TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE PARIS JUGEMENT rendu le 08 décembre 2016
3ème chambre 1ère section N° RG : 16/03689
Assignation du 22 et 26 février 2016
DEMANDERESSE S.A.S. MHIRI INNOVATION [...] 75016 PARIS représentée par Maître Daphné BES DE BERC de la SELEURL DAPHNE B DE BERC, avocats au barreau de PARIS, vestiaire #P0030
DÉFENDERESSES S.A.R.L. OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR [...] 92240 MALAKOFF
S.A.R.L. SOLIVEIL [...] 92160 ANTONY Toutes deux représentées par Me Michel PATILLET, avocat au barreau de PARIS, vestiaire #A0742
COMPOSITION DU TRIBUNAL Marie-Christine C. Vice-Présidente Julien R. Juge Aurélie JIMENEZ. Juge assistée de Marie-Aline P. Greffier.
DÉBATS À l'audience du 25 octobre 2016 tenue en audience publique devant, Julien R et Aurélie JIMENEZ, juges rapporteurs, qui, sans opposition des avocats, ont tenu seuls l'audience, et, après avoir entendu les conseils des parties, en ont rendu compte au Tribunal, conformément aux dispositions de l'article
786 du Code de Procédure Civile.
JUGEMENT Prononcé publiquement par mise à disposition au greffe Contradictoire en premier ressort
EXPOSE DU LITIGE La SAS MHIRI INNOVATION, immatriculée au RCS de Paris le 18 décembre 2012 et dont le nom commercial déclaré est « Traveler Park - Traveler Car », a pour activité principale la location de voitures de courte durée.Elle explique avoir réservé le 29 novembre 2012 les noms de domaine travelercar.com et travelercar.fr et est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la marque verbale française « TRAVELER CAR » déposée le 1 er avril 2013 et enregistrée sous le numéro 3994432 notamment pour les « véhicules » de la classe 12 et les « transports » de la classe 39.
La SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR, immatriculée le 13 juin 2012 au RCS de Nanterre et dénommée OSCAR CHAUFFEUR PRIVE jusqu'au 14 août 2014, a pour activité déclarée la location de voitures avec chauffeur qu'elle exerce depuis le 14 août 2014 sous le nom commercial « Travelcar ».
La SARL SOLIVEIL, immatriculée le 21 décembre 2012 au RCS de Nanterre, a pour activité déclarée la distribution, l'installation et la location de tous produits. Elle a réservé le 11 août 2013 le nom de domaine travelcar.fr.
Dénonçant l'existence d'un risque de confusion, la SAS MHIRI INNOVATION a pris contact avec la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR par courrier recommandé avec accusé de réception du 4 septembre 2014 puis par courriel du 3 octobre 2014.
Par ordonnance du 5 novembre 2015, le président du tribunal de commerce de Paris, saisi le 5 octobre 2015 par la SAS MHIRI INNOVATION qui imputait à la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR et à la SARL SOLIVEIL des faits de concurrence déloyale tirés de l'utilisation du signe « Travelcar » à titre de dénomination sociale, de nom commercial et de nom de domaine, a dit n'y avoir lieu à référé.
C'est dans ces circonstances que, par acte d'huissier des 22 et 26 février 2016, la SAS MHIRI INNOVATION a assigné la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR devant le tribunal de grande instance de Paris en contrefaçon de marque et en concurrence déloyale et parasitaire.
