Vu la procédure suivante
:
Par une requête, enregistrée 8 mars 2024, Mme B C, représentée par
Me Elsaesser, demande au juge des référés :
1°) de lui accorder le bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire ;
2°) de suspendre, sur le fondement des dispositions de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative, l'exécution de la décision du 18 septembre 2023 par laquelle le président du conseil régional de la région Grand Est ne lui a pas attribué une bourse régionale d'études, ensemble le rejet implicite du recours gracieux notifié le 20 novembre suivant ;
3°) d'enjoindre, à titre principal, au président du conseil régional de la région Grand Est de lui attribuer une bourse régionale d'études, avec effet à compter du 1er septembre 2023, dans le délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) d'enjoindre, à titre subsidiaire, au président du conseil régional de la région Grand Est de réexaminer sa situation dans un délai de huit jours à compter de la notification de la présente ordonnance, sous une astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de la région Grand Est une somme de 1 500 euros hors taxes au bénéfice de son conseil en application des dispositions des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la condition d'urgence est remplie ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'une erreur de droit, puisque la région Grand Est est compétente pour financer des études en soins infirmiers ;
- le président du conseil régional de Grand Est n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation personnelle ;
- les décisions litigieuses sont insuffisamment motivées ;
- elle remplit toutes les conditions, notamment celles ayant trait aux ressources, pour bénéficier de la bourse en cause ;
- les décisions litigieuses sont entachées d'erreurs de fait ;
- elles sont entachées d'une erreur manifeste dans l'appréciation de sa situation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 15 mars 2024, le président du conseil régional de la région Grand Est conclut au rejet de la requête.
Il soutient que la condition d'urgence n'est pas satisfaite et que Mme C ne fait état d'aucun moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux sur la légalité de ses décisions.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de l'éducation ;
- la délibération de la commission permanente du conseil régional Grand Est n° 22CP-2044 du 18 novembre 2022, approuvant le règlement d'attribution des bourses d'études dans le secteur sanitaire et social ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président du tribunal a désigné M. A pour statuer sur les demandes de référé.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique, tenue le 18 mars 2024, en présence de Mme Adjacent, greffière d'audience :
- le rapport de M. Stéphane Dhers,
- les observations de Mme Perlade, avocate stagiaire, et de Me Elsaesser, avocate de Mme C, qui a repris les moyens et les éléments exposés dans sa requête ;
- les observations de
Hinault, représentant la région Grand Est.
Le juge des référés a indiqué que l'instruction était close à l'issue de l'audience publique, conformément à l'article
R. 522-8 du code de justice administrative.
Considérant ce qui suit
:
1. Mme C, ressortissante bosniaque née le 7 mars 2004, est entrée en France en août 2017 et y réside sous couvert d'un titre de séjour valable du 27 mars 2023 au 26 mars 2024. Depuis la rentrée de 2022, elle est élève à l'institut de formation en soins infirmiers de Haguenau, qui relève du secteur public, et a été admise en deuxième année de ce cursus. Elle a demandé à la région Grand Est de lui octroyer une bourse pour financier ses études. Par une décision du 18 septembre 2023, le président du conseil régional a refusé de faire droit à sa demande au motif que la formation suivie n'était " pas financée par la Région ". Elle a formé un recours contre cette décision le 15 novembre 2023, notifié le 20 novembre suivant, qui a été implicitement rejeté. La requérante demande au juge des référés de suspendre l'exécution de ces décisions en application de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative.
Sur la demande d'admission provisoire à l'aide juridictionnelle :
2. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'admettre Mme C à titre provisoire au bénéfice de l'aide juridictionnelle.
Sur les conclusions à fin de suspension :
3. D'une part, aux termes de l'article
L. 4383-4 du code de la santé publique : " La région est compétente pour attribuer des aides aux élèves et étudiants inscrits dans les instituts et écoles de formation autorisés en application de l'article
L. 4383-3. La nature, le niveau et les conditions d'attribution de ces aides sont fixés par délibération du conseil régional () ". Aux termes de l'article
L. 4383-5 de ce code : " La région a la charge du fonctionnement et de l'équipement des écoles et instituts mentionnés à l'article
L. 4383-3 lorsqu'ils sont publics. Elle peut participer au financement du fonctionnement et de l'équipement de ces établissements lorsqu'ils sont privés () ". Aux termes de l'article
D. 4383-1 du même code : " Le barème des aides mentionnées à l'article
L. 4383-4 accordées sous forme de bourses d'études comporte, d'une part, des échelons auxquels correspondent des plafonds de ressources minimaux et, d'autre part, une liste de points de charges minimaux de l'élève ou de l'étudiant. A chaque échelon correspond un taux minimum exprimé en euros. Les taux minimaux des échelons, les plafonds de ressources minimaux, ainsi que la liste des points de charge minimaux de l'élève ou de l'étudiant sont déterminés par référence à ceux fixés par le ministre chargé de l'enseignement supérieur en application de l'article
