Cour d'appel de Lyon, 29 novembre 2006, 05/01700

Synthèse

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Texte intégral

AFFAIRE PRUD'HOMALE : COLLEGIALER.G : 05/01700COINTETC/SARL EROWA DISTRIBUTION FRANCEAPPEL D'UNE DECISION DU :Conseil de Prud'hommes de BOURG EN BRESSEdu 07 Février 2005RG : F 03/00722COUR D'APPEL DE LYONCHAMBRE SOCIALEARRÊT DU 29 NOVEMBRE 2006APPELANT :Monsieur Franck COINTETLes Lyonnières01370 SAINT ETIENNE DU X... par Me Paul TURCHET, avocat au barreau de BOURG EN BRESSEINTIMEE :SARL EROWA DISTRIBUTION FRANCEP.A.E. Les Glaisins12 rue du Bulloz74940 ANNECY LE VIEUXreprésentée par Me Stéphanie VIRET, avocat au barreau d'ANNECY DEBATS EN AUDIENCE PUBLIQUE DU : 04 Octobre 2006COMPOSITION DE LA COUR LORS DES DEBATS ET DU DELIBERE :M. Didier JOLY, PrésidentM. Dominique DEFRASNE, ConseillerMme Marie-Pierre GUIGUE, Conseiller Assistés pendant les débats de Monsieur Julien Y..., Greffier.

