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Cour d'appel de Bourges, 13 septembre 2024, 23/01139

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Bourges
  • Numéro de déclaration d'appel :
    23/01139
  • Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
  • Nature : Arrêt
  • Identifiant Judilibre :66e527366149aa1538d73150
  • Rapporteur : Mme CHENU
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Résumé

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Texte intégral

SD/EC N° RG 23/01139 N° Portalis DBVD-V-B7H-DTJL Décision attaquée : du 23 novembre 2023 Origine : conseil de prud'hommes - formation de départage de BOURGES -------------------- M. [F] [R] C/ Société TERRES INOVIA -------------------- Expéd. - Grosse Me LESIMPLE- COUTELIER 13.9.24 Me VAIDIE 13.9.24 COUR D'APPEL DE BOURGES CHAMBRE SOCIALE

ARRÊT

DU 13 SEPTEMBRE 2024 N° 95 - 21 Pages APPELANT : Monsieur [F] [R] [Adresse 3] Présent, assisté de Me Catherine LESIMPLE-COUTELIER de la SELARL LESIMPLE-COUTELIER & PIRES, avocate au barreau de TOURS INTIMÉE : Société TERRES INOVIA [Adresse 1] Représentée par Mme [C], DRH assistée de Me Stéphanie VAIDIE, avocate postulante, de la SCP AVOCATS CENTRE, du barreau de BOURGES et par Me Hervé DUVAL de la SAS DUVAL LEGAL, avocat plaidant, du barreau de PARIS COMPOSITION DE LA COUR Lors des débats : PRÉSIDENT : Mme CHENU, conseiller rapporteur en l'absence d'opposition des parties et conformément aux dispositions de l'article 945-1 du code de procédure civile. GREFFIER LORS DES DÉBATS : Mme DELPLACE Lors du délibéré : Mme VIOCHE, présidente de chambre Mme de LA CHAISE, présidente de chambre Mme CHENU, conseillère Arrêt n° 95 - page 2 13 septembre 2024 DÉBATS : À l'audience publique du 28 juin 2024, la présidente ayant pour plus ample délibéré, renvoyé le prononcé de l'arrêt à l'audience du 13 septembre 2024 par mise à disposition au greffe. ARRÊT : Contradictoire - Prononcé publiquement le 13 septembre 2024 par mise à disposition au greffe. * * * * * FAITS ET PROCÉDURE L'institut Terres Inovia est l'institut technique agricole des producteurs d'oléagineux, protéagineux, chanvre et de leurs filières, financé en partie par la contribution volontaire obligatoire de l'interprofession et ayant notamment une mission de recherche scientifique appliquée tendant à l'amélioration, au développement et à la conservation de ces cultures. Il emploie plus de 11 salariés et applique la convention collective des industries chimiques. M. [R], né le 25 janvier 1970, a été engagé par cet institut, alors dénommé [Adresse 2] (CETIOM), suivant contrat de travail à durée indéterminée à temps partiel sur l'année en date du 5 février 1996. Embauché en qualité d'assistant technique, coefficient 160, Groupe II de la convention collective applicable, moyennant une rémunération brute annuelle 55 229,28 francs, versée chaque mois à hauteur de 1/12e, pour une durée de travail effectif annuelle de 32 semaines de 38 heures, réparties sur différentes périodes de l'année, il a été affecté à la station d'expérimentation agricole de [Localité 4], devenue ensuite la station d'expérimentation du [5]. À compter du 1er octobre 2002, selon avenant au contrat de travail non daté, la durée annuelle totale du temps de travail de M. [R] a été portée à 35 semaines de 34h20 heures et sa rémunération brute annuelle à 10 002,12 euros, réglée mensuellement à hauteur de 885,56 euros. Par avenant applicable à compter du 1er janvier 2004, la durée totale annuelle du temps de travail de M. [R] a été portée à 1 027 h 86, sans modification des autres termes de son contrat de travail. Par avenant applicable à compter du 1er octobre 2007, la classification de M. [R] a été portée au coefficient 190 Groupe III et sa rémunération brute mensuelle à 1 010 euros. Au visa d'un accord d'entreprise collectif relatif à l'aménagement et la réduction du temps de travail en date du 8 octobre 2007, non versé en procédure par les parties, et par avenant applicable à compter du 1er janvier 2008, M. [R] a bénéficié de 16 jours de réduction de temps de travail (RTT) par année civile prorata temporis de son horaire de travail. Par avenant en date du 1er septembre 2018, applicable avec effet rétroactif au 1er avril 2018, le salaire annuel brut sur 13 mois de M. [R] a été fixé à 18 371,34 euros. Les parties ont, en outre, convenu qu'à compter du 1er septembre 2018, sous réserve d'atteinte des objectifs fixés par sa hiérarchie, cette rémunération serait portée à un salaire brut annuel sur 13 mois de 19 036,55 euros. En dernier lieu, M. [R] occupait l'emploi de technicien d'expérimentation, coefficient 205 Groupe III de la convention collective applicable, et percevait un salaire brut mensuel de 1 493,28 euros, outre une prime d'ancienneté (168,93 euros). Arrêt n° 95 - page 3 13 septembre 2024 Au terme d'une visite organisée à la demande du salarié, le médecin du travail a rendu un avis d'aptitude en date du 27 janvier 2022, accompagné d'une proposition de mesures individuelles faite après échange avec l'employeur et ainsi rédigée 'une étude de poste est à organiser pour objectiver l'aptitude au poste'. Par courrier recommandé avec accusé de réception distribué à M. [R] le 11 mars 2022, ce dernier a été mis en demeure par son employeur de justifier de son absence à son poste à compter du 1er mars 2022 et s'est vu proposer deux dates pour la réalisation de cette étude de poste. À la suite de la réalisation de l'étude de poste le 18 mars 2022, et à l'issue de la visite médicale du 31 mars 2022, le médecin du travail a conclu à l'inaptitude physique du salarié aux termes d'un avis d'inaptitude, avec dispense de reclassement, 'l'état de santé du salarié faisant obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l'entreprise'. Par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 24 mai 2022, M. [R] a été informé de l'impossibilité de lui proposer un autre emploi en raison de la dispense de reclassement par le médecin du travail. Convoqué par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 3 mai 2022, à un entretien préalable à un éventuel licenciement, qui s'est déroulé le 17 mai 2022, en sa présence, M. [R] a été licencié pour inaptitude et impossibilité de reclassement par courrier recommandé avec accusé de réception en date du 24 mai 2022. Sollicitant la requalification de son contrat de travail à temps partiel en contrat à temps plein, invoquant la nullité de son licenciement pour violation de libertés fondamentales et harcèlement moral, et subsidiairement l'absence de cause réelle et sérieuse, et réclamant le paiement de diverses sommes au titre de l'exécution et la rupture de son contrat de travail, M. [R] a saisi, le 14 septembre 2022, le conseil de prud'hommes de Bourges, section industrie, qui a, par jugement de départage en date du 23 novembre 2023, auquel il est renvoyé pour plus ample exposé : - débouté M. [R] de l'ensemble de ses demandes, - débouté l'institut Terres Inoviade sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile, - condamné M. [R] aux dépens de l'instance. Le 5 décembre 2023, par voie électronique, M. [R] a régulièrement relevé appel de cette décision, qui lui avait été notifiée le 27 novembre 2023. Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 20 juin 2024, aux termes desquelles M. [R] demande à la cour de : - infirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes, - statuant à nouveau, - déclarer que son salaire moyen avec prime d'ancienneté est à hauteur de 2 627,04 euros après requalification du CDI à temps partiel en temps complet, - déclarer son licenciement nul ou non causé avec les conséquences de droit, - dire que le contrat de travail à temps partiel intermittent doit être requalifié en contrat de travail à temps plein, - en conséquence, condamner l'Institut Terres Inovia à lui payer les sommes suivantes : - sur l'exécution du contrat de travail, 35 447,83 euros au titre de la requalification du temps partiel en temps complet, outre 3 544,78 € au titre des congés payés afférents, - sur la rupture du contrat de travail : Arrêt n° 95 - page 4 13 septembre 2024 - 52 540,80 euros au titre de la nullité du licenciement pour violation de libertés fondamentales et harcèlement, ou subsidiairement sans cause réelle et sérieuse (20 mois de salaire à 2 627,04 euros) - 25 440,23 euros au titre du reliquat du doublement de l'indemnité de licenciement légale, - 5 254,08 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (2 mois de salaire à 2 627,04 euros), outre 525,40 euros au titre des congés payés afférents, - 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour harcèlement moral, - 10 000 euros au titre des dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité et de prévention des risques psycho-sociaux, - condamner l'Institut Terres Inovia à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, - ordonner que les intérêts majorés et capitalisés courent à compter de la saisine du conseil de prud'hommes conformément à l'article L. 1343-2 du Code civil, - condamner l'Institut Terres Inovia à lui remettre les bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle emploi rectifiés en application des dispositions qui précèdent dans un délai de 15 jours à compter de la notification du jugement, ou passé ce délai, sous astreinte provisoire de 50 euros par document et par jour de retard, qu'il pourra faire liquider en sa faveur en saisissant à nouveau la présente juridiction, - condamner l'Institut Terres Inovia, aux entiers dépens qui comprendront le cas échéant les frais d'exécution forcée. Vu les dernières conclusions notifiées par voie électronique le 21 juin 2024, aux termes desquelles l'Institut Terres Inovia demande à la cour de : - confirmer déféré en ce qu'il a débouté M. [R] de toutes ses demandes, - condamner M. [R] à lui verser la somme de 3 000 euros en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et le condamner aux entiers dépens de première instance et d'appel. Vu l'ordonnance de clôture en date du 26 juin 2024 ; Pour un plus ample exposé des faits, de la procédure, des moyens et de l'argumentation des parties, il est expressément renvoyé au jugement déféré et aux conclusions déposées.

