Cour d'appel de Besançon, 23 janvier 2008, 05/01158

Synthèse

Voir plus

Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Besançon
2008-01-23
Tribunal de grande instance de Lure
2005-05-19

Résumé

Selon l'article 43 de la loi nº 91-650 du 9 juillet 1991, l'acte de saisie emporte attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers, la survenance ultérieure d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires ne remettant pas en cause cette attribution. Lorsque l'ouverture de la liquidation judiciaire intervient alors que le délai imparti pour contester la saisie n'est pas expiré, la saisie doit être dénoncée au liquidateur, à l'égard duquel un nouveau délai de contestation court à compter de la dénonciation de la saisie. Aucun texte légal ou réglementaire ne fixe de délai pour cette dénonciation faite au liquidateur, les dispositions de l'article 58 du décret nº 92-755 du 31 juillet 1992 étant inapplicables. Ainsi, la saisie non dénoncée au liquidateur judiciaire dans les huit jours, n'encourt pas la caducité prévue par les dispositions précitées, dès lors que les saisies litigieuses lui ont été valablement dénoncées.

Texte intégral

ARRÊT

No BP / AR COUR D'APPEL DE BESANÇON -172 501 116 00013- ARRÊT DU 23 JANVIER 2008 PREMIÈRE CHAMBRE CIVILE SECTION A Contradictoire Audience publique du 12 décembre 2007 No de rôle : 05 / 01158 S / appel d'une décision du tribunal de grande instance de Lure en date du 19 mai 2005 RG No 04 / 492 Code affaire : 78 F Demande en nullité et / ou en mainlevée, en suspension ou en exécution d'une saisie mobilière SCP GUYON-DAVAL C / SARL ELIOCELL FRANCE, ATRADIUS CREDIT INSURANCE NV, Patrice X... PARTIES EN CAUSE : SCP GUYON-DAVAL ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA CAGES ayant siège 6, avenue Gambetta-BP 266-25205 MONTBELIARD CEDEX APPELANTE Ayant la SCP LEROUX pour Avoué et la SCP DUFFET-JEANROY-HUGUET pour Avocat ET : SARL ELIOCELL FRANCE ayant siège 22, rue Rosa Bonheur-59100 ROUBAIX INTIMÉE Ayant la SCP DUMONT-PAUTHIER pour Avoué et Me Stefan SQUILLACI pour Avocat ATRADIUS CREDIT INSURANCE NV venant aux droits de SA GERLING NAMUR ayant siège 44, avenue Georges Pompidou-92596 LEVALLOIS-PERRET CEDEX INTIMÉ Ayant Me Bruno GRACIANO pour Avoué et Me Michel HELVAS pour Avocat Maître Patrice X... demeurant ... INTIMÉ Ayant Me Benjamin LEVY pour Avoué et la SCP L. V. L. pour Avocat COMPOSITION DE LA COUR : lors des débats : PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre. ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers. GREFFIER : Madame M. DEVILLARD, Greffier. lors du délibéré : PRÉSIDENT : Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de chambre. ASSESSEURS : Madame M. LEVY et Monsieur B. POLLET, Conseillers. ************** FAITS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES Suivant acte reçu par Maître Patrice X..., notaire, en date du 24 janvier 2003, la SA CAGES a vendu un immeuble moyennant un prix de 148 000 €. Le 30 janvier 2003, la société ELIOCELL FRANCE, créancière de la SA CAGES, a fait pratiquer entre les mains du notaire une saisie-attribution pour un montant de 5 373,78 €. La société GERLING NAMUR a fait de même, par acte d'huissier du 31 janvier 2003, pour un montant de 24 315,61 €. Ces deux saisies ont été dénoncées à la SA CAGES par actes d'huissier en date du 31 janvier 2003. Par jugement du 4 février 2003, la SA CAGES a été déclarée en liquidation judiciaire. La saisie-attribution pratiquée par la société ELIOCELL FRANCE a été dénoncée le 1er septembre 2004 à la SCP GUYON-DAVAL, désignée en qualité de liquidateur judiciaire de la SA CAGES. Celle pratiquée par la société GERLING NAMUR a été dénoncée au liquidateur judiciaire par actes des 30 août et 2 septembre 2004. Le liquidateur ayant contesté les deux saisies-attributions, le juge de l'exécution du tribunal de grande instance de LURE, par jugement en date du 19 mai 2005, a, notamment : -dit que les saisies-attributions pratiquées les 30 et 31 janvier 2003 à l'encontre