Chronologie de l'affaire
Tribunal de Grande Instance de Paris 26 mai 2016
Tribunal de Grande Instance de Paris 12 janvier 2017
Tribunal de Grande Instance de Paris 10 mars 2017
Cour d'appel de Paris 19 octobre 2017
Cour d'appel de Paris 29 novembre 2017
Cour de cassation 18 décembre 2019
Cour de cassation 04 mars 2020

Tribunal de Grande Instance de Paris, 10 mars 2017, 2016/16985

Mots clés société · requête · douanes · contrefaçon · procédure civile · produits · procès-verbal · preuve · negoce · propriété intellectuelle · saisie · locaux · restitution · statuer

Synthèse

Juridiction : Tribunal de Grande Instance de Paris
Numéro affaire : 2016/16985
Domaine de propriété intellectuelle : MARQUE
Marques : Schnerdier S Electric ; Schneider Electric
Classification pour les marques : CL06 ; CL07 ; CL09 ; CL11 ; CL12 ; CL19 ; CL35 ; CL36 ; CL37 ; CL38 ; CL39 ; CL40 ; CL41 ; CL42 ; CL43 ; CL44 ; CL45
Numéros d'enregistrement : 1103787 ; 98735702
Décision précédente : Tribunal de Grande Instance de Paris, 12 janvier 2017, N° 2015/15559
Parties : EURO NÉGOCE B&J SASU / SCHNEIDER ELECTRIC SE

Chronologie de l'affaire

Tribunal de Grande Instance de Paris 26 mai 2016
Tribunal de Grande Instance de Paris 12 janvier 2017
Tribunal de Grande Instance de Paris 10 mars 2017
Cour d'appel de Paris 19 octobre 2017
Cour d'appel de Paris 29 novembre 2017
Cour de cassation 18 décembre 2019
Cour de cassation 04 mars 2020

Texte

TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ RÉTRACTATION rendue le 10 mars 2017

3ème chambre Sème section N° RG : 16/16985

Assignation du 02 décembre 2016

DEMANDERESSE Société EURO NEGOCE B&J [...] ZAC de Bromines 74330 SILLINGY représentée par Me Florent GUILBOT, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #C 1595, Me Josquin L, avocat au barreau de GRENOBLE,

DÉFENDERESSE Société SCHNEIDER ELECTRIC SE [...] 92500 RUEIL-MALMAISON représentée par Maître David MASSON de l'AARPI DENTONS EUROPE, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0372

DÉBATS François B, Vice-Présidente assistée de Marie-Aline PIGNOLET, Greffier.

À l'audience du 22 février 2017, avis a été donné aux avocats que l'ordonnance serait rendue le 10 mars 2017

ORDONNANCE Rendue par remise de la décision au greffe Contradictoire en premier ressort

EXPOSE DU LITIGE La société EURO NEGOCE B&J, qui a pour activité déclarée le commerce de gros, de fournitures industrielles diverses et toutes opérations d'importation, d'exportation, achat, vente de marchandises diverses, se présente comme une société du groupe B&J Partenaires qui commercialise du matériel électrique haut de gamme en tant que distributeur indépendant sur l'ensemble du territoire français, revendiquant un chiffre d'affaire de 18.2 millions d'euros réalisé quasi exclusivement en France et une clientèle d'entreprises et de professionnels de l'industrie et du tertiaire. Elle précise revendre pour l'essentiel des produits SCHNEIDER ELECTRIC SE.

La société SCHNEIDER ELECTRIC SE, qui fabrique et commercialise des composants électriques et des solutions de gestion de l'électricité, est notamment titulaire de la marque semi-figurative de l'Union européenne « SCHNEIDER ELECTRIC » n° 1103787 et de la marque verbale française « SCHNEIDER ELECTRIC » n° 98735702.