MOTIFS

DE LA DÉCISION 1) Sur les demandes de requalification du contrat de travail à temps partiel en contrat de travail à temps plein, et en paiement de rappel de salaire et de congés payés afférents: a) Sur la qualification du contrat de travail du 5 février 1996 : En application de l'article 12 du Code de procédure civile, le juge a l'obligation de donner ou restituer l'exacte qualification aux faits et actes, indépendamment de celle attribuée par les parties. L'article L. 212-4-2 du code du travail, issu de la loi du 20 décembre 1993 et applicable à la date de conclusion du contrat de travail litigieux, prévoit la possibilité de pratiquer des horaires de travail à temps partiel à l'initiative du chef d'entreprise ou à la demande des salariés, pour les entreprises, professions et organismes mentionnés à l'article L. 212-4-1. En son alinéa 4, il précise que 'sont également considérés comme salariés à temps partiel les salariés occupés selon une alternance de périodes travaillées et non travaillées dont la durée de travail annuelle est inférieure d'au moins un cinquième de celle qui résulte de l'application sur la Arrêt n° 95 - page 5 13 septembre 2024 même période de la durée légale du travail ou de la durée du travail fixée conventionnellement pour la branche de l'entreprise diminuée des heures correspondant aux jours de congés légaux ou conventionnels'. M. [R], qui poursuit la réformation de la décision déférée en ce qu'elle a rejeté sa demande en paiement de rappel des salaires et de congés payés afférents, reproche au premier juge d'avoir retenu la qualification de contrat de travail à temps partiel conclu en raison de ses besoins personnels. Soulignant que les dispositions de l'article L. 3123-2 du code précité régissant ce type de contrat sont issues de la loi du 10 août 2016, il souligne que la date de signature du contrat litigieux exclut leur application contrairement à ce que l'employeur soutient. Le salarié note, par ailleurs, que son contrat de travail et les avenants postérieurs ne font aucune référence aux besoins de sa vie familiale, ce d'autant que les plages d'activité détaillées l'ont été, selon lui, pour les seuls besoins de l'employeur. M. [R] réfute l'activité agricole indépendante que l'employeur lui attribue avant 2016, pour prétendre que les périodes non travaillées étaient organisées selon ses besoins personnels. Il considère, en revanche, que son contrat de travail, qui prévoit une alternance de périodes travaillées et non travaillées pour répondre aux contraintes de l'employeur, doit recevoir la qualification de contrat de travail intermittent, les dispositions légales se rapportant à ce type de contrat étant, selon lui, en vigueur au jour de sa signature. L'Institut Terres Inovia s'oppose à la demande de requalification présentée en soutenant que le contrat de travail à temps partiel de M. [R] a été conclu à sa demande et en réponse aux besoins de sa vie personnelle, à savoir la gestion de son exploitation agricole personnelle. Il ajoute que ce contrat est, dès lors, régi par l'article L. 3123-2 du code du travail, qui permet de prévoir une alternance de périodes travaillées et de périodes non travaillées et diffère du temps partiel classique, en ce compris le temps partiel modulé. Dans ce cadre, il argue du fait que : - même en l'absence de dispositions légales applicables et avant la promulgation de la loi du 10 août 2016, les parties avaient la possibilité de conclure des contrats à temps partiel sur l'année pour répondre aux besoins de la vie personnelle des salariés par référence aux principes fondamentaux consacrés par les articles 2, 4 et 5 de la Déclaration des Droits de l'Homme et du Citoyen, - ce type de contrat n'est pas soumis à requalification si la durée du temps de travail atteint, et a fortiori dépasse, la durée légale du travail, le salarié étant à temps complet pendant les périodes travaillées, - le contrat du 5 février 1996 a été conclu pour tenir compte des contraintes de la vie personnelle du salarié et qu'en l'absence, jusqu'en 2016, de dispositions légales régissant ce type de contrats à temps partiel sur l'année, rien n'obligeait les parties à préciser les raisons qui les avaient conduites à le conclure et, enfin, que les dispositions légales applicables après 2016 n'imposaient pas un tel formalisme, - la qualification des contrats ne résulte pas de la seule volonté des parties mais des conditions matérielles dans lesquelles se sont développées les relations entre ces dernières. L'employeur considère que le principe de cohérence ne permet pas au salarié d'invoquer la nullité de son contrat pour en tirer avantage et s'étonne, par ailleurs, de l'évolution de l'argumentation du salarié, qui n'avait pas précédemment remise en cause l'existence de son activité agricole indépendante avant 2016 et le fait, selon lui, en contradiction avec les pièces produites. Arrêt n° 95 - page 6 13 septembre 2024 Enfin, l'employeur conteste l'argumentation du salarié, développée à hauteur d'appel, quant à la qualification de son contrat de travail en un contrat de travail intermittent, en soulignant que les dispositions régissant ce type de contrat ont été abrogées par la loi du 20 décembre 1993 pour ne réapparaître dans l'arsenal juridique que le 20 janvier 2000, et que dès lors, le contrat de travail de M. [R] n'a pu être signé en application de ces dispositions. Il se prononce également en faveur de la qualification de contrat de travail à temps partiel annualisé en application de l'article L.212-4-2 et L.212-4-3 du code du travail et dont le maintien en vigueur a été organisé par la loi du 19 janvier 2000. Les parties s'opposant quant à la nature juridique du contrat de travail, il appartient à la cour de lui restituer son exacte qualification juridique, sans que le principe de cohérence invoqué par l'employeur ne puisse s'y opposer. Si le travail intermittent a été introduit par l'ordonnance n° 86-948 du 11 août 1986 à l'article L. 212-4-8 du code du travail, ce régime a été supprimé par l'article 43 de la loi n°93-1313 quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle (article 43). C'est ainsi à raison que l'employeur soutient que le contrat de travail signé par M. [R] le 5 février 1996 n'a pu l'être sous l'égide de ce texte et ne peut, dès lors, recevoir cette qualification. De même, la date d'introduction des dispositions de l'article L. 3123-2 par la loi n°2016-1088 du 8 août 2016 relative au travail, à la modernisation du dialogue social et à la sécurisation des parcours professionnels dans le code du travail, très postérieure à la conclusion du contrat de travail de M. [R], doit conduire à exclure leur application à la relation contractuelle, contrairement à ce que soutient l'employeur. En outre, les libertés contractuelle et d'association constitutionnellement consacrées et invoquées par ce dernier, n'induisent, à elles seules, ni l'application rétroactive des dispositions de l'article L. 3123-3 précité, ni la possibilité pour les parties d'organiser la relation de travail selon des modalités non prévues par le législateur au jour de la signature du contrat et non consolidées, a posteriori, par ce dernier. En revanche, le quatrième aliéna de l'article L. 212-4-2 précité, ainsi que l'article L. 212-4-3 du code du travail sont applicables au cas d'espèce, dès lors qu'il est justifié de l'absence d'opposition du comité d'entreprise (pièce 107 et 108 de l'employeur). La Cour de cassation a ainsi pu rappeler dans un arrêt rendu le 23 mars 2007 (Soc., 23 mars 2007, n° 05-43.045, Bull V n° 56), 'qu'avant l'entrée en vigueur de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000, le seul fondement législatif d'un contrat de travail à temps partiel annualisé résidait dans l'article L. 212-4-2, alinéa 4, du code du travail alors applicable, qui précisait que le contrat de travail devait comporter une alternance de périodes travaillées et non travaillées.', comme tel est le cas en l'espèce. Enfin, comme le rappelle à raison l'employeur, la loi du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail a retenu, en son article 14, que les stipulations des contrats de travail conclus sur le fondement des articles L. 212-4-3 du code du travail, dans sa rédaction applicable avant son entrée en vigueur, et prévoyant une durée du travail calculée sur l'année, demeurent en vigueur. Il s'évince de ce qui précède que le contrat de travail de M. [R] doit recevoir la qualification de contrat de travail à temps partiel annualisé tel que soutenu par l'employeur, à l'exclusion de Arrêt n° 95 - page 7 13 septembre 2024 toute