Tribunal administratif de Dijon, 5 octobre 2023, 2302521

Mots clés
société • contrat • publicité • pouvoir • rapport • référé • requête • purger • règlement • remise • requis • ressort • service • soutenir

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Dijon
  • Numéro d'affaire :
    2302521
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction partielle
  • Nature : Ordonnance
  • Avocat(s) : HALTER
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête et un mémoire, enregistrés les 1er septembre et 18 septembre 2023, la société Ateliers Enache, représentée par Me Halter, demande au juge des référés, dans le dernier état de ses écritures : 1°) d'ordonner, sur le fondement des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative, l'annulation de la procédure, lancée par la commune de la Charité-sur-Loire, de passation du marché pour la poursuite de la restauration des façades et des toitures de l'église Notre-Dame de La Charité. 2°) d'ordonner à la commune de la Charité-sur-Loire de lui attribuer le marché et, à défaut, de recommencer la procédure de passation au stade de la publicité préalable ; 3°) de mettre à la charge de la commune de la Charité-sur-Loire la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. L'EURL Ateliers Enache soutient que : - en ne procédant pas à une analyse de la valeur technique de son offre avec les mêmes critères d'appréciation que ceux qu'elle a mis en œuvre à l'égard des autres candidats, la commune de la Charité-sur-Loire a méconnu le principe d'égalité de traitement des candidats et de transparence des procédures ; - la commune de la Charité-sur-Loire a dénaturé la partie de son offre relative à la valeur technique. La commune de la Charité-sur-Loire n'a pas produit de mémoire en défense. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la commande publique ; - le code de justice administrative. Le président du tribunal administratif a désigné M. A en application de l'article L. 511-2 du code de justice administrative. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique qui s'est tenue le 19 septembre 2023 en présence de M. Testori, greffier, M. A a lu son rapport et entendu les observations de Me Hater, représentant la société Ateliers Enache. La clôture de l'instruction a été prononcée à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit

: 1. Le 19 avril 2023, la commune de la Charité-sur-Loire a lancé une procédure ouverte en vue de la passation du marché concernant la poursuite de la restauration des façades et des toitures de l'église Notre-Dame de La Charité qui a été décomposé en six lots. Cinq entreprises se sont portées candidates à l'attribution du lot n°3 de ce marché, relatif à des prestations de " restauration de sculptures ", dont la société Ateliers Enache et la société Atelier Jean-Loup Bouvier. Le 29 août 2023, la commune de la Charité-sur-Loire a informé la société Ateliers Enache que son offre était rejetée et que le lot n° 3 avait été attribué à la société Atelier Jean-Loup Bouvier. La société Ateliers Enache demande au juge des référés, sur le fondement des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative, d'annuler la procédure de passation de ce lot n° 3. Sur les conclusions présentées sur le fondement des articles L. 551-1 et L. 551-2 du code de justice administrative : 2. Aux termes de l'article L. 551-1 du code de justice administrative : " Le président du tribunal administratif, ou le magistrat qu'il délègue, peut être saisi en cas de manquement aux obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation par les pouvoirs adjudicateurs de contrats administratifs ayant pour objet l'exécution de travaux, la livraison de fournitures ou la prestation de services, avec une contrepartie économique constituée par un prix ou un droit d'exploitation, la délégation d'un service public ou la sélection d'un actionnaire opérateur économique d'une société d'économie mixte à opération unique () ". Aux termes de l'article L. 551-2 du même code : " I - Le juge peut ordonner à l'auteur du manquement de se conformer à ses obligations et suspendre l'exécution de toute décision qui se rapporte à la passation du contrat, sauf s'il estime, en considération de l'ensemble des intérêts susceptibles d'être lésés et notamment de l'intérêt public, que les conséquences négatives de ces mesures pourraient l'emporter sur leurs avantages. / Il peut, en outre, annuler les décisions qui se rapportent à la passation du contrat et supprimer les clauses ou prescriptions destinées à figurer dans le contrat et qui méconnaissent lesdites obligations () ". En ce qui concerne les informations et les règles figurant dans les documents de consultation et le rapport d'analyse des offres : 3. L'article 5 du règlement de consultation a prévu deux critères pour le jugement des offres. Le critère n° 1, pondéré à 40%, est le " montant de l'offre " et est analysé selon la formule suivante : (offre de prix la plus basse / offre de prix du candidat) x pondération. Le critère n°2, pondéré à 60%, correspond à la " valeur technique " et est apprécié en fonction de la " note de synthèse rappelant les références de l'entreprise et la note méthodologique spécifique à la mission " et comprend trois sous-critères, intitulés " références de l'entreprise ", " moyens humains et techniques dédiés " au chantier et " méthodologie proposée pour mener à bien le chantier ", respectivement pondérés à 20%, 20% et 20%. 4. Il ressort des mentions, figurant aux pages 61, 65 et 66, sous les libellés " 3.3 conclusion précisée de l'analyse économique du lot n° 3 ", " 4.3 conclusion de l'analyse technique précisée du lot n° 3 " et " 6. conclusion de l'analyse précisée du lot 3 ", du rapport d'analyse des offres daté du 25 juillet 2022, que, selon la position définitive de la maîtrise d'œuvre de l'opération, constituée du cabinet Tinchant et de M. B, qui a procédé à l'analyse des offres remises par les différents candidats sur chacun des critères, la société Ateliers Enache et la société Atelier Jean-Loup Bouvier ont respectivement obtenu 40 points et 18,10 points pour le critère n°1 et 35 points et 59 points pour le critère n°2. La société Ateliers Enache a ainsi obtenu un total de 75 points et a été classée en troisième position tandis que la société Atelier Jean-Loup Bouvier a obtenu un total de 77,10 points et a été classée en première position. En ce qui concerne le moyen tiré de la dénaturation de l'offre : 5. Il n'appartient pas au juge du référé précontractuel, qui doit seulement se prononcer sur le respect, par l'acheteur public, des obligations de publicité et de mise en concurrence auxquelles est soumise la passation d'un contrat, de se prononcer sur l'appréciation portée sur la valeur d'une offre ou les mérites respectifs des différentes offres. Il lui appartient, en revanche, lorsqu'il est saisi d'un moyen en ce sens, de vérifier que le pouvoir adjudicateur n'a pas dénaturé le contenu d'une offre en en méconnaissant ou en en altérant manifestement les termes et procédé ainsi à la sélection de l'attributaire du contrat en méconnaissance du principe fondamental d'égalité de traitement des candidats. 6. Dans son " analyse précisée ", la maîtrise d'œuvre a livré son appréciation définitive de la valeur technique de l'offre de la société Ateliers Enache. Elle a ainsi attribué à cette entreprise une note de 15 sur 20 pour le sous-critère " référence des entreprises " au motif que " l'entreprise ne présente pas de sculpture figurative ", une note de 10 sur 20 pour le sous-critère " moyens humains et techniques dédiés " au motif que " l'équipe dédiée n'est pas nommée " et que " l'entreprise ne présente pas de sculpteur figuratif " et une note de 10 sur 20 pour le sous-critère " méthodologie proposée pour mener à bien le chantier " au motif que " le mémoire technique donne peu d'observations précises sur l'édifice " et que " l'emploi de PLM-L est à préciser ". 7. L'offre remise par la société Ateliers Enache qui est produite au dossier comporte de très nombreuses " références " de chantiers sur lesquels des prestations de sculpture figurative ont été effectuées, présente des " moyens humains et techniques dédiés " au chantier de manière complète, précise et détaillée et dont certains -Viorel Enache, Nicolas Audigier, Axel Berton et Cédric Beji- ont travaillé sur des chantiers de sculpture figurative et, enfin, propose, dans son point 3, une " méthodologie ", développée sur sept pages environ, qui comprend notamment une description de l'édifice et des " constats d'état " qui apparaissent satisfaisantes. 8. Il résulte de ce qui vient d'être dit aux points 6 et 7 que la commune de la Charité-sur-Loire, en attribuant à la société Ateliers Enache seulement 35 points sur 60 sur le critère de la valeur technique alors que la qualité de son offre est sur ce point manifestement très supérieure, s'est méprise, de manière évidente, sur le contenu de l'offre et l'a ainsi dénaturée. 9. Compte tenu du manquement relevé au point 8 et du très faible écart existant entre l'offre de la société Ateliers Enache et celle de la société Atelier Jean-Loup Bouvier, la société requérante est fondée à soutenir qu'en rejetant son offre, la commune de la Charité-sur-Loire a méconnu le principe fondamental d'égalité de traitement des candidats et le principe de transparence des procédures. 10. Le manquement relevé ne justifie, en lui-même, ni l'annulation de la procédure de passation dans son ensemble ni que le pouvoir adjudicateur reprenne la procédure à un stade antérieur à la phase de l'examen des offres mais uniquement l'annulation de la décision d'attribuer le lot n°3 à la société Jean-Loup Bouvier. Sur les conclusions à fin d'injonction : 11. Compte tenu des éléments portés à la connaissance du juge des référés, et en particulier la qualité du contenu de l'offre de la société Ateliers Enache et de ce qui a été dit ci-dessus, la commune de la Charité-sur-Loire peut décider d'attribuer le lot n°3 à la société Ateliers Enache, à la suite de la notification du présent jugement, sans reprendre la procédure à un stade antérieur. 12. Il n'appartient cependant pas au juge du référé précontractuel d'ordonner au pouvoir adjudicateur de purger les manquements qu'il a constatés d'une manière déterminée dès lors que la collectivité publique conserve toujours la possibilité de déclarer sans suite la procédure de passation sur le fondement de l'article R. 2185-1 du code de la commande publique soit pour effectuer ces prestations en régie soit, plus vraisemblablement, pour lancer une nouvelle consultation. Dès lors, les conclusions présentées par la société Ateliers Enache tendant à ce qu'il soit enjoint à la commune de la Charité-sur-Loire de lui attribuer le marché et, à défaut, de recommencer la procédure de passation au stade de la publicité préalable ne peuvent qu'être rejetées. Sur les frais liés au litige : 13. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la commune de la Charité-sur-Loire une somme de 2 000 euros à verser à la société Ateliers Enache au titre des frais que celle-ci a exposés et qui ne sont pas compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1er : L'attribution du lot n°3 du marché concernant la poursuite de la restauration des façades et des toitures de l'église Notre-Dame à La Charité-sur-Loire est annulée. Article 2 : La commune de la Charité-sur-Loire versera 2 000 euros à la société Ateliers Enache au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : Les conclusions de la requête sont rejetées pour le surplus. Article 4 : La présente ordonnance sera notifiée à la société Ateliers Enache, à la commune de la Charité-sur-Loire et à la société Atelier Jean-Loup Bouvier. Fait à Dijon le 5 octobre 2023. Le juge des référés, L. A La République mande et ordonne au préfet de la Nièvre, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision. Pour expédition, Un greffier