Le 10 août 2015, dans le cadre d'une demande d'intervention préalable de la société SCHNEIDER ELECTRIC SE, le service des douanes de l'aéroport de Lyon St Exupéry a procédé à la mise en retenue au titre de l'article 17 du règlement (UE) n°608/2013 du 12 juin 2013 d'un lot de matériel électrique représentant une valeur de 46.292 euros en provenance de Turquie, constitué de 10.715 produits revêtus de la marque SCHNEIDER ELECTRIC. La société SCHNEIDER ELECTRIC SE a été avisée de cette mise en retenue par lettre du 11 août 2015 et un courriel du 12 août 2015 lui demandait sur la base des 8 photographies jointes de se prononcer sur le caractère contrefaisant ou non des produits. Le 17 août 2015, elle a sollicité par son conseil une prorogation exceptionnelle du délai de 10 jours du délai de retenue initial en application de l'article 23 du règlement (UE) n°608/2013 précité au motif que le caractère contrefaisant des produits n'était pas confirmé.

Le 8 septembre 2015, le service des douanes a établi un procès- verbal de clôture et de mainlevée de la mise en retenue des marchandises en cause -prolongée jusqu'au 7 septembre 2015- mentionnant que « les représentants de SCHNEIDER ayant expertisé sur place les produits » ont ainsi « pu constater l'authenticité de ces derniers ».

Par requête du 17 septembre 2015, la société SCHNEIDER ELECTRIC SE a sollicité et obtenu par ordonnance du même jour l'autorisation de procéder à une saisie-contrefaçon dans les locaux des services des douanes aux fins d'appréhender l'ensemble des documents relatifs à la retenue, de faire procéder à une saisie- contrefaçon par voie de description des produits argués de contrefaçon et à la saisie-réelle de deux échantillons de chaque article concerné, ce sur le fondement d'une atteinte alléguée à ses marques française et de l'Union européenne en raison de la provenance extra-communautaire des marchandises certes authentiques mais importées sans son autorisation.

L'ordonnance a été signifiée le 18 septembre 2015 aux services des douanes de LYON SAINT EXUPERY et les opérations de saisie ont été clôturées le 30 septembre 2015.

Par ordonnance rendue sur requête du 12 octobre 2015 à l'appui de laquelle étaient produits notamment l'ordonnance du 17 septembre 2015 et le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 18 et 30 septembre 2015, la société SCHNEIDER ELECTRIC SE a obtenu l'autorisation de faire pratiquer une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société EURO NEGOCE B&J, désignée par le procès- verbal de constat des douanes comme le destinataire des marchandises, visant d'une part la saisie-contrefaçon par voie de description des articles revêtus des marques précitées et la saisie réelle de deux échantillons de chaque produit argué de contrefaçon et d'autre part, la production de documents s'y rapportant.

Suivant une décision du 26 mai 2016, le magistrat délégué du président du tribunal de grande instance de Paris a rétracté l'ordonnance du 17 septembre 2015 et ordonné la restitution immédiate de l'ensemble des pièces et documents saisis dans les locaux des douanes de Lyon St Exupéry, faisant par ailleurs interdiction à la société SCHNEIDER ELECTRIC SE d'utiliser ou de rendre publics le procès-verbal de saisie-contrefaçon menée en application de cette décision. Cette décision se fondait en substance sur le fait que la requête ne faisait état ni de la visite des représentants de la société SCHNEIDER ELECTRIC SE dans les locaux des douanes, ni de la clôture de la procédure de retenue.

Cette ordonnance a fait l'objet d'un appel. La clôture est prévue le 6 septembre 2017 et le dossier fixé pour être plaidé le 21 septembre 2017.

La société SCHNEIDER ELECTRIC SE a enfin présenté le 14 juin 2016 une troisième requête « aux fins de saisie-contrefaçon descriptive » dans les mêmes locaux des services des douanes, laquelle a été rejetée aux motifs que la demande concernait une production de pièces détenues par un tiers, que la première ordonnance de saisie-contrefaçon avait été rétractée et qu'il n'existait pas de motif de déroger au principe du contradictoire.