autre qualification. b) Sur la requalification du contrat de travail à temps partiel du salarié en contrat à temps plein : L'article L. 212-2-1 du code du travail, issue de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, applicable au jour de la signature du contrat de travail de M. [R], organise une faculté de répartition de la durée du travail sur l'année (annualisation), selon des moyennes hebdomadaires fixées par l'accord en oeuvre, sous réserve de respecter les durées maximales de travail, de fixer le programme indicatif de cette répartition et le délai dans lequel les salariés doivent être prévenus des changements d'horaires. Dans ce cadre général et s'agissant des salariés bénéficiant d'un temps partiel annualisé, l'article L. 212-4-3 du même code, dans sa version issue du même texte, prévoit, dans les cas où la nature de l'activité ne permet pas de fixer dans l'année avec précision les périodes travaillées et la répartition des heures de travail au sein de ces périodes, que le contrat de travail fixe les périodes à l'intérieur desquelles l'employeur pourra faire appel au salarié moyennant un délai de prévenance de sept jours. Ce même texte retient que les heures complémentaires ne peuvent avoir pour effet de porter la durée du travail effectuée par un salarié au niveau de la durée légale du travail ou de la durée fixée conventionnellement. Selon l'article L. 212-8 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail, applicable au jour de la conclusion de l'accord collectif d'entreprise portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail au CETIOM du 27 décembre 2000, une convention ou un accord collectif étendu ou une convention ou un accord d'entreprise ou d'établissement peut prévoir que la durée hebdomadaire du travail peut varier sur tout ou partie de l'année à condition que, sur un an, cette durée n'excède pas en moyenne trente-cinq heures par semaine travaillée et, en tout état de cause, le plafond de 1 600 heures au cours de l'année. Ce texte pose une exigence de fixation d'un programme indicatif de la répartition de la durée du travail, soumis pour avis avant sa mise en oeuvre au comité d'entreprise ou, à défaut, aux délégués du personnel. En l'espèce, le salarié fait valoir que l'avenant à l'accord collectif d'entreprise portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail en date du 27 décembre 2000, mettant en place une modulation du temps de travail, n'est pas conforme aux dispositions légales et conventionnelles. Il soutient ainsi qu'un accord de modulation du temps de travail est privé d'effet si aucun programme indicatif de la répartition de la durée du temps de travail n'a été établi conformément aux dispositions des articles L. 212-8 et L. 212-8-4 du code précité et soumis aux institutions représentatives du personnel, ni communiqué aux salariés de l'entreprise au cours de la période considérée. Pour fonder l'inopposabilité de la modulation horaire résultant de l'accord d'entreprise du 27 décembre 2000, il argue également : - de l'absence de contrepartie prévue par l'accord d'entreprise en cas de réduction du délai de prévenance, alors qu'il dit avoir subi des modifications de la réparation des heures sans respect du délai de prévenance de 15 jours, tel que prévu par la convention collective, alors même que l'accord d'entreprise vise un délai de 7 jours, réductible exceptionnellement, Arrêt n° 95 - page 8 13 septembre 2024 - de l'absence de transmission annuelle d'un planning indicatif de son activité et non respect de ce dernier lorsqu'il existait. Estimant qu'il lui est en conséquence inopposable, il en déduit que le décompte de la durée de travail dans un cadre autre qu'hebdomadaire lui est inapplicable et en conclut que le décompte du temps de travail doit intervenir à la semaine. M. [R] souligne que la lecture des plannings fournis par l'employeur confirme qu'il travaillait au-delà de la durée légale de travail, et donc a fortiori, bien au-delà des 34 h 20 retenues au titre de la durée conventionnelle de travail pour les salariés à temps plein, et rappelle qu'un contrat de travail à temps partiel ne peut avoir pour objet de porter le temps effectif de travail à la durée légale ou conventionnelle de travail, sauf à encourir une requalification en contrat à temps complet dès la première infraction constatée. L'employeur reconnaît que le salarié, employé à temps partiel, qui ne peut déterminer la répartition dans le temps de la durée de son travail, peut bénéficier de la requalification de son contrat en contrat à temps complet s'il s'est maintenu en permanence à la disposition de son employeur. Il considère que tel n'est pas le cas en l'espèce compte-tenu de la définition par le contrat de travail des périodes au cours desquelles il pouvait faire appel au salarié, des horaires de travail à temps complet alors applicable et de la remise, chaque année, du programme de ses jours de travail au cours de l'année N+1. Il souligne que les conditions de forme d'un tel contrat ont été respectées et que M. [R], qui avait connaissance des périodes pendant lesquelles il était à la disposition de son employeur, n'a pas travaillé un nombre d'heures égal à la durée légale ou conventionnelle du travail sur la période de référence annuelle. Compte-tenu de la qualification du contrat retenue par la cour, le contrat de travail de M. [R] est régi tant par les dispositions légales et conventionnelles propres au contrat de travail à temps partiel annualisé que par celles liées à la mise en place de la modulation du temps de travail au sein de l'entreprise. Le contrat de travail de M. [R], qui fixe la durée de travail à 38 heures par semaine, mentionne ainsi 'la nature de l'activité du CETIOM ne permettant pas de fixer précisément dans l'année les périodes de travail, il est convenu que le CETIOM pourra faire appel à Monsieur [F] [R] pendant les périodes suivantes : 1ère période : à partir du début février pendant 4 semaines ; 2ème période : à partir du début avril pendant 5 semaines ; 3ème période : à partir de la fin mai pendant 12 semaines ; 4ème période : à partir du 20 août pendant 9 semaines ; 5ème période : les deux dernières semaines de novembre.' Il est, par ailleurs, acquis qu'un accord collectif d'entreprise portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail au CETIOM, dont le salarié conteste la légalité, a été signé le 27 décembre 2000. L'employeur, qui se borne à faire état de la révision de cet accord intervenu le 8 octobre 2007, ne justifie toutefois ni du contenu du nouvel accord, ni de l'étendue de la révision opérée, de sorte que la cour n'est pas en mesure d'en connaître. L'accord du 27 décembre 2000, dont l'article 4 prévoit son application aux salariés à temps partiel tel que M. [R], acte que 'pour les salariés de coefficient UIC strictement inférieur à 550, une modulation des horaires hebdomadaires sera appliquée, portant sur le nombre de jours de travail dans la semaine (variation possible de 3 à 5 jours) et/ou sur la durée quotidienne de travail (variation possible de 6 à 9 heures) (...) La durée de travail hebdomadaire devra être inférieure à 46 heures par semaine, et à 44 heures en moyenne sur 12 semaines consécutives'. Arrêt n° 95 - page 9 13 septembre 2024 Il est également retenu 'à titre indicatif, les périodes de faible activité (pendant lesquelles l'horaire quotidien et/ou le nombre de jours de travail par semaine peuvent être réduit) et celles de forte activité (pendant lesquelles l'horaire quotidien pourra être porté à 9 heures et le nombre de jours de travail par semaine sera de 5) sont les suivants par type d'activité : Stations d'expérimentation : faible du 15/11 au 01/03 : forte du 15/03 au 15/05, du 25/06 au 31/07, du 15/08 au 15/10.' L'accord ajoute 'un planning individuel prévisionnel et annuel des prises de jours de repos ARTT et de mise en oeuvre de la modulation de la durée du travail (nombre d'heures de travail par jours et nombre de jours de travail par semaine) pour l'année N sera établi au sein de chaque entité, validé par la hiérarchie au plus tard le 31 octobre de l'année N-1 et mis à jour le 30 juin d l'année N', se conformant ainsi aux dispositions de l'article L. 212-8 du code du travail précitées. Il prévoit enfin que 'sauf circonstance exceptionnelle, notamment d'ordre climatique, ce planning ne pourra être modifié par la hiérarchie moins d'une semaine avant la date'. Les dispositions législatives relatives à l'annualisation et la modulation du temps de travail ayant régulièrement évolué dans le temps, il sera utilement relevé que compte-tenu des dates de signature