CJUE, 3ème Chambre, 27 juin 1989, 200/87

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Texte intégral

Avis juridique important | 61987J0200 Arrêt de la Cour (troisième chambre) du 27 juin 1989. - Bruno Giordani contre Commission des Communautés européennes. - Fonctionnaires - Réintégration à la suite d'un congé de convenance personnelle. - Affaire 200/87. Recueil de jurisprudence 1989 page 01877 Sommaire Parties Motifs de l'arrêt Décisions sur les dépenses Dispositif Mots clés ++++ 1 . Fonctionnaires - Recours - Acte faisant grief - Notion - Fiche de traitement révélant une décision de classement en échelon ( Statut des fonctionnaires, art . 90 et 91 ) 2 . Fonctionnaires - Congé de convenance personnelle - Réintégration - Classement en échelon ( Statut des fonctionnaires, art . 40, § 3 et 4, d )) Sommaire 1 . La communication de la fiche mensuelle de traitement a pour effet de faire courir les délais de recours contre une décision administrative lorsque cette fiche fait apparaître clairement l' existence de cette décision . Tel est le cas de la fiche mensuelle de traitement révélant au fonctionnaire réintégré à l' expiration d' un congé de convenance personnelle la décision de l' administration quant à son classement en échelon, lorsque la décision de réintégration qui lui a été notifiée ne contenait aucune précision à cet effet . 2 . Il résulte des paragraphes 3 et 4, lettre d ), dernière phrase, de l' article 40 du statut que le classement d' un fonctionnaire réintégré à l' expiration d' un congé de convenance personnelle correspond, en principe, à celui qui était le sien lors de son départ en congé, sans que l' administration soit tenue de prendre en compte, pour déterminer le classement en échelon de l' intéressé, ni la durée du congé ni la période comprise entre l' expiration dudit congé et la réintégration effective . Parties Dans l' affaire 200/87, M . Bruno Giordani, fonctionnaire de la Commission des Communautés européennes auprès du Centre commun de recherches à Ispra, représenté par Me Giuseppe Marchesini, avocat à la Cour de cassation de la République italienne, demeurant à Milan, ayant élu domicile à Luxembourg en l' étude de Me Victor Biel, 18a, rue des Glacis, partie requérante, contre Commission des Communautés européennes, représentée par Mme Marie Wolfcarius, membre de son service juridique, en qualité d' agent, assistée par Me Aloyse May, avocat au barreau de Luxembourg, 31, Grand Rue, ayant élu domicile à Luxembourg chez M . Georgios Kremlis, membre du service juridique de la Commission, Centre Wagner, partie défenderesse, ayant pour objet l' annulation de la décision de réintégration du requérant dans la mesure où elle lui attribue le cinquième échelon du grade A5 et des demandes de dommages-intérêts, LA COUR ( troisième chambre ), composée de MM . F . Grévisse, président de chambre, J.C . Moitinho de Almeida et M . Zuleeg, juges, avocat général : M . W . Van Gerven greffier : Mme D . Louterman, administrateur principal vu le rapport d' audience et à la suite de la procédure orale du 1er décembre 1988, ayant entendu les conclusions de l' avocat général présentées à l' audience du 1er mars 1989, rend le présent Arrêt

Motifs de l'arrêt

1 Par requête déposée au greffe de la Cour le 30 juin 1987, M . Giordani, fonctionnaire du cadre scientifique et technique au Centre commun de recherches ( CCR ) d' Ispra, a introduit un recours tendant à 1 . l' annulation de la décision de réintégration du requérant telle que complétée par le bulletin de traitement du 14 octobre 1986, dans la mesure où elle lui attribue le cinquième échelon du grade A 5; 2 . la réintégration du requérant tant en ce qui concerne l' ancienneté dans le grade et dans l' échelon qu' en ce qui concerne la couverture en matière de sécurité sociale à compter du premier emploi qui pouvait lui être attribué en vertu de l' article 40, paragraphe 4, lettre d ), du statut; 3 . la condamnation de la Commission à lui verser une indemnité égale à la différence entre la rémunération communautaire nette qui aurait dû lui être versée pendant toute la période correspondant au retard pris pour sa réintégration et les revenus professionnels nets qu' il a perçus pendant la même période, ainsi que la somme correspondant à la différence entre les traitements versés depuis le 1er septembre 1986 et ceux correspondant à un classement au huitième échelon du grade A 5; 4 . ce que l' indemnité demandée soit assortie des intérêts au taux de 8 % à partir des différentes échéances ainsi que du remboursement des frais exposés en l' espèce; 5 . ce que la Cour ordonne à la Commission - à titre de mesure d' instruction - de communiquer la liste des emplois vacants dans les cadres administratifs et scientifiques qui auraient été susceptibles d' être pris en considération pour la réintégration du requérant et qui ont été attribués à d' autres candidats pendant la période 1974-1986 . 