Vu l'ordonnance en date du 16 août 2004, enregistrée au greffe de la Cour administrative d'appel de Versailles le 1er septembre 2004, par laquelle le président de la Cour administrative d'appel de Paris a, en application du décret n°2004-585 du 22 juin 2004 portant création d'une Cour administrative d'appel à Versailles, et modifiant les articles
R.221-3,
R.221-4,
R.221-7 et
R.221-8 du code de justice administrative, transmis à la Cour administrative d'appel de Versailles la requête présentée pour la société PREFACES, représentée par son liquidateur M. Y... X, demeurant ..., par Me X... ;
Vu la requête, enregistrée le 20 juillet 2004 au greffe de la Cour administrative d'appel de Paris, par laquelle la société PREFACES demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 0001551 et n° 0001558 en date du 3 mai 2004 par lequel le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande tendant à la décharge de la cotisation supplémentaire d'impôt sur les sociétés à laquelle elle a été assujettie au titre de l'année 1995 et des rappels de taxe sur la valeur ajoutée qui lui ont été réclamés au titre des années 1995 et 1996 ainsi que des intérêts de retard y afférents ;
2°) de prononcer la décharge demandée ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme au moins égale à 3 000 sur le fondement de l'article
L.761-1 du code de justice administrative ;
Elle soutient que c'est à tort que l'administration a refusé de lui accorder la garantie de la saisine de la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires alors que se posait une question de fait concernant la location de son aéronef ; que celui-ci étant loué, la taxe sur la valeur ajoutée facturée à l'occasion de l'achat de l'appareil est déductible en application de l'article 242 de l'annexe II au code général des impôts qui déroge à l'article 237 de la même annexe ; que ce dernier article méconnaît les dispositions de la directive n°77/388 du 7 mai 1977 ; que la société, qui a récupéré la taxe grevant l'acquisition d'un aéronef dès lors qu'il était destiné à être loué, devait immobiliser le coût d'acquisition hors taxe de cet avion ; que l'inscription au bilan de cet actif datant de 1994, la prescription en ce qui concerne l'impôt sur les sociétés est acquise ;
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Vu les autres pièces du dossier ;
Vu la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Vu la sixième directive n° 77/388/CEE du Conseil des communautés européennes du 17 mai 1977 ;
Vu le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
Vu le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique du 17 janvier 2006 :
- le rapport de M. Bonhomme, premier conseiller ;
- les observations de Me X... , pour la société PREFACES ;
- et les conclusions de M. Bresse, commissaire du gouvernement ;
Sur la régularité de la procédure d'imposition :
Considérant qu'
il résulte de l'instruction que le 16 juin 1998, l'administration a notifié à la société PREFACES, qui l'a refusé, un redressement en matière d'impôt sur les sociétés au titre de l'année 1995, fondé sur la variation d'actif résultant de la minoration de la valeur d'un aéronef que la société avait inscrit en immobilisation, au 31 décembre 1994, pour sa valeur hors taxes, alors que le vérificateur estimait qu'il n'était pas destiné à être donné en location ; que l'administration a également refusé à la société la déduction de la taxe sur la valeur ajoutée grevant les frais liés à l'utilisation de cet avion au titre de la période allant du 1er janvier1995 au 31 décembre 1996 et a procédé de ce fait à un rappel de taxe ;
Considérant, d'une part, qu'il résulte des dispositions de l'article
L. 59 A du livre des procédures fiscales que la commission départementale des impôts directs et des taxes sur le chiffre d'affaires n'est pas compétente en ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée déductible ; que d'autre part, il ressort des observations écrites en réponse à la notification de redressement que la contribuable n'a pas présenté d'observations spécifiques sur le redressement en matière d'impôt sur les sociétés, sa seule argumentation portant sur la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée, question pour laquelle, ainsi qu'il vient d'être dit, la commission est incompétente, sans que soient soulevés d'éléments de fait sur la location de l'aéronef ; que, par suite, c'est à bon droit que l'administration a rayé la mention relative à la saisine de la commission sur sa réponse aux observations écrites de la contribuable et a refusé de saisir cette commission, malgré la demande de la société ;
Sur le bien fondé des impositions :
En ce qui concerne la taxe sur la valeur ajoutée :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article
271 du code général des impôts : « 1. La taxe sur la valeur ajoutée qui a grevé les éléments du prix d'une opération imposable est déductible de la taxe sur la valeur ajoutée applicable à cette opération » ; qu'aux termes de l'article
273 du même code : « 1. Des décrets en Conseil d'Etat déterminent les conditions d'application de l'article 271.