du contrat de travail et de l'accord collectif d'entreprise précité, l'exigence relative à l'existence et la transmission d'un programme indicatif de la répartition de la durée du temps de travail invoquée par le salarié résultait tant des dispositions de l'article L. 212-2-1 du code du travail, telles qu'issues de la loi n° 93-1313 du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle, que de celles de l'article L. 212-8 du code du travail, dans sa version issue de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail. Toutefois, c'est à tort que le salarié se prévaut des conséquences de l'absence de programme indicatif de la durée du temps de travail, dans la mesure où l'article 12 de la loi n° 2016-1088 du 8 août 2016 a écarté cette exigence pour certains accords collectifs en retenant notamment que 'Cessent d'être applicables aux accords collectifs conclus avant la publication de la présente loi les dispositions relatives à la détermination d'un programme indicatif prévues à l'article L. 212-2-1 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 93-1313 quinquennale du 20 décembre 1993 relative au travail, à l'emploi et à la formation professionnelle et à l'article L. 212-8 du code du travail, dans sa rédaction résultant de la loi n° 2000-37 du 19 janvier 2000 relative à la réduction négociée du temps de travail'. Dans ces conditions, l'absence de programme indicatif de la durée du temps de travail ne peut priver l'accord collectif d'entreprise portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail au CETIOM du 27 décembre 2000 d'effet à l'égard de M. [R], comme il le soutient. En revanche, s'agissant des conditions de réduction du délai de prévenance, le salarié relève avec pertinence qu'une réduction de ce délai, qui est d'ordre public, à moins de 7 jours ouvrés est possible, lorsque les caractéristiques particulières de l'activité le justifient, sous réserve que cet accord collectif prévoit des contreparties au bénéfice du salarié. L'employeur ne justifie pas de la prévision de telles contreparties, dont le salarié conteste l'existence, par les dispositions conventionnelles dont il revendique l'application. L'irrégularité formelle de l'accord collectif d'entreprise portant sur l'aménagement et la réduction du temps de travail au CETIOM du 27 décembre 2000, qui ne précise ni les conditions de réduction du délai de prévenance, ni les contreparties dont le salarié bénéficierait dans cette hypothèse, emporte son inopposabilité à celui-ci et rend par suite inapplicable le décompte de la durée du travail dans un cadre autre qu'hebdomadaire. Arrêt n° 95 - page 10 13 septembre 2024 Il résulte de la lecture des plannings de M. [R] versés aux débats que les heures de travail effectuées sur les semaines travaillées ont excédé, comme il le soutient, la durée conventionnelle de travail à compter du 8 avril 2018, date de la première irrégularité invoquée par le salarié. La jurisprudence dont se prévaut l'employeur, qui règle les difficultés liées à l'absence de détermination de la répartition dans le temps de la durée du travail dans le cadre d'un contrat de travail à temps partiel, est inopérante dès lors que la requalification du contrat de travail de M. [R] est ici encourue sur un fondement distinct, si bien qu'il n'y a pas lieu de rechercher, comme le soutient l'intimé, si le salarié s'est maintenu à sa disposition sur l'ensemble de la période concernée. C'est ainsi à tort que les premiers juges ont écarté la contestation de M. [R], son contrat de travail à temps partiel devant être requalifié en contrat de travail à temps plein à compter du 8 avril 2018. Il s'en évince que la décision déférée sera infirmée de ce chef. Quel que soit le motif de la requalification, celle-ci ouvre au salarié le droit à un rappel de salaire correspondant à la différence entre le salaire qu'il aurait dû percevoir dans le cadre d'un contrat à temps complet. M. [R] produit un décompte justifiant des sommes réclamées au titre de la différence entre les montants qu'il a perçus et ceux résultant d'un emploi à temps plein. L'Institut Terres Inovia sera, dès lors, condamné au paiement d'une somme limitée à 34 497,94 euros à titre de rappel de salaire, compte-tenu de l'application de la prescription triennale conduisant à réduire les sommes réclamées au titre des mois de mai 2019 et 2022 selon l'argumentation pertinente de l'employeur. En outre, aux termes de l'article L. 3141-22 du code du travail, le congé annuel ouvre droit à une rémunération brute égale au dixième de la rémunération brute totale perçue par le salarié sur la période de référence, sans que cette indemnité puisse être inférieure au montant de la rémunération qui aurait été perçue pendant la période de congé si le salarié avait continué à travailler, le salarié devant bénéficier de la formule la plus avantageuse. Dès lors qu'il n'est pas établi que les périodes concernées par le rappel de salaire couvraient des périodes de congés ayant conduit à un maintien de salaire, ni même que ce maintien du salaire était plus favorable que l'indemnité représentant un dixième du rappel de salaire sollicité, il sera fait droit à la demande présentée à hauteur de 3 449,79 euros au titre des congés payés. 2) Sur les demandes de requalification du licenciement et financières afférentes : En l'espèce, la lettre de licenciement, trop longue pour être reproduite dans son intégralité, est libellée comme suit : 'Le 31 mars 2022, le médecin du travail vous a déclaré inapte à occuper votre poste de technicien d'expérimentation. Cet avis d'inaptitude est assorti d'une dispense de recherche de reclassement au motif que votre état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi. Cet avis a également précisé que tout reclassement serait préjudiciable pour votre santé sur un poste au sein de l'entreprise. Bien que nous ne soyons pas soumis a l'obligation de vous reclasser, nous avons fait le choix de consulter le CSE dont les membres, lors de la réunion du 14 avril 2022, ont constaté, qu'en application de |'article L. 1226-2-1 alinéa 2, aucune offre de reclassement ne pouvait vous être proposée. Conformément aux dispositions de m'article L. 1226-2-1 alinéa 1er du Code du travail, nous vous avons, par lettre RAR du 19 avril 2022, informé des motifs qui s'opposent à votre reclassement. Le 3 mai 2022, vous avez été convoqué a un entretien préalable qui s'est tenu le 17 mai 2022 sur le site de [Localité 6]. Au cours de cet entretien, après avoir effectué un rappel de votre situation Arrêt n° 95 - page 11 13 septembre 2024 contractuelle, nous vous avons passé en revue les démarches que nous avons réalisées depuis la déclaration d'inaptitude rendue par le médecin du travail et constaté l'impossibilité dans laquelle nous nous trouvions de vous reclasser. Nous sommes donc au regret de vous informer de notre décision de vous licencier en raison de votre inaptitude à occuper votre emploi et en raison de l'impossibilité de vous reclasser dans un autre emploi, le médecin qui vous a examine ayant expressément indique dans son avis d'inaptitude rendu le 31 mars 2022 : - que 'l'état de santé du salarié fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l'entreprise'. En conséquence, votre contrat de travail prendra fin à la date d'envoi de la présente lettre, soit le 24 mai 2022. Vous n'effectuerez donc pas de préavis (le préavis ne sera ni exécuté, ni payé) ( ...)' M. [R] soutient que son licenciement pour inaptitude est frappé de nullité en raison des manquements de l'employeur et de la situation de harcèlement moral qu'il a subie, qui sont à l'origine de son état de santé et, subsidiairement qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse. a) Sur la demande de requalification en licenciement nul : En vertu de l'article L. 1235-3-1 du code du travail, l'article L. 1235-3 n'est pas applicable lorsque le juge constate que le licenciement est entaché d'une des nullités prévues au deuxième alinéa du présent article. Dans ce cas, lorsque le salarié ne demande pas la poursuite de l'exécution de son contrat de travail ou que sa réintégration est impossible, le juge lui octroie une indemnité, à la charge de l'employeur, qui ne peut être inférieure aux salaires des six derniers mois. Les nullités mentionnées au premier alinéa sont celles qui sont afférentes à : 1° La violation d'une liberté fondamentale ; 2° Des faits de harcèlement moral ou sexuel dans les conditions mentionnées aux articles L. 1152-3 et L. 1153-4 ; 3° Un licenciement discriminatoire dans les conditions mentionnées aux articles L. 1132-4 et L. 1134-4 ; 4° Un licenciement consécutif à une action en justice en matière d'égalité professionnelle entre les femmes et les hommes dans les conditions mentionnées à l'article L. 1144-3, ou à une dénonciation de crimes et délits ; 5° Un licenciement d'un salarié protégé mentionné aux articles L. 2411-1 et L. 2412-1 en raison de l'exercice de son mandat ; 6° Un licenciement d'un salarié en méconnaissance des protections mentionnées aux articles L. 1225-71 et L. 1226-13. Aux termes de l'article L. 