LA COUR DE CASSATION, CHAMBRE SOCIALE, a rendu l'arrêt suivant :
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Rennes, 7 juin 2013) qu'engagée le 22 novembre 2004 par la société Virbac France en qualité d'ingénieur commercial, Mme X... a été déclarée le 20 décembre 2010, à l'issue d'une seule visite de reprise avec mention de danger immédiat, inapte à son poste de déléguée vétérinaire et à tous les postes dans l'entreprise ; qu'elle a été licenciée le 2 mars 2011 pour inaptitude et impossibilité de reclassement ; qu'elle a saisi la juridiction prud'homale ;
Sur le moyen unique du pourvoi principal de l'employeur :
Attendu qu'il n'y a pas lieu de statuer par une décision spécialement motivée sur le moyen annexé, qui n'est manifestement pas de nature à entraîner la cassation ;
Sur le moyen unique du pourvoi incident de la salariée :
Attendu que la salariée fait grief à l'arrêt de la débouter de sa demande tendant à voir constater l'origine professionnelle de son inaptitude et de ses demandes indemnitaires à ce titre, alors, selon le moyen, que les juges du fond doivent vérifier si l'inaptitude d'un salarié a, au moins partiellement, une origine professionnelle, ce qui entraîne l'application de règles protectrices en cas de licenciement du salarié inapte dont l'employeur a méconnu son obligation de reclassement ; que pour exclure l'origine, au moins partielle d'une inaptitude, les juges doivent caractériser d'une part, l'absence de lien entre l'accident du travail et l'inaptitude du salarié et d'autre part, la non-connaissance par l'employeur au moment du licenciement, de l'origine professionnelle de l'inaptitude ; que la cour d'appel s'est bornée à affirmer que rien ne permettait de démontrer que l'inaptitude constatée par le médecin du travail avait une origine professionnelle ; qu'en statuant ainsi, bien qu'elle ait relevé que la salariée a été déclarée inapte à « tous les postes de l'entreprise dans l'organisation actuelle du travail » à la suite d'arrêts de travail consécutifs à deux entretiens avec ses supérieurs hiérarchiques et que l'employeur a consulté les délégués du personnel et a indiqué à la salariée les motifs qui s'opposaient à son reclassement, obligations qui incombent à l'employeur dans la seule hypothèse où l'inaptitude du salarié est d'origine professionnelle, la cour d'appel a violé les articles
L. 1226-10,
L. 1226-12,
L. 1226-14 et
L. 1226-15 du code du travail ;
Mais attendu que sous le couvert d'un grief non fondé de violation de la loi, le moyen ne tend qu'à contester l'appréciation souveraine par les juges du fond des éléments de fait et de preuve dont ils ont déduit que la preuve n'était pas rapportée par la salariée des agissements fautifs imputés à l'employeur et à l'origine, selon elle, de son inaptitude ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE les pourvois principal et incident ;
Laisse à chacune des parties la charge des dépens afférents à son pourvoi ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, chambre sociale, et prononcé par le président en son audience publique du huit avril deux mille quinze.
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt.
Moyen produit AU POURVOI PRINCIPAL par la SCP Gatineau et Fattaccini, avocat aux Conseils, pour la société Virbac France.
Il est fait grief à l'arrêt infirmatif attaqué d'AVOIR dit le licenciement de Madame X... dépourvu de cause réelle et sérieuse et d'AVOIR condamné la société VIRBAC à lui verser les sommes de 11. 152, 43 euros à titre d'indemnité compensatrice de préavis, outre 1. 115, 94 euros au titre des congés-payés y afférents, la somme de 25. 000 euros à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et la somme de 2. 500 euros au titre de l'article
700 du Code de procédure civile.
AUX MOTIFS QUE l'avis d'inaptitude à tout emploi dans l'entreprise délivrée par le médecin du travail ne dispense pas l'employeur de rechercher les possibilités de reclassement par la mise en oeuvre de mesures telles que mutations, transformations de postes de travail ou aménagement du temps de travail au sein de l'entreprise ; qu'indépendamment du fait que la société ne justifie pas des démarches effectives et concrètes destinées à tenter de reclasser Mme X..., si ce n'est le courrier adressé au médecin du travail concernant deux postes qui de surcroît n'ont pas été proposés à cette dernière, les registres uniques du personnel font apparaître de nombreux recrutements en contrat à durée indéterminée au début de l'année 2011 sur des postes susceptibles, par le biais d'aménagements, d'être proposés à la salariée ; que la preuve de l'exécution sérieuse et loyale de l'obligation de recherche de reclassement de l'intéressé n'est pas rapportée, ce qui rend le licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse ; que Mme X... est en conséquence fondée à obtenir une indemnité compensatrice du préavis et des dommages-intérêts dont le montant sera fixé à la somme de 25. 000 euros eu égard au préjudice subi par l'intéressé qui avait un peu plus de six ans d'ancienneté mais qui ne justifie pas de sa situation actuelle ni de ses éventuelles recherches d'emploi ; que l'équité commande d'allouer à Mme X... une indemnité de 2. 500 euros en application de l'article
700 du Code de procédure civile ; que la société qui succombe supportera ses propres frais irrépétibles et les entiers dépens.