2 Il résulte du dossier qu' en 1971 M . Giordani, alors classé au grade A 5, quatrième échelon, a pris un congé de convenance personnelle et que celui-ci a été prorogé jusqu' en 1974 . Avant l' expiration définitive de ce congé, M . Giordani a informé la Commission qu' il souhaitait reprendre ses fonctions . La Commission lui a alors répondu qu' il ne pouvait pas être satisfait à sa demande, au motif qu' aucun emploi de sa catégorie ou de son cadre, correspondant à son grade, n' était vacant . 3 M . Giordani a ensuite formulé plusieurs demandes de réintégration qui sont restées sans réponse ou ont été suivies d' une réponse négative, compte tenu de l' absence de postes disponibles . Le 9 avril 1986, M . Giordani a adressé à la Commission une nouvelle demande de réintégration, sur la base de l' article 90, paragraphe 1, du statut . 4 Par décision du 26 mai 1986, M . Giordani a été réintégré comme fonctionnaire du cadre scientifique et technique de grade A 5, au CCR d' Ispra, avec effet au 1er septembre 1986 . Cette décision ne contenait aucune précision relative aux autres modalités de la réintégration telles que l' échelon et l' ancienneté dans le grade et dans l' échelon . 5 Après communication du bulletin de salaire du 14 octobre 1986, M . Giordani a constaté que le traitement qui lui avait été versé correspondait à celui d' un fonctionnaire de grade A 5, cinquième échelon . 6 Le 26 novembre 1986, M . Giordani a introduit, en vertu de l' article 90, paragraphe 2, du statut, une réclamation à laquelle l' Autorité investie du pouvoir de nomination ( ci-après l' AIPN ) n' a donné aucune suite . 7 Pour un plus ample exposé des faits du litige, du déroulement de la procédure et des moyens et arguments des parties, il est renvoyé au rapport d' audience . Ces éléments du dossier ne sont repris ci-dessous que dans la mesure nécessaire au raisonnement de la Cour . Sur les conclusions aux fins d' annulation Sur la recevabilité 8 Dans son mémoire en défense, la Commission a d' abord contesté la recevabilité du recours en raison de son caractère tardif . Dans son mémoire en duplique, elle a déclaré renoncer à invoquer l' irrecevabilité du recours, tout en affirmant que celui-ci avait été enregistré après l' expiration du délai prévu par le statut . Au cours de l' audience, le représentant de la Commission a fait valoir que, s' agissant de la première conclusion du recours tendant à l' annulation de la décision d' attribuer le cinquième échelon du grade A 5, le premier bulletin de salaire du 14 octobre 1986 ne constituait pas la décision faisant grief, celle-ci étant contenue dans la décision de réintégration du 26 mai 1986 . Il a ajouté que si la décision de réintégration n' indiquait pas expressément l' échelon du grade auquel M . Giordani serait réintégré, ce dernier aurait dû demander des précisions en temps utile . En tout état de cause, le délai écoulé entre le 26 mai 1986 et la première réaction de l' intéressé, soit sa réclamation du 26 novembre 1986, serait exagérément long . 9 Le requérant fait valoir qu' il a eu connaissance des conditions exactes de sa réintégration lorsqu' il a reçu son bulletin de salaire du 14 octobre 1986 . Sa réclamation du 26 novembre 1986 aurait donc été dirigée contre le premier acte faisant apparaître que l' administration avait omis ou refusé de prendre en compte la période au cours de laquelle il avait été involontairement absent . Il se réfère, à cet égard, à la jurisprudence de la Cour intervenue en matière de réintégration tardive après un congé de convenance personnelle ( arrêt de la Cour du 1er juillet 1976, Sergy, 58/75, Rec . p . 1139 et arrêt du 5 mai 1983, Pizziolo, 785/79, Rec . p . 