Dans son acte introductif d'instance auquel il sera renvoyé pour un exposé de ses moyens conformément à l'article
455 du code de procédure civile, la SAS MHIRI INNOVATION demande au tribunal, sous le bénéfice de l'exécution provisoire et au visa des articles
L 713-3,
L 716-1,
L 716-3 et
L 716-14 du code de la propriété intellectuelle,
1382 du code civil,
L 131-1 du code des procédures civiles d'exécution et
515 du code de procédure civile, de :
* Dire et Juger que :
- la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR a commis des actes de contrefaçon de la marque « Traveler Car » au préjudice de la SAS MHIRI INNOVATION ;- la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR a commis, avec la complicité de la SARL SOLIVEIL, des agissements constitutifs d'actes de concurrence déloyale au préjudice de la SAS MHIRI INNOVATION ;
- l'ensemble de ces agissements ont causé et causent encore un préjudice à la SAS MHIRI INNOVATION, qu'il convient à la fois de réparer et de faire cesser
EN CONSEQUENCE :
* Condamner la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR à payer à la SAS MHIRI INNOVATION :
- la somme de 72.803,50 euros à titre de dommages intérêts au titre des redevances ou droits qui auraient été dus si elle avait demandé l'autorisation d'utiliser la marque « Traveler Car » ;
- la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice moral subi du fait de la contrefaçon ;
* Condamner in solidum la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR et la SARL SOLIVEIL à payer à la SAS MHIRI INNOVATION :
- la somme de 105.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice financier subi du fait des actes de concurrence déloyale ;
- la somme de 30.000 euros à titre de dommages intérêts en réparation du préjudice d'image subi du fait des actes de concurrence déloyale ;
* Faire Interdiction aux sociétés OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR et SOLIVEIL d'utiliser le terme « Travelcar » à titre de dénomination sociale, de nom commercial ou de nom de domaine, que ce soit seul ou associé à d'autres termes, signes ou images ;
* Assortir cette interdiction d'une astreinte de 1.000 euros (i) par jour de retard dans l'exécution, sur ces points, du jugement à intervenir et ce, à compter du jour suivant l'expiration d'un délai de huit jours après la signification dudit jugement, et (ii) par infraction constatée par tous moyens ;
* Ordonner à la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR de :
- supprimer de ses présentations, plaquettes, site Internet et tout autre document émanant d'elle le terme « Travelcar » ;- modifier sa dénomination sociale et son nom commercial de manière à ce qu'aucune confusion ne soit plus possible avec la marque « Traveler Car » ;
* Ordonner aux sociétés OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR et SOLIVEIL de transférer le nom de domaine « travelcar.fr » au bénéfice de la SAS MHIRI INNOVATION ;
* Assortir ces injonctions d'une astreinte de 1.000 euros (i) par jour de retard dans l'exécution, sur ces points, du jugement à intervenir et ce, à compter du jour suivant l'expiration d'un délai de huit jours après la signification dudit jugement, et (ii) par infraction constatée par tous moyens ;
* Autoriser la SAS MHIRI INNOVATION à notifier à l'unité d'enregistrement et à l'AFNIC la décision à intervenir aux fins de procéder au transfert du nom de domaine ;
* Condamner les sociétés OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR et SOLIVEIL, in solidum, à verser à la SAS MHIRI INNOVATION la somme de 10.000 euros au titre de l'article
700 du code de procédure civile ;
* Condamner les sociétés OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR et SOLIVEIL, in solidum, aux entiers dépens.
Bien que régulièrement constituées, les sociétés OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR et SOLIVEIL n'ont pas pris d'écritures en réplique.
L'ordonnance de clôture était rendue le 4 octobre 2016. Les parties ayant régulièrement constitué avocat, le présent jugement, rendu en premier ressort, sera contradictoire en application de l'article
467 du code de procédure civile.
MOTIFS DU JUGEMENT
Le tribunal constate que la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR et la SARL SOLIVEIL sont régulièrement constituées et qu'ainsi les dispositions de l'article
472 du code de procédure civile ne régissent pas le litige : son appréciation portera sur le bien-fondé des prétentions de la SAS MHIRI INNOVATION en considération des seuls moyens qu'elle aura mis dans le débat et des pièces produites, dont la force probante sera tenue pour acquise faute de contestation, sans examen de la recevabilité non critiquée de ses demandes.
1°) Sur la contrefaçon
Moyens de la demanderesseAu soutien do ses prétentions, la SAS MHIRI INNOVATION expose que les signes en débat (marque « TRAVELER CAR » d'un côté et nom de domaine, nom commercial et dénomination sociale comprenant « TRAVELCAR » de l'autre) sont très similaires et que les services en cause sont identiques. Elle en déduit l'existence d'un risque de contrefaçon.