1°- ALORS QUE le médecin du travail est seul habilité à apprécier l'aptitude du salarié à occuper un poste de travail et son avis s'impose à l'employeur comme au juge ; qu'en l'espèce, il était constant que le médecin du travail ayant conclu le 20 décembre 2010 que la salariée était inapte à tout poste dans l'entreprise, l'employeur l'avait interrogé le 14 janvier 2011 sur la possibilité de proposer à la salariée deux postes de reclassement ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir finalement proposé ces deux postes à la salariée sans vérifier, comme elle y était invitée par l'employeur, si le médecin du travail n'avait pas répondu que la salariée était inapte à occuper ces deux postes, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
L. 1226-2 du Code du travail.
2°- ALORS QUE pour justifier avoir satisfait à son obligation de recherche de reclassement, la société VIRBAC faisait valoir, preuve à l'appui, qu'elle avait également consulté, le 7 février 2011, les délégués du personnel sur les possibilités de reclassement ou d'aménagement de poste éventuels et que ces derniers, au vu de l'ensemble des éléments d'information fournis, avaient conclu qu'il n'existait aucune possibilité de reclassement ; qu'en jugeant que la société VIRBAC ne justifiait pas, en dehors du courrier adressé au médecin du travail concernant deux postes de reclassement, de démarches effectives et concrètes destinées à tenter de reclasser la salariée sans s'expliquer sur cette démarche également effectuée auprès des délégués du personnel, la Cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard de l'article
L. 1226-2 du Code du travail.
3°- ALORS QUE le médecin du travail est seul habilité à apprécier l'aptitude du salarié à un poste de travail, au besoin par le biais d'un aménagement de ce poste ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir proposé à la salariée plusieurs postes pourvus par contrat à durée indéterminée, postes dont elle a considéré qu'ils auraient été susceptibles « par le biais d'aménagement » de lui être proposés, la Cour d'appel, qui a apprécié elle-même l'aptitude de la salariée à occuper ces postes, a violé l'article
L. 1226-2 du Code du travail.
4°- ALORS subsidiairement QUE seules les recherches de reclassement compatibles avec les conclusions du médecin du travail peuvent être prises en considération pour apprécier si l'employeur a respecté son obligation de reclassement ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir proposé à la salariée plusieurs postes pourvus par contrat à durée indéterminée qui auraient été susceptibles de lui être proposés par le biais d'aménagements sans à aucun moment préciser quels étaient ces postes et leurs aménagements possibles, la Cour d'appel n'a pas mis la Cour de cassation en mesure de vérifier que ces postes de reclassement étaient compatibles avec les conclusions du médecin du travail ayant déclaré la salariée « inapte à tous les postes de l'entreprise dans l'organisation actuelle du travail », privant ainsi sa décision de base légale au regard de l'article
L. 1226-2 du Code du travail.
5°- ALORS QUE les jugements doivent être motivés ; que dans ses conclusions d'appel, l'employeur faisait valoir qu'il résultait des registres uniques du personnel qu'aucun des postes de travail pourvus entre fin 2010 et début 2011 n'était compatible avec les qualifications professionnelles de la salariée ; qu'en reprochant à l'employeur de ne pas avoir proposé à la salariés les nombreux postes pourvus au début de l'année 2011 sans répondre à son moyen tiré de l'absence de compatibilité de ces postes avec les qualifications professionnelles de la salariée, la Cour d'appel a violé l'article
455 du Code de procédure civile.
Moyen produit AU POURVOI INCIDENT par Me Le Prado, avocat aux Conseils, pour Mme X....