Par acte du 30 octobre 2015, la société SCHNEIDER ELECTRIC SE a assigné la société EURO NEGOCE B&J en contrefaçon de marques et suivant conclusions d'incident notifiées le 5 septembre 2016, demandé sur le fondement de l'article 138 du code de procédure civile, la remise de « l'ensemble des procès-verbaux dressés par les douanes de l'aéroport de Lyon Saint Exupéry se rapportant à la retenue douanière du lot de 10.715 pièces de matériel électrique arguées de contrefaçon de la marque SCHNEIDER ELECTRIC ; toute facture concernant lesdits articles argués de contrefaçon ; tout document émanant de ou adressé à l'importateur et/ou l'exportateur des dits articles argués de contrefaçon ». Cette demande a été rejetée principalement au motif que le non-respect des conditions d'obtention et d'utilisation des informations détenues par les douanes prévues aux articles 21 du règlement n°608/3013 et L716-8 du code de la propriété intellectuelle constituait un empêchement légitime de se procurer celles-ci selon le droit commun.

Par acte d'huissier en date du 2 décembre 2016, la société EURO NEGOCE B&J a assigné la société SCHNEIDER ELECTRIC SE en rétractation de l'ordonnance rendue le 12 octobre 2015 aux motifs que celle-ci a été rendue sur les seuls éléments de preuve issus de la saisie-contrefaçon opérée dans les locaux des douanes en exécution de l'ordonnance du 17 septembre 2015 qui a été rétractée par ordonnance du 26 mai 2016, et que la société SCHNEIDER ELECTRIC SE a agi de façon déloyale et n'a produit aucun élément de preuve raisonnablement accessible de la contrefaçon alléguée.

Aux termes de ses dernières conclusions d'incident notifiées par voie électronique le 22 février 2017, la société EURO NEGOCE B&J présente les demandes suivantes:

Vu les articles L. 716-6 et L.716-7 du code de la propriété intellectuelle, 492-1 et 496 et suivants du code de procédure civile. Vu l'ordonnance de référé-rétractation du 26 mai 2016.

CONSTATER que la société SCHNEIDER ELECTRIC SE a fait preuve de déloyauté à l'égard du juge des requêtes, en dissimulant des éléments de la procédure douanière préalable ;

CONSTATER en outre qu'en application de l'ordonnance de référé- rétractation du 26 mai 2016, la société SCHNEIDER ELECTRIC SE a interdiction d'utiliser ou de rendre publics le procès-verbal de la saisie- contrefaçon des 18 et 30 septembre 2015 ainsi que les pièces et documents saisis, et écarter cette pièce des débats ; ÉCARTER des débats les pièces produites par la société SCHNEIDER ELECTRIC SE qui n'étaient pas annexées à la requête en saisie-contrefaçon, soit les pièces numérotées 9 à 20 de ses conclusions du 27 janvier 2017 ; CONSTATER que la seule pièce que peut valablement produire la société SCHNEIDER ELECTRIC SE au soutien de sa requête ne rapporte aucun élément de preuve raisonnablement accessible pour étayer ses allégations selon lesquelles il aurait été porté atteinte par la société EURO NEGOCE B&J à ses droits de propriété intellectuelle ou qu'une telle atteinte est imminente ;

En conséquence : RETRACTER, en toutes ses dispositions, l'ordonnance rendue le 12 octobre 2015 à la demande de la société SCHNEIDER ELECTRIC SE, autorisant une saisie contrefaçon dans les locaux de la société EURO NEGOCE B & J et/ou tout autre lieu, ORDONNER la restitution immédiate de l'ensemble des pièces saisies dans les locaux de la société EURO NEGOCE B&J, qu'elles soient en la possession de l'huissier instrumentaire ou des conseils de la société SCHNEIDER ELECTRIC SE, ainsi que la destruction immédiate de l'ensemble des copies de ces pièces. ASSORTIR l'obligation de restitution d'une astreinte de mille euros (1000 €) par jour de retard passée la signification de l'ordonnance à intervenir, INTERDIRE à la société SCHNEIDER ELECTRIC SE d'utiliser ou de rendre publics, notamment dans la procédure au fond engagée par assignation du 30 octobre 2015, le procès-verbal de la saisie contrefaçon menée en application de cette ordonnance et les pièces saisies, ASSORTIR cette interdiction d'une astreinte de mille euros (1.000 €) par infraction constatée, le refus de se conformer à l'interdiction après une mise en demeure constituant, pour chaque jour suivant ladite mise en demeure, une infraction distincte, CONDAMNER la société SCHNEIDER ELECTRIC SE à verser à la société EURO NEGOCE B & J la somme de cinq mille euros (5.000 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens.

