Vu la procédure suivante
:
Par une requête enregistrée le 8 mars 2021, Mme B A, représentée par Me Pigeanne, demande au tribunal :
1°) d'annuler la décision du 16 février 2021 par laquelle le préfet de police a refusé de reconnaître l'imputabilité au service du syndrome anxio-dépressif dont elle souffre ;
2°) d'enjoindre au préfet de police, à titre principal, de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie et de reconstituer ses droits à plein traitement à compter du 4 août 2018 ou, à titre subsidiaire, de réexaminer sa demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros en application de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est entachée d'un vice du procédure dès lors que la commission de réforme ne comportait pas de spécialiste de l'affection considérée ;
- elle est entachée d'un défaut de motivation en fait dès lors qu'elle se borne à faire référence à l'avis de la commission de réforme qui n'y est pas joint ;
- elle est entachée d'erreur d'appréciation dès lors qu'elle ne reconnaît pas l'origine professionnelle de la maladie.
Par un mémoire enregistré le 24 août 2021, le préfet de police conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme A ne sont pas fondés.
Vu les pièces du dossier.
Vu :
- le code de la sécurité sociale ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Arnaud, conseillère,
- les conclusions de M. Degand, rapporteur public.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme A, fonctionnaire de police au grade de brigadier-chef, affectée au service de l'accueil et de l'investigation de proximité du commissariat central des 5ème et 6ème arrondissements de Paris, a été placée en arrêt de travail le 4 août 2018 en raison d'un syndrome anxio-dépressif. Elle a été maintenue en arrêt de travail jusqu'au 4 juin 2019, puis a bénéficié d'un temps partiel thérapeutique et a de nouveau été placée à plusieurs reprises en arrêt de travail jusqu'au 15 juillet 2020. Le 13 juin 2020, elle a adressé à la préfecture de police une demande de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, rejetée par une décision du préfet de police du 16 février 2021. Elle demande au tribunal d'annuler cette décision.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes du IV de l'article 21 bis de la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983, applicable à la date de la décision : " () Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles
L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. () ". Pour l'application de ces dispositions, une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct, mais non nécessairement exclusif, avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduise à détacher du service la survenance ou l'aggravation de la maladie.
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme A souffre d'un syndrome anxio-dépressif pour lequel elle a été suivie par le service médical de prévention de la préfecture de police, par un psychiatre et par un médecin généraliste. Il ressort du rapport qu'il a établi le 11 juin 2020 que le médecin de prévention, lequel, par sa mission même, acquiert une connaissance précise des conditions de travail d'un agent, a retenu la vraisemblance d'un lien entre l'activité professionnelle de Mme A et les symptômes qu'elle présente. Ces troubles et le contexte professionnel dans lequel ils s'inscrivent ont également été constatés par le médecin généraliste et le psychiatre de l'intéressée à compter de 2018. Il ressort en outre des pièces du dossier que la requérante ne présentait aucun état dépressif antérieur. La préfecture de police reconnaît dans son mémoire en défense que la requérante a travaillé dans des conditions difficiles pendant des années, ce qui a pu avoir une incidence sur son état de santé. Toutefois, si la préfecture de police attribue l'origine de la pathologie de l'intéressée à des problèmes d'ordre personnel, en se fondant sur un document peu circonstancié du 23 septembre 2020 établi par son supérieur hiérarchique, ce document n'est par lui-même pas suffisamment probant pour établir que l'affection de la requérante peut être attribuée à une cause extérieure au service, notamment à ses difficultés familiales, caractérisées par son divorce, le syndrome d'Asperger de sa fille aînée et le fait que sa seconde fille soit suivie en pédopsychiatrie. Enfin, la préfecture de police n'était pas tenue de suivre l'avis défavorable de la commission de réforme, dont il ressort des pièces du dossier qu'elle s'est principalement fondée sur ce même document. Les conditions de travail de Mme A doivent donc être considérées comme la cause de la pathologie anxio-dépressive dont elle est atteinte. Dès lors, la requérante est fondée à soutenir que le préfet de police a commis une erreur d'appréciation en refusant de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que Mme A est fondée à demander l'annulation de la décision du préfet de police du 16 février 2021.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Au regard du motif d'annulation retenu, l'exécution du présent jugement implique nécessairement que le préfet de police reconnaisse l'imputabilité au service de la maladie de Mme A et reconstitue sa situation administrative à compter du 4 août 2018. Il suit de là qu'il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Sur les frais liés au litige :
6. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de l'Etat le versement à Mme A de la somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
D E C I D E :
Article 1er : La décision du préfet de police du 16 février 2021 est annulée.
Article 2 : Il est enjoint au préfet de police de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie de Mme A et de reconstituer sa situation administrative à compter du 4 août 2018 dans un délai de deux mois à compter de la notification du présent jugement.
Article 3 : L'Etat versera à Mme A une somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Le présent jugement sera notifié à Mme B A et au ministre de l'intérieur et des outre-mer.
Copie en sera adressée, pour information, au préfet de police.
Délibéré après l'audience du 31 mars 2023, à laquelle siégeaient :
Mme Aubert, présidente,
M. Blusseau, conseiller,
Mme Arnaud, conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 14 avril 2023.
La rapporteure,
B. Arnaud
La présidente,
S. AubertLa greffière,
A. Louart
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
N° 2104656