INPI, 16 août 2017, 2017-0420

Synthèse

  • Juridiction : INPI
  • Numéro de pourvoi :
    2017-0420
  • Domaine de propriété intellectuelle : OPPOSITION
  • Marques : HEERING ; KERING
  • Numéros d'enregistrement : 919517 ; 4312874
  • Parties : PETER F. HEERING AB / KERING

Texte intégral

OPP 17-0420 / NOA Le 02/08/2017 DECISION STATUANT SUR UNE OPPOSITION LE DIRECTEUR GENERAL DE L'INSTITUT NATIONAL DE LA PROPRIETE INDUSTRIELLE ; Vu l'arrangement de Madrid concernant l'enregistrement international des marques révisé du 14 avril 1891, le Protocole relatif à cet Arrangement adopté le 27 juin 1989 et le règlement d'exécution du 1 er avril 1996 ;

Vu le

règlement (CE) n°207/2009 modifié par le Règlement (UE) n°2015/2424 du Parlement européen et du Conseil du 16 décembre 2015 ; Vu le code de la propriété intellectuelle et notamment ses articles L 411-4, L 411-5, L 712-3 à L 712-5, L 712-7, L713-2, L713-3, R 411-17, R 712-13 à R 712-18, R 712-21, R 712-26 et R 718-2 à R 718-4 ; Vu l’arrêté du 24 avril 2008 modifié relatif aux redevances de procédure perçues par l'Institut national de la propriété industrielle. Vu la décision modifiée n° 2014-142 bis du Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle relative aux conditions de présentation et au contenu du dossier des demandes d'enregistrement de marques. Vu la décision n° 2016-69 du Directeur Général de l'Institut National de la Propriété Industrielle relative aux modalités de la procédure d’opposition à enregistrement d’une marque.

I.- FAITS ET PROCEDURE

La société KERING (société anonyme) a déposé, le 7 novembre 2016, la demande d'enregistrement n° 16 4 312 874 portant sur le signe complexe KERING. Ce signe est présenté comme destiné à distinguer notamment les produits et services suivants : "Bières ; bière de malt ; bière de gingembre. Vins de fruit (boissons alcoolisées) ; boissons alcoolisées contenant des fruits ; apéritifs à base d'alcool ; cocktails ; vins ; genièvre ; eaux-de-vie ; whisky ; boissons alcoolisées à l'exception des bières ; rhum ; arak. Services de cafés ; services de restauration". Le 2 février 2017, la société PETER F. HEERING AB (société de droit suédois) a formé opposition à l'enregistrement de cette marque, sur la base de la marque verbale internationale HEERING enregistrée le 2 mars 2007 sous le n° 919517 et désignant l'Union européenne. Cet enregistrement porte sur les produits suivants : "Boissons alcoolisées (à l'exception des bières); liqueurs". L’opposition a été notifiée à la société déposante sous le n°17-0420 et cette dernière a présenté des observations en réponse à l’opposition le 20 juin 2017. Dans ses observations, le titulaire de la demande d'enregistrement a invité la société opposante à produire des preuves d’usage de la marque antérieure. Cette demande a été transmise à la société opposante. Le 22 juin 2017, l’Institut a notifié aux parties un projet de décision établi au vu de l’opposition et des observations en réponse. Dans le délai imparti, l’opposant a produit les pièces sollicitées, communiquées à la société déposante par l'Institut, en application du principe du contradictoire. L’opposant a contesté le bien-fondé du projet de décision et le déposant a présenté des observations en réponse. II. - ARGUMENTS DES PARTIES A. - L'OPPOSANT La société opposante fait valoir, à l'appui de son opposition et en contestation du projet de décision, les arguments exposés ci-après. Sur la comparaison des produits et services Les produits et services de la demande d'enregistrement objets de l'opposition sont, pour certains, identiques, et pour d'autres, similaires aux produits invoqués de la marque antérieure. Sur la comparaison des signes La demande d'enregistrement contestée constitue l’imitation de la marque antérieure. La société opposante invoque également l’incidence sur la comparaison des signes de la grande proximité des produits et services en cause, laquelle vient renforcer le risque de confusion. Suite au projet de décision de l’Institut, elle en conteste la comparaison des signes. B. – LE TITULAIRE DE LA DEMANDE D'ENREGISTREMENT CONTESTÉE Dans ses observations en réponse à l'opposition, la société déposante conteste la comparaison des "Services de cafés ; services de restauration". Elle conteste également la comparaison des signes. Suite au projet de décision de l’Institut, elle réplique à l’opposant et conteste les pièces d’exploitation de la marque antérieure.

