Tribunal de grande instance de Paris, 7 juillet 2016, 2014/16121

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal de grande instance de Paris
  • Numéro de pourvoi :
    2014/16121
  • Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
  • Marques : KAPORAL ; ROAYL & CAPORAL ; KAPORAL 5 RED LINE ; KAPORAL jeans
  • Classification pour les marques : CL03 ; CL09 ; CL14 ; CL16 ; CL18 ; CL24 ; CL25
  • Numéros d'enregistrement : 5871652 ; 3424125 ; 3239569 ; 9753435
  • Parties : KAPORAL GROUPE (anciennement dénommée KAPORAL FRANCE) ; KAPORAL COLLECTIONS (anciennement dénommée MC LEM) / TRICOTS LOOK SARL ; A (Savas)

Texte intégral

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 07 juillet 2016 3ème chambre 4ème section n) rg / 14/16121 DEMANDERESSES Société KAPORAL GROUPE, anciennement dénommé KAPORAL FRANCE [...] 13014 MARSEILLE Société KAPORAL COLLECTIONS, anciennement dénommée MC LEM [...] 13014 MARSEILLE Toutes deux agissant poursuites et diligences de leur représentant légal, domicilié en cette qualité audit siège. et représentées par Me Jean AITTOUARES de la SELARLOX, avocat au barreau de PARIS, avocat postulant, vestiaire #A0966 et par Me Myriam A, avocat au barreau de MARSEILLE, avocat plaidant DÉFENDEURS S.A.R.L. TRICOTS LOOK [...] 93300 AUBERVILLIERS prise en la personne de son représentant légal domicilié ès qualités audit siège. INTERVENANT FORCE Monsieur Savas A Tous deux représentés par Me Florence WATRIN de T ASSOCIATION W BRAULT ASSOCIES, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #.10046 COMPOSITION DU TRIBUNAL Camille L. Vice-Présidente, rapporteur Laurence LEHMANN, Vice-Présidente, rapporteur Laure A, Vice-Présidente assistées de Sarah BOUCRIS, greffier. DÉBATS À l'audience du 1er juin 2016 tenue en audience publique devant Camille L et Laurence LEHMANN, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seules l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au tribunal, conformément aux dispositions de l'article 786 du code de procédure civile. JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire En premier ressort EXPOSE DU LITIGE La société KAPORAL GROUPE (anciennement dénommée KAPORAL FRANCE) dont le siège social se situe à Marseille commercialise des collections de vêtements et d'accessoires pour homme, femme et enfant. Elle est titulaire de plusieurs marques pour désigner des vêtements en classe 25, dont la marque verbale communautaire « KAPORAL » n°5871652, déposée le 3 mai 2007. La société KAPORAL COLLECTIONS édite le site Internet www.Kaporal.com et est investie des licences d'exploitation de différentes marques de la société KAPORAL GROUPE. Par ordonnance présidentielle en date du 3 octobre 2014, la société Kaporal France a été autorisée à faire pratiquer une saisie contrefaçon au siège de la société TRICOTS LOOK, cette opération a révélé que cette dernière : - commercialisait de nombreux articles revêtus de la marque « ROYAL & CAPORAL » ; - avait acquis auprès de la société de droit turc Marshall Original Teks San Vetic Ltd Sti, à la date de la saisie, 11.172 pièces arguées de contrefaçon ; - avait déposé à titre de dessins et modèles, en 2014, des visuels destinés à être apposés sur des vêtements reproduisant, selon les sociétés Kaporal, les caractéristiques essentielles de T-shirts commercialisés antérieurement par K. Les sociétés KAPORAL GROUPE et KAPORAL FRANCE ont fait assigner la société TRICOTS LOOK devant le tribunal de grande instance de Paris par exploit du 4 novembre 2014 en contrefaçon de marque. Par acte en date du 22 juin 2015, la société TRICOTS LOOK a mis en cause Monsieur Savas A, titulaire de la marque française « ROYAL & CAPORAL » n°3 424 125. En effet, par contrat en date du 2 janvier 2014, la société TRICOTS LOOK s'est vue concéder le droit d'utiliser la marque « ROYAL & CAPORAL », laquelle a été déposée le 19 avril 2006 par Monsieur Savas A sous le n°3 424 125 pour désigner en classe 25 les produits de 1' « Habillement ». Les sociétés KAPORAL ont parallèlement fait assigner Monsieur Savas A, seul, selon la procédure de jour fixe devant ce tribunal par exploit du 28 août 2015 en contrefaçon de leurs marques et en nullité de la marque française «Royal & Caporal». Par un jugement non encore définitif rendu par ce tribunal en date du 9 juin 2016, il a été rejeté la demande en nullité de la marque « ROYAL et CAPORAL » et prononcé la déchéance de la société KAPORAL GROUPE dans ses droits sur les marques française et communautaire « Kaporal 5 red line » n° 3239569 et n° 3921855 à compter du 5 août 2015. Dans ses dernières conclusions n° 5 signifiées par RPVA en date du 23 mai 2016, les sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTION demandent au tribunal de :