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir des agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation des conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel. Selon l'article L. 1154-1 du même code, il appartient au salarié qui s'estime victime d'un harcèlement moral de présenter les éléments de fait laissant supposer l'existence d'un harcèlement. Au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs de harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Il résulte de ces dispositions que pour se prononcer sur l'existence d'un harcèlement moral, il Arrêt n° 95 - page 12 13 septembre 2024 appartient au juge d'examiner l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en prenant en compte les documents médicaux éventuellement produits, et d'apprécier si les faits matériellement établis, pris dans leur ensemble, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Dans l'affirmative, il revient au juge d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. En l'espèce, pour déduire que son licenciement est nul, M. [R] soutient que l'inaptitude à l'origine de son licenciement résultait, en réalité, des manquements de l'employeur à ses obligations en matière de gestion de son temps de travail au cours de l'année 2021 et à la situation de harcèlement moral qu'il a dénoncés par courriers du 20 septembre 2021 et 20 décembre 2021 (pièces n°13 et 15 du salarié), ce que l'employeur conteste. Si la violation des dispositions légales et conventionnelles concernant la durée du travail et autres manquements dénoncés par M. [R], ne sont pas, en tant que tels et pris isolément, de nature à induire la nullité de son licenciement, tel est toutefois le cas de la situation de harcèlement moral, qu'il décrit en reprochant à son employeur d'avoir : - manqué à ses obligations en matière de durée du travail s'agissant de l'élaboration et de la mise en oeuvre de son planning annuel de l'année 2021, - retiré subitement le bénéfice du véhicule de service dont il avait l'usage, supprimant ainsi un avantage existant depuis plusieurs années, le mettant en difficulté au regard des nombreux déplacements induits par ses fonctions et l'éloignement de son domicile et générant ainsi une dégradation de ses conditions de travail et son état de santé, - demandé à ce qu'il remplisse, de manière très stricte, un planning avec mention de ses congés payés, à la différence de ses collègues, - mis en place une organisation, avec une surveillance et des vérifications qu'il qualifie respectivement de tatillonne et acharnées, ayant permis le développement d'une ambiance pesante au travail, et ce sans justification et sans lien avec le contenu des compte-rendus d'entretien d'évaluation versés aux dossiers. M. [R] produit notamment à l'appui de ses allégations : - un mail du 2 juillet 2021 que lui a adressé le responsable de la station d'expérimentation, lui précisant son horaire journalier de 7h36 et non 8 jours, - une série d'échange de mail entre juillet 2021 et septembre 2021 quant à l'organisation de son temps de travail et ses activités, - un mail du 15 juillet 2021 qu'il a envoyé à Mme [Y], responsable du département expérimentation auquel il appartenait, détaillant ses activités au sein de l'entreprise entre février et juillet 2021, - un mail du 8 juillet 2021 de Mme [Y], demandant la restitution du véhicule Trafic qu'il utilisait et rappelant le cadre organisationnel de son activité, notamment s'agissant de la réunion d'équipe du lundi matin au sein de la station de [5], - le courrier qu'il a établi le 20 décembre 2021 dénonçant un manque de confiance à son égard de la part de sa hiérarchie, faisant état d'une forme de mal-être et d'un ressenti d'une situation de harcèlement et de discrimination, et sollicitant une rupture conventionnelle du contrat de travail, - les compte-rendus de ses entretiens annuels d'évaluation des 13 mars 2018 et 21 novembre Arrêt n° 95 - page 13 13 septembre 2024 2019 et 2020, - les avis de paiement de la MSA Berry-Touraine pour les périodes du 20 au 24 septembre 2021 et 21 au 30 mars 2022, - un courrier, non signé, en date du 1er octobre 2021, au nom du médecin du travail, le Dr [T], invitant l'employeur à prendre toutes les dispositions visant à évaluer la situation de travail de M. [R] et à y apporter les éventuelles corrections nécessaires à la poursuite de ses activités au sein de l'entreprise dans les conditions de préservation de son état de santé, - trois ordonnances des 3, 20 septembre 2021 et 15 mars 2022 prescrivant des traitements de type anxiolytique, un certificat médical du 15 mars 2022 d'un médecin généraliste certifiant que 'M. [F] [R] a le stress lié à l'emploi qui ne lui permet pas de retourner à son poste de travail le temps que la situation ne trouve pas de solution', - l'avis d'aptitude rendu le 27 janvier 2022 et l'avis d'inaptitude du 31 mars 2022. Alors qu'il démontre une prise en charge médicale à compter de septembre 2021, M. [R] justifie également du retrait du véhicule de service Peugeot 207 dont il a eu l'usage pendant de nombreuses années, de la demande de restitution du véhicule de service Renault Trafic selon courriel du 8 juillet 2021, de l'absence de remise en début d'année de son planning annuel 2021 ainsi que du contrôle de ses activités, qui n'est pas contesté par l'employeur. Ce faisant, il présente des éléments de fait, précis, concordants et matériellement établis, qui, pris dans leur ensemble, avec les éléments médicaux produits, permettent de supposer l'existence d'un harcèlement moral au sens de l'article L. 1152-1 du code du travail. Il convient dès lors d'apprécier si l'employeur prouve que les agissements invoqués ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs, étrangers à tout harcèlement. À ce stade de son argumentaire, M. [R] considère que faute pour l'employeur d'avoir diligenté une enquête après dénonciation des faits de cette nature, celui-ci n'est plus fondé à contester l'existence du harcèlement allégué. Pourtant, le fait pour l'employeur de ne pas avoir diligenté d'enquête dans la suite du courrier du salarié du 20 décembre 2021, à les supposer établis, est sans conséquence sur la caractérisation des faits de harcèlement dénoncés et ne lui interdit pas de présenter son argumentation, la question de la sanction d'un éventuel manquement en termes de prévention du harcèlement moral étant distincte et donnant lieu, le cas échéant, à une réparation spécifique. S'agissant de l'usage et de la demande de restitution des véhicules de service de l'entreprise et des conséquences sur les conditions de travail de M. [R], l'Institut Terres Inovia justifie, par la production de son contrat de travail, que l'attribution d'un véhicule de service dédié, permettant la réalisation des trajets domicile/travail ou d'un véhicule de fonction n'était pas contractuellement actée, celui-ci stipulant d'une part, que le salarié 'exercera ses fonctions à [Localité 4] ou tout autre lieu de la région', et d'autre part, que l'intéressé s'engage à faire usage de son véhicule personnel pour les besoins du service, sur demande de sa hiérarchie et en contrepartie d'un remboursement des frais engagés. Pourtant, il résulte du courrier du 13 juillet 2022 de M. [P], ingénieur de recherche et responsable jusqu'à son départ en retraite à compter du 1er janvier 2022 du projet Syppre Berry auquel M. [R] a été affecté sur 70% de son temps de travail, que ce dernier a bénéficié, dès avant 2013, de l'attribution d'un véhicule de service. Arrêt n° 95 - page 11 13 septembre 2024 À ce titre, M. [P] précise qu'il s'agissait de permettre à M. [R] de mener à bien ses activités et qu'il ne l'utilisait 'que durant son activité professionnelle', avec l'accord de la hiérarchie de l'entreprise. Ce courrier (pièce n°26 du salarié), qui n'est pas dénué de force probante comme soutenu par l'employeur, mais dont la valeur est appréciée avec prudence par la cour dès lors qu'il n'est pas établi dans les formes prévues par l'article 202 du code de procédure civile, confirme que M. [R], qui se rendait quasi-quotidiennement sur la parcelle de terre support du projet Syppre