Le moyen reproche à l'arrêt attaqué ;
D'AVOIR considéré que l'inaptitude de la salariée n'était pas d'origine professionnelle et débouté l'intéressée de ses demandes indemnitaires afférentes ;
AUX MOTIFS QUE « Madame X... soutient en premier lieu que son inaptitude physique serait d'origine professionnelle en raison du comportement adopté par ses supérieurs hiérarchiques au cours d'un entretien qui s'est déroulé le 24 août 2010 lors d'un séminaire en Andorre ; que pour étayer ses affirmations Mme X... produit un courrier en date du 21 septembre 2010 adressé à la Responsable des Ressources Humaines dans lequel elle reproche à M. Y... (Directeur régional) et à M. Z... (Directeur des ventes) d'avoir provoqué un entretien le 24 août au cours duquel ils lui ont reproché son attitude négative, son caractère ingérable, la plainte d'un vétérinaire, la modification des modalités de son transfert pour se rendre en Andorre et la baisse de ses résultats et lui ont proposé une rupture conventionnelle de son contrat de travail ; qu'au vu de leurs témoignages versés aux débats, Messieurs Y... et Z... ne contestent nullement avoir eu un entretien avec Mme X... mais indiquent avoir souhaité la rencontrer pour faire un point sur son secteur, sa motivation et l'aide dont elle pouvait avoir besoin pour remonter les chiffres de son secteur qui était resté vacant ; qu'ils ont précisé s'être mis à la disposition de leur collaboratrice pour lui apporter tout le soutien nécessaire et ont souligné que Mme X... avait apprécié leur démarche et leur avait demandé de faire preuve d'indulgence à son égard ; que la Responsable des Ressources Humaines, le 14 octobre 2010, a répondu en ce sens à la salariée en apportant certaines précisions sur différents points relevés par ailleurs, en lui rappelant qu'elle était considérée comme un « bon élément » et qu'il était légitime que ses managers s'inquiètent de la situation ajoutant de surcroît qu'ils n'avaient pu lui proposer une rupture de son contrat dès lors qu'ils n'avaient aucun pouvoir en la matière et la conviant à un entretien fixé au 4 novembre 2010 lors duquel Mme X..., qui était assisté d'un délégué syndical, a fait savoir, selon la Responsable des Ressources Humaines, qu'elle ne souhaitait pas reprendre son travail et qu'elle demandait une rupture conventionnelle et des propositions de la part de la société ; que le courrier de Mme X... qui a été rédigé et envoyé près d'un mois après I'entretien litigieux, qui émane uniquement de la salariée et qui non seulement n'est corroboré par aucun élément, mais est contredit par les témoignages de ses supérieurs hiérarchiques, ne peut à lui seul caractériser les agissements fautifs qu'elle invoque et que même si elle a fait l'objet d'un nouvel arrêt de travail le 30 août 2010, rien ne permet de démontrer que l'inaptitude constatée par le médecin du travail ait une origine professionnelle, étant précisé :- que le fait que la société ait consulté les délégués du personnel et ait informé la salariée des raisons s'opposant à son reclassement n'a aucune incidence,- qu'à l'évidence aucun reproche en lien avec son état de santé n'a été adressé à la salariée qui, entre la fin de son arrêt de travail et le séminaire, n'avait retravaillé que quelques jours avant de partir en congé, mais qui avais eu une activité de janvier à mai 2010 et qui était susceptible de rencontrer des difficultés après plusieurs mois d'absence ; que la salariée ne peut pas prétendre à l'indemnité spéciale de licenciement ; que le montant des dommages et intérêts pour licenciement dépourvu de cause réelle et sérieuse sera fixé à la somme de 25. 000 euros ».
ALORS QUE les juges du fond doivent vérifier si l'inaptitude d'un salarié a, au moins partiellement, une origine professionnelle, ce qui entraîne l'application de règles protectrices en cas de licenciement du salarié inapte dont l'employeur a méconnu son obligation de reclassement ; que pour exclure l'origine, au moins partielle d'une inaptitude, les juges doivent caractériser d'une part, l'absence de lien entre l'accident du travail et l'inaptitude du salarié et d'autre part, la non-connaissance par l'employeur au moment du licenciement, de l'origine professionnelle de l'inaptitude ; que la cour d'appel s'est bornée à affirmer que rien ne permettait de démontrer que l'inaptitude constatée par le médecin du travail avait une origine professionnelle ; qu'en statuant ainsi, bien qu'elle ait relevé que la salariée a été déclarée inapte à « tous les postes de l'entreprise dans l'organisation actuelle du travail » à la suite d'arrêts de travail consécutifs à deux entretiens avec ses supérieurs hiérarchiques et que l'employeur a consulté les délégués du personnel et a indiqué à la salariée les motifs qui s'opposaient à son reclassement, obligations qui incombent à l'employeur dans la seule hypothèse où l'inaptitude du salarié est d'origine professionnelle, la cour d'appel a violé les articles
L. 1226-10,
L. 1226-12,
L. 1226-14 et
L. 1226-15 du code du travail.