AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, PREMIERE CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
I - Sur le pourvoi n Y/91-19.130 formé par la société Bailly France, dont le siège social est sis ... (15e), en cassation d'un arrêt rendu le 12 juin 1991 par la cour d'appel de Paris (7e chambre), au profit :
1 / de la compagnie UAP, dont le siège social est sis ... (1er),
2 / de la société Sauvant, dont le siège social est sis ... (9e), défenderesses à la cassation ;
II - Sur le pourvoi n V/91-19.288 formé par l'Union des assurances de Paris (UAP), en cassation du même arrêt rendu au profit :
1 / de la société Bailly France,
2 / de la société Sauvant, défenderesses à la cassation ;
La société Bailly France, demanderesse au pourvoi n Y/91-19.130 invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
La compagnie UAP, demanderesse au pourvoi n V/91-19.288, invoque, à l'appui de son recours, les trois moyens de cassation, également annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 4 avril 1995, où étaient présents :
M. de Bouillane de Lacoste, président, M. Fouret, conseiller rapporteur, M. B..., Mmes Z..., X..., M. C..., Mme A..., M. Aubert, conseillers, M. Y..., Mme Catry, conseillers référendaires, Mme Le Foyer de Costil, avocat général, Mme Collet, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Fouret, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Bailly France, de la SCP Célice et Blancpain, avocat de la compagnie UAP, de la SCP Coutard et Mayer, avocat de la société Sauvant, les conclusions de Mme Le Foyer de Costil, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Joint les pourvois n Y/91-19.130 et n V/91-19.288 formés, le premier par la société Bailly France, le second par l'Union des assurances de Paris,
Attendu, selon les énonciations de l'arrêt attaqué, que le 1er avril 1986, certains bâtiments utilisés par la société Bailly France pour l'exercice de son activité commerciale ont été endommagés par un incendie ;
que l'assureur, l'Union des assurances de Paris (UAP), assigné en indemnisation, a fait valoir, en premier lieu, que la valeur des biens assurés excédait, au jour du sinistre, la somme garantie et qu'il convenait d'appliquer la réduction proportionnelle prévue à l'article
L. 121-5 du Code des assurances, en deuxième lieu, que, contrairement à ses engagements, l'assurée n'avait pas fait vérifier son installation électrique par un organisme agréé par l'assemblée plénière des sociétés d'assurances et que, par suite, devait être également appliquée la réduction proportionnelle prévue à l'article
L. 113-9 du même Code et, en troisième lieu, que l'indemnisation correspondant à la valeur des immeubles était subordonnée à leur reconstruction ;
qu'assignée également en indemnisation, la société de courtage Sauvant, par l'intermédiaire de laquelle la société Bailly France avait souscrit sa police d'assurance, a fait valoir que sa responsabilité ne pourrait être retenue en cas de réduction proportionnelle de l'indemnité dès lors que, contrairement à ce qui lui était reproché, elle n'avait pas manqué à son devoir de conseil et de renseignement ;
que l'arrêt attaqué, (Paris, 12 juin 1991), a fait application de la seule réduction proportionnelle prévue à l'article
L. 113-9, alinéa 3, du Code des assurances, a subordonné à la construction ou au remploi préalables l'exigibilité de l'indemnité correspondant aux dégradations causées aux bâtiments et a mis la société Sauvant hors de cause ;
Sur les trois moyens réunis, le premier, pris en ses trois branches, du pourvoi de l'UAP, tels qu'ils sont énoncés dans le mémoire en demande et reproduits en annexe au présent arrêt :
Attendu,
sur le premier moyen
, que sans dénaturer les stipulations du contrat d'assurance, ni inverser la charge de la preuve, ni priver sa décision de base légale au regard de l'article
L. 121-5 du Code des assurances, la cour d'appel, qui a recherché l'intention des parties, a souverainement estimé qu'il résultait des documents contractuels et des éléments de preuve versés aux débats, que la prime avait été calculée sans tenir compte de la valeur de l'immeuble donnant sur l'avenue du Maine, au numéro 148, appartenant à l'Assistance publique et donné en location à la société Bailly France, ledit immeuble ne figurant pas dans l'évaluation du cabinet Galtier et étant déjà assuré par sa propriétaire qui avait renoncé à tout recours contre sa locataire ;
Attendu,
sur le deuxième moyen
, que, sous couvert d'un prétendu défaut de réponse à conclusions, le grief ne fait que remettre en cause l'appréciation souveraine de la cour d'appel qui a estimé à 9 % la proportion qu'il convenait d'appliquer à la réduction de l'indemnité sur le fondement de l'article
L. 113-9, alinéa 3, du Code des assurances ;
Attendu,
sur le troisième moyen
, que sous le titre "expertise-sauvetage", en page 8 des conditions particulières, ne figure aucune clause relative aux "sauvetage" ;
que, par suite, c'est sans encourir la dénaturation alléguée que l'arrêt retient que le remboursement des frais de sauvetage exposés par la société Bailly France à la demande de l'UAP ne relevait pas de la garantie souscrite dans le contrat d'assurance et échappait, dès lors, à l'application de la règle proportionnelle prévue à l'article précité ;
Qu'il s'ensuit qu'aucun des moyens ne peut être accueilli ;
Sur les trois moyens réunis du pourvoi de la société Bailly France, tels qu'ils sont énoncés dans le mémoire en demande et reproduits en annexe au présent arrêt :
Attendu d'abord que la cour d'appel a fait application de la règle proportionnelle prévue à l'article
L. 113-9, alinéa 3, du Code des assurances au motif que, contrairement à la déclaration qu'elle avait faite à l'UAP au moment de la souscription des conditions particulières du contrat d'assurance, la société Bailly France n'avait pas fait contrôler ses installations électriques par un organisme agréé par l'assemblée plénière des sociétés d'assurances ;
qu'ainsi la cour d'appel a considéré que cette déclaration inexacte avait modifié l'appréciation du risque par l'assureur ;
Attendu, ensuite, que c'est sans inverser la charge de la preuve que la cour d'appel a retenu qu'il n'était pas démontré que la société Sauvant avait négligé de conseiller ou renseigner la société Bailly France sur ses droits et obligations à l'égard de l'assureur ;
Attendu, enfin, qu'est ambiguë la clause de l'article 11 du paragraphe VI des conditions particulières aux termes de laquelle "par dérogation aux conditions générales, pour les biens immobiliers appartenant à l'assuré et édifiés sur terrains d'autrui, l'indemnité, en cas de non-reconstruction sur les lieux mêmes, correspondra à la valeur de reconstruction desdits biens, mais pour autant qu'il y ait remploi, le règlement sera basé sur les dispositions prévues aux conditions générales" ;
que, par une interprétation dont la nécessité est exclusive de la dénaturation alléguée, la cour d'appel a estimé que le versement de l'indemnité d'assurance était subordonné à la reconstruction ou au remploi préalable ;
Qu'il s'ensuit qu'aucun des moyens n'est fondé ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE les deux pourvois ;
Condamne la société Bailly France et l'UAP, envers la société Sauvant, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Première chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du trente mai mil neuf cent quatre-vingt-quinze.