de la SA CAGES ne sont pas frappées de caducité, -déclaré opposables au liquidateur judiciaire de la SA CAGES les saisies-attributions pratiquées les 30 et 31 janvier 2003 à l'initiative des sociétés ELIOCELL FRANCE et GERLING NAMUR, et inopposables d'autres saisies-attributions, -condamné Maître Patrice X... à verser, dans la mesure des fonds disponibles : * premièrement, la somme de 5 373,78 € à la société ELIOCELL FRANCE, * deuxièmement, sur le reliquat, la somme de 24 315,61 € à la société GERLING NAMUR. * Ayant régulièrement interjeté appel de ce jugement, la SCP GUYON-DAVAL, agissant en qualité de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA CAGES, demande : -que soit prononcée la caducité des saisies-attributions pratiquées par les sociétés ELIOCELL FRANCE et GERLING NAMUR, -subsidiairement, que lesdites saisies lui soient déclarées inopposables, -en toute hypothèse, que soit ordonné le versement entre ses mains, par le notaire, du solde du prix de vente de l'immeuble, avec intérêts au taux légal à compter de l'acte de vente du 24 janvier 2003. L'appelante sollicite en outre la condamnation de la société ELIOCELL FRANCE et de la société ATRADIUS CREDIT INSURANCE NV, cette dernière venant aux droits et obligations de la société GERLING NAMUR, à lui payer chacune une somme de 1 500 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. Au soutien de son recours, le liquidateur fait valoir, pour l'essentiel, que, si les saisies litigieuses ont bien été dénoncées à la SA CAGES avant le prononcé de la liquidation judiciaire de celle-ci, le délai d'un mois imparti à la société débitrice pour contester éventuellement les saisies n'était pas expiré au jour de l'ouverture de la procédure collective, en sorte que les créanciers saisissants devaient dénoncer les saisies au liquidateur. L'appelante ajoute que ces dénonciations sont intervenues en l'espèce hors délai, et elle en déduit que les saisies sont caduques, par application de l'article 58 du décret du 31 juillet 1992, ou, à tout le moins, qu'elles sont inopposables au liquidateur. S'agissant du moyen invoqué par le notaire, tiers saisi, et tiré de l'existence de saisies-attributions antérieures, la SCP GUYON-DAVAL soutient que la mise en cause des créanciers concernés est irrecevable en cause d'appel et qu'il appartient au notaire de déterminer lui-même les saisies qui ont produit effet ou, le cas échéant, d'engager une procédure à cet effet. * La société ELIOCELL FRANCE conclut à la confirmation du jugement déféré et à la condamnation de l'appelante à lui payer une somme de 1 500 € au titre de ses frais irrépétibles. En réponse à l'argumentation de l'appelante, elle prétend que le délai de dénonciation prévu à l'article 58 du décret du 31 juillet 1992 n'est applicable qu'à la dénonciation faite au débiteur lui-même, et non, en cas de liquidation judiciaire, à la dénonciation faite au liquidateur, laquelle n'est soumise à aucun délai et a donc été valablement effectuée en l'espèce le 1er septembre 2004. * La société ATRADIUS CREDIT INSURANCE NV conclut pareillement à la confirmation du jugement dont appel. Elle sollicite en outre la condamnation de l'appelante à lui payer une somme de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du nouveau code de procédure civile. * Maître Patrice X..., qui n'avait pas comparu en première instance, soutient qu'il n'est pas juge de l'ordre des paiements des divers créanciers ayant effectué des saisies entre ses mains et qu'il ne peut être tenu de payer une quelconque somme à la société ELIOCELL FRANCE et à la société ATRADIUS CREDIT INSURANCE NV tant qu'il n'aura pas été déchargé ou qu'il n'aura pas reçu mainlevée des saisies-attributions pratiquées antérieurement. Il sollicite donc la restitution des sommes qu'il a versées au titre de l'exécution provisoire du jugement dont appel. Il réclame enfin à l'appelante une somme de 3 000 € au titre de ses frais irrépétibles. * L'ordonnance de clôture a été rendue le 4 décembre 2007.