Vu les articles

L.713-3 et suivants du Code de la Propriété Intellectuelle, Vu les articles L.716-7-1, L.716-13 et L.716-14 du Code de la Propriété Intellectuelle, Vu l'article 1382 du Code civil, À titre préliminaire, - Dire et Juger que les demandes additionnel les formées par les sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTIONS tendent à établir que la société TRICOTS LOOK se livre à un ensemble de faits litigieux préjudiciables aux sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTIONS, qu'elles présentent un lien suffisant avec les demandes initiales et sont parfaitement recevables ; - Constater que la société KAPORAL GROUPE est titulaire de droits antérieurs sur les marques « KAPORAL 5 RED LINE » n° 3 239 569, « » n° 3 921 855 et le nom de domaine www.kaporal.com enregistré le 27 juillet 2004 et exploité depuis ; - Dire et Juger que ces droits soient des droits antérieurs opposables à la société TRICOTS LOOK, en l'absence de forclusion par tolérance ou de prescription opposables ; - Dire et Juger que les sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTIONS disposent de droits antérieurs opposables à la marque française « Royal & Caporal » n°3 424 125 ; - Dire et Juger que les marques « KAPORAL 5 RED LINE » n° 3 239 569, n° 3 921 855 ont fait l'objet d'un usage sérieux, notamment sous une forme légèrement modifiée, depuis leur dépôt ; - Dire et Juger que la société TRICOTS LOOK et Monsieur A sont forclos à agir en nullité des marques « KAPORAL » n°5 871 652 et n°9 753 435 appartenant à la société KAPORAL GROUPE ; - À titre principal, Dire et Juger que la marque « Royal & Caporal » et les marques « KAPORAL » ont en commun le signe distinctif dominant [K/CAPORAL] ; - Dire et Juger que l'élément dominant [K/CAPORAL] commun aux signes en présence est quasi-identique ; - Constater que les signes en présence sont déposés pour des produits identiques en classe 25 ; - Constater que la société TRICOTS LOOK a détenu des marchandises présentées sous la marque contrefaisante « Royal & Caporal » et importé en vue de l'offre à la vente des marchandises présentées sous la marque contrefaisante « Royal & Caporal » ; - Dire et Juger que ces actes constituent une contrefaçon des droits de la société KAPORAL GROUPE et de la société KAPORAL COLLECTIONS ; - Dire et Juger en outre qu'il résulte des conditions de l'exploitation par TRICOTS LOOK de la marque « Royal & Caporal » n° 3 424 125 déposée le 19 avril 2006 un risque de confusion avec les marques « KAPORAL 5 RED LINE »n° 3 239 569, n° 3 921 855, « K » n°5 871 652 et n°9 753 435 appartenant à la société KAPORAL GROUPE ; - Dire et Juger que cette exploitation constitue une contrefaçon des droits de la société KAPORAL GROUPE et de la société KAPORAL COLLECTIONS ; - En conséquence, Condamner la société TRICOTS LOOK à verser aux sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTIONS la somme globale provisionnelle de 1.485.529 euros, sauf à parfaire en fonction d'éléments comptables transmis, en réparation du préjudice subi ; - Ordonner à la société TRICOTS LOOK de verser tout document comptable certifié attestant officiellement du nombre d'articles importés et commercialisés sous la marque « Royal & Caporal », du prix d'achat et de vente de ces articles, du chiffre d'affaires ainsi réalisé, ainsi que de l'état des stocks, tant en France que dans l'Union Européenne depuis le 2 janvier 2014; - Interdire à la société TRICOTS LOOK et à Monsieur A de faire usage à quel que titre que ce soit, et sur quel que support que ce soit, des signes « Royal & Caporal », « Caporal » ou « Kaporal » et de fabriquer, faire fabriquer, importer, détenir, offrir à la vente et commercialiser des produits sous la marque « Royal & Caporal » et ce, sous astreinte de 1.500 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ; - Ordonner la destruction des stocks d'articles revêtus de la marque « Royal & Caporal », sous astreinte de 2.000 euros par jour de