La société EURO NEGOCE B&J expose pour l'essentiel que: -la société SCHNEIDER ELECTRIC a omis de préciser, dans chacune des deux requêtes, que la procédure de retenue douanière avait fait l'objet d'une mainlevée en date du 08 septembre 2016 à la suite de l'inspection des marchandises par les représentants de la société SCHNEIDER ELECTRIC, ce comportement est contraire à la loyauté requise dans le cadre d'une procédure non contradictoire, -la rétractation d'une ordonnance rendue sur requête et notamment de celle prononçant une mesure de saisie-contrefaçon a un effet rétroactif, il en résulte l'impossibilité d'utiliser le moindre élément émanant du procès-verbal de saisie-contrefaçon, dès lors que l'ordonnance ayant autorisé cette dernière a été rétractée, par ailleurs l'article 514 al. 2 du code de procédure civile prévoit que sont notamment exécutoires de droit à titre provisoire les ordonnances de référé, -la société SCHNEIDER ELECTRIC ne peut se prévaloir dans le cadre de la présente procédure que de la lettre de notification des douanes de Lyon St Exupéry du 11 août 2015, or ce document ne fait aucune référence à la société EURO NEGOCE B&J , les autres pièces postérieures à la requête ne sont pas pertinentes et doivent être écartées, -le juge saisi d'une demande de rétractation non seulement vérifier que l'ordonnance était fondée à la date à laquelle il l'a délivrée, au regard des éléments fournis par la partie saisie, mais également si cette mesure est toujours justifiée au regard des éléments intervenus depuis cette ordonnance, -en sollicitant le bénéfice d'un sursis à statuer par une demande au demeurant irrecevable comme n'ayant pas été présentée avant toute défense au fond, la société SCHNEIDER ELECTRIC admet ce faisant que les deux ordonnances du 17 septembre 2015 et du 12 octobre 2015 sont étroitement liées.

La société SCHNEIDER ELECRTIC SE présente, aux termes de ses dernières conclusions d'incident notifiées par voie électronique les 27 janvier puis 20 février 2017, les demandes suivantes: Vu l'article L.716-7 du code de la propriété intellectuelle, Vu l'article 145 du code de procédure civile, Vu les articles 494 et suivants du code de procédure civile, Vu les articles 700 et 699 du code de procédure civile. DIRE ET JUGER que la société SCHNEIDER ELECTRIC SE a agi de manière parfaitement loyale ; DIRE ET JUGER que la requête aux fins de saisie-contrefaçon du 12 octobre 2015 est parfaitement conforme aux articles L.716-7 du code de la propriété intellectuelle et 145 du code de procédure civile ; En conséquence, DECLARER la société EURO NEGOCE B. & J. mal fondée en ses demandes ; REJETER l'ensemble des demandes de la société EURO NEGOCE B. & J. ; DIRE n'y avoir lieu à référé ; À titre subsidiaire, SURSEOIR À STATUER dans l'attente de la décision de la cour d'appel sur l'ordonnance du 26 mai 2016 ; CONDAMNER la société EURO NEGOCE B. & J. à payer à la société SCHNEIDER ELECTRIC SE la somme de cinq mille euros (5.000 €) en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

La société SCHNEIDER ELECTRIC SE expose pour l'essentiel que :

