Tribunal administratif de Nice, 21 décembre 2022, 2205976

Mots clés
société • rapport • risque • requête • produits • querellé • rejet • requis • service • statuer • terme

Synthèse

  • Juridiction : Tribunal administratif de Nice
  • Numéro d'affaire :
    2205976
  • Type de recours : Excès de pouvoir
  • Dispositif : Satisfaction totale
  • Nature : Ordonnance
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Résumé

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Texte intégral

Vu la procédure suivante

: Par une requête, enregistrée le 20 décembre 2022 à 10 H 42, la société à responsabilité limitée (SARL) Bar Maurin et Barca, représentée par Me Nathalie Ruiz, demande au juge des référés, statuant sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 1°) d'ordonner la suspension de l'arrêté du 16 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a prononcé pour une durée de quinze jours, soit jusqu'au 30 décembre 2022 inclus, la fermeture administrative de l'établissement qu'elle exploite sous l'enseigne " Le Flore " sis 9 Cours Saleya à Nice (06 300) ; 2°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La SARL Bar Maurin et Barca soutient que : - la condition d'urgence est remplie, compte tenu des conséquences, notamment économiques, de la décision litigieuse sur sa situation ; du fait de cette décision, le gérant n'a d'autre choix que de mettre ses seize employés en chômage technique ; en outre, la perte d'activité induite, en pleine saison des fêtes de fin d'année, aura des conséquences importantes sur la situation financière de la société ; - l'arrêté litigieux porte une atteinte grave et manifestement illégale à plusieurs libertés fondamentales, à savoir, la liberté d'entreprendre, la liberté du commerce et de l'industrie et la liberté du travail ; - cet arrêté a été pris selon une procédure irrégulière, méconnaissant le principe du contradictoire et les droits de la défense, dès lors que l'urgence et les nécessités de l'ordre public invoquées par le préfet des Alpes-Maritimes ne sont pas caractérisées au sens de l'article L. 121-2 du code des relations entre le public et l'administration ; - l'arrêté est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation dès lors qu'un avertissement aurait suffi pour que la direction de l'établissement assimile les mesures à mettre en place pour les deux derniers matchs de la coupe du monde de football, celui du samedi 17 décembre 2022, et celui de la finale du 18 décembre 2022 ; la fermeture édictée, pour être proportionnée, aurait dû porter sur quelques jours seulement, soit jusqu'au lendemain de l'évènement sportif, et ce, d'autant que l'autorité administrative a fondé sa décision sur un risque de réitération lors du déroulement de la coupe du monde de football. Par un mémoire en défense, enregistré le 20 décembre 2022 à 18 H 12, le préfet des Alpes-Maritimes conclut au rejet de la requête de la SARL Bar Maurin et Barca. Le préfet soutient que : - la condition d'urgence n'est pas remplie en l'espèce ; si la SARL Bar Maurin et Barca produit le résultat de son chiffre d'affaires de l'année 2021, aucun élément précis n'est produit sur la situation financière de l'année 2022 et la liste des salariés produite ne permet pas de déterminer le type de contrats concernés et le montant des charges salariales pesant sur l'employeur ; les éléments produits sont donc insuffisants pour affirmer que la société requérante se trouve dans une situation d'urgence justifiant que soit suspendu l'arrêté contesté ; - la mesure de fermeture administrative prise est mixte, fondée sur les alinéa 1° et 2° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique ; c'est l'atteinte à l'ordre public dont l'origine est le non-respect des prescriptions de l'arrêté préfectoral du 14 décembre 2022 qui fonde la mesure de fermeture administrative contestée ; en cas de troubles à l'ordre public tels qu'ils ont été constatés par le rapport de police du 15 décembre 2022, l'alinéa 2 de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique n'exige pas la délivrance d'un avertissement préalable ; le moyen tiré de l'erreur de droit n'est donc pas fondé ; - l'arrêté querellé n'est nullement entaché d'une erreur manifeste d'appréciation ; un rapport établi par la police nationale précise qu'à plusieurs reprises, lors de la soirée du 14 décembre, des rappels avaient été faits aux dirigeants de l'établissement pour qu'ils retournent les écrans vers l'intérieur, sans aucun effet ; il est également mentionné dans ce rapport qu'aucun personnel n'a pris l'initiative d'interdire l'accès au toit vitré ou de faire redescendre les personnes qui avaient grimpé sur ce toit ; c'est donc bien la carence des gérants à exploiter leur établissement dans des conditions ne mettant pas en danger la vie de leurs clients qui a été sanctionnée par l'arrêté de fermeture de quinze jours, l'objectif étant de préserver l'ordre public et de faire prendre conscience aux dirigeants des conséquences de leurs négligences fautives ; - l'autorité administrative est en droit de porter atteinte à la liberté de travailler pour préserver des intérêts supérieurs, le maintien de l'ordre public et la prévention des atteintes physiques aux personnes. Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code de la santé publique ; - le code de justice administrative. Vu la décision par laquelle la présidente du tribunal a désigné M. A pour statuer sur les demandes de référés. Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience. Au cours de l'audience publique, tenue le 21 décembre 2022 à 9 heures 30 en présence de Mme Labeau, greffière de l'audience, M. A a lu son rapport et entendu : - les observations de Me Ruiz, représentant la SARL Bar Maurin et Barca qui reprend ses écritures et souligne l'impact financier de la fermeture qui intervient sur une période cruciale alors que l'activité reprend après des années difficiles. Le président a prononcé la clôture de l'instruction à l'issue de l'audience.