située à une heure de route de la station du [5] et dont les fonctions induisaient de nombreux déplacements comme en atteste la description de son poste (pièce n°10 de l'employeur), faisait usage d'un véhicule de service. Cet état de fait qui s'est inscrit dans la durée, ne pouvait être ignoré de l'employeur, qui ne justifie ni d'avoir demandé à M. [R] de faire usage de son véhicule personnel, ni d'avoir indemnisé ce dernier pour des frais kilométriques avant 2022. Le fait que l'employeur ait accepté, puis maintenu, un accord permettant à M. [P] de faire usage de son véhicule personnel dans l'exercice de ses fonctions, ce qu'il reconnaît, corrobore le fait qu'il n'ignorait pas que le véhicule Peugeot 207, officiellement attribué à celui-ci, constituait en réalité le véhicule de service laissé à sa disposition. Il ne résulte toutefois pas du courrier de M. [P], ou de toute autre pièce versée aux débats, comme le relève à raison l'employeur, que le salarié avait obtenu l'autorisation de son responsable ou de toute autre personne habilitée, de faire usage de ce véhicule pour les trajets domicile/travail. Ceci résulte également du fait qu'aucun avantage en nature ne soit mentionné sur ses bulletins de salaire (pièce n°82) et du versement, sans aucune réaction de la part de M. [R], d'une prime transport réservée aux personnels ne bénéficiant pas d'un véhicule de service depuis janvier 2020 et conformément à l'accord résultant de la négociation annuelle obligatoire de 2020 (pièce n°83 de l'employeur). L'employeur n'est, en outre, pas contredit par le salarié lorsqu'il explique que, ne pouvant plus faire usage du véhicule Peugeot 207, réattribué à M. [S] en juillet 2021 en sa qualité en qualité de responsable de station et de successeur de M. [P], M. [R] a fait usage d'un véhicule affecté à la station du [5] (véhicule Renault Trafic), en dehors de toute autorisation jusqu'à la demande de restitution du véhicule formulée par M. [Y] le 8 juillet 2021, à laquelle M. [R] a déféré, comme en atteste son message du 12 juillet 2021 (pièce n° 52 de l'employeur). Le courriel de Mme [Y] du 8 juillet 2021, réclamant le retour du véhicule de service au sein de la station du [5] chaque soir est conforme à la note 'utilisation et entretien des véhicules de service' révisée le 24 janvier 2016 (pièce n°50 de l'employeur), étant relevé que l'article 1 du règlement intérieur de l'entreprise (pièce n°110 du salarié) organise le recours à de telles notes de service. Il a été fait rappel de cette note aux membres du département expérimentation, auquel M. [R] appartient, par un mail du 10 septembre 2018 (pièce 51 de l'employeur). Ainsi, l'employeur justifie du fait que le départ de M. [P] a mis fin à une situation, qui avait permis à M. [R] de bénéficier d'une organisation plus favorable que celle qui aurait résultait de l'application de la note de service du 24 janvier 2016 applicable à l'ensemble du personnel de l'entreprise. Pourtant, la modification des conditions d'utilisation des véhicules de service de l'entreprise ne Arrêt n° 95 - page 15 13 septembre 2024 constitue pas une modification de son contrat de travail comme il tente de le soutenir, ce d'autant qu'elle supposait de se rendre à la station du [5], à laquelle il était affecté par son contrat de travail. De même, M. [R] revendique en vain l'attribution d'un véhicule de service en raison de l'éloignement de son domicile personnel, cette possibilité ne résultant d'aucune disposition contractuelle ou conventionnelle applicable, sans que cela induise une situation discriminatoire à son égard dès lors qu'il n'est pas établi que des salariés, dans une situation similaire à la sienne, disposent d'un tel avantage. L'employeur produit ainsi les contrats de travail de Mme [A] et de MM. [D] et [I], techniciens d'expérimentations (pièces n°58 à 60 de l'employeur), qui ne prévoient ni l'attribution d'un véhicule de service, ni la prise en charge des frais liés au déplacement domicile/travail. De même, le fait que M. [R] ait constaté l'absence sur le parking de la station d'expérimentation d'un des véhicules de service de l'entreprise, à l'occasion de la restitution du véhicule de service Renault Trafic, n'établit pas la situation discriminatoire qu'il invoque dès lors que le témoignage de Mme [Y] confirme qu'elle a mis un terme à la situation ainsi découverte. Le refus de prise en charge par Mme [Y] (pièce 31 du salarié) des frais de déplacement dont M. [R] sollicitait le remboursement est fondé sur le fait qu'une part d'entre eux correspondait aux trajets domicile/travail, comme le rappelle l'employeur. La demande de prise en charge, formulée par M. [R] à l'occasion de la restitution du véhicule de service, puis la réclamation faisant suite au refus qui lui était opposé, corrobore l'argumentation de l'employeur qui relève qu'outre l'usage rendu nécessaire par ses fonctions au sein de l'entreprise, M. [R] réalisait en réalité les trajets domicile/travail avec le véhicule de service confié par M. [P], puis avec le véhicule Renault Trafic, en dehors de toute autorisation justifiée. Il est indéniable que l'application de la note de service du 24 janvier 2016 est moins favorable à M. [R] en terme d'organisation et ne pouvait que conduire à une réorganisation de ses journées ou semaines de travail, voire une augmentation sensible de ses temps de déplacement. Enfin, les possibilités d'usage dérogatoire des véhicules, telles qu'elles résultent de la note précitée, sous réserve d'en formuler la demande et de se conformer aux procédures mises en place par l'employeur dans le cadre de son pouvoir de direction et d'organisation, et de défraiement en cas de déplacement avec le véhicule personnel, étaient de nature à permettre au salarié, contrairement à ce qu'il soutient, de disposer des moyens nécessaires à l'exercice de ses fonctions et missions, sans augmentation majeure des coûts et temps de déplacement. Il résulte de ce qui précède que les décisions de l'employeur quant à l'usage des véhicules de la société par M. [R] ont mis un terme à une situation contrevenant aux règles applicables en la matière au sein de l'entreprise et qu'elles sont, dès lors, justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, étant relevé que le courrier de dénonciation du salarié du 20 décembre 2021 ne faisait pas référence à cette difficulté. Au titre de la situation de mal-être qu'il détaille dans son courrier du 20 décembre 2021, M. [R] évoque notamment les manquements de son employeur s'agissant de l'élaboration et la mise en oeuvre de son planning de l'année 2021, qu'il avait déjà détaillés dans un courrier en date du 20 septembre 2021. L'employeur ne conteste pas que M. [R] a été destinataire tardivement du planning des semaines de travail pour l'année 2021 et qu'il a, dès lors, appliqué le planning de l'année 2020, tout en respectant des horaires de travail plus larges conformément au nouvel accord sur le temps de travail applicable. Arrêt n° 95 - page 16 13 septembre 2024 Cependant, les attestations de Mmes [B] et [G], appartenant au service des ressources humaines de l'entreprise (pièce n°73 et 74 de l'employeur), apportent des précisions quant aux conséquences de la mise en place du nouvel accord d'entreprise sur la durée du temps de travail à compter du 1er février 2021 (pièce n°83 de l'employeur). Il est ainsi établi par l'employeur que cette situation a induit, dans un premier temps, un retard dans l'élaboration et la transmission du planning annuel de M. [R] puis, dans un second temps, et compte-tenu des heures de travail déjà effectuées depuis le début de l'année, une réduction du temps de présence du salarié dans l'entreprise au cours du 4ème trimestre 2021, comme en atteste Mmes [B] et [G], de même que le mail du 19 juillet 2021 de M. [R] lui-même (pièce n°19 du salarié). Il n'est, par ailleurs, pas contesté que dans l'attente de l'élaboration de ce nouveau planning, M. [R] a appliqué le planning de l'année 2020, qu'il avait accepté comme en atteste sa signature sur le planning annuel produit (pièce n°38 de l'employeur). Ainsi, les échanges par mails invoqués par le salarié, qui se limitent, pour l'essentiel, à des informations et échanges quant au temps de travail et aux jours de congés ou de récupération de M. [R], s'inscrivent dans ce contexte particulier, et le corrobore. Tel est le cas du mail du 2 juillet 2021, par lequel le responsable de la station d'expérimentation du [5] confirme la durée des plages horaires applicables à la situation de M. [R] dans la suite de la négociation collective intervenue dans l'entreprise. (Pièce n°10 du