retard à compter de la signification de la décision à intervenir ; - Se réserver la compétence pour connaître de la liquidation de cette astreinte ; - Ordonner la publication du jugement à intervenir, dans son intégralité ou par extraits, dans trois journaux ou publications professionnels au choix des sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTIONS et aux frais avancés de la société TRICOTS LOOK, dans la limite de 2.500 euros HT par insertion ; - À titre subsidiaire, Dire et Juger que l'exploitation de la marque « Royal & Caporal » par TRICOTS LOOK est constitutive d'actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'encontre des sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTIONS ; - En conséquence, Condamner la société TRICOTS LOOK à verser aux sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTIONS la somme globale de 1.485.529 euros ; - À titre complémentaire, Dire et Juger que les conditions dans lesquelles la société TRICOTS LOOK exploite la marque « Royal & Caporal » par mise en avant délibérée du seul signe « CAPORAL », quasi-identique au signe « KAPORAL » exploité par les demanderesses, dans un rapport de proportion bien plus grand que le terme secondaire « royal », et par adoption des mêmes visuels et thèmes de communication constituent des agissements déloyaux et parasitaires ; - En conséquence, Condamner la société TRICOTS LOOK à verser aux sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTIONS la somme de 200.000 euros en réparation du préjudice subi ; - Débouter la société TRICOTS LOOK et Monsieur A de toutes leurs demandes, fins et conclusions ; - Condamner la société TRICOTS LOOK et Monsieur A à verser à la société KAPORAL GROUPE et à la société KAPORAL COLLECTIONS la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de Procédure Civile ; - Ordonner l'exécution provisoire de la décision à intervenir ; - Condamner la société TRICOTS LOOK et Monsieur A aux entiers dépens de l'instance en application des dispositions de l'article 699 du Code de Procédure Civile, dont distraction au profit de Maître Aittouares. En défense, Monsieur A et la société TRICOTS LOOK dans leurs dernières conclusions signifiées en date du 31 mai 2016, demandent au tribunal de : Vu l'article 9.1 du règlement CE n°207/2009 du Conseil du 26 février 2009 sur la marque communautaire, Vu les articles L 711-4 714-3, L 714-5, L 716-5, L 716-7-1, R 712-23 du Code de la propriété intellectuelle, Vu l'article 1382 du Code civil, Vu les articles 15,32-1 et 70 du code de procédure civile, À titre principal, • DECLARER irrecevable les demandes additionnelles des sociétés KAPORAL FRANCE et KAPORAL COLLECTION formées par conclusions signifiées le 15 janvier 2016 et réitérées dans leurs dernières conclusions récapitulatives en ce qu'elles tendent à étendre les demandes formées aux termes de leur exploit introductif d'instance aux marques « KAPORAL 5 RED LINE » n° 3 239 569, « » n° 3 921 855 et « » n°9 753 435 et au nom de domaine www.kaporal.com. • DECLARER la société KAPORAL COLLECTION irrecevable en ses demandes au titre de la contrefaçon des marques dont l'exploitation lui a été concédée par licence exclusive • PRONONCER la nullité de l'enregistrement de la marque verbale communautaire « KAPORAL » n°005871652 déposée le 3 mai 2007 et de la marque semi-figurative communautaire n°9753435 déposée le 21 février 2011 ; • DIRE ET JUGER les sociétés KAPORAL FRANCE et KAPORAL COLLECTION irrecevables en leurs demandes au titre de la contrefaçon de la marque KAPORAL n° 5871652 ; • DEBOUTER la société KAPORAL GROUPE en ses demandes au titre de la contrefaçon de la marque verbale communautaire « KAPORAL » n°005871652 déposée le 3 mai 2007 ; • DIRE ET JUGER les sociétés KAPORAL FRANCE et KAPORAL COLLECTION irrecevables en leurs demandes au titre de la concurrence déloyale ; À titre subsidiaire, • PRONONCER la déchéance des droits de la société KAPORAL GROUPE sur la marque communautaire n° 3 921 855 et sur la marque française K 5 RED LINE n° 3 239 569 ; • DEBOUTER les sociétés KAPORAL FRANCE et KAPORAL COLLECTION en leurs demandes au titre de la contrefaçon de la marque communautaire n° 3 921 855 et de la marque française K 5 RED LINE n° 3 239 569 ; • PRONONCER la nullité de l'enregistrement de la marque communautaire n° 9753435 enregistrée le 21 février 2011 ; • DEBOUTER les