1343 ). 10 Il y a lieu de constater, à titre liminaire, que l' attitude de la Commission est ambiguë dans la mesure où elle n' indique pas clairement si elle invoque ou non l' irrecevabilité du présent recours . Dans ces conditions, il convient de faire application de l' article 92, paragraphe 2, du règlement de procédure, selon lequel la Cour peut, à tout moment, examiner d' office les fins de non-recevoir d' ordre public . 11 En vertu de l' article 91, paragraphe 2, du statut, le recours d' un fonctionnaire n' est recevable que si l' AIPN a été préalablement saisie d' une réclamation au titre de l' article 90, paragraphe 2, du statut . Celle-ci doit elle-même avoir été introduite contre l' acte faisant grief au requérant, dans un délai de trois mois . 12 A cet égard, il convient d' abord de rejeter la thèse de la Commission selon laquelle le requérant aurait dû prendre l' initiative de s' informer des modalités de sa réintégration et que, ne l' ayant pas fait en temps utile, sa réclamation serait tardive . Il incombait, en effet, à la Commission de préciser les modalités essentielles de la réintégration du requérant telles que l' échelon et l' ancienneté, dans sa décision du 26 mai 1986 . En tout état de cause, le fait que cette décision ait été arrêtée d' une façon incomplète ne saurait porter préjudice au requérant . 13 S' agissant ensuite du point de savoir si le bulletin de salaire du 14 octobre 1986 peut être regardé comme un acte faisant grief qui devait être attaqué dans le délai de l' article 90, paragraphe 2, du statut, il convient de rappeler que, selon la jurisprudence constante ( voir en dernier lieu l' arrêt du 22 septembre 1988, Canters c . Commission, 159/86, non encore publié ), la communication de la fiche mensuelle de traitement a pour effet de faire courir les délais de recours contre une décision administrative lorsque cette fiche fait apparaître clairement l' existence de cette décision . 14 Même s' il est regrettable que la Commission ait informé le requérant d' un élément essentiel de sa réintégration par la voie d' un simple bulletin de salaire et non par la notification de la décision qui a nécessairement été prise, il convient néanmoins de reconnaître que ce bulletin fait clairement état de l' existence d' une décision de la Commission quant à l' échelon attribué . Or, les délais de réclamation contre cette décision ont commencé à courir au moment où le requérant a pu prendre connaissance de son bulletin de salaire du 14 octobre 1986 . La réclamation introduite le 26 novembre 1986 n' est, dès lors, pas tardive . Il y a donc lieu de déclarer recevables les conclusions aux fins de l' annulation de la décision litigieuse . Sur le fond 15 Le requérant fait valoir que dans la mesure où la Commission lui a attribué le cinquième échelon du grade A 5, elle a omis ou refusé de prendre en compte la période d' absence involontaire du service . Il considère sa réintégration, retardée de douze ans par rapport à la fin du congé de convenance personnelle, comme une violation manifeste de l' article 40, paragraphe 4, lettre d ), du statut . 16 La Commission fait valoir que depuis le jour de la première demande de réintégration du requérant, l' administration aurait systématiquement pris en considération toutes les vacances d' emploi du cadre scientifique . Pour aucun de ces emplois, le requérant n' aurait eu les qualifications requises et n' a, de ce fait, pu être réintégré . 17 Il convient de souligner qu' en vertu de l' article 40, paragraphe 3, du statut le fonctionnaire cesse de participer à l' avancement d' échelon et à la promotion de grade pendant la durée de son congé; son affiliation au régime de la sécurité sociale prévu aux articles 72 et 73 ainsi que la couverture des risques correspondants sont suspendus . L' article 40, paragraphe 4, lettre d ), dernière phrase, du statut dispose en outre que, jusqu' à la date de sa réintégration effective, le fonctionnaire demeure en congé de convenance personnelle sans rémunération . 18 Il résulte de ces dispositions que le classement d' un fonctionnaire réintégré correspond en principe à celui qui était le sien lors de son départ en congé de convenance personnelle . En l' espèce, il est constant que le classement du requérant résultant de son bulletin de salaire est conforme à ces dispositions, sans préjudice de ses droits de demander à être classé dans un échelon différent, sur la base d' autres dispositions du statut . 