ARRET

: CONTRADICTOIREPrononcé publiquement, le 29 Novembre 2006, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues à l'article 450 alinéa 2 du Nouveau Code de Procédure Civile ; Signé par M. Didier JOLY, Président, et par Monsieur Julien Y..., Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. *************Statuant sur l'appel formé par Monsieur Franck Z... d'un jugement du Conseil de prud'hommes de Bourg en Bresse, en date du 7 février 2005, qui a :- dit que le licenciement de Monsieur Z... reposait sur une faute grave- condamné la société EROWA à payer à Monsieur Z... :* au titre de rappel de congés payés : 7029,16 ç bruts* au titre de la contrepartie financière de la clause de non concurrence : 5198 ç* en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile : 300 ç- débouté Monsieur Z... de tous ses autres chefs de demande- condamné la société EROWA aux dépens Vu les écritures et les observations orales à la barre, le 4 octobre 2006, de Monsieur Franck Z..., appelant, qui demande à la Cour : - de confirmer le jugement du Conseil de prud'hommes en ce qui concerne la contrepartie financière de la clause de non concurrence et l'article 700 du Nouveau code de procédure civile - de le réformer pour le surplus : - de dire que la société EROWA a méconnu le principe de la prohibition de la double sanction- de dire, au surplus, que son licenciement ne repose sur aucune cause réelle et sérieuse- de condamner la société EROWA à lui payer les sommes suivantes :* 7815 ç à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 871 ç à titre de congés payés afférents* 4793,25 ç à titre d'indemnité de licenciement* 40000 ç à titre de dommages- intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse* 13056 ç à titre de rappel de congés payés et, subsidiairement, la somme allouée par le jugement* 7049 ç en paiement de la commission sur le client DASSAULT, outre 705 ç pour congés payés afférents*1500 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile, outre les dépens Vu les écritures et les observations orales à la barre, le 4 octobre 2006, de la société EROWA SARL, intimée, qui demande de son côté à la Cour :- de confirmer le jugement entrepris concernant la faute grave ayant justifié le licenciement de Monsieur Z...- d'infirmer ledit jugement concernant le rappel de congés payés et la clause de non concurrence - de condamner Monsieur Z... au paiement de la somme de 2000 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ainsi qu'aux dépensMOTIFS DE LA COUR Attendu que Monsieur Franck Z... a été embauché par la société EROWA, suivant contrat à durée indéterminée à compter du 17 novembre 1997, en qualité d'ingénieur des ventes, statut cadre, niveau 8 échelon 1 de la Convention collective du Commerce de gros ;que ce contrat de travail décrivait les attributions et les obligations de Monsieur Z..., notamment une obligation de non concurrence d'une durée d'un an, en contrepartie de laquelle la société EROWA s'engageait à verser au salarié une indemnité forfaitaire égale à 100 % du dernier mois de présence dans l'entreprise ;qu'il était stipulé une rémunération composée d'une partie fixe mensuelle brute de 1524,49 ç, fixée en dernier lieu à 1768,40 ç et d'une partie variable calculée sur la marge globale dégagée par son secteur à concurrence d'un taux de commission de 2 % ( ultérieurement 5 % ) de la marge brute globale;que la détermination de la rémunération variable était fixée chaque année par des documents intitulés "lettre de mission" qui précisaient au salarié les objectifs à réaliser ainsi que le secteur géographique qui lui était confié ;que par courrier recommandé du 15 avril 2003, qui faisait suite à un précédent courrier du 28 mars 2003, la société EROWA a notifié à Monsieur Z... un avertissement motivé par son refus de réaliser le travail qui lui était demandé conformément à son contrat de travail et à ses missions définies chaque année, à savoir :- prospection de la clientèle (formation, démonstration, classement des matériels et marchandises )- comptes rendus selon modèle F 02, F 03- réalisation du chiffre d'affaire moyen mensuel de 400 000 F soit 60975 ç- refus de respecter la lettre de mission 2003qu'il était également fait grief au salarié de n'avoir réalisé aucun travail de prospection de clientèle ;que par un nouveau courrier du 23 avril 2003, la société EROWA a convoqué Monsieur Z... à un entretien préalable en vue d'un licenciement éventuel, puis que par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 mai 2003, elle lui a notifié son licenciement pour faute grave ; que les motifs du licenciement exposés dans cette lettre étaient les suivants :que par courrier en réponse du 17 juin 2003, Monsieur Z... a réfuté ces griefs en faisant valoir l'impossibilité pour lui de réaliser des objectifs de chiffre d'affaire dans un secteur sinistré et en sollicitant la mise en oeuvre d'une procédure de licenciement pour motif économique ;Attendu que Monsieur Z... conteste la légitimité de son licenciement, d'abord en vertu du principe de la prohibition de la double sanction disciplinaire ;qu'il fait valoir, à cet égard, que le refus d'accomplir son travail, lequel lui est reproché dans la lettre de licenciement, avait déjà été sanctionné par l'avertissement du 15 avril 2003, seulement 8 jour plus tôt et que la société EROWA avait épuisé son pouvoir disciplinaire ;qu'en second lieu, il affirme qu'il n'a jamais refusé de faire son travail mais qu'il a subi une situation qui ne lui est pas imputable, à savoir :une modification radicale et unilatérale de ses attributions en ce qui concerne la clientèle, une modification considérable de son secteur géographique pour des départements sans potentiel, l'effondrement économique et le caractère sinistré de son domaine d'activité;qu'il soutient par ailleurs qu'il n'a pas été entièrement rempli de ses droits en matière de congés payés et concernant une commission sur le client DASSAULT AVIATION ;qu'il réclame également le paiement de la contrepartie financière de la clause de non concurrence prévue à son contrat de travail, en précisant que l'employeur n'a pas renoncé à l'application de la ladite clause;que la société EROWA prétend justifier le licenciement de Monsieur Z... par son refus d'exécuter les fonctions qui étaient les siennes au sein de l'entreprise ;qu'elle s'oppose au moyen tiré de la double sanction en indiquant que le salarié, malgré l'envoi d'un premier courrier d'avertissement, a continué à ne pas effectuer son travail ;qu'elle conteste également tous ses arguments sur ses conditions de travail et la situation catastrophique de l'activité, en faisant valoir notamment que les autres commerciaux de l'entreprise ont pu réaliser le chiffre d'affaire qui leur était fixé ;qu'elle fait valoir, par ailleurs, que Monsieur Z... n'est jamais intervenu dans le dossier DASSAULT et qu'elle n'a pas inclu les commissions dans l'indemnité de congés payés en raison du fait que le salarié comme les autres commerciaux perçoit des commissions quand bien même une autre personne de la société serait intervenue pour la conclusion d'une affaire et quand bien même il est en congé ;1) Sur la demande en paiement du commissionnement sur le client DASSAULT AVIATION