sociétés KAPORAL FRANCE et KAPORAL COLLECTION en leurs demandes au titre de la contrefaçon de la marque communautaire n° 9753435 enregistrée le 21 février 2011 ; En tout état de cause, • DEBOUTER les sociétés KAPORAL FRANCE et KAPORAL COLLECTION en toutes leurs demandes, fins et conclusions ; • CONDAMNER solidairement les sociétés KAPORAL FRANCE et KAPORAL COLLECTION à verser à la société TRICOTS LOOK la somme de 20.000 euros en réparation du préjudice subi au titre de la procédure abusive ; • CONDAMNER solidairement les sociétés KAPORAL FRANCE et KAPORAL COLLECTION à verser à la société TRICOTS LOOK la somme de 50.000 euros, sauf à parfaire, en réparation du préjudice subi au titre du dénigrement ; • CONDAMNER solidairement les sociétés KAPORAL FRANCE et KAPORAL COLLECTION à payer à la société TRICOTS LOOK la somme de 20.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; • ORDONNER l'exécution provisoire. La clôture a été prononcée en date du 1er juin 2016, le jour des plaidoiries.

MOTIFS

Sur la recevabilité des demandes additionnelles Les défendeurs soutiennent que les sociétés KAPORAL ont, plus de 15 mois après avoir engagé cette procédure, totalement refondu leur argumentation en modifiant leurs demandes et sollicitent désormais à titre principal que la marque « Royal & Caporal » et plusieurs des marques « KAPORAL » ont en commun le signe distinctif dominant. Ils soutiennent que les demandes au titre des marques autres que la marque verbale communautaire « KAPORAL » n°5871652 doivent être déclarées irrecevables selon les articles 4, 15 et 70 du code de procédure civile en ce qu'elles étendent les demandes formées aux termes de leur exploit introductif d'instance aux marques « Kaporal five red line », « Kaporal Jeans », au nom de domaine Kaporal.com et à de nouveaux faits autres que ceux constatés lors de la saisie- contrefaçon initiale. Selon les sociétés KAPORAL, elles n'ont fait que constater une intensification des actes illicites reprochés dès le début de la procédure. Elles affirment que ce ne sont pas des faits étrangers à la première saisie-contrefaçon et que ces demandes additionnelles tendant aux mêmes fins et opposant les mêmes parties sont recevables. SUR CE ; Selon l'article 70 du code de procédure civile, « Les demandes reconventionnelles ou additionnelles ne sont recevables que si elles se rattachent aux prétentions originaires par un lien suffisant. » En l'espèce, tout d'abord, l'ordonnance de saisie-contrefaçon du 3 octobre 2014 (pièce 13 en demande) qui a précédé l'acte introductif de la présente instance autorisait la saisie afin de prouver l'imitation de la marque communautaire n° 005871652 «Kaporal », le juge des requêtes ayant d'ailleurs choisi de biffer sur le projet d'ordonnance proposé par le requérant la mention « ou de toute autre marque dont elle est titulaire ». En outre, l'assignation du 4 novembre 2014 formulait des demandes concernant la seule marque n° 005871652 « Kaporal ». Enfin, ce n'est que par conclusions du 15 janvier 2016 alors qu'un calendrier avait été fixé par le juge de la mise en état avec une date de clôture au 21 janvier 2016 et des plaidoiries au 13 avril 2016 que les demandeurs ont étendu leurs demandes à trois autres de leurs marques « Kaporal 5 red line » (n° 3239569 et n° 392185) et « Kaporal Jeans » (n° 9753435). Au vu de ces éléments, les demandes additionnelles relatives à ces trois marques n'apparaissent pas avoir de lien suffisant avec le litige initial et seront déclarées irrecevables. En revanche, les sociétés KAPORAL sont recevables dans leurs demandes portant sur des faits survenus en cours de procédure et relatifs à des atteintes à la marque n° 005871652 « Kaporal » visée initialement tant dans l'ordonnance de saisie- contrefaçon que dans l'acte introductif d'instance. Sur la recevabilité de la société KAPORAL COLLECTION, licencié, dans ses demandes en contrefaçon de marque Selon les défendeurs, le licencié exclusif a agi conjointement avec le titulaire de la marque alors qu'il ne pouvait agir que par voie d'intervention et qu'il n'a pas justifié avoir mis en demeure préalablement le titulaire de la marque d'agir conformément à l'article L716-5 du code de propriété intellectuelle. Il est répondu en demande que, s'agissant d'un licencié exclusif et conformément tant à l'article L716-5 1er alinéa qu'au contrat