Cour de cassation, Troisième chambre civile, 14 septembre 2017, 16-23.481

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Chronologie de l'affaire

Cour de cassation
2017-09-14
Cour d'appel de Douai
2016-04-28

Texte intégral

CIV.3 JT COUR DE CASSATION ______________________ Audience publique du 14 septembre 2017 Rejet M. CHAUVIN, président Arrêt n° 964 F-D Pourvoi n° D 16-23.481 R É P U B L I Q U E F R A N Ç A I S E _________________________ AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS _________________________

Statuant sur le pourvoi formé par

la société Ademilu, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...], contre l'arrêt rendu le 28 avril 2016 par la cour d'appel de Douai (chambre 1, section 1), dans le litige l'opposant à la société Immo conseils investissements, société à responsabilité limitée, dont le siège est [...], défenderesse à la cassation ; La demanderesse invoque, à l'appui de son pourvoi, le moyen unique de cassation annexé au présent arrêt ; Vu la communication faite au procureur général ; LA COUR, en l'audience publique du 11 juillet 2017, où étaient présents : M. Chauvin, président, M. X..., conseiller rapporteur, M. Jardel, conseiller doyen, Mme Besse, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. X..., conseiller, les observations de la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat de la société Ademilu, de la SCP Boré, Salve de Bruneton et Mégret, avocat de la société Immo conseils investissements, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;

Sur le moyen

unique, ci-après annexé : Attendu, selon l'arrêt attaqué (Douai, 28 avril 2016), que, par acte du 5 juin 2009, la société Immo conseils investissements a vendu un immeuble de rapport à la société Ademilu ; que, se prévalant de l'impropriété à la location de quatre appartements qui ne respecteraient pas les conditions d'un logement décent et de désordres affectant l'installation électrique, la société Ademilu a assigné son vendeur en réduction du prix de vente sur le fondement de la garantie des vices cachés ;

Attendu que la société Ademilu fait grief à

l'arrêt de rejeter ses demandes ;

Mais attendu

qu'ayant retenu, par une appréciation souveraine des éléments de preuve qui lui étaient soumis et sans dénaturation, que l'acquéreur ne démontrait pas l'existence de vices cachés au jour de la vente affectant l'habitabilité des logements et l'installation électrique, la cour d'appel, qui a procédé à la recherche prétendument omise et qui n'avait pas à répondre aux moyens tirés de la motivation du jugement entrepris, la société Ademilu ayant présenté des moyens nouveaux en cause d'appel, la cour d'appel a pu en déduire que les demandes de l'acquéreur devaient être rejetées ; D'où il suit que le moyen n'est pas fondé ;

PAR CES MOTIFS

: REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Ademilu aux dépens ; Vu l'article 700 du code de procédure civile, rejette les demandes ; Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, troisième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quatorze septembre deux mille dix-sept.