Considérant ce qui suit

: 1. La société à responsabilité limitée (SARL) Bar Maurin et Barca exploite sous l'enseigne " Le Flore " un établissement sis 9 Cours Saleya à Nice (06 300), ayant une activité de restauration traditionnelle. Le préfet des Alpes-Maritimes a décidé, par un arrêté du 16 décembre 2022 pris sur le fondement du 2° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique, la fermeture administrative pour une durée de quinze jours de l'établissement exploité par la SARL Bar Maurin et Barca. Cet arrêté est motivé par le fait que le gérant de l'établissement a, dans le cadre du déroulement de la Coupe du Monde de la FIFA, Qatar 2022, méconnu l'interdiction d'installer un écran de télévision dirigé vers la voie publique, prévu à l'article 1er de l'arrêté préfectoral n° 2022-1021 du 14 décembre 2022, ce qui aurait eu pour effet de favoriser le regroupement d'individus qui ont créé des troubles à l'ordre public, occasionnant des risques de mouvements de foule et de blessure en cas de fuite de clients. La SARL Bar Maurin et Barca demande au juge des référés, saisi sur le fondement de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, de suspendre l'exécution de cet arrêté. Sur les conclusions présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : 2. Aux termes de l'article L. 521-2 du code de justice administrative : " Saisi d'une demande en ce sens justifiée par l'urgence, le juge des référés peut ordonner toutes mesures nécessaires à la sauvegarde d'une liberté fondamentale à laquelle une personne morale de droit public ou un organisme de droit privé chargé de la gestion d'un service public aurait porté, dans l'exercice d'un de ses pouvoirs, une atteinte grave et manifestement illégale. Le juge des référés se prononce dans un délai de quarante-huit heures. ". En ce qui concerne l'urgence : 3. L'usage par le juge des référés des pouvoirs qu'il tient des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative est subordonné à la condition qu'une urgence particulière rende nécessaire l'intervention d'une mesure de sauvegarde dans les quarante-huit heures destinée à la sauvegarde d'une liberté fondamentale. 4. Pour justifier d'une situation d'urgence, la SARL Bar Maurin et Barca soutient que le maintien de la fermeture de son établissement jusqu'au terme de la période de quinze jours fixée est de nature à compromettre gravement son équilibre financier. Elle ajoute que le gérant n'a eu d'autre choix que de mettre ses seize employés en congés et que la perte d'activité induite, en pleine saison des fêtes de fin d'année, aura des conséquences importantes. Elle produit, à cet effet, une note " Infogreffe " comportant les derniers chiffres clés qui attestent d'un résultat déficitaire de la société au 31 décembre 2018, de l'absence de dépôt des comptes annuels au 31 décembre 2019 et d'un résultat à nouveau déficitaire au 31 décembre 2020 qui s'explique par les périodes de confinements et fermetures liées à la pandémie de Covid-19. Alors que la société requérante a pu enregistrer un résultat enfin positif au 31 décembre 2021 (82 164 euros), il est indéniable que la fermeture administrative édictée pour une période de quinze jours au moment des fêtes de fin d'année qui fait suite à la saison creuse post-estivale, le tout dans un contexte économique contraint et en période de reprise de l'inflation qui peut inciter les consommateurs, hors évènement festif, à réduire les dépenses jugées non indispensables, est de nature à entraîner des conséquences économiques et financières graves pour la société, caractérisant une situation d'urgence au sens de l'article L. 521-2 du code de justice administrative. En ce qui concerne l'atteinte grave et manifestement illégale à une liberté fondamentale : 5. Si la liberté d'entreprendre est une liberté fondamentale au sens des dispositions de l'article L. 521-2 du code de justice administrative, cette liberté s'entend de celle d'exercer une activité économique dans le respect de la législation et de la réglementation en vigueur et conformément aux prescriptions qui lui sont légalement imposées tout spécialement lorsqu'est concernée la protection de l'ordre public. 