de licence qui lie les parties, la société Kaporal Collection avait qualité à agir conjointement avec le titulaire de la marque. SUR CE ; L'article L716-5 du code de propriété intellectuelle dans ses alinéas 1 et 2 dispose : « L'action civile en contrefaçon est engagée par le propriétaire de la marque. Toutefois, le bénéficiaire d'un droit exclusif d'exploitation peut agir en contrefaçon, sauf stipulât ion contraire du contrat si, après mise en demeure, le titulaire n'exerce pas ce droit. Toute partie à un contrat de licence est recevable à intervenir dans l'instance en contrefaçon engagée par une autre partie afin d'obtenir la réparation du préjudice qui lui est propre. » La société Kaporal Collection justifie de sa qualité de licencié exclusif par la production du contrat de licence conclu avec le titulaire de la marque objet du litige (pièce 22 en demande). En sa qualité de licencié exclusif, elle a le droit en vertu de l'alinéa 1 er de l'article L716-5 précité d'agir en contrefaçon de marque et la nécessité d'une mise en demeure préalable à l'égard du titulaire de la marque prévue par ce même alinéa n'a pas lieu à s'appliquer en l'espèce, puisque le titulaire agit conjointement et est donc nécessairement non seulement informé mais aussi en accord avec cette action. La société Kaporal Collection sera donc reçue dans son action en contrefaçon de la marque verbale communautaire « KAPORAL » n°005871652. Sur les demandes reconventionnelles tendant à la nullité de la marque « Kaporal Jeans » (n° 9753435) et à la déchéance des marques « KAPORAL 5 RED LINE » n° 3 239 569 et 3 921 855 Il convient de rappeler que les demandes additionnelles des sociétés KAPORAL fondées notamment sur des atteintes à la marque « Kaporal Jeans » (n° 9753435) ont été déclarées irrecevables dans le cadre du présent litige, aussi, les défendeurs sont-ils dépourvus d'intérêt à agir et donc irrecevables dans leurs demandes reconventionnelles tendant à voir annuler la marque « Kaporal Jeans ». Pour les mêmes raisons, Monsieur A et la société TRICOTS LOOK seront dits irrecevables car dépourvus d'intérêt à agir dans leur demande reconventionnelle tendant à voir déclarer déchues les marques « KAPORAL 5 RED LINE ». Sur la nullité de la marque verbale communautaire « KAPORAL » n°005871652 déposée le 3 mai 2007 Les défendeurs sollicitent, conformément à l'article 53 du Règlement, que soit prononcée la nullité de la marque communautaire « KAPORAL» du fait d'une atteinte à la marque « Royal & Caporal » enregistrée antérieurement en 2006. Pour s'opposer à cette demande, les sociétés KAPORAL excipent de la forclusion par tolérance du fait de l'exploitation de la marque « Kaporal » depuis plus de 5 ans. Elles font valoir en outre le défaut de validité de la marque « Royal & Caporal » et le défaut de risque de confusion entre les marques « Royal & Caporal » et « Kaporal ». Sur l'existence d'un droit antérieur détenu par Monsieur A et la forclusion par tolérance L'article 53 du Règlement UE du 26 février 2009 sur les causes de nullité relatives dispose : « /. La marque communautaire est déclarée nid le sur demande présentée auprès de l'Office ou sur demande reconventionnelle dans- une action en contrefaçon : a) lorsqu'il existe une marque antérieure visée à l'article 8, paragraphe 2, et que les conditions énoncées au paragraphe l ou au paragraphe 5 dudit article sont remplies; b) lorsqu'il existe une marque visée à l'article 8, paragraphe 3, et que les conditions énoncées audit paragraphe sont remplies; c) lorsqu'il existe un droit antérieur visé à l'article 8, paragraphe 4, et que les conditions énoncées audit paragraphe sont remplies. » L'article 54 du même Règlement prévoit que : « 1. Le titulaire d'une marque communautaire qui a toléré pendant cinq années consécutives l'usage d'une marque communautaire postérieure dans la Communauté en connaissance de cet usage ne peut plus demander la nullité ni s'opposer à l'usage de la marque postérieure sur la base de cette marque antérieure pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que le dépôt de la marque communautaire postérieure n'ait été effectué de mauvaise foi. 2.Le titulaire d'une marque nationale antérieure visée à l'article 8, paragraphe 2, ou d'un autre signe antérieur visé à l'article 8, paragraphe 4, qui a toléré pendant cinq années consécutives