Cour administrative d'appel de Paris, 6ème Chambre, 28 mars 2017, 15PA03451

Synthèse

  • Juridiction : Cour administrative d'appel de Paris
  • Numéro d'affaire :
    15PA03451
  • Type de recours : Plein contentieux
  • Décision précédente :Tribunal administratif de la Polynésie française, 26 mai 2015
  • Lien Légifrance :https://www.legifrance.gouv.fr/juri/id/CETATEXT000034367216
  • Rapporteur : M. Jean-Christophe NIOLLET
  • Rapporteur public :
    M. BAFFRAY
  • Président : Mme FUCHS TAUGOURDEAU
  • Avocat(s) : SELARL JURISPOL
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Chronologie de l'affaire

Cour administrative d'appel de Paris
2017-03-28
Tribunal administratif de la Polynésie française
2015-05-26

Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Procédure contentieuse antérieure : M. O...C..., MmeP..., M. G...J..., Mme D...J..., Mme H...C..., M. R...J..., M. K...C..., M.Q..., M. N...C..., M. F...C..., Mme A...C..., M. E...C..., M. B...C...et M. I...C...ont demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française : 1°) de condamner la commune de Taputapuatea à leur verser une somme de 37 940 000 francs CFP en réparation du préjudice subi du fait de l'atteinte à leur propriété ; 2°) de mettre à la charge de la commune de Taputapuatea les frais d'expertise. Par un jugement n° 1400665 du 26 mai 2015, le Tribunal administratif de la Polynésie française a rejeté leur demande et mis à leur charge les frais de l'expertise. Procédure devant la Cour : Par une requête, enregistrée par télécopie le 26 août 2015, régularisée le 2 septembre 2015 par la production de l'original et par un mémoire complémentaire, enregistré le 3 février 2017, M. O...C..., MmeP..., M. G...J..., Mme D...J..., Mme H...C..., M. R...J..., M. K...C..., M. N...C..., M. F... C..., Mme A...C..., M. E...C..., M. B...C...et M. I...C..., représentés par MeL..., demandent à la Cour : 1°) d'annuler ce jugement du Tribunal administratif de la Polynésie française du 26 mai 2015 ; 2°) de condamner la commune de Taputapuatea à leur verser une somme de 32 250 000 francs CFP ; 3°) de mettre à la charge de la commune de Taputapuatea les frais d'expertise ainsi que le versement de la somme de 450 00 francs CFP sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Ils soutiennent que : - ils justifient, par les pièces produites, de leur qualité de propriétaires indivis de la terre Tefatua-Rahi, sur laquelle la commune de Taputapuatea a mis en place sans autorisation une galerie drainante de 3 456 m² et un réseau d'adduction d'eau ; - la commune a commis une faute en occupant leur propriété et en y faisant réaliser des travaux sans aucune autorisation ; - l'expert désigné par le juge des référés évalue leur préjudice à 32 250 000 francs CFP ; - leur propriété n'a pas bénéficié d'une plus-value ; - la commune n'est pas fondée à invoquer la prescription et à contester leur qualité à agir et la compétence du juge administratif. Par un mémoire en défense, enregistré par télécopie le 28 juin 2016, régularisé le 1er juillet 2016 par la production de l'original, la commune de Taputapuatea, représentée par Me M..., conclut à titre principal au rejet de la requête, à titre subsidiaire à ce que la Polynésie française la garantisse de toute condamnation, et à ce que le versement de la somme de 300 000 francs CFP soit mis à la charge des requérants sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Elle soutient que : - les requérants n'ont saisi le juge des référés qu'en août 2013 alors que les travaux commencés en 2007 étaient réalisés depuis plusieurs années, de sorte que la dette est atteinte par la prescription quadriennale ; - les pièces produites ne suffisent pas à établir la réalité du droit de propriété invoqué ; - les requérants ne justifient pas représenter l'unanimité des droits indivis permettant d'agir en justice pour l'introduction d'une requête indemnitaire ; - les mandats qu'ils ont confiés à M. C...sont insuffisamment précis ; ils sont irréguliers au regard des dispositions de l'article R. 431-2 du code de justice administrative ; - les requérants ne justifient pas avoir accepté la succession ; - ainsi, les requérants n'ont pas qualité pour agir ; - l'emprise illégale sur une propriété privée ne relève pas de la compétence du juge administratif ; - les moyens soulevés par les requérants ne sont pas fondés ; - à titre subsidiaire, la Polynésie française qui a autorisé l'occupation du terrain doit être condamnée à garantir la commune. Par ordonnance du 6 février 2017, la clôture de l'instruction a été fixée au 24 février 2017. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an III ; - la loi du 24 mai 1872 ; - le décret du 26 octobre 1849 ; - la Constitution, notamment son Préambule ; - la loi organique n° 2004-192 du 27 février 2004 ; - le code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Ont été entendus au cours de l'audience publique : - le rapport de M. Niollet, - et les conclusions de M. Baffray, rapporteur public. 1. Considérant qu'il résulte de l'instruction que M. O...C...et autres, qui se prévalent de la qualité de copropriétaires indivis de la terre Tefatua-Rahi sur l'île de Raiatea, ont demandé au Tribunal administratif de la Polynésie française de condamner la commune de Taputapuatea à les indemniser des préjudices résultant de la réalisation sur cette terre, sans leur autorisation, d'une tranchée drainante pour l'adduction d'eau potable par gravitation ; qu'ils font appel du jugement du 26 mai 2015 par lequel le tribunal administratif a rejeté leur demande ;