Appréciation du tribunal
Sur la matérialité de la contrefaçon
Conformément à l'article I, 716-1 du code de la propriété intellectuelle, l'atteinte portée au droit du propriétaire de la marque constitue une contrefaçon, qui peut être prouvée par tout moyen en vertu de l'article
L 716-7 du même code, engageant la responsabilité civile de son auteur. Constitue une atteinte aux droits de la marque la violation des interdictions prévues aux articles L 713-2.
L 713-3 et
L. 713-4 du même code.
En vertu de l'article 713-2 du code de la propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, même avec l'adjonction de mots tels que : "formule, façon, système, imitation, genre, méthode", ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services identiques à ceux désignés dans l'enregistrement ; b) La suppression ou la modification d'une marque régulièrement apposée.
Enfin, aux termes de l'article
L 713-3 du code de propriété intellectuelle, sont interdits, sauf autorisation du propriétaire, s'il peut en résulter un risque de confusion dans l'esprit du public : a) La reproduction, l'usage ou l'apposition d'une marque, ainsi que l'usage d'une marque reproduite, pour des produits ou services similaires à ceux désignés dans l'enregistrement : b) L'imitation d'une marque et l'usage d'une marque imitée, pour des produits ou services identiques ou similaires à ceux désignés dans l'enregistrement.
En application du droit interne interprété à la lumière de la directive 2008/95/CE du 22 octobre 2008 rapprochant les législations des États membres conformément au principe posé par l'arrêt Von Col son et Kamann c. Land Nordhein-Westfalen du 10 avril 1984 comme en application directe du droit communautaire, le risque de confusion doit faire l'objet d'une appréciation abstraite par référence au dépôt d'une part en considération d'un public pertinent Correspondant au consommateur des produits et services concernés normalement informé et raisonnablement attentif et avisé, et d'autre part par comparaison entre le signe litigieux utilisé et la marque protégée par référence à son enregistrement indépendamment de ses conditions d'exploitation mais également par comparaison des services etproduits visés dans l'enregistrement et des produits et services commercialisés sous le signe litigieux. Le risque de confusion est en outre analysé globalement : tous les facteurs pertinents, dont la notoriété de la marque et l'importance de sa distinctivité, doivent être pris en considération, l'appréciation globale de la similitude de la marque et du signe litigieux devant être fondée sur l'impression d'ensemble qu'ils produisent au regard de leurs éléments distinctifs et dominants.
La contrefaçon s'appréciant par référence à l'enregistrement de la marque, les conditions d'exploitation du signe par le titulaire de la marque sont indifférentes : seules doivent être prises en compte les conditions d'exploitation du signe litigieux et de commercialisation des produits argués de contrefaçon à l'égard desquels sera examinée la perception du public pertinent.
La SAS MHIRI INNOVATION reproche à la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR l'usage du signe « Travelcar » dans sa dénomination sociale, dans son nom commercial et dans le nom de domaine travelercar.fr. La nature de l'usage de ce signe, notamment en considération de l'arrêt Céline rendu par la CJUE le 11 septembre 2007, n'est pas en débat.
La SAS MHIRI INNOVATION est titulaire des droits de propriété intellectuelle sur la marque verbale française « TRAVELER CAR «déposée le 1 er avril 2013 et enregistrée sous le numéro 3994432 notamment pour les « véhicules » de la classe 12 et les « transports » de la classe 39 qui sont seuls opposés.
Le public pertinent est constitué par le consommateur français raisonnablement avisé et normalement attentif qui entend acquérir un véhicule, la classe 12 étant une classe de produits, ou recourir à des services de transports de personne. Son attention sera plus grande dans le premier cas que dans le second qui implique pour lui une dépense bien moindre et est bien plus habituel pour lui.
La défenderesse, initialement dénommée OSCAR CHAUFFEUR PRIVE, a depuis le 14 août 2014 pour dénomination sociale OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR) extrait Kbis et historique des modifications (pièces 7 et 9).