MOTIFS

DE LA DÉCISION Attendu qu'il y a lieu de relever que le jugement déféré n'est pas remis en cause en ce qu'il a déclaré inopposables au liquidateur judiciaire les saisies-attributions pratiquées par les sociétés CORTINA et CAT du Haut Vivarais ; qu'en ses dispositions concernant ces deux sociétés, la décision déférée doit dès lors être confirmée ; qu'il n'y a donc lieu de statuer que sur les saisies-attributions pratiquées par la société ELIOCELL FRANCE et par la société GERLING NAMUR ; Sur la caducité des saisies-attributions et leur opposabilité au liquidateur Attendu que, selon l'article 43 de la loi du 9 juillet 1991, l'acte de saisie-attribution emporte, à concurrence des sommes pour lesquelles la saisie est pratiquée, attribution immédiate au profit du saisissant de la créance saisie disponible entre les mains du tiers, la survenance ultérieure d'un jugement portant ouverture d'un redressement ou d'une liquidation judiciaires ne remettant pas en cause cette attribution ; Attendu toutefois que, lorsque l'ouverture de la liquidation judiciaire intervient alors que le délai imparti pour contester la saisie n'est pas expiré, la saisie doit être dénoncée au liquidateur, lequel peut remettre en cause sa régularité ou sa validité ; Attendu qu'à l'égard du débiteur saisi, le délai de contestation, fixé par l'article 66 du décret du 31 juillet 1992, est d'un mois à compter de la dénonciation de la saisie faite au débiteur, étant précisé qu'en vertu de l'article 58 du même décret, cette dénonciation doit, à peine de caducité, être effectuée dans un délai de huit jours à compter de la saisie ; Attendu qu'à l'égard du liquidateur, un nouveau délai de contestation court à compter de la dénonciation de la saisie qui doit être faite au liquidateur ; qu'en effet, il résulte de la combinaison des articles 58 et 66 précités du décret du 31 juillet 1992 et de l'article L. 622-9 du code de commerce que, lorsque le jugement de liquidation judiciaire, qui emporte, à compter de sa date, dessaisissement du débiteur, est prononcé au cours du délai ouvert pour contester la saisie-attribution, il interrompt ce délai, un nouveau délai commençant à courir à l'égard du liquidateur ; Attendu que, s'agissant du délai dans lequel doit être effectuée la dénonciation de la saisie au liquidateur, les dispositions de l'article 58 du décret 31 juillet 1992 sont inapplicables ; qu'en effet, le délai de huit jours prévu par ce texte court à compter de l'acte de saisie et, en conséquence, ne peut être respecté par le créancier saisissant lorsque la liquidation judiciaire du débiteur est prononcée plus de huit jours après la saisie, ou bien lorsque, prononcée avant l'expiration de ce délai, elle n'est portée à la connaissance du créancier que postérieurement audit délai ; Attendu que force est de constater qu'aucun texte légal ou réglementaire ne fixe de délai pour la dénonciation de la saisie-attribution au liquidateur ; que ce serait ajouter à la loi que de considérer, comme le soutient l'appelante, qu'un délai de huit jours court à l'égard du créancier saisissant à compter de la publication du jugement d'ouverture de la liquidation judiciaire au BODACC ; Attendu qu'il s'ensuit qu'en l'espèce, les saisies litigieuses, régulièrement dénoncées à la société débitrice le 31 janvier 2003, avant le placement de celle-ci en liquidation judiciaire par jugement du 4 février 2003, ont été valablement dénoncées au liquidateur judiciaire par actes des 31 août, 1er et 2 septembre 2004 ; Attendu que la caducité prévue par l'article 58 du décret du 31 juillet 1992 n'est donc pas encourue ; qu'en outre, les saisies sont opposables au liquidateur judiciaire ; que le jugement déféré, dont la Cour adopte pour le surplus les motifs, doit en conséquence être confirmé en ce qu'il a rejeté les moyens de caducité et d'inopposabilité des saisies invoqués par le liquidateur ; Sur l'existence de saisies antérieures Attendu que, si l'existence de saisies-attributions antérieures est susceptible de rendre indisponibles, à concurrence du montant desdites saisies, les fonds détenus par le tiers entre les mains duquel la saisie est effectuée, celui-ci, en l'espèce, ne justifie pas que le montant des saisies antérieures fait obstacle au paiement des sommes dues à la société ELIOCELL FRANCE et la société ATRADIUS CREDIT INSURANCE NV ; Attendu en effet qu'au jour des saisies litigieuses, le notaire détenait le prix de vente de l'immeuble, d'un montant de 148 000 € ; qu'il n'indique pas la somme qui, sur ce prix de vente, devait revenir au CIAL, créancier hypothécaire ; que, s'il s'est dessaisi le 29 septembre 2003 d'une somme de 104 872,82 € entre les mains du liquidateur, ce versement, postérieur aux saisies pratiquées par la société ELIOCELL FRANCE et la société GERLING NAMUR, leur est inopposable ; Attendu par ailleurs que ne font nullement obstacle au paiement des sommes dues aux sociétés ELIOCELL et GERLING NAMUR les saisies qui n'ont pas été validées ou dont les causes ont été payées, à savoir : -les saisies pratiquées par les sociétés CAT du Haut Vivarais et CORTINA, qui ont été déclarées inopposables au liquidateur par le jugement déféré, lequel est définitif sur ce point, -la saisie pratiquée par la société VINCENT LAROUSSE, dont les prétentions ont été rejetées dans le cadre d'une autre instance, -les saisies pratiquées par la Banque du Dôme et par la société L'Etiquetage Rationnel, dont les causes ont été payées par ailleurs, Attendu que seules sont donc opposables aux sociétés intimées les saisies antérieures suivantes : -3 décembre 2002, société STRATOR pour 15 514,68 € -3 décembre 2002, société BABY DELICE pour 11 648,97 € -3 décembre 2002, société GERCA France Import pour 1 0252,51 € Total : 37 416,16 € Attendu que le notaire ne justifie donc de l'indisponibilité des fonds saisis entre ses mains que dans la limite d'un montant de 37 416,16 € ; que la somme disponible entre ses mains pour payer les sociétés intimées est donc de : 148 000-37 416,16 = 110 583,84 € ; Attendu que cette somme est d'un montant suffisant pour permettre le paiement des créances de la société ELIOCELL FRANCE (5 373,78 €) et de la société GERLING NAMUR (24 315,61 €) ; Attendu qu'étant enfin observé que le liquidateur s'est borné à soulever la caducité ou l'inopposabilité à lui-même des saisies pratiquées par la société ELIOCELL FRANCE et la société GERLING NAMUR, et qu'il n'en conteste ni la validité ni l'effet attributif, il convient de confirmer le jugement déféré, en ce qu'il a ordonné au notaire, tiers saisi, de payer les sommes dues aux deux sociétés ; Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens Attendu que la SCP GUYON-DAVAL, qui succombe, sera condamnée, ès qualités, aux dépens d'appel, ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 000 € au titre des frais non compris dans les dépens exposés en cause d'appel par chacune des sociétés intimées ; Attendu que ces condamnations emportent nécessairement rejet de la propre demande de l'appelante tendant à ce qu'il soit fait application de l'article 700 du nouveau code de procédure civile en sa faveur ; Attendu que l'équité ne prescrit pas de décharger Maître Patrice X... de ses frais irrépétibles ;

