint [...] par l'effet de la transaction [... et] du désistement d'action ». Le texte n'exige aucune autre condition et limite l'intervention du juge, qui peut d'ailleurs être le juge de la mise en état en vertu de l'article 769 du code de procédure civile, à un constat qui par définition rend compte d'une situation juridique préexistante et ne la constitue pas : la décision, qui en l'absence de contestation sur la validité du désistement ou de la transaction est une mesure d'administration judiciaire, a un effet déclaratif et se borne à tirer les conséquences d'une cause qui a déjà produit ses effets. D'ailleurs, le désistement d'instance, qui est une cause d'extinction de l'instance à titre principal, est parfait au sens de l'article 395 du code de procédure civile dès son acceptation, si celle-ci est nécessaire, par le défendeur : ici encore, l'intervention du juge n'est pas requise pour permettre au désistement de déployer ses effets, sa perfection impliquant son autosuffisance, mais pour traduire au plan de l'administration judiciaire l'extinction de l'instance consécutive à la disparition du droit d'agir décidée par les parties. L'extinction de l'instance par la seule manifestation de la volonté des parties est la stricte expression de la liberté que leur confère l'article 1er du code de procédure civile de mettre fin à l'instance avant qu'elle ne s'éteigne par l'effet du jugement ou en vertu de la loi qui n'en serait pas une si son exercice ou son efficacité était conditionné par l'intervention du juge. Et, la transaction est une cause autonome d'extinction de l'instance qui n'a pas à être formalisée dans un désistement d'action qui constitue une des trois autres causes distinctes d'extinction accessoire de l'instance. En outre, peu important son effet relatif au sens de l'article 1165 du code civil, une transaction constitue comme tout contrat un fait juridique opposable aux tiers qui peut être prouvé par tous moyens. Or, aux termes de l'attestation des sociétés TEVA SANTE et TEVA PHARMA B.V. produite en pièce 1.2 et dont la teneur n'est pas contestée, ces dernières reconnaissent avoir conclu le 18 mai 2015 une transaction par laquelle elles se désistaient de leur action en nullité du brevet EP 08117637 et du certificat complémentaire de protection 05C0022 devant le tribunal de grande instance de Paris mais également devant les autres juridictions étrangères, ce qu'accrédite le bulletin du 18 mai 2015 émis par l'Office allemand des brevets portant annulation de l'audience du lendemain opposant la société TEVA GmbH à la société VIIV HEALTHCARE UK LIMITED en raison du désistement de la demanderesse. Ainsi, la transaction du 18 mai 2015, prouvée dans son existence et son contenu, a mis fin à elle seule à l'instance actuelle à cette date. Or, conformément aux articles 63, 66 et 68 du code de procédure civile, l'intervention est une demande incidente dont l'objet est de rendre un tiers partie au procès engagé entre les parties originaires et qui est formée à leur encontre de la même manière que sont présentées les moyens de défense, soit devant le tribunal de grande instance par voie de conclusions quand les parties sont constituées. Supposant par nature une instance pendante sur laquelle elle se greffe, l'intervention, qu'elle soit forcée ou volontaire accessoire ou principale, est irrecevable si cette dernière est éteinte. En conséquence, formée par conclusions notifiées le 25 mai 2015, soit 7 jours après que la transaction conclue entre les parties originaires a mis fin à l'instance, l'intervention volontaire de la SAS MYLAN est irrecevable et sa demande de jonction sans objet. À supposer même que l'instance ait perduré au jour de son intervention, la SAS MYLAN a présenté exactement les mêmes demandes que les sociétés TEVA SANTE et TEVA PHARMA B.V., l'identité des prétentions constituant d'ailleurs son unique moyen pour soutenir l'existence d'un lien suffisant avec les demandes des parties au sens de l'article 325 du code de procédure civile. Elle n'élevait ainsi aucune prétention propre. Le seul fait qu'elle puisse se prévaloir de l'autorité de la chose jugée pour échapper à des mesures éventuelles d'interdiction provisoire malgré l'opposabilité erga omnes du jugement d'annulation, sous réserve de la tierce-opposition dont elle se privait par son action, est étranger à la qualification d'intervention principale ou accessoire : un tel bénéfice étant attaché à la qualité de partie au litige, l'application de ce critère ne permettrait aucune différenciation et commanderait au contraire de qualifier toute intervention, y compris forcée, de principale en contradiction avec les distinctions légales opérées par les articles 325 et suivants du code de procédure civile. Au regard de l'effet absolu d'un jugement d'annulation des revendications d'un brevet européen conformément à l'article L 613-27 du code de la propriété intellectuelle et de l'identité des prétentions, l'intervention volontaire de la SAS MYLAN avait pour unique objet d'appuyer les prétentions des demanderesses originaires et était accessoire au sens de l'article 330 du code de procédure civile. Celle- ci étant dépourvue de la moindre autonomie à l'égard de l'instance initiale, son caractère accessoire signifiant littéralement sa dépendance, son sort est lié à celui de la demande initiale à laquelle elle se joint. Aussi l'extinction de l'instance principale emporte-t-elle sa propre extinction. En conséquence, en admettant sa recevabilité, l'intervention volontaire accessoire de la SAS MYLAN est éteinte. Succombant en son intervention, la SAS MYLAN, dont la demande au titre des frais irrépétibles sera rejetée, sera condamnée à payer aux sociétés VIIV HEALTHCARE UK LIMITED et WELLCOME FOUNDATION LIMITED la somme de 2 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les dépens de l'instance dont le sort n'a pas été réglé par l'ordonnance du juge de la mise en état du 5 novembre 2015 qui seront recouvrés conformément à l'article 699 du code de procédure civile. Au regard de la nature et de la solution du litige, l'exécution provisoire du jugement ne sera pas prononcée conformément à l'article 515 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

Le tribunal, statuant publiquement, par jugement contradictoire, rendu en premier ressort et mis à la disposition par le greffe le jour du délibéré, Déclare irrecevable l'intervention volontaire de la SAS MYLAN ; Rejette la demande de la SAS MYLAN au titre des frais irrépétibles ; Condamne la SAS MYLAN à payer à la société VIIV HEALTHCARE UK LIMITED et à la société WELLCOME FOUNDATION LIMITED la somme de DEUX MILLE euros (2 000 €) chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile ; Condamne la SAS MYLAN à supporter les dépens de l'instance dont le sort n'a pas été réglé par l'ordonnance du 5 novembre 2015 qui seront recouvrés directement par la SELARL LOYER & ABELLO conformément à l'article 699 du code de procédure civile ; Dit n'y avoir lieu à l'exécution provisoire du jugement.