Le signe qui compose celle-ci est ainsi constitué de quatre mots correspondant respectivement à un prénom, un nom commun, un adjectif qualifiant celui-ci et un néologisme séparé du précédent par une esperluette. Les trois premiers sont sans aucun rapport avec le signe constituant la marque, seul le dernier étant d'ailleurs l'objet de la comparaison opérée par la demanderesse qui est de ce fait très insuffisante. Ils sont placés en tête de la dénomination sociale et épuiseront l'essentiel de l'attention du public pertinent qui se sentira renseigné surl'origine commerciale du produit ou du service par la seule lecture du prénom OSCAR qui est le seul terme qui présente une distance conceptuelle avec les produit et service couverts, l'expression « chauffeur privé » étant totalement descriptive, et est ainsi nettement dominant. Dès lors, peu important les similitudes, mêmes fortes entre « travelcar » et « travelercar », les signes en débat sont différents ce qui exclut en soi toute contrefaçon et commande le rejet des demandes de la SAS MHIRI INNOVATION à ce titre.
La SARL OSCAR Cl IAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR a adopté le nom commercial « TRAVELCAR » le 18 août 2014 (pièce 9).
L'usage du nom commercial pour des services n’étant pas contesté, la comparaison des signes et des produits et services est pertinente. Le signe constituant la marque et le nom commercial, respectivement composés de deux mots de 8 et 3 lettres et d'un mot de 9 lettres, ne se distinguent phonétiquement que par la suppression des lettres « E » et « R » en 7 et 8 eme positions : leur prononciation par un public français ayant un niveau moyen d'anglais sera très voisine, les deux premières et la dernière syllabe étant identiques. Sur le plan visuel, la ressemblance est également très grande puisque le nom commercial apparaît comme la contraction de la marque, l'absence des lettres manquantes étant peu perceptible. Enfin, les signes sont conceptuellement très voisins, le public français moyen comprenant aisément le sens des termes anglais travel et traveler pour voyage et voyageur ainsi que car pour voiture. Les signes en débat sont ainsi grandement similaires.
La SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR est réputée, en l'absence de toute contestation, exercer une activité effective conforme à son activité déclarée de location de véhicules de tourisme avec chauffeur. Si celle-ci est étrangère au produit « véhicule » de la classe 12, elle est identique au service de « transports » de la classe 39 qui est consacrée essentiellement aux services de transport de personnes et comprend notamment la « location de véhicules »et le « transport en taxi » visés au dépôt mais non opposés.
La très grande similarité des signes et l'identité des services sont de nature à tromper le public pertinent sur l'origine commerciale de ces derniers et génèrent de ce fait un risque de confusion évident dans son esprit. La contrefaçon est ici caractérisée.
Enfin, il ressort du whois produit en pièce 8 que le nom de domaine travelcar.fr a été réservé le 11 août 2013 par la SARL SOLIVEIL. Toutefois, aux termes des impressions d'écran produites comportant un copyright 2016 (pièce 16), le site, qui propose aux particuliers ou aux professionnels la réservation de trajets qui seront effectués par des chauffeurs, porte la mention « Travelcar ».Et, les Kbis des sociétés OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR et SOLIVEIL révèlent qu'elles ont le même gérant. L'usage du nom commercial de la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR pour des services identiques à ceux qu'elle offre ainsi que l'identité du gérant constituent au sens de l'article
1353 du code civil une présomption suffisamment forte pour valoir, en l'absence d'élément contraire et malgré le défaut regrettable de reproduction des mentions légales et de l'onglet « qui sommes-nous ? » pourtant proposés, preuve que la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR exploite le site travelcar.fr.
La comparaison des signes et des services étant transposable, l’exploitation de ce site constitue un acte de contrefaçon.