III.- DECISION

A. SUR LA PRODUCTION DE PIECES PROPRES A ETABLIR QUE LA DECHEANCE DE LA MARQUE POUR DEFAUT D’EXPLOITATION N’EST PAS ENCOURUE CONSIDERANT qu’aux termes de l’article L 714-5 du code de la propriété intellectuelle, « Encourt la déchéance de ses droits le propriétaire de la marque qui, sans justes motifs, n’en a pas fait un usage sérieux, pour les produits et services visés dans l’enregistrement, pendant une période ininterrompue de cinq ans. Est assimilé à un tel usage ... l’usage fait avec le consentement du propriétaire de la marque...» ; Qu’aux termes de l’article R 712-17 du code précité, « Le titulaire de la demande d’enregistrement peut, dans ses premières observations en réponse, inviter l’opposant à produire des pièces propres à établir que la déchéance de ses droits pour défaut d’exploitation n’est pas encourue. Ces pièces doivent établir l’exploitation de la marque antérieure, au cours des cinq années précédant la demande de preuves d’usage, pour au moins l’un des produits ou services sur lesquels se fonde l’opposition ou faire état d’un juste motif de non-exploitation » ; Qu’enfin, l’article R 712-18 du code précité dispose que : « La procédure d’opposition est clôturée ... 1° Lorsque l’opposant ... n’a fourni dans le délai imparti aucune pièce propre à établir que la déchéance de ses droits n’est pas encourue ... ». CONSIDERANT sur l’invitation de la société déposante à produire de telles pièces, l’opposant a fourni notamment, dans le délai imparti des pages de sites Internet datées du 11 mai 2017 (date pertinente au regard des conditions requises) sur lesquelles sont offertes à la vente des boissons alcooliques revêtues de la marque HEERING ; Qu'il convient de rappeler que, dès lors que des pièces datées sont fournies, qu'elles attestent d'un usage à titre de marque et qu'elles portent sur au moins l’un des produits et/ou services sur lesquels est fondée l’opposition, il n'appartient pas à l'Institut de se substituer aux tribunaux qui ont seuls compétence pour apprécier la portée de l'usage sur le maintien du droit à la marque et prononcer le cas échéant la déchéance de la marque en cause ; Que la société déposante considère que ces pièces « ne permettent pas d’attester d’une commercialisation effective de ces produits sur un territoire pertinent » ; que toutefois les sites internet dont proviennent les pièces fournies sont rédigées en français, sont d’extension française (.fr) et comportent les prix des produits en euros de sorte que les pièces établissent une exploitation de la marque antérieure sur le territoire français ; Que le titulaire de la marque antérieure a donc satisfait à l’obligation qui lui est faite par l’article R. 712-17 du code de la propriété intellectuelle ; Qu’en conséquence, et contrairement à ce que prétend la société déposante, il n’y a pas lieu de prononcer la clôture de la procédure. B. AU FOND Sur la comparaison des produits et services CONSIDERANT que l’opposition porte sur les produits et services suivants : "Bières ; bière de malt ; bière de gingembre. Vins de fruit (boissons alcoolisées) ; boissons alcoolisées contenant des fruits ; apéritifs à base d'alcool ; cocktails ; vins ; genièvre ; eaux-de-vie ; whisky ; boissons alcoolisées à l'exception des bières ; rhum ; arak. Services de cafés ; services de restauration" ; Que la marque antérieure a été enregistrée pour les produits suivants : "Boissons alcoolisées (à l'exception des bières); liqueurs". CONSIDERANT que les "Bières ; bière de malt ; bière de gingembre. Vins de fruit (boissons alcoolisées) ; boissons alcoolisées contenant des fruits ; apéritifs à base d'alcool ; cocktails ; vins ; genièvre ; eaux-de-vie ; whisky ; boissons alcoolisées à l'exception des bières ; rhum ; arak" de la demande d'enregistrement contestée apparaissent identiques à l'évidence aux produits invoqués de la marque antérieure, ce qui n'est pas contesté la société déposante. CONSIDERANT que, contrairement à ce que soutient la société déposante, les "Services de cafés ; services de restauration" de la demande d'enregistrement contestée sont en étroite relation avec les "Boissons alcoolisées (à l'exception des bières); liqueurs" de la marque antérieure, les seconds étant nécessairement proposés et régulièrement consommés dans le cadre de la prestation des premiers ; Que ces services et produits sont donc complémentaires et dès lors similaires, le public pouvant leur attribuer une origine commune. CONSIDERANT que les produits et services de la demande d'enregistrement contestée objets de l'opposition apparaissent, identiques ou similaires aux produits invoqués de