6. En l'espèce, le préfet des Alpes-Maritimes, ayant constaté et déploré que certains matchs de la coupe du monde de la FIFA, Qatar 2022, donnaient lieu, sur le cours Saleya de Nice, à des rassemblements aux abords des lieux de retransmissions des rencontres sportives qui ont conduit à des débordements et des troubles à l'ordre public avérés (saturation de l'espace des établissements et de leurs abords, consommation d'alcool sur la voie publique par des clients suivant les retransmissions sur des écrans visibles de l'extérieur des établissements, nuisances sonores, rixes entre supporters, usage de fumigènes et de nombreux artifices), a pris les mesures qui s'imposaient à lui, aux fins d'assurer le maintien de l'ordre, les règles de distanciation et la régulation des flux de supporters, notamment aux abords de l'établissement exploité par la société requérante. 7. Toutefois, si la fermeture administrative querellée, faisant partie des mesures d'urgence prises par le préfet des Alpes-Maritimes en application des dispositions du 2° de l'article L. 3332-15 du code de la santé publique qui stipulent que le représentant de l'Etat dans le département peut ordonner la fermeture d'un établissement pour une durée n'excédant pas deux mois en cas d'atteinte à l'ordre public, à la santé, à la tranquillité ou à la moralité publiques, était justifiée pour la période du 16 décembre au 18 décembre 2022, date de la finale opposant l'équipe de France à celle de l'Argentine, il est constant qu'une fois l'évènement échu, le risque invoqué par l'autorité administrative dans l'arrêté contesté, lequel stipule que " le risque élevé de réitération des troubles à l'ordre public dans le contexte de la coupe du monde de football impose de prendre des mesures d'urgence " a disparu et ne peut plus fonder une décision de fermeture. 8. Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que la décision en litige est manifestement disproportionnée à l'objectif qu'elle poursuit en ce que ses effets courent sur la période du 19 au 30 décembre 2022. Dans ces conditions, cette décision doit être regardée comme portant une atteinte grave et manifestement illégale aux libertés d'entreprendre et du commerce et de l'industrie qui constituent des libertés fondamentales. 9. Les deux conditions posées par l'article L. 521-2 du code de justice administrative étant remplies, la SARL Bar Maurin et Barca est fondée à demander la suspension de l'arrêté en date du 16 décembre 2022 par lequel le préfet des Alpes-Maritimes a prononcé la fermeture administrative de l'établissement à l'enseigne " Le Flore " qu'elle exploite sur le cours Saleya de Nice et ce, avec effet immédiat. Sur les frais liés au litige : 10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la SARL Bar Maurin et Barca et non compris dans les dépens.

ORDONNE :

Article 1erer : L'exécution de l'arrêté du préfet des Alpes-Maritimes du 16 décembre 2022 est suspendue avec effet immédiat. Article 2 : L'Etat versera à la SARL Bar Maurin et Barca la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Article 3 : La présente ordonnance sera notifiée à la SARL Bar Maurin et Barca et au ministre de l'intérieur et des outre-mer. Copie en sera adressée au préfet des Alpes-Maritimes. Fait à Nice le 21 décembre 2022. Le juge des référés signé O. A La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et des outre-mer en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun, contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente ordonnance. Pour expédition conforme, Le greffier en chef, ou par délégation la greffière