2. Ces décrets peuvent édicter des exclusions ou des restrictions et définir des règles particulières, soit pour certains biens ou certains services, soit pour certaines catégories d'entreprises » ; qu'aux termes de l'article 237 de l'annexe II au code, issu de l'article 8 du décret du 27 juillet 1967 pris sur le fondement de l'article
273 du code : « Les véhicules ou engins, quelle que soit leur nature, conçus pour transporter des personnes ou à usage mixte, qui constituent une immobilisation ou, dans le cas contraire, lorsqu'ils ne sont pas destinés à être revendus à l'état neuf, n'ouvrent pas droit à déduction.. Il en est de même des éléments constitutifs, des pièces détachées et accessoires de ces véhicules et engins. Toutefois, cette exclusion ne concerne pas : - Les véhicules routiers utilisés pour amener le personnel sur les lieux de travail -les véhicules ou engins acquis par les entreprises de transports et affectés de façon exclusive à la réalisation des dits transports » ; que selon l'article 242 de la même annexe : « Les exclusions prévues aux articles 236 et 237 ne sont pas applicables aux biens donnés en location, sous réserve que la location soit soumise à la taxe sur la valeur ajoutée. La location d'un bien n'ouvre droit à déduction pour le preneur que dans la mesure où le bien loué ne serait pas frappé d'exclusion en raison de sa nature ou de sa destination s'il était acquis par lui ou en pleine propriété » ; qu'aux termes de l'article 241 de la même annexe : «Les services de toute nature afférents à des biens, produits ou marchandises exclus du droit à déduction n'ouvrent pas droit à déduction » ;
Considérant, d'une part, que les dispositions précitées de l'article 237 ont pu prévoir, sous réserve des exceptions limitativement énumérées, une exclusion au droit à déduction de la taxe sur la valeur ajoutée afférente tant aux prestations de transport qu'à l'utilisation des véhicules et engins conçus pour transporter des personnes qui constituent l'outil même de l'activité de l'assujetti, sans méconnaître les dispositions de l'article 17 § 2 de la 6ème directive du 17 mai 1977 en vertu desquelles dans la mesure où les biens et les services sont utilisés pour le besoin de ses opérations taxées, l'assujetti est autorisé à déduire de la taxe dont il est redevable, dès lors que le § 6 du même article 17 autorisait les Etats membres à maintenir toutes les exclusions prévues par les législations nationales après l'entrée en vigueur de la 6ème directive ; que les dispositions de l'article 237 de l'annexe II au code général des impôts sont au nombre des dispositions que la République française a pu maintenir en application conformément aux dispositions du paragraphe 6 de l'article 17 de la 6ème directive, après l'entrée en vigueur de cette dernière ; que, par suite, alors même que la requérante exerce une activité soumise à la taxe sur la valeur ajoutée pour les besoins de laquelle elle engage des frais de transport aériens, c'est par une exacte application du droit existant, sous réserve de l'application des dispositions de l'article 242 de la même annexe, que la taxe ayant grevé ces frais est exclue du droit à déduction ;
Considérant, d'autre part, qu'il ne résulte pas de l'instruction que la SARL PREFACES, qui s'est engagée à réaliser à titre onéreux au profit des sociétés du groupe auquel elle appartenait un certain nombre de prestations d'assistance, était tenue de leur donner en location l'aéronef lui appartenant ; qu'au demeurant, alors que l'article 7 du protocole produit devant la Cour précise que pour les prestations exceptionnelles de mise à disposition de moyens de transports aériens, celles-ci feraient l'objet d'une facturation distincte, il n'est pas contesté que la société n'a établi aucune facturation à ce titre ; que, dans ces conditions et sans qu'il soit besoin de surseoir à statuer afin de permettre à la société de soumettre à l'autorité judiciaire une question portant sur l'interprétation à donner à la convention d'assistance, la requérante ne justifie pas qu'elle donnait en location son avion ; que, par suite, ses opérations n'entrent pas dans le champ d'application de la dérogation prévue par l'alinéa premier de l'article 242 de l'annexe II précité ;