MOYEN ANNEXE

au présent arrêt Moyen produit par la SCP Célice, Soltner, Texidor et Périer, avocat aux Conseils, pour la société Ademilu Il est reproché à l'arrêt attaqué d'AVOIR débouté la SARL ADEMILU de ses demandes et de l'AVOIR condamnée à payer à la SARL IMMO CONSEILS INVESTISSEMENTS 3.000 € au titre de l'article 700 du Code de procédure civile ; AUX MOTIFS QU'« en matière d'immeuble et particulièrement d'immeuble de rapport, il est concevable de considérer une telle impropriété, si elle résulte de circonstances non susceptibles d'être connues ou décelées par l'acheteur, comme un vice caché au sens de l'article 1641 précité ; que la Sarl ADEMILU verse aux débats : - une lettre de la caisse d'allocations familiales du 28 janvier 2010 l'informant de ce qu'il avait été constaté lors d'une visite du 25 janvier 2010 que le logement loué à M. Y... était indécent au regard du décret susvisé, faute de fenêtre avec ouvrant vertical donnant sur l'extérieur et à l'air libre, l'invitant à y remédier dans un délai de six mois et lui précisant que ce logement ne pouvait ouvrir droit à l'allocation "logement", - un courrier similaire du 23 juin 2011 relatif au logement loué à Mme Z... (d 17), - un courrier de l'association Ariane, gérant de tutelle de M. Y... (le locataire précité), indiquant que la caisse d'allocations familiales avait déjà adopté cette position au mois d'octobre 2008, - une lettre du maire de Tourcoing datée du 23 mars 2010 l'informant de ce qu'il avait demandé au préfet du Nord de prendre un arrêté déclarant les logements 14, 15 et 16 impropres à l'habitation, compte tenu de ce que ces logements ne disposaient, comme ouvrant vers l'extérieur, que d'un dôme situé au plafond dont il résultait "une absence de vue horizontale et de lien avec l'extérieur, faits reconnus néfastes pour l'équilibre psychologique d'un être humain", - un courrier du préfet du Nord daté du 24 juin 2010 l'informant de ce qu'il s'apprêtait à lui délivrer une mise en demeure (prévue par l'article L 1331-22 du code de la santé publique) de mettre fin à la situation susceptible de justifier une interdiction d'occupation des caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux par nature impropres à l'habitation, et tenant à ce que ces logements ne disposent pour tout ouvrant d'un dôme, ce qui "génère par défaut d'aération, de vue horizontale, d'éclairement et de lien avec l'extérieur un risque pour la santé des occupants tant au niveau physique que psychique", - un courrier du service communal d'hygiène et de sécurité de Tourcoing du 5 novembre 2010 lui confirmant que les trois logements étaient en l'état considérés comme insalubres et devaient être libérés de toute occupation le plus rapidement possible mais que les aménagements proposés par son architecte permettraient de "palier à" (sic) cette situation ; que pour autant, l'appelante conteste la réalité d'une non-conformité des logements susvisés aux normes relatives à l'habitabilité ; que sur ce point, la configuration des ouvertures des logements considérés n'est pas discutée de sorte que le rapport de l'expert, lequel avait pour mission d'examiner les "désordres" de l'immeuble allégués par l'acquéreur mais n'a pas à dire le droit, n'apporte rien au débat ; qu'il s'avère que la société Ademilu a fait exécuter des travaux permettant de remédier à l'insuffisance d'ouverture sur l'extérieur et d'aération des logements qui lui était dénoncée, sans estimer devoir contester les courriers susvisés émanant de la caisse d'allocations familiales, de la mairie et de la préfecture, étant observé qu'il n'est pas aisé de comprendre, à leur lecture, quelle autorité a pris quelle décision et si telle ou telle décision est exécutoire, susceptible ou non d'un recours et selon quelles modalités ; qu'il ressort en tout cas du courrier du préfet du Nord du 24 juin 2010 qu'il s'apprêtait seulement à lui délivrer la mise en demeure prévue par l'article L 1331-22 du code de la santé publique ; que ledit article dispose que "les caves, sous-sols, combles, pièces dépourvues d'ouverture sur l'extérieur et autres locaux ne peuvent être mis à disposition aux fins d'habitation, à titre gratuit ou onéreux ; [que] le représentant de l'Etat dans le département met en demeure la personne qui a mis de tels locaux à disposition de faire cesser cette situation dans un délai qu'il fixe" ; que la qualification de "pièce dépourvue d'ouverture sur l'extérieur" est souvent l'objet de débats ; est constant néanmoins qu'il est nécessaire que les ouvrants assurent un éclairement naturel suffisant (souvent décrit comme permettant par temps clair l'exercice d'activités normales de l'habitation sans le secours de la lumière artificielle), donnent à l'air libre, assurent un renouvellement de l'air satisfaisant, donnent sur l'extérieur, ce qui relève de l'appréciation souveraine des juges saisis de recours contre des décisions administratives relatives à ce sujet ; qu'au cas présent, la société Immo Conseils investissements verse aux débats deux courriers du maire de Tourcoing adressés à son gérant qui méritent attention ; qu'en effet, le premier, du 16 décembre 2008, soit six mois avant la vente, mentionne qu'il fait suite au constat de ce que les logements 14, 15 et 16 ne disposent comme ouverture sur l'extérieur que d'un dôme ouvrant situé au plafond de la pièce principale et précise ceci : "Un contact téléphonique pris avec les services de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a permis de savoir que cette situation est conforme avec les dispositions du règlement sanitaire départemental. Par conséquent, les locaux en question répondent à la définition de pièces habitables et donc aux critères d'attribution de l'allocation logement allouée par la caisse d'allocations familiales" ; que le second, du 9 octobre 2015, rappelle et confirme le premier mais ajoute "L'immeuble a ensuite été vendu et le service cité plus haut a été amené à contrôler de nouveau ces trois logements en 2009 dans le cadre de la demande d'allocation logement de la part des locataires. Or, entre temps, les services de l'Etat (Agence Régionale de Santé dorénavant) avaient appliqué une interprétation plus stricte de la législation en vigueur et notamment de l'article R 111-10 du code de la construction et de l'habitation, lequel prévoit que les pièces principales doivent être pourvues d'un ouvrant et d'une surface transparente donnant sur l'extérieur. Les services préfectoraux