Sur les mesures réparatrices
En application de l'article L716-14 du code de propriété intellectuelle, pour fixer les dommages et intérêts, la juridiction prend en considération distinctement : 1 ° Les conséquences économiques négatives de la contrefaçon, dont le manque à gagner et la perte subis par la partie lésée ; 2° Le préjudice moral causé à cette dernière ; 3° Et les bénéfices réalisés par le contrefacteur, y compris les économies d'investissements intellectuels, matériels et promotionnels que celui-ci a retirées de la contrefaçon. Toutefois, la juridiction peut, à titre d'alternative et sur demande de la partie lésée, allouer à titre de dommages et intérêts une somme forfaitaire. Cette somme est supérieure au montant des redevances ou droits qui auraient été dus si le contrefacteur avait demandé l'autorisation d'utiliser le droit auquel il a porté atteinte. Cette somme n'est pas exclusive de l'indemnisation du préjudice moral causé à la partie lésée.
Et, en vertu de l'article L 716-15 du code de propriété intellectuelle, en cas de condamnation civile pour contrefaçon, la juridiction peut ordonner, à la demande de la partie lésée, que les produits reconnus comme produits contrefaisants et les matériaux et instruments ayant principalement servi à leur création ou fabrication soient rappelés des circuits commerciaux, écartés définitivement de ces circuits, détruits ou confisqués au profit de la partie lésée. La juridiction peut aussi ordonner toute mesure appropriée de publicité du jugement, notamment son affichage ou sa publication intégrale ou par extraits dans les journaux ou sur les services de communication au public en ligne qu'elle désigne, selon les modalités qu'elle précise. Les mesures mentionnées aux deux premiers alinéas sont ordonnées aux frais du contrefacteur.
La SAS MHIRI INNOVATION, qui justifie de l'impossibilité d'obtenir des éléments comptables récents de la défenderesse qui n'a pas daigné conclure et déposer ses comptes annuels 2013 et 2014 (pièce 16), sollicite une réparation forfaitaire sur la base d'une redevance de 5 % assise sur une estimation du chiffre d'affaires de la SARL OSCARCHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR dont elle suppose qu'il a été en augmentation constante par rapport à celui déclaré en 2012. Cette extrapolation est hasardeuse au regard des critiques négatives dont fait l'objet selon elle la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR (pièce 21 ) et dont elle prétend qu'elles sont susceptibles de lui nuire (page 4 de son assignation) et rien ne permet de fixer le montant d'une redevance quelconque en l'absence de production par la SAS MHIRI INNOVATION d'un contrat de licence qu'elle aurait conclu avec un tiers ou d'élément révélant les usages dans le secteur considéré.
Aussi, la redevance éludée étant indéterminée et indéterminable, la demande de la SAS MHIRI INNOVATION au titre de son préjudice matériel sera rejetée.
En revanche, l'imitation de sa marque par la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR s'analise et dévalorise celle-ci. Elle cause à la SAS MHIRI INNOVATION un préjudice moral qui sera intégralement réparé par l'allocation d'une somme de 10 000 euros que cette dernière sera condamnée à lui payer.
Par ailleurs pour mettre un terme à la contrefaçon, il sera ordonné à la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR de cesser d'utiliser le signe « Travelcar » à titre de nom commercial et de nom de domaine ainsi que de l'utilisera titre de marque, sauf s'il est accompagné des autres éléments composant sa dénomination sociale, sous astreinte, conformément à l'article
L131-1 du code des procédures civiles d'exécution, selon les termes du dispositif.
Les autres demandes d'interdiction, de suppression et de modification, celle du nom commercial étant satisfaite par l'interdiction prononcée, ainsi que de transfert du nom de domaine seront rejetées, les actes de contrefaçon au titre de l'usage de la dénomination sociale n'étant pas établis et la demande de transfert du nom de domaine n'étant pas dirigée contre l'auteur de sa réservation.
