AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
Attendu, selon l'arrêt déféré, que la Banque populaire du Nord (la banque) a consenti à la société Tutrice auto sport ( la société Tutrice) un prêt de 1 000 000 francs en garantie duquel elle a inscrit un nantissement sur le fonds de commerce exploité par la société Tutrice ;
que cette société ayant été mise en redressement judiciaire le 7 janvier 2000, le tribunal a adopté, par jugement du 12 mai 2000, un plan de cession au profit de la société Pierre Beurrier finances avec faculté de substitution ; que l'acte de cession a été régularisé au profit de la société Ibéria concept le 29 novembre 2000 ; qu'après avoir déclaré sa créance, la banque a assigné la société Ibéria concept en paiement des échéances du prêt restées impayées à compter du 31 juillet 2000, en application de l'article
L. 621-96, alinéa 3, du Code de commerce ; que la cour d'appel a accueilli la demande ;
Sur le moyen
unique, pris en ses première et deuxième branches :
Attendu que la société Ibéria concept fait grief à
l'arrêt de l'avoir condamnée à payer à la banque la somme de 53 457,16 euros alors, selon le moyen :
1 / qu'il résulte de l'article 105-1 du décret du 27 décembre 1985 que le tribunal, lorsqu'il statue sur l'adoption du plan de cession, vérifie que sont réunies les conditions mises par l'article
L. 621-96, alinéa 3, du Code de commerce, au transfert légal des sûretés réelles, et constate dans le jugement arrêtant le plan, les sûretés dont la charge est transmise ;
qu'en décidant
que le transfert des sûretés s'opère automatiquement, du seul fait que le bien grevé est compris dans le plan, sans que le tribunal soit tenu de statuer sur ce point, la cour d'appel a violé la disposition précitée ;
2 / que dans le jugement arrêtant le plan de cession, le tribunal de commerce d'Amiens avait précisé que l'adoption du plan emportait transfert du nantissement sur le fonds de commerce sous la double réserve que la banque puisse justifier de l'affectation du prêt au financement des travaux d'aménagement du hall d'exposition et qu'elle démontre que les travaux d'agencement portent sur un bien susceptible d'emporter sûreté ; qu'en décidant que l'adoption du plan de cession emportait transfert du fonds de commerce sans que le tribunal ait à statuer sur ce point, la cour d'appel a dénaturé par omission le jugement arrêtant le plan de cession qui subordonnait le transfert des sûretés à une double condition ; qu'ainsi elle a violé l'article
4 du nouveau Code de procédure civile ;
Mais attendu qu'aux termes de l'article
L. 621-96, alinéa 3, du Code de commerce, la transmission au cessionnaire de la charge des sûretés garantissant le remboursement d'un crédit s'opère de plein droit ;
qu'en décidant dès lors, que le transfert des sûretés s'opère automatiquement, du seul fait que le bien grevé est compris dans le plan, sans que le tribunal soit tenu de statuer sur ce point, la cour d'appel a, sans dénaturer le jugement qui n'avait pas écarté l'application des dispositions susvisées, fait l'exacte application de ces dispositions ; que le moyen n'est fondé en aucune de ses branches ;
Mais sur le moyen
, pris en sa troisième branche :
Vu
l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que pour condamner la société Ibéria concept à payer à la banque les échéances du prêt, l'arrêt retient
qu'il résulte du contrat de prêt que celui-ci était affecté au financement de travaux d'aménagement d'un hall d'exposition du fonds de commerce exploité par la société Tutrice, qu'il était donc destiné à des travaux d'amélioration de celui-ci et que l'article
L. 621-96, alinéa 3, du Code de commerce, qui n'exige pas que le financement soit affecté à l'acquisition du bien, celui ci pouvant permettre tant l'acquisition d'un bien que son amélioration ou son entretien, est donc applicable à l'espèce ;
Attendu qu'en statuant ainsi
, sans répondre aux conclusions de la société Iberia concept qui faisaient valoir qu'il résultait des factures produites par la banque que les sommes prêtées n'avaient pas été utilisées, contrairement aux stipulations de l'acte de prêt, pour financer les travaux d'agencement du hall d'exposition du fonds de commerce, la cour d'appel a méconnu les exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur l'autre grief :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, l'arrêt rendu le 11 décembre 2003, entre les parties, par la cour d'appel d'Amiens ; remet, en conséquence, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Douai ;
Condamne la Banque populaire du Nord aux dépens ;
Vu l'article
700 du nouveau Code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite de l'arrêt cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par le président en son audience publique du quatre octobre deux mille cinq.