D. 821-1 du code de l'éducation () ".
4. D'autre part, aux termes du 2 du règlement d'attribution des bourses d'études dans le secteur sanitaire et social, dans sa version approuvée par la délibération de la commission permanente du conseil régional Grand Est n° 22CP-2044 du 18 novembre 2022 : " La bourse constitue une aide financière apportée par la Région aux étudiants en travail social et étudiants inscrits dans les instituts et écoles de formations de certaines professions de santé, dont le niveau des ressources familiales ou personnelles est reconnu insuffisant au regard des charges occasionnées par la formation entreprise () La bourse est attribuée pour l'année scolaire en cours. La bourse est attribuée pour toute l'année scolaire ou universitaire de référence () Le renouvellement de la bourse d'études n'est pas un droit. Le cas échéant, l'attribution d'une bourse d'étude doit faire l'objet d'une nouvelle demande chaque année scolaire ou universitaire () ". Aux termes du point 2.2. de ce règlement : " Les formations ouvrant droit à une bourse d'études régionale sont dispensées () par un institut de formation autorisé et financé () par la Région Grand Est dans le cadre des quotas ou capacités d'accueil fixées par la Région pour le secteur sanitaire. En d'autres termes, ne sont pas éligibles au droit à une bourse d'études de la Région, les formations partielles ou par voie de passerelles () et les formations s'ajoutant aux quotas () Les formations ouvrant droit à bourse dans le secteur social sont les diplômes d'État suivants : () Et dans le secteur sanitaire, les diplômes d'État suivants : () Infirmier () ". Aux termes du point 3.2. de ce règlement : " Tout étudiant de nationalité française ou ressortissant de l'Union européenne peut prétendre à déposer un dossier de demande de bourse. Peut également déposer une demande de bourse tout étudiant de nationalité étrangère non ressortissant de l'Union européenne étant en situation régulière en France à la date de la rentrée. ". Aux termes du point 4.1. du même règlement : " Les conditions de ressources sont déterminées a minima par référence à celles fixées par le ministre de l'intérieur et des outre-mer en charge de l'enseignement supérieur en application de l'article
D. 821-1 du code de l'éducation. Les revenus retenus pour le calcul du droit à bourse sont ceux perçus durant l'année n - 2 par rapport à l'année de dépôt de la demande de bourse et, plus précisément, ceux figurant à la ligne "revenu brut global" ou "déficit brut global" ou taux effectif mondial des avis fiscaux d'imposition, de non-imposition ou de non mise en recouvrement, de restitution ou de dégrèvement. Sont également pris en compte les revenus perçus à l'étranger () ".
5. Enfin, aux termes de l'article
L. 521-1 du code de justice administrative : " Quand une décision administrative, même de rejet, fait l'objet d'une requête en annulation ou en réformation, le juge des référés, saisi d'une demande en ce sens, peut ordonner la suspension de l'exécution de cette décision, ou de certains de ses effets, lorsque l'urgence le justifie et qu'il est fait état d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision () ". Aux termes de l'article
R. 522-1 du même code : " La requête visant au prononcé de mesures d'urgence doit () justifier de l'urgence de l'affaire. ".
En ce qui concerne la condition d'urgence :
6. Il est constant que Mme C, dont les parents sont en situation irrégulière en France, est dépourvue de ressources propres et vit en faisant appel à l'aide caritative. La circonstance que la présente instance a été introduite plus de cinq mois après la première décision contestée ne lui fait pas perdre en l'espèce son caractère d'urgence, la requérante ayant formé un recours gracieux notifié le 20 novembre 2023 qui a été implicitement rejeté. Dans ces circonstances, la requérante justifie de l'urgence de l'affaire.
En ce qui concerne la condition tenant à l'existence d'un moyen propre à créer, en l'état de l'instruction, un doute sérieux quant à la légalité de la décision dont la suspension est demandée :
7. En l'état de l'instruction, le moyen tiré de ce que Mme C remplissait toutes les conditions, notamment celles ayant trait aux ressources, pour bénéficier de la bourse sollicitée est propre à créer un doute sérieux quant à la légalité des décisions contestées. Par suite, il y a lieu d'ordonner la suspension de leur exécution.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
8. Aux termes de l'article
L. 511-1 du code de justice administrative : " Le juge des référés statue par des mesures qui présentent un caractère provisoire () ".
9. Eu égard à l'office du juge des référés défini par les dispositions précitées, il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, d'enjoindre au président du conseil régional de Grand Est de procéder au réexamen de la situation de Mme C dans un délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance. Il n'y a pas lieu d'assortir cette injonction d'une astreinte.
Sur l'application des dispositions de l'article
L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article
37 de la loi du 10 juillet 1991 :
10. Mme C est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire par la présente ordonnance. Par suite, son avocate peut se prévaloir des dispositions des articles
L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Elsaesser, avocate de Mme C, renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat, de mettre à la charge de la région Grand Est le versement à Me Elsaesser de la somme de 1 500 euros hors taxes. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à Mme C par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme précitée sera versée à la requérante.
ORDONNE :
Article 1 : Mme C est admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle provisoire.
Article 2 : L'exécution de la décision du 18 septembre 2023, par laquelle le président du conseil régional de la région Grand Est n'a pas attribué une bourse régionale d'études à Mme C et celle de la décision par laquelle il a rejeté le recours gracieux notifié le 20 novembre suivant sont suspendues.
Article 3 : Il est enjoint au président du conseil régional de la région Grand Est de réexaminer la situation de Mme C dans le délai de quinze jours à compter de la notification de la présente ordonnance.
Article 4 : La région Grand Est versera à Me Elsaesser, avocate de Mme C, une somme de 1 500 (mille cinq cents) euros hors taxes au titre des dispositions du deuxième alinéa de l'article
37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve qu'elle renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat. Dans le cas où l'aide juridictionnelle ne serait pas accordée à Mme C par le bureau d'aide juridictionnelle, la somme précitée sera versée à la requérante.
Article 5 : La présente ordonnance sera notifiée à Mme B C, à Me Elsaesser et au président du conseil régional de la région Grand Est.
Fait à Strasbourg le 22 mars 2024.
Le juge des référés,
S. A
La République mande et ordonne à la préfète du Bas-Rhin en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,