salarié) ou du mail du 7 septembre 2021 (pièce n°62 de l'employeur) établissant un bilan de situation quant aux heures déjà réalisées par M. [R]. Dès lors, l'employeur justifie de la situation ayant conduit M. [R] à soumettre à son employeur une série d'interrogations quant à son temps de travail annuel dans le courrier du 20 septembre 2021, ce qui démontre qu'elle résulte d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Par ailleurs, le fait même que le salarié ait d détailler son activité dans un mail du 15 juillet 2021 auprès de la responsable du service auquel il était affecté (pièce n°19 du salarié), ou que cette dernière ait pu solliciter des explications quant à son activité de la semaine antérieure par un mail du 19 juillet 2021, s'inscrit dans une volonté d'encadrement des missions confiées à M. [R], non contestée par l'employeur. Plus encore, l'employeur justifie qu'elle s'inscrit dans la durée et résulte : - du mail du 13 mars 2018 (pièce n°14 de l'employeur), qui liste les objectifs fixés à ce dernier à l'occasion d'une augmentation de sa rémunération en 2018, - des compte-rendus d'entretiens annuels d'évaluation du 13 mars 2018 et du 21 novembre 2019 (pièce n°15 et 16 de l'employeur), - ou encore du mail de Mme [Y] du 8 juillet 2021 (pièce n°8 du salarié), qui acte la volonté de cette dernière de voir M. [R] s'investir de façon plus importante dans la cohésion de service au sein de la station d'expérimentation du [5], notamment en se présentant régulièrement aux réunions de service du lundi matin. La démarche d'encadrement et d'accompagnement résultant de ces documents démontre la difficulté pour l'employeur d'obtenir le respect de diverses consignes et justifie les demandes d'explication adressées au salarié, sans être de nature, au regard de leur contenu et leur nombre, à caractériser la surveillance inadaptée qu'il invoque. C'est ainsi à raison que l'employeur souligne qu'il ne résulte pas des éléments soumis à la cour, en ce compris les échanges de mails intervenus entre juillet et septembre 2021, la mise en place Arrêt n° 95 - page 17 13 septembre 2024 d'une surveillance et un contrôle de l'activité du salarié excédant son pouvoir de direction pour assurer le bon fonctionnement de l'entreprise, celui-ci justifiant de nouveau, d'éléments objectifs étrangers à tout harcèlement. Au regard de ce qui précède, après analyse de l'ensemble des éléments invoqués par le salarié, en ce compris les documents médicaux produits, puis de l'argumentation de l'employeur, la cour retient que le harcèlement moral allégué ne peut pas être retenu. Dès lors, il n'est pas démontré que l'inaptitude du salarié est consécutive à la situation de harcèlement moral qu'il invoquait, de sorte que sa contestation visant à voir déclarer nul son licenciement doit être, par voie confirmative, écartée ainsi que les demandes financières subséquentes. Il en sera de même de la demande indemnitaire au titre du harcèlement moral. Subsidiairement, M. [R] soutient que son licenciement pour inaptitude est dépourvu de cause réelle et sérieuse dès lors que son inaptitude est consécutive à un manquement de l'employeur qui l'a provoquée. Il convient donc de statuer sur ce point. b) Sur la demande subsidiaire de requalification en licenciement sans cause réelle et sérieuse: Est dépourvu de cause réelle et sérieuse le licenciement pour inaptitude lorsqu'il est démontré que l'inaptitude est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'a provoquée. En l'espèce, M. [R] soutient que la dégradation de son état de santé et son inaptitude résulte des manquements de son employeur au titre de la gestion de son temps de travail, tel que dénoncé dans ses courriers du 20 septembre et 20 décembre 2021, du retrait de son véhicule de service et de l'organisation inadaptée et inéquitable de ses temps de déplacements. Le site de mise en oeuvre du projet Syppre étant plus proche du domicile de M. [R] que la station du [5], il a déjà été relevé que ses déplacements étaient indéniablement facilités par l'attribution du véhicule tel qu'organisé par M. [P], dans les conditions déjà décrites. Toutefois, le fait d'y mettre un terme ne saurait dégénérer en manquement de la part de l'employeur dès lors que la situation était non conforme aux règles internes en matière d'utilisation des véhicules de service et remise en cause par l'arrivée d'un nouveau responsable, auquel ledit véhicule était dédié. Ainsi, la cour a déjà retenu que non seulement le salarié ne bénéficiait pas de l'attribution d'un véhicule de service dédié, mais également que le retrait du véhicule de service, dont M. [R] a pu faire un usage excédant le cadre de l'accord défini avec son responsable, relevait du pouvoir de l'employeur de réattribuer le véhicule au responsable du service auquel il était officiellement attribué. Par ailleurs, M. [R] n'établit pas les conséquences importantes en terme de coût et de décuplement du temps de trajet auquel ce retrait aurait conduit et se contente donc d'alléguer qu'il lui a causé une dégradation importante de ses conditions de travail. En effet, il a fait usage de son véhicule personnel pendant 18 jours, sur les 36 jours écoulés depuis la restitution des véhicules de service (Peugeot 207 et Renault Traffic), comme en atteste les notes de frais qu'il a établies, dont il ne conteste pas avoir finalement obtenu le paiement, y compris s'agissant de ses trajets domicile/travail, et il a inévitablement fait usage d'un véhicule de service, comme l'affirme l'employeur et bien qu'il le conteste, sur les autres journées. M. [R] procède, en outre, par voie de simples affirmations lorsqu'il soutient que les conséquences du retrait du véhicule étaient d'autant plus importantes que la majorité de ses clients était située dans l'Indre. Arrêt n° 95 - page 18 13 septembre 2024 Il ne fait, de même, pas état d'une demande officielle et conforme aux règles en vigueur au sein de l'Institut Terres Inovia visant à voir évoluer les conditions d'usage du véhicule de service le concernant, après la demande de restitution formulée par Mme [Y], ce qui corrobore le témoignage de cette dernière, qui précise qu'un accord était intervenu entre M. [E] et M. [R], permettant à ce dernier de faire usage d'un véhicule de service entre le lundi et le vendredi, organisation dont Mme [M] témoigne qu'elle a été maintenue au bénéfice de M. [W], technicien affecté à la plate-forme Syppre à compter de septembre 2022 (pièce 76 de l'employeur). L'argumentation du salarié quant à la nature du temps de trajet écoulé entre son domicile et l'arrivée sur la plate-forme Syppre ou chez son premier client, qu'il dit être un temps de travail effectif, est ici sans lien avec la question de l'origine de son inaptitude et ne peut qu'être écartée. De même, il se saurait être retenu que le fait pour l'employeur d'exiger la présence de M. [R], dont l'affectation sur le projet Syppre ne représentait qu'une partie de son temps de travail, lors des réunions de service organisées le lundi au sein de la station d'expérimentation du [5], excède le pouvoir organisationnel de l'employeur, ni même constitue une modification du contrat de travail dès lors que le contrat de travail de M. [R] l'affectait à cette station d'expérimentation. Enfin, la gestion par l'employeur de la durée du temps de travail de M. [R] au cours de l'année 2021 a conduit ce dernier à être en attente de son planning annuel pendant de nombreux mois. Toutefois, il a déjà été retenu que cette difficulté a eu pour conséquence essentielle de réitérer l'application du planning de l'année 2020 que M. [R] avait expressément accepté et dont il ne justifie pas qu'il ait pu être particulièrement inadapté dans le cadre de cette reconduction. Si le délai de mise en oeuvre du nouvel accord sur le temps de travail applicable dans l'entreprise peut surprendre par son importance, il ne caractérise toutefois pas un manquement de l'employeur au regard des circonstances dont celui-ci justifie au moyen des attestations de Mmes [B] et [G]. Au surplus, si M. [R] a pu dénoncer différents manquements de son employeur au médecin du travail rencontré le 1er octobre 2021, comme en atteste l'extrait de son dossier médical produit (pièce 25 du salarié), il ne saurait toutefois être déduit de ce seul constat, et alors que le médecin se contente de retranscrire les doléances de son patient, l'existence d'un manquement de l'employeur à ses obligations, ni même le lien entre la dégradation de l'état de santé du salarié et les manquements allégués. Pour soutenir ce lien, M. [R] invoque l'avis d'inaptitude du 31 mars 2022 qui retient