ont donc mis en demeure le nouveau propriétaire de les mettre en conformité avec la législation" ; que dans ces conditions, le caractère indécent et inhabitable de quatre des logements au moment de la vente ne peut être retenu ni ce caractère considéré comme un vice caché, a fortiori un vice caché mais connu ou présumé connu du vendeur ; sur les désordres affectant l'installation électrique attendu que l'acquéreur d'un immeuble ancien ne peut considérer comme un vice le fait que l'installation électrique de celui-ci ne réponde pas aux normes qui s'imposent aux constructions nouvelles en l'absence d'obligation de "mise aux normes" ; qu'en l'espèce, l'acte de vente contient une clause ainsi rédigée : "Les locaux disposant d'une installation intérieure électrique de plus de quinze ans, le propriétaire a fait établir un état de celle-ci par lmm Control, répondant aux critères de l'article L 271-6 du code de la construction et de l'habitation, le 21 janvier 2009 et qui est demeuré ci-joint et annexé après mention. Il en est extrait ce qui suit, littéralement rapporté : concernant les appartements 1, 2, 3, 4, 5, 15, 16 : L'installation intérieure d'électricité comporte une ou des anomalies qui devront faire l'objet d'un traitement. Les anomalies concernent l'appareil général de commande et de protection et son accessibilité concernant les appartements 6, 12, 13 et 14: L'installation intérieure d'électricité comporte une ou des anomalies qui devront faire l'objet d'un traitement. Les anomalies concernent : - l'appareil général de commande et de protection et son accessibilité, - la protection différentielle à l'origine de l'installation électrique et sa sensibilité appropriée aux conditions de mise à la terre concernant les appartements 11 et 18 L'installation intérieure d'électricité comporte une ou des anomalies qui devront faire l'objet d'un traitement. Les anomalies concernent : - l'appareil général de commande et de protection et son accessibilité, - la protection différentielle à l'origine de l'installation électrique et sa sensibilité appropriée aux conditions de mise à la terre, - l'adéquation de la liaison équipotentielle et de l'installation électrique aux conditions particulières des locaux contenant une baignoire ou une douche. Son co-contractant reconnaît en avoir pris connaissance et déclare faire son affaire personnelle de son contenu," ; que la sarl Ademilu, dont les doléances ne se fondent que sur un constat non contradictoire réalisé par un huissier qui n'est pas un technicien en matière d'électricité, ne démontre pas l'existence de désordres affectant l'installation électrique distincts de ceux qui ont été relevés par l'état de celle-ci annexé à l'acte de vente et répondant à la définition des vices cachés résultant de l'article 1641 précité » ; 1. ALORS QUE le courrier du 5 (daté en réalité du 15) novembre 2010 visé par la Cour d'appel, confirmant que trois logements dépendant de l'immeuble vendu sont insalubres en l'absence d'ouvrant vertical donnant directement à l'air libre et doivent être libérés de toute occupation n'émane pas du service communal d'hygiène et de sécurité de Tourcoing mais est signé de l'adjoint au maire chargé notamment de l'hygiène et constitue, dès lors, une décision de police administrative s'imposant au juge judicaire ; qu'en considérant que ce courrier émanait d'un service municipal, la Cour d'appel l'a dénaturé, en violation de l'article 1134 du Code civil dans sa rédaction applicable en la cause ; 2. ALORS QUE il n'est pas de la fonction d'un maire de déclarer un immeuble habitable ou d'attribuer une allocation logement ; qu'il incombe au juge judiciaire, saisi d'une action en garantie de vices cachés tenant à la non conformité des appartements dépendant de l'immeuble vendu aux normes d'habitabilité exigées pour en permettre la location de se prononcer sur l'existence du vice allégué ; que la Cour d'appel qui, pour écarter le vice caché, s'est fondée exclusivement sur un courrier du maire de Tourcoing adressé le 16 décembre 2008 au vendeur au sujet du système d'ouverture sur l'extérieur des appartements litigieux constitué par un dôme ouvrant au plafond de la pièce principale précisant qu'« un contact téléphonique pris avec les services de la direction départementale des affaires sanitaires et sociales a permis de savoir que cette situation est conforme avec les dispositions du règlement sanitaire départemental. Par conséquent les locaux en question répondent à la définition de pièces habitables et donc au critère d'attribution de l'allocation logement allouée par la caisse d'allocations familiales », a donné à la lettre du maire qui constituait un simple avis et non une décision administrative prise par le maire dans l'exercice de ses fonctions, une portée qu'elle ne pouvait comporter, en violation de l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790 et du décret du 16 fructidor de l'an III ; 3. ALORS QUE il incombe au juge judiciaire, saisi d'une action en garantie de vices cachés tenant à la non conformité des appartements dépendant de l'immeuble vendu aux normes d'habitabilité exigées pour en permettre la location de se prononcer sur l'existence du vice allégué ; que la Cour d'appel qui, pour écarter le vice caché, s'est fondée exclusivement sur un courrier du maire de Tourcoing adressé au vendeur sans rechercher par elle-même, malgré les conclusions qui l'y invitaient (conclusions signifiées le 22 janvier 2016, p. 10) si les appartements litigieux constituaient, à la date de la vente, des locaux pourvus d'ouvertures sur l'extérieur conformes aux exigences des articles L. 1331-22 du Code de la santé publique et R. 111-10 du Code de la construction et de l'habitation, a privé de base légale sa décision au regard des textes précités et de l'article 1641 du Code civil ; 4. ALORS QUE tout jugement doit être motivé ; que la Cour d'appel qui n'a pas réfuté les motifs du jugement (p. 6) à la confirmation duquel concluait la société ADEMILU, considérant que, selon l'expert, les travaux de remise en état des logements indécents avaient fait apparaître des désordres de l'installation électrique distincts des déficiences énoncées par le diagnostic de performance repris à l'acte de vente, désordres non décelables par un acquéreur normalement diligent et rendant l'immeuble impropre à sa destination en raison de la dangerosité de l'installation électrique, a violé l'article 455 du Code de procédure civile.