En ce qui concerne l'impôt sur les sociétés :
Considérant que le vérificateur a constaté au cours de la vérification de comptabilité portant sur les années 1995 et 1996 qu'en 1994, dernière année prescrite, la société avait inscrit en immobilisation un aéronef destiné au transport de personnes pour son coût d'acquisition hors taxes et avait récupéré la taxe sur la valeur ajoutée ayant grevé son acquisition ; qu'il résulte de ce qui vient d'être dit ci-dessus que la taxe sur la valeur ajoutée n'était pas déductible et que cet actif aurait dû être porté au bilan pour sa valeur toutes taxes comprises ; que, dans ces conditions, le vérificateur était tenu de rectifier l'erreur entachant le bilan de clôture du premier exercice non prescrit dès lors qu'il ne pouvait modifier le bilan d'ouverture correspondant au bilan de clôture du dernier exercice prescrit ; qu'il en est résulté au titre de l'année 1995 une variation d'actif imposable conformément aux dispositions du 2 de l'article
38 du code général des impôts ; que, par suite, les impositions correspondant au redressement opéré de ce chef de redressement, au titre de l'année 1995 premier exercice vérifié, sur le fondement des dispositions du 2 de l'article
38 du code général des impôts, ne sont pas prescrites ;
Sur les intérêts de retard :
Considérant, en premier lieu, qu'aux termes de l'article
1727 du code général des impôts : « Le défaut ou l'insuffisance dans le paiement ou le versement tardif de l'un des impôts, droits, taxes, redevances ou sommes établis ou recouvrés par la direction générale des impôts donnent lieu au versement d'un intérêt de retard qui est dû indépendamment de toutes sanctions. Cet intérêt n'est pas dû lorsque sont applicables les dispositions de l'article 1732 ou les sanctions prévues aux articles 1791 à 1825 F. Le taux de l'intérêt de retard est fixé à 0,75 % par mois. Il s'applique sur le montant des sommes mises à la charge du contribuable ou dont le versement a été différé. » ;
Considérant que l'intérêt de retard institué par ces dispositions vise essentiellement à réparer les préjudices de toutes natures subis par l'Etat à raison du non-respect par les contribuables de leurs obligations de déclarer et payer l'impôt aux dates légales ; que si l'évolution des taux du marché a conduit à une hausse relative de cet intérêt depuis son institution, cette circonstance ne lui confère pas pour autant la nature d'une sanction, y compris au regard de l'article 6 § 1 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, dès lors que son niveau n'est pas devenu manifestement excessif au regard du taux moyen pratiqué par les prêteurs privés pour un découvert non négocié ; que, par suite, contrairement à ce que soutient le contribuable, l'intérêt de retard ne constitue pas une sanction qui devrait être motivée et n'a pas à être modulé ;
Considérant qu'il résulte de ce qui précède que la SARL PREFACES n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le Tribunal administratif de Cergy-Pontoise a rejeté sa demande ; que, par voie de conséquence, ses conclusions tendant au bénéfice des dispositions de l'article
L.761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées ;
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société PREFACES est rejetée.
04VE025812