Sur la

régularité du jugement attaqué : 2. Considérant, d'une part, qu'il n'y a voie de fait de la part de l'administration justifiant, par exception au principe de séparation des autorités administratives et judiciaires, la compétence des juridictions de l'ordre judiciaire pour en ordonner la cessation ou la réparation, que dans la mesure où l'administration soit a procédé à l'exécution forcée, dans des conditions irrégulières, d'une décision, même régulière, portant atteinte à la liberté individuelle ou aboutissant à l'extinction d'un droit de propriété, soit a pris une décision qui a les mêmes effets d'atteinte à la liberté individuelle ou d'extinction d'un droit de propriété et qui est manifestement insusceptible d'être rattachée à un pouvoir appartenant à l'autorité administrative ; que l'implantation, même sans titre, d'un ouvrage public sur le terrain d'une personne privée ne procède pas d'un acte manifestement insusceptible de se rattacher à un pouvoir dont dispose l'administration ; 3. Considérant, d'autre part, que sauf dispositions législatives contraires, la responsabilité qui peut incomber à l'Etat ou aux autres personnes morales de droit public en raison des dommages imputés à leurs services publics administratifs est soumise à un régime de droit public et relève en conséquence de la juridiction administrative ; que cette compétence, qui découle du principe de la séparation des autorités administratives et judiciaires posé par l'article 13 de la loi des 16-24 août 1790 et par le décret du 16 fructidor an III, ne vaut toutefois que sous réserve des matières dévolues à l'autorité judiciaire par des règles ou principes de valeur constitutionnelle ; que, dans le cas d'une décision administrative portant atteinte à la propriété privée, le juge administratif, compétent pour statuer sur le recours en annulation d'une telle décision et, le cas échéant, pour adresser des injonctions à l'administration, l'est également pour connaître de conclusions tendant à la réparation des conséquences dommageables de cette décision administrative, hormis le cas où elle aurait pour effet l'extinction du droit de propriété ; 4. Considérant que, si l'installation d'un ouvrage public sur la terre Tefatua-Rahi par la commune de Taputapuatea est susceptible d'avoir porté atteinte au libre exercice par les requérants de leur droit de propriété sur ce bien, elle n'a pas eu pour effet de les en déposséder définitivement ; que, contrairement à ce que soutient la commune, le tribunal administratif, compétent pour se prononcer sur la décision d'installer un tel ouvrage et pour lui enjoindre de libérer le bien en cause dans le présent litige, l'était également pour statuer sur les conclusions des requérants tendant à l'indemnisation des conséquences dommageables de cette occupation irrégulière ; Sur les conclusions de la requête : 5. Considérant que, pour rejeter les conclusions à fin d'indemnisation dont il était saisi, le tribunal administratif s'est fondé sur le rapport d'expertise déposé le 2 avril 2014 recommandant, s'il s'avérait que les requérants étaient propriétaires du terrain sur lequel la tranchée a été réalisée, l'acquisition par la commune de la superficie de 21 500 m² correspondant à l'ouvrage et au périmètre de protection, pour un prix évalué à 32 250 000 francs CFP, et sur l'additif à ce rapport d'expertise déposé le 10 juin 2014 fixant à 5 690 000 F CFP le coût de la remise du terrain dans son état initial ; qu'il a estimé que l'acquisition par la commune de la partie de la terre Tefatua-Rahi supportant l'ouvrage public et affectée par le périmètre de protection de l'eau potable relève soit d'un accord amiable avec les éventuels propriétaires, qui n'a pas été recherché, soit d'une procédure d'expropriation pour cause d'utilité publique, et que la remise en état du terrain ne peut résulter que d'une destruction de l'ouvrage public à laquelle les éventuels propriétaires du terrain d'assiette de l'ouvrage ne peuvent procéder, dès lors que seul le juge aurait le pouvoir de la prescrire ; qu'il en a déduit que les conclusions à fin d'indemnisation ne correspondent pas à un préjudice réel et actuel ; qu'en l'absence de tout élément nouveau, il y a lieu, sans qu'il soit besoin de statuer sur les fins de non-recevoir et sur l'exception de prescription soulevées par la commune de Taputapuatea, de rejeter la requête par adoption des motifs retenus par le tribunal administratif ; Sur les conclusions relatives aux dépens de première instance : 6. Considérant qu'il a lieu, dans les circonstances de l'affaire, de laisser les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif, liquidés et taxés à la somme de 316 400 francs CFP, à la charge solidaire définitive de M. C...et autres ; Sur les conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : 7. Considérant que les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge de la commune de Taputapuatea qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement de la somme que les requérants demandent au titre des frais exposés par eux et non compris dans les dépens ; qu'il n'y a pas lieu de mettre à leur charge la somme que la commune de Taputapuatea demande sur le fondement des mêmes dispositions ;

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. O...C...et autres est rejetée. Article 2 : Les conclusions de la commune de Taputapuatea présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées . Article 3: les frais et honoraires de l'expertise ordonnée par le juge des référés du tribunal administratif, liquidés et taxés à la somme de 316 400 francs CFP, sont laissés à la charge solidaire définitive de M. C...et autres. Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. O...C..., à MmeP..., à M. G...J..., à Mme D...J..., à Mme H...C..., à M. R...J..., à M. K...C..., à M. N...C..., à M. F...C..., à Mme A...C..., à M. E...C..., à M. B...C..., à M. I...C...et la commune de Taputapuatea. Délibéré après l'audience du 14 mars 2017, à laquelle siégeaient : - Mme Fuchs Taugourdeau, président de chambre, - M. Niollet, président-assesseur, - Mme Labetoulle, premier conseiller. Lu en audience publique le 28 mars 2017. Le rapporteur, J-C. NIOLLETLe président, O. FUCHS TAUGOURDEAU Le greffier, T. ROBERT La République mande et ordonne au Haut-commissaire de la République en Polynésie française, en ce qui le concerne ou à tous huissiers de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. 5 N° 15PA03451