Attendu que

Monsieur Z... se prévaut d'une affaire importante conclue au cours de l'année 2002 avec la société DASSAULT AVIATION, département 74, client TPM ;qu'il ressort, cependant, des lettres de mission et des explications non contestées de la société EROWA que ce n'est qu'en 2003 que le salarié a été affecté au secteur TPM pour la Haute-Savoie ;que si plusieurs des pièces produites par Monsieur Z... font mention d'un code "09" lui correspondant, il s'agit en réalité d'une erreur dans la mesure où la société EROWA fournit elle-même d'autres documents pouvant attester l'intervention d'une autre personne, en l'occurrence M. A... ;que ce chef de demande sera donc rejeté et la décision des premiers juges confirmée à cet égard ;2) Sur le licenciement Attendu qu'en application des articles L 122-40 et L 122-41 du Code du travail, l'employeur qui a notifié un avertissement écrit au salarié a épuisé ainsi son pouvoir disciplinaire ;qu'il ne peut prononcer ensuite un licenciement disciplinaire fondé sur les faits déjà sanctionnés sans qu'il existe un fait nouveau postérieur à la première sanction ou, le cas échéant, des faits antérieurs à celle-ci dont il n'avait pas connaissance à la date de la première sanction ;qu'en l'espèce, la lecture des courriers recommandés de la société EROWA, en date des 15 avril 2003 et 26 mai 2003, révèle que cette société a sanctionné par un avertissement puis par le licenciement des faits identiques, qualifiés de refus de travail à savoir :- absence de prospection de la clientèle (formation, démonstration, placement des matériels et marchandises)- absence de comte-rendu selon modèle F 02, F 03 ;que la lettre de licenciement du 26 mai 2003 ne fait pas mention de faits nouveaux postérieurs à l'avertissement du 15 avril 2003, et que si elle évoque l'absence de nouveaux projets ou d'actions commerciales et un faible montant de frais professionnels, il en ressort que ces éléments étaient connus de l'employeur bien avant la date de l'avertissement ;que la société EROWA affirme devant la Cour que le comportement de Monsieur Z... a perduré après la première sanction ;que cette affirmation n'est étayée par aucune pièce et qu'elle est en réalité invérifiable compte tenu du très court délai qui s'est écoulé entre l'avertissement et la mise en oeuvre de la procédure de licenciement ;qu'en conséquence, l'employeur avait bien épuisé son pouvoir disciplinaire à la date du licenciement de Monsieur Z... et que ce licenciement doit être jugé sans cause réelle et sérieuse sans qu'il soit besoin d'examiner le bien fondé des griefs ;que la décision du Conseil de prud'hommes doit être réformée de ce chef ;Attendu que le salarié qui avait plus de deux ans d'ancienneté dans une entreprise occupant plus de dix salarié au moment de son licenciement est en droit de prétendre à l'indemnité prévue par l'article L 122-14-4 du code du travail ;qu'il justifie de périodes de chômage en 2005 et 2006 ;que compte tenu des éléments de la cause il convient de lui allouer une indemnité supérieure au minimum légal évaluée à la somme de 29000 ç ; Que le salarié a droit également à l'indemnité compensatrice de préavis sur la base de trois mois de salaire et à l'indemnité de licenciement sur la base de 3 dixièmes de mois de salaire par année de présence dans l'entreprise, prévues par la Convention collective applicable ;qu'il convient de lui allouer conformément à sa demande, respectivement, la somme de 8715 ç outre l'indemnité compensatrice de congés payés et celle de 4793,25 ç ;qu'il convient, en application de l'article L 122-14-4 (alinéa 2) du Code du Travail, d'ordonner le remboursement par l'employeur