2°) Sur la concurrence déloyale et le parasitisme
Moyens de la demanderesse
Au soutien de ses prétentions, la SAS MHIRI INNOVATION expose que l'exploitation du site travelcar.fr et l'usage du nom commercial TRAVELCAR par la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR portent atteinte à son nom commercial et à son nom de domaine antérieurs et caractérisent des actes de concurrence déloyale à son préjudice. Elle ajoute sur le terrain du parasitisme que sa notoriété grandissante, qui est le fruit d'un travail et d'investissements importants, est indûment captée par la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR. Elle précise enfin que ces faits ont été commis avec la complicité de la SARL SOLIVEIL qui a mis à sa disposition le nom de domaine qu'elle avait réservé.Appréciation du tribunal
En vertu des dispositions des articles
1382 et
1383 du code civil, tout fait quelconque de l'homme qui cause à autrui un dommage oblige celui par la faute duquel il est arrivé à le réparer, chacun étant responsable du dommage qu'il a causé non seulement par son fait, mais encore par sa négligence ou par son imprudence.
La concurrence déloyale doit être appréciée au regard du principe de la liberté du commerce qui implique qu'un signe qui ne fait pas l'objet de droits de propriété intellectuelle puisse être librement reproduit sous certaines conditions tenant à l'absence de faute par la création d'un risque de confusion dans l'esprit de la clientèle sur l'origine du produit, circonstance attentatoire à l'exercice paisible et loyal du commerce.
L'appréciation de la faute au regard du risque de confusion doit résulter d'une approche concrète et circonstanciée des faits de la cause prenant en compte notamment le caractère plus ou moins servile, systématique ou répétitif de la reproduction ou de l'imitation, l'ancienneté d'usage, l'originalité et la notoriété de la prestation copiée.
Le parasitisme, qui s'apprécie dans le même cadre que la concurrence déloyale dont il est une déclinaison mais dont la constitution est toutefois indifférente au risque de confusion, consiste dans le fait pour une personne physique ou morale de profiter volontairement et déloyalement sans bourse délier des investissements, d'un savoir- faire ou d'un travail intellectuel d'autrui produisant une valeur économique individualisée et générant un avantage concurrentiel.
Aux termes de son extrait Kbis et de ses statuts, la SAS MHIRI INNOVATION a pour activités déclarées la location de courte durée de voitures, de véhicules légers et plus généralement de tous véhicules terrestres à moteur, la création, la conception, le développement, l'édition, l'administration, le référencement, la monétisation et la diffusion de sites internet, de logiciel et d'application pour les nouvelles technologies d'information et de communication liées à son activité ou toute activité connexe. La seule activité invoquée et pertinente est la location de courte durée de voitures. Il ressort à ce titre des extraits de presse produits (pièces 25 et 26 suivantes) que la SAS MHIRI INNOVATION développe un service de location de voitures entre particuliers comme « alternative au parking cher à l'aéroport » : la place de parking est gratuite pour les voyageurs qui acceptent une « mutualisation de l'usage de leur véhicule pendant la durée de leur séjour » moyennant en cas de location effective le versement d'une contrepartie financière, le service étant défini comme une « plateforme d'autopartage ». La cible principale est ainsi le voyageur (traveler) « partant pour une durée supérieure à 10 jours ».Or, il est désormais acquis que la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR a pour activité effective la location de véhicule avec chauffeur qui est un service de transport de personnes assimilable dans les faits à un service de taxi. Il n'implique en pratique dans l'esprit du public et malgré l'appellation choisie, ni location d'automobile, ni mise à disposition de celle du client au profit d'un tiers inhérente à la mutualisation mise en avant par la SAS MHIRI INNOVATION, ni contrepartie financière pour celui-ci et s'adresse par nature à des consommateurs souhaitant réaliser un court déplacement sans avoir à conduire.
Dès lors, les services sont proposés selon des conditions radicalement différentes et répondent à des besoins qui ne sont en rien comparables et les marchés visés sont totalement distincts.
Les parties ne sont de ce fait pas en situation de concurrence directe ou indirecte.
Or, outre le fait qu'elle écarte tout risque de confusion, l'absence totale de toute situation de concurrence est exclusive de l'existence d'un lien de causalité entre la faute imputée à la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR et le préjudice allégué par la SAS MHIRI INNOVATION.
Les demandes de cette dernière au titre de la concurrence