l'usage d'une marque communautaire postérieure dans l'État membre où cette marque antérieure ou l'autre signe antérieur est protégé, en connaissance de cet usage, ne peut plus demander la nullité ni s'opposer à l'usage de la marque postérieure sur la base de la marque antérieure ou de l'autre signe antérieur pour les produits ou les services pour lesquels la marque postérieure a été utilisée, à moins que le dépôt de la marque communautaire postérieure n'ait été effectué de mauvaise foi. » Monsieur A est titulaire d'une marque française antérieure au dépôt de la marque communautaire critiquée (titre en pièce 6 en demande). Il n'est pas justifié de la mauvaise foi de Monsieur A lors du dépôt de cette marque en classe 25 du seul fait de l'existence préalable dans la même classe des marques « Kaporal 5 red line ». En effet, celles-ci n'engendrent pas de façon évidente une confusion avec le signe verbal « Royal «fcCaporal ». Pour dire que Monsieur A et la société TRICOTS LOOK ont toléré l'usage de la marque litigieuse, il faut encore que celle-ci ait été exploitée et que les défendeurs aient eu connaissance, non pas seulement de l'enregistrement mais de cette exploitation. Il appartient donc à celui qui invoque la forclusion d'apporter la preuve d'un usage effectif de la marque critiquée. En l'espèce, il ressort des catalogues et factures versés aux débats (pièces 29 à 44 en demande) que la marque « Kaporal » a été exploitée par les sociétés demanderesses pour des vêtements sans discontinuité de 2007 au jour de l'assignation. Cependant, il n'est pas démontré qu'avant le présent litige initié en 2014, Monsieur A et son licencié aient été mis en connaissance de l'exploitation de la marque « Kaporal », la forclusion de 5 années n'est donc pas acquise au jour de leur première demande reconventionnelle en nullité par conclusions du 10 mars 2016. Sur la non disponibilité du signe « Kaporal » du fait de la marque antérieure « Royal & Caporal » Les conditions de validité d'une marque devant exister au jour du dépôt, la disponibilité du signe doit être appréciée à cette date. En outre, la disponibilité du signe s'apprécie à l'aune de la création d'un risque de confusion et/ou d'association dans l'esprit du public entre le signe postérieur et le signe antérieur. En l'espèce, les marques en comparaison sont enregistrées en classe 25, et plus particulièrement pour les produits de l'habillement, c'est à dire pour des produits identiques. D'un point de vue visuel, la marque critiquée se compose d'un seul terme alors que la marque première se compose de deux termes séparés par le signe « & », avec comme terme d'attaque « Royal ». La première lettre K distingue le terme « Kaporal » de celui de « Caporal ». D'un point de vue phonétique, la marque première se dit « Royal et Caporal » alors que la marque seconde est appelée « Kaporal ». D'un point de vue conceptuel, le terme « Kaporal » avec un K évoque un mot germanique alors que les termes « Royal & Caporal » évoquent l'univers de la marine ou de l'armée royale. Il en ressort qu'il n'existe pas de risque de confusion entre les marques en comparaison, et que la marque « Kaporal » ne porte pas atteinte à la marque antérieure de Monsieur A. La demande de Monsieur A et de la société TRICOTS LOOK en nullité de la marque verbale communautaire « KAPORAL » n°005871652 sera donc rejetée. Sur l'action en contrefaçon de la marque verbale communautaire « KAPORAL » n°005871652 par l'exploitation du signe « Royal & Caporal » par le licencié Il est reproché des actes allégués de contrefaçon constatés par une saisie-contrefaçon au siège de la société Tricots Look opérée en date du 16 octobre 2014 (pièce 14 en demande) et par des procès-verbaux de constat en ligne des 11 et 17 août 2015 (pièce 10 en demande), du 6 octobre 2015 (pièce 21 en demande), et du 22 avril 2016 (pièce 46 en demande) ainsi que de saisie-contrefaçon du 4 mai 2016 (pièce 48 en demande). La société TRICOTS LOOK réplique qu'il n'existe pas de risque de confusion entre la marque opposée et l'exploitation de la marque « Royal & Caporal ». SUR CE ; L'article 9 du Règlement CE 207/2009 dispose notamment : "Droit conféré par la marque communautaire 1. La marque communautaire confère à son titulaire un droit exclusif. Le titulaire est habilité à interdire à tout tiers, en l'absence de son