que son état de santé fait obstacle à tout reclassement dans un emploi dans l'entreprise et produit un courrier attribué au Dr [T], médecin du travail. Ce dernier est toutefois dépourvu de force probante, comme s'en prévaut l'employeur, dès lors qu'il n'est ni signé, ni établi sur un courrier à entête de son service, qui n'a pu en confirmer l'origine et l'envoi à l'employeur. Si M. [R] a bénéficié d'un arrêt de travail pour maladie entre le 20 et le 24 septembre 2021 (pièce 22 du salarié) dont le lien avec l'activité professionnelle ne résulte pas des pièces produites, l'employeur établit en revanche que l'arrêt de travail dont le salarié a bénéficié en mars 2022 était en lien avec une infection au virus du Covid-19, comme en atteste l'attestation d'isolement qui lui a été remise (pièce 68 de l'employeur). Enfin, le salarié justifie d'une prise en charge médicamenteuse, verse le certificat du Dr [U] en date du 15 mars 2022 qui se contente de faire état d'un stress lié à l'emploi ne lui permettant pas de reprendre son emploi, sans aucune précision, ni constatation médicale personnelle (pièce Arrêt n° 95 - page 19 13 septembre 2024 n°20 du salarié). Si les difficultés rencontrées dans l'élaboration du planning annuel de M. [R], cumulées avec l'arrivée de M. [S] ayant induit le retrait du véhicule de service dont il faisait usage et le recours plus important à son véhicule personnel s'inscrivent dans une évolution des conditions de travail qui a pu générer une forme d'anxiété chez le salarié, ce dernier échoue toutefois à caractériser tant le caractère fautif des décisions de l'employeur, que le fait qu'elles soient à l'origine de son inaptitude. Dès lors, il ne résulte pas des pièces et argumentations produites que l'inaptitude de M. [R] est consécutive à un manquement préalable de l'employeur qui l'aurait provoquée, de sorte qu'il ne saurait être fait droit à l'argumentation du salarié visant à voir juger que son licenciement est sans cause réelle et sérieuse. La décision déférée sera confirmée de ce chef. 3) Sur la demande de dommages et intérêts pour manquement à l'obligation de sécurité de l'employeur : Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent : 1° Des actions de prévention des risques professionnels et de la pénibilité au travail ; 2° Des actions d'information et de formation ; 3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés. L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes. La réparation d'un préjudice résultant d'un manquement de l'employeur suppose que le salarié qui s'en prétend victime produise en justice les éléments permettant d'établir d'une part, la réalité du manquement et d'autre part, l'existence et l'étendue du préjudice en résultant. En l'espèce, M. [R], à l'appui de la violation de l'obligation de sécurité et de prévention des risques psycho-sociaux qu'il allègue, soutient avoir été victime d'un harcèlement moral et d'une violation de son droit au repos et à sa santé. Il prétend que bien qu'ayant dénoncé cette situation à plusieurs reprises, l'employeur ne l'a pas prise en considération. L'Institut Terres Inovia, qui demande la confirmation du jugement déféré de ce chef, réfute tout manquement à son obligation de préserver la santé physique et mentale et d'assurer la sécurité de ses collaborateurs, et reproche à M. [R] de ne pas établir le lien qu'il invoque entre les difficultés de santé qu'il a rencontrées et ses conditions de travail. La cour a précédemment écarté la situation de harcèlement moral dont M. [R] se prévaut. Elle a, de même, retenu que non seulement le salarié n'établissait pas le caractère fautif des décisions de l'employeur s'agissant de la réattribution du véhicule de service dont il faisait usage en accord avec son responsable, mais que plus encore, qu'il n'établissait pas la dégradation de ses conditions de travail, autre que la perte du bénéfice tiré de l'usage non justifié de ce véhicule lors de ses trajets domicile/travail, dès lors qu'elle avait été compensée par le recours indemnisé à son véhicule personnel ou l'usage d'un véhicule de service commun au service. En outre, alors que M. [R] mentionne avoir signalé à plusieurs reprises la situation dont il Arrêt n° 95 - page 20 13 septembre 2024 avait à se plaindre auprès de son employeur, il sera relevé que seul le courrier du 20 décembre 2021 fait état du mal-être allégué, alors que le salarié se trouvait en période non travaillée de son contrat et qu'il n'a plus réintégré l'entreprise ensuite. Il en résulte que le salarié ne justifiant pas d'éléments permettant d'établir la réalité du manquement allégué à l'obligation de sécurité et de prévention des risques psycho-sociaux de l'employeur, c'est à raison que le premier juge l'a débouté de sa demande indemnitaire à ce titre. La décision déférée sera, dès lors, confirmée sur ce point. 4) Sur les autres demandes : Aucune des demandes soumises à la cour ne justifiant la fixation d'un salaire moyen du salarié, cette demande sera écartée comme étant sans objet par voie de confirmation de la décision déférée. Compte tenu de la décision rendue, la demande visant à obtenir la remise des bulletins de paie, certificat de travail et attestation Pôle emploi rectifiés, est fondée, si bien que cette remise sera ordonnée, par voie d'infirmation de la décision déférée, dans les conditions fixées au dispositif de la décision et sans qu'il y ait lieu à fixation d'une astreinte. Les dispositions de l'article 1343-2 du code civil prévoyant la possibilité d'une capitalisation des intérêts échus sur les sommes dues en vertu de la présente décision, sous réserve qu'ils soient dus pour une année, il sera fait droit à cette demande. La demande du salarié ayant pour objet le simple rappel des conditions d'application de L. 313-3 du code monétaire et financier, qui prévoit qu'en cas de condamnation pécuniaire par décision de justice, le taux de l'intérêt légal est majoré de cinq points à l'expiration d'un délai de deux mois à compter du jour où la décision de justice est devenue exécutoire, fût-ce par provision, il n'y a pas lieu d'y faire droit. Les sommes de nature salariale porteront intérêts à compter de la réception par l'employeur de la convocation devant le conseil de prud'hommes, valant mise en demeure, soit à compter du 15 septembre 2022. Enfin, le jugement est confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. L'employeur succombant pour partie devant la cour, sera condamné aux dépens d'appel et débouté en conséquence de sa demande d'indemnité de procédure. En outre, l'équité commande de le condamner à verser au salarié la somme de 3 000 euros au titre de ses frais irrépétibles d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire prononcé par mise à disposition du greffe : CONFIRME le jugement déféré en ses dispositions soumises à la cour, SAUF en ce qu'il a débouté M. [R] de ses demandes de requalification de son contrat de travail en contrat à temps complet, de rappel de salaire et de congés payés subséquents, au titre de la remise des documents de fin de contrat et de l'application des intérêts légaux et de leur capitalisation ; Arrêt n° 95 - page 21 13 septembre 2024 STATUANT À NOUVEAU DES CHEFS INFIRMÉS et Y AJOUTANT : ORDONNE la requalification du contrat de travail à temps partiel de M. [R] en date du 5 février 1996 en contrat à temps complet à compter du 8 avril 2018 ; CONDAMNE l'Institut Terres Inovia à payer à M. [R] la somme de 34 497,94 € à titre de rappel de salaire pour requalification, outre 3 449,79 € au titre des congés payés afférents, avec intérêts au taux légal à compter du 15 septembre 2022 ; ORDONNE à l'Institut Terres Inovia de remettre à M. [R], dans un délai d'un mois à compter de la signification du présent arrêt, des bulletins de paie, un certificat de travail et un attestation Pôle emploi rectifiés, mais DIT n'y avoir lieu à astreinte ; ORDONNE la capitalisation des intérêts échus dans les conditions prévues par les dispositions de l'article 1343-2 du code civil ; CONDAMNE l'Institut Terres Invovia à payer à M. [F] [R] une somme de 3 000 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; CONDAMNE l'Institut Terres Invovia aux dépens d'appel et le déboute de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Ainsi fait, jugé et prononcé les jour, mois et an que dessus ; En foi de quoi, la minute du présent arrêt a été signée par Mme VIOCHE, présidente de chambre, et Mme DELPLACE, greffière à laquelle la minute a été remise par le magistrat signataire. LA GREFFIÈRE, LA PRÉSIDENTE, S. DELPLACE C. VIOCHE

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