-la procédure est toujours pendante devant la cour d'appel de Paris, la rétractation de l'ordonnance du 17 septembre 2015 n'est donc pas définitive, -les deux ordonnances autorisant les opérations de saisie-contrefaçon l'une auprès des douanes puis l'autre au siège d'EURO NEGOCE n'ont pas été rendues sur la base des mêmes faits, -il est apparu de l'analyse des marchandises retenues qu'elles étaient des produits fabriqués par SCHNEIDER ELECTRIC mais qu'elles avaient nécessairement une provenance extra-communautaire, -il est évident que le 17 septembre 2015, date de la requête, aucune retenue datée du 11 août 2015 ne pouvait encore être pendante, -la société SCHNEIDER ELECTRIC a interjeté appel de l'ordonnance du 7 juin 2016 au motif en particulier que les mesures qu'elle a sollicitées sont justifiées puisqu'il n'a jamais été question pour elle de « valider une retenue douanière » mais d'obtenir des éléments de preuve uniquement, -la seconde procédure de saisie-contrefaçon est détachée de la procédure de retenue douanière et de son formalisme puisqu'elle ne porte plus sur une saisie-contrefaçon à réaliser dans les locaux des douanes mais sur des opérations dans les locaux du contrefacteur, lesquelles visent à permettre à la victime d'évaluer le préjudice qu'elle a subi du fait des actes contrefaisants et ce en tenant compte des éléments en sa possession à la date de la requête, -le commencement de preuve requis tient à la qualité pour agir en contrefaçon autrement dit la titularité des droits invoqués, et au jour où il a accepté d'autoriser la saisie-contrefaçon dans les locaux d'EURO NEGOCE B&.I, le juge pouvait valablement se fonder sur le procès- verbal de saisie-contrefaçon des 18 et 30 septembre 2015. -aucune des demandes subséquentes à la demande de rétractation n'est fondée. L'affaire a été plaidée le 22 février 2017 et mise en délibéré au 10 mars 2017.


MOTIFS :

1-demande de sursis à statuer :

En application de l'article 378 du code de procédure civile, la décision de sursis à statuer suspend le cours de l'instance pour le temps ou jusqu'à la survenance de l'événement qu'elle détermine. Hors les cas expressément prévus par la loi, elle peut être prononcée dans l'intérêt d'une bonne administration de la justice si l'issue d'une autre procédure est susceptible d'avoir une incidence directe sur la solution du litige. Les articles 73 et 74 du code de procédure civile disposent respectivement que constitue une exception de procédure « tout moyen qui tend soit à faire déclarer la procédure irrégulière ou éteinte soit à en suspendre le cours » et que « les exceptions doivent à peine d'irrecevabilité être soulevées simultanément et avant toute défense au fond ou fin de non-recevoir ».

La demande de sursis à statuer formée à titre subsidiaire par la société SCHNEIDER ELECTRIC étant présentée pour la première fois dans ses conclusions n°2 notifiées le 20 février 2017, elle est de ce fait irrecevable.

2-demandes tendant à voir écarter certaines pièces des débats :

La première demande est sans objet en ce que la société SCHNEIDER ELECTRIC SE ne communique pas le procès-verbal de saisie-contrefaçon des 18 et 30 septembre 2016 (initialement numérotée 6), qui est rayée sur son dernier bordereau de communication de pièces avec la mention de l'interdiction résultant de l'ordonnance du 26 mai 2016.

S'agissant des pièces 9 à 20 de la société SCHNEIDER ELECTRIC SE, qui ont été régulièrement communiquées et ont fait l'objet d'un examen contradictoire, les motifs invoqués par la société EURO NEGOCE B&J -à savoir le fait que n'étant produites à l'appui de la requête elles ne sauraient permettre d'en examiner a posteriori le bien- fondé- tiennent plutôt à la pertinence de ces éléments au regard des arguments qu'ils sont supposer étayer, ce qui relève de l'appréciation du juge mais n'est pas un motif de rejet.