la marque antérieure. Sur la comparaison des signes CONSIDERANT que la demande d'enregistrement contestée porte sur le signe complexe KERING ci-dessous reproduit : Que la marque antérieure invoquée porte sur le signe verbal HEERING. CONSIDERANT que la société opposante invoque l’imitation de la marque antérieure par le signe contesté. CONSIDERANT que l'imitation nécessite la démonstration d'un risque de confusion entre les signes, lequel doit être apprécié globalement à partir de tous les facteurs pertinents du cas d'espèce ; que cette appréciation globale doit, en ce qui concerne la similitude visuelle, auditive ou conceptuelle des marques en cause, être fondée sur l'impression d'ensemble produite par les marques, en tenant compte notamment de leurs éléments distinctifs et dominants. CONSIDERANT qu’il résulte d’une comparaison globale et objective que le signe contesté est composé d'un élément verbal et d'un élément figuratif alors que la marque antérieure est consituée d'une dénomination unique ; Que les dénominations KERING du signe contesté et HEERING, constitutive de la marque antérieure invoquée, sont de longueur comparable (six et sept lettres) et se terminent par séquence ERING ; Que toutefois, cette seule circonstance ne saurait suffire à créer un risque de confusion entre les signes, dès lors qu’ils présentent par ailleurs des différences visuelles et phonétiques propres à générer une impression d’ensemble différente ; Qu’en effet, visuellement, ces dénominations diffèrent par leur séquence d’attaque, KE- pour le signe contesté, HEE- pour la marque antérieure caractérisée par la répétition de la lettre E, ce qui leur confère une physionomie différente ; Que phonétiquement, les dénominations KERING et HEERING présentent des sonorités d’attaque différentes, [ké] pour le signe contesté et [hi] pour la marque antérieure ; Qu’à cet égard, le déposant soutient que les consommateurs français prononceront la syllabe HEE « en [hé] et non en [hi] » au motif que le terme HEERING « n’étant pas un nom commun anglais, rien ne justifie qu’il soit prononcé selon les règles phonétiques anglaises » ; que toutefois, les consommateurs prononceront la syllabe HEE à l’anglaise, à savoir [i], dès lors qu’il est fréquent que dans des termes anglais ou de fantaisie, la séquence EE soit prononcée conformément aux règles de la phonétique anglaise, à savoir [i] (comme dans les mots « queen », « spleen » « week-end » etc.) et qu’en l’espèce la dénomination HEERING présente une apparence anglo-saxonne du fait de sa terminaison ING caractéristique de la langue anglaise ; Que ces différences visuelles et phonétiques sont d'autant plus fortes qu’elles affectent la séquence d’attaque des deux signes (respectivement KE et HEE), et qu’elles modifient ainsi une syllabe sur les deux qui les composent ; qu’à cet égard la syllabe KE se caractérise par la lettre K, peu usitée en langue française et la syllabe HEE par l'association inhabituelle des lettres H et EE ; Que, dès lors, le consommateur n'appréhendera pas la dénomination KERING comme une succession de lettres dont certaines sont communes avec la dénominatiuon HEERING de la marque antérieure mais comme un élément verbal bien individualisé formant une dénomination distincte de celle de la marque antérieure ; Qu'en outre, le signe contesté comporte un élement figuratif, lequel ne se retrouve pas dans la marque antérieure et accentue ainsi les différences d'ensemble entre les signes ; Qu’il résulte de ce qui précède que les signes en présence produisent une impression d’ensemble différente. CONSIDÉRANT ainsi, que le signe complexe contesté KERING ne constitue pas l'imitation de la marque verbale antérieure HEERING ; Qu’à cet égard, s’il est vrai que l’identité des produits peut compenser de faibles similitudes entre les signes, encore faut-il que ces similitudes soient suffisantes, ce qui n’est pas le cas en l’espèce. CONSIDERANT ainsi, qu'en raison de l'absence d'imitation de la marque antérieure par le signe contesté, il n'existe pas globalement de risque de confusion sur l'origine de ces marques et ce, malgré l’identité et la similarité des produits et services en cause. CONSIDERANT en conséquence, que le signe complexe contesté KERING peut être adopté comme marque pour désigner de tels produits et services sans porter atteinte aux droits antérieurs de la société opposante sur la marque verbale internationale HEERING.

PAR CES MOTIFS

DECIDE Article unique : L'opposition est rejetée. Noémie ARIMOTO, Juriste Pour le Directeur général de l'Institut national de la propriété industrielle Jean-Yves CAILLIEZ Responsable de pôle