PAR CES MOTIFS

La Cour, statuant en audience publique, après débats en audience publique, contradictoirement, et après en avoir délibéré ; DÉCLARE l'appel de la SCP GUYON-DAVAL, ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA CAGES, recevable, mais non fondé ; CONFIRME, en toutes ses dispositions, le jugement rendu, le 19 mai 2005, par le tribunal de grande instance de LURE ; Y ajoutant ; REJETTE les demandes de Maître Patrice X... ; CONDAMNE la SCP GUYON-DAVAL, ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA CAGES, à payer, au titre des frais exposés par les intimées en cause d'appel et non compris dans les dépens : -la somme de 1 000 € (MILLE EUROS) à la société ELIOCELL FRANCE, -la somme de 1 000 € (MILLE EUROS) à la société ATRADIUS CREDIT INSURANCE NV ; REJETTE les demandes de la SCP GUYON-DAVAL et de Maître Patrice X... fondées sur l'article 700 du nouveau code de procédure civile ; CONDAMNE la SCP GUYON-DAVAL, ès qualités de liquidateur de la liquidation judiciaire de la SA CAGES, aux dépens d'appel, avec droit pour la SCP DUMONT-PAUTHIER, pour Me GRACIANO et pour Me LEVY, avoués, de se prévaloir des dispositions de l'article 699 du nouveau code de procédure civile. LEDIT ARRÊT a été prononcé en audience publique et signé par Monsieur B. GAUTHIER, Conseiller, faisant fonction de Président de Chambre, Magistrat ayant participé au délibéré, et Madame M. DEVILLARD, Greffier. LE GREFFIER, LE PRÉSIDENT DE CHAMBRE.