19 Les conclusions du recours tendant à l' annulation de la décision de réintégration doivent, par conséquent, être rejetées comme non fondées . Sur les conclusions aux fins de reconstitution de carrière et d' indemnité 20 La Commission excipe de l' irrecevabilité de ces conclusions du recours au motif que celles-ci n' ont pas été précédées d' une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut . 21 Le requérant fait valoir que les demandes aux fins de réintégration et d' indemnité dans les conditions ci-dessus énoncées ont été implicitement rejetées par la décision de la Commission qui résulte du bulletin de salaire du 14 octobre 1986 et pouvaient ainsi faire l' objet de la réclamation du 26 novembre 1986 . 22 Il convient de rappeler que les articles 90 et 91 du statut subordonnent la recevabilité d' un recours au déroulement régulier de la procédure administrative préalable prévue par ces dispositions . Dans le cas où, comme en l' espèce, le fonctionnaire cherche à obtenir une décision par laquelle l' administration reconnaisse avoir violé l' article 40, paragraphe 4, lettre d ), du statut et, partant, répare le préjudice qui en serait résulté pour lui, la procédure administrative doit être introduite par une demande de l' intéressé invitant ladite administration à prendre la décision sollicitée, conformément à l' article 90, paragraphe 1, du statut . C' est seulement contre la décision de rejet de cette demande que l' intéressé peut saisir l' administration d' une réclamation, conformément au deuxième paragraphe de cet article . 23 En l' espèce, ce cours de la procédure administrative, impérativement prescrit par les dispositions du statut, n' a pas été suivi . 24 En effet, la réclamation du requérant du 26 novembre 1986 n' a pas été précédée, en ce qui concerne les deuxième, troisième et quatrième conclusions du recours, d' une demande au sens de l' article 90, paragraphe 1, du statut . Il résulte au contraire du dossier que la Commission n' a appris que le requérant soutenait avoir été réintégré tardivement que lorsqu' il a introduit sa réclamation . 25 Il convient enfin de constater que le bulletin de salaire du 14 octobre 1986 a été établi sur le fondement de l' article 40, paragraphe 3, et non pas sur celui de l' article 40, paragraphe 4, lettre d ), première phrase, du statut sur la base duquel le requérant entend obtenir réparation du préjudice prétendument subi . 26 Compte tenu de ce qui précède, la décision litigieuse résultant du bulletin de salaire du 14 octobre 1986 ne saurait être regardée comme le rejet implicite de la demande du requérant . 27 Dans ces conditions, les conclusions aux fins de reconstitution de carrière et d' indemnité doivent être rejetées comme irrecevables sans qu' il soit nécessaire de statuer sur la demande de mesures d' instruction . Décisions sur les dépenses Sur les dépens 28 Aux termes de l' article 69, paragraphe 2, du règlement de procédure, toute partie qui succombe est condamnée aux dépens; selon l' article 70 du même règlement, les frais exposés par les institutions dans les recours des agents des Communautés restent à la charge de celles-ci, sans préjudice des dispositions de l' article 69, paragraphe 3, deuxième alinéa . Aux termes de cette dernière disposition, la Cour peut condamner une partie, même gagnante, à rembourser à l' autre partie les frais qu' elle lui a fait exposer et que la Cour reconnaît comme frustratoires ou vexatoires . 29 En l' espèce, il convient de tenir compte du fait que la Commission, en s' abstenant d' indiquer les modalités essentielles de la réintégration du requérant telles que l' échelon et l' ancienneté, dans sa décision du 26 mai 1986, a induit le requérant en erreur, en l' amenant à former son recours dans les termes précisés ci-dessus . Dans ces conditions, il y a lieu de mettre à la charge de la Commission la moitié des dépens exposés par le requérant . Dispositif

Par ces motifs

, LA COUR ( troisième chambre ) déclare et arrête : 1 . Le recours est rejeté . 2 . La Commission supportera ses propres dépens et la moitié des dépens du requérant .