consentement, défaire usage dans la vie des affaires : a) d'un signe identique à la marque communautaire pour des produits ou des services identiques à ceux pour lesquels celle-ci est enregistrée, b) d’un signe pour lequel, en raison de son identité ou de sa similitude avec la marque communautaire et en raison de l'identité ou de la similitude des produits ou des services couverts par la marque communautaire et le signe, il existe un risque de confusion dans l'esprit du public ; le risque de confusion comprend le risque d'association entre le signe et la marque, c) d'un signe identique ou similaire à la marque communautaire pour des produits ou des services qui ne sont pas similaires à ceux pour lesquels la marque communautaire est enregistrée, lorsque celle-ci jouit d'une renommée dans la Communauté et que l'usage du signe sans juste motif tire indûment profit du caractère distinctif ou de la renommée de la marque communautaire ou leur porte préjudice". Il a été dit plus haut concernant la validité de la marque que l'analyse des signes en présence tels qu'ils ont été enregistrés permettait de dire qu'il n'existait pas de risque de confusion. Cependant, pour ce chef de demande, il convient de comparer la marque opposée telle qu'elle a été enregistrée avec la façon dont la société TRICOTS LOOK exploite le signe « Caporal » pour commercialiser ses vêtements. Au vu des procès-verbaux produits en demande (pièces 10, 14,21,46 et 48), les vêtements commercialisés par la société TRICOTS LOOK portent toujours le signe « Royal & Caporal » et s'il est vrai que le terme « Caporal » est mis en avant par le choix de caractères manifestement plus gros que pour le terme « Royal », la mention omniprésente de ce dernier sur le vêtement aux côtés du terme « Caporal » ainsi que le défaut de la lettre distinctive « K » permettent de ne pas engendrer de confusion avec la marque verbale « Kaporal ». Le consommateur visé qui connaît bien les marques de vêtements sportswear saura que les vêtements ne proviennent pas des sociétés KAPORAL ni d'une société en lien avec celles-ci. La demande en contrefaçon de la marque Kaporal à rencontre de la société TRICOTS LOOK sera donc rejetée. Sur la concurrence déloyale et parasitaire du fait de l'exploitation par le licencié exclusif du signe « Caporal » Selon les demandeurs, les conditions d'exploitation par la société TRICOTS LOOK sont constitutifs de concurrence déloyale et parasitaire notamment par la mise en avant délibérée du terme "Caporal", la reprise des visuels déposés à titre de dessins et modèles, le risque de confusion avec le nom de domaine "Kaporal.com". La société TRICOTS LOOK réplique qu'il n'est pas démontré de faits distincts de ceux reprochés sur le fondement de la contrefaçon de marque, qu'il n'y a pas de risque de confusion et que concernant la reprise alléguée des dessins et modèles, ceux-ci appartiennent au fond commun des vêtements sportswear. SUR CE ; Vu l'article 1382 du code civil, La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe ou un produit qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle, puisse être librement reproduit, sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce. L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité, la notoriété de la prestation copiée. Le parasitisme est constitué lorsqu'une personne physique ou morale, à titre lucratif et de façon injustifiée, copie une valeur économique d'autrui, individualisée et procurant un avantage concurrentiel, fruit d'un savoir-faire, d'un travail intellectuel et d'investissements. En l'espèce, la société TRICOTS LOOK et les sociétés KAPORAL interviennent sur le même marché français des vêtements de prêt à porter du genre sportswear et sont donc en concurrence directe. Il ressort des pièces versées au débat que le signe « Royal & Caporal » pour lequel la société TRICOTS LOOK a une licence exclusive n' est effectivement exploité par cette dernière que sur la même gamme de vêtements sportswear que ceux exploités par les sociétés Kaporal, et plus précisément pour des sweat-shirts et tee- shirts à prix moyens. Or, il apparaît très clairement que le signe « Caporal » est volontairement mis en avant par le choix de lettres pleines et/ou caractères beaucoup plus gros par rapport au terme « Royal » qui était pourtant le terme d'attaque dans la marque déposée. Seul le