Ces pièces n'ont donc pas lieu d'être écartées des débats. 3- sur le défaut de loyauté reproche à la société SCHNEIDER ELECTRIC SE :

Il est ajuste titre admis par toutes les parties que dans le cadre d'une procédure faisant exception au principe de la contradiction, le juge des requêtes doit au regard des seuls éléments fournis par le requérant et de son exposé des faits, être mis en mesure d'apprécier si la mesure sollicitée -qui est d'une exceptionnelle gravité compte-tenu des informations auxquelles elle donne accès- est suffisamment justifiée, et de délimiter le périmètre de la mission de l'huissier.

En l'espèce, l'ordonnance rendue le 17 septembre 2015 a été rétractée au motif que dans sa requête du même jour, la société SCHNEIDER ELECTRIC SE ne faisait aucunement mention de ce que les produits avaient été analysés comme authentiques ni du fait que la mainlevée de la mesure de retenue douanière était intervenue 9 jours auparavant. Elle se bornait à faire valoir que « constitue un usage illicite de marque l'importation en France sans l'autorisation de son titulaire, de produits même authentiques en provenance d'États n'appartenant pas à l'Union européenne ». Par ailleurs ainsi que l'a relevé le juge de la rétractation, les mesures sollicitées laissaient pleinement supposer que les marchandises étaient toujours présentes dans les locaux des douanes.

Le caractère inhabituel de cette situation est d'ailleurs relevé par les inspecteurs observant qu'il s'agissait «d'un dossier de retenue de marchandises suspectées être contrefaisantes qui a déjà été clôturé par les services des douanes, que les marchandises litigieuses ont été libérées en l'absence d'infraction douanière au vu de leur caractère authentique reconnu par les représentants de la société SCHNEIDER ELECTRIC ».

Les opérations ont été clôturées le 30 septembre 2015.

Ces circonstances ne sont certes pas rapportées dans la requête du 12 octobre 2016. Néanmoins le procès-verbal de saisie-contrefaçon précité faisait partie des pièces produites au soutien de celle-ci, ce d'autant que n'ayant pas présenté de demande de levée du secret professionnel en application des articles 21 du règlement L.716-8 du code de la propriété intellectuelle, la société SCHNEIDER ELECTRIC SE ne pouvait autrement établir le lien entre les marchandises importées et la société EURO NEGOCE B&J. Le juge des requêtes était par ailleurs en mesure de vérifier les termes de la demande initiale et de constater le fait que le contexte précité était -de même que dans la requête qui lui était soumise-passé sous silence, même si il ne lui appartenait pas d'apprécier les circonstances dans lesquelles la première autorisation avait été accordée.

Dans ces conditions, la société SCHNEIDER ELECTRIC SE ne peut se voir reprocher un manque de loyauté dans le cadre de la présentation de la requête du 12 octobre 2015. 2-l'existence d'un commencement de preuve raisonnablement accessible :

Les conséquences graves qu'elle emporte pour la partie à l'encontre de laquelle elle est exécutée imposent que la mesure de saisie- contrefaçon soit autorisée en présence d'éléments de preuve raisonnablement accessibles de l'atteinte alléguée par le requérant, outre les titres de propriété intellectuelle sur lesquels la demande est fondée.

Ainsi qu'il vient d'être rappelé plus haut et souligné par la société EURO NEGOCE B&J qui n'est pas contredite sur ce point, le seul élément permettant à la société SCHNEIDER ELECTRIC SE de l'identifier comme destinataire des marchandises retenues étaient les documents remis par les services des douanes, lors des opérations de saisie-contrefaçon réalisées les 18 et 30 septembre 2015.

Lorsqu'il a autorisé la saisie-contrefaçon dans les locaux de la société EURO NEGOCE B&J, le juge des requêtes pouvait valablement se fonder sur le procès-verbal des 18 et 30 septembre 2015. De la même façon, les éléments ou pièces communiquées dans le cadre de la demande de rétractation ne peuvent justifier a posteriori cette autorisation puisqu'il s'agit d'apprécier si à cette date, les conditions pour l'obtenir étaient satisfaites.