aux organismes concernés des indemnités de chômage versées au salarié du jour du licenciement au jour du présent arrêt, dans la limite de 6 mois d'indemnités de chômage 3) Sur la demande de rappel d'indemnité de congés payés Attendu que les parties sont en désaccord sur le calcul de l'indemnité de congés payés, la société EROWA ayant appliqué la règle selon laquelle les commissions qui représentent un intéressement général sur les affaires de l'entreprise sans rapport immédiat avec le travail personnel du salarié ne peuvent être englobées dans l'assiette des congés payés, tandis que le salarié soutient que les commissions versés qui sont le fruit de son travail personnel doivent être prises en compte ;qu'il y a lieu de constater que ni le contrat de travail de Monsieur Z... ni les lettres de mission qui ont été adressées ne font référence à l'intervention de plusieurs commerciaux sur ses différents secteurs d'activité ;qu'aucune autre pièce ne permet daffirmer que les commissions versées au salarié n'étaient pas en rapport direct avec son activité personnelle ;que le seul fait que le salarié ait perçu des commissions pendant les mois où il prenait ses congés payés ne suffit pas à démontrer qu'il était rémunéré pour une activité sans rapport direct avec son travail personnel ;que l'argumentation de la société EROWA ne peut donc être retenue ;que Monsieur Z... a établi un décompte de ses indemnités de congés payés pour la période de 1998 à 2003 en prenant en compte les commissions versées, sur la base de la règle du dixième prévue par l'article L 123-11 du Code du travail ;qu'il ressort de ce décompte un solde créditeur en sa faveur de 13056 ç ;qu'il convient de faire droit à la demande en paiement de cette somme ;4) Sur la contrepartie financière de la clause de non concurrenceAttendu qu'en l'absence de renonciation par la société EROWA de la clause de non concurrence dans les conditions prévues au contrat de travail, Monsieur Z... est en droit de prétendre à l'indemnité forfaitaire en contrepartie de l'obligation de non concurrence, fixée par ce même contrat à 100 % du dernier mois de salaire ;qu'il convient donc de lui allouer, comme les premiers juges, au vu de son dernier bulletin de salaire, la somme de 5198 ç de ce chef ;Attendu que la société EROWA qui succombe supportera les dépens ;Qu'il convient d'allouer en cause d'appel à Monsieur Z... la somme de 1500 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civile ;

PAR CES MOTIFS

Dit l'appel recevable Confirme le jugement entrepris sauf sur le licenciement et sur le montant du rappel indemnité de congés payés Statuant à nouveau sur ces deux chefs de demande Dit que le licenciement de Monsieur Franck Z... par la société EROWA SARL est dépourvu de cause réelle et sérieuse, Condamne la société EROWA SARL à payer à Monsieur Franck Z... :- la somme de 29000 ç pour licenciement sans cause réelle et sérieuse- la somme de 8715 ç à titre d'indemnité compensatrice de préavis- la somme de 871 ç à titre d'indemnité compensatrice de congés payés afférents - la somme de 4793,25 ç à titre d'indemnité de licenciement- la somme de 13056 ç à titre de rappel d'indemnité de congés payés Ordonne le remboursement par la société EROWA SARL aux organismes concernés des indemnités de chômage servies à Monsieur Franck Z... du jour de son licenciement au jour du présent arrêt dans la limite de six mois d'indemnités de chômage Condamne également la société EROWA SARL à payer à Monsieur Franck Z... la somme de 1500 ç en application de l'article 700 du Nouveau code de procédure civileCondamne la société EROWA SARL aux dépens d'appel. Le Greffier Le Président