signe « Caporal » est donc mis en évidence, et surtout il est exploité avec des visuels très similaires à ceux choisis par le concurrent K. Ces visuels, certes, reprennent le genre « streetwear »et les sociétés KAPORAL ne peuvent s'approprier ce genre, mais il n'était pas nécessaire pour la société TRICOTS LOOK de reprendre plusieurs types de visuels similaires à ceux déposés par la société KAPORAL à titre de dessins et modèles tels que l'imprimé panthère, la calligraphie du modèle EASY, les ornementations type blason ou les gratte ciels new-yorkais (pièces 17 à 20 en demande). Ces faits démontrent de la part de la société TRICOTS LOOK une volonté de se situer dans le sillage des sociétés Kaporal, lesquelles bénéficient d'une notoriété certaine parmi les consommateurs adolescents sur le marché du vêtement sportswear, comme le prouvent les articles de presse et extraits d'échanges sur réseaux sociaux versés aux débats en demande (pièces 11 et 23 en demande). D'ailleurs, le signe verbal « Kaporal » est exploité par les demanderesses sur leur site internet depuis au moins 2004 (pièce 25 en demande) et il est justifié d'investissements publicitaires importants engagés sur le signe « Kaporal » (pièces 15 et 16 en demande). Il est donc prouvé une attitude non conforme aux usages loyaux du commerce de la part de la société TRICOTS LOOK, laquelle engage sa responsabilité délictuelle à l'égard des sociétés KAPORAL. Au vu de l'importance des faits relevés sur une période qui s'étend sur plusieurs mois entre octobre 2014 et mai 2016, il convient d'évaluer le préjudice subi par les sociétés KAPORAL du fait de ces actes de concurrence déloyale et parasitaire à hauteur de 80.000 euros, somme à laquelle sera condamnée à titre de dommages et intérêts la société TRICOTS LOOK. Sur les autres demandes La demande en contrefaçon de marque étant rejetée, seront également rejetées les demandes subséquentes en communication de pièces comptables, interdiction de commercialiser et destruction du stock. Il ne sera pas fait droit à la demande reconventionnelle en procédure abusive, les défendeurs succombant sur le fondement de la concurrence déloyale. La publication judiciaire n'est pas opportune en l'espèce et ne sera pas accordée. Sur les frais et l'exécution provisoire Il y a lieu de condamner la société TRICOTS LOOK, qui succombe partiellement, aux dépens. En outre, la société TRICOTS LOOK doit être condamnée à verser aux sociétés KAPORAL qui ont dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir leurs droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 8000 euros. Les circonstances de l'espèce justifient le prononcé de l'exécution provisoire.

PAR CES MOTIFS

. Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort. Dit irrecevables les demandes additionnelles des sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTION relatives aux marques n° 3 239 569, n° 3 921 855 et n°9 753 435 pour défaut de lien suffisant avec le litige initial. Déclare la société Kaporal Collection recevable dans son action en contrefaçon de la marque « KAPORAL » n°005871652. Dit irrecevables les demandes reconventionnelles tendant à voir annuler la marque « Kaporal Jeans » n° 9753435 et à voir déclarer déchues les marques « KAPORAL 5 RED LINE ». Dit qu'il n’y a pas de forclusion par tolérance à l'égard de Monsieur A et de la société TRICOTS LOOK. Rejette la demande de Monsieur A et de la société TRICOTS LOOK en nullité de la marque verbale communautaire « KAPORAL » n°005871652. Déboute les sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTION de leurs demandes en contrefaçon de la marque « Kaporal », et de leurs demandes subséquentes en communication de pièces comptables, interdiction de commercialiser, et destruction du stock. Dit que la société TRICOTS LOOK a commis des actes de concurrence déloyale et parasitaire à l'égard des sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTION et la condamne à leur payer la somme globale de 80.000 euros à titre de dommages et intérêts. Rejette la demande de publication judiciaire. Déboute Monsieur A et la société TRICOTS LOOK de leur demande sur la procédure abusive. Condamne la société TRICOTS LOOK à payer aux sociétés KAPORAL GROUPE et K COLLECTION la somme globale de 8000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ordonne l'exécution provisoire.