Il ne peut néanmoins s'en déduire, comme le soutient la société SCHNEIDER ELECTRIC SE, que le juge de la rétractation ne devrait pas considérer les circonstances postérieures ayant une incidence sur le sort des pièces communiquées au soutien de la requête. Or en application de l'ordonnance du 26 mai 2016, qui est exécutoire de droit à titre provisoire nonobstant l'appel interjeté, l'autorisation du 17 septembre 2015 se trouve privée d'effet et est supposée n'être pas intervenue.

L'ordonnance du 12 octobre 2015, autorisant une saisie-contrefaçon dans les locaux de la société EURO NEGOCE B&J alors que cette société n'était en l'absence de tout autre commencement de preuve raisonnablement accessible, identifiée comme destinataire des produits marqués prétendument contrefaisants qu'au moyen des documents appréhendés dans le cadre de la mesure exécutée en application de l'ordonnance du 17 septembre 2015, doit en conséquence être rétractée.

Il y a donc lieu d'ordonner la restitution immédiate de l'ensemble des pièces saisies dans les locaux de la société EURO NEGOCE B&J, qu'elles soient en la possession de l'huissier instrumentaire ou de la société SCHNEIDER ELECTRIC SE, ainsi que la destruction immédiate des copies de ces pièces, et de faire interdiction à la société SCHNEIDER ELECTRIC SE d'en faire usage notamment, dans le cadre de la procédure engagée par assignation du 30 octobre 2015 devant le tribunal de grande instance de Paris.

Il n'est pas justifié en l'état de la nécessité d'assortir ces dispositions d'une astreinte pour en garantir l'exécution.

La société SCHNEIDER ELECTRIC SE, partie perdante, supportera la charge des dépens et sera condamnée à verser à la société EURO NEGOCE B&J, qui a dû exposer des frais irrépétibles pour faire valoir ses droits, une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile qu'il est équitable de fixer à la somme de 1.500 euros.

PAR CES MOTIFS



Le vice-président statuant publiquement et en référé, par ordonnance mis à disposition au greffe le jour du délibéré, rendue contradictoirement et en premier ressort,

DECLARE irrecevable la demande de sursis à statuer formée à titre subsidiaire par la société SCHNEIDER ELECTRIC SE ;

DIT n'y avoir lieu d'écarter des débats les pièces produites par la société SCHNEIDER ELECTRIC SE qui n'étaient pas annexées à la requête en saisie-contrefaçon, soit les pièces numérotées 9 à 20 de ses conclusions du 27 janvier 2017 ;

RETRACTE en toutes ses dispositions l'ordonnance rendue le 12 octobre 2015 à la requête de la société SCHNEIDER ELECTRIC SE, ayant autorisé une saisie contrefaçon dans les locaux de la société EURO NEGOCE B&J et/ou tout autre lieu en dépendant ;

ORDONNE la restitution immédiate de l'ensemble des pièces et documents saisis dans les locaux de la société EURO NEGOCE B & J, qu'elles soient en la possession de l'huissier instrumentaire ou de la société SCHNEIDER ELECTRIC SE, ainsi que la destruction immédiate des copies de ces pièces ;

FAIT INTERDICTION à la société SCHNEIDER ELECTRIC SE d'utiliser ou de rendre publics, notamment dans la procédure au fond engagée par assignation du 30 octobre 2015, le procès-verbal de la saisie-contrefaçon diligentée en application de cette ordonnance ainsi que les pièces et documents saisis ;

CONDAMNE la société SCHNEIDER ELECTRIC SE à verser à la société EURO NEGOCE B & J la somme de 1.500 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la société SCHNEIDER ELECTRIC SE aux dépens ; RAPPELLE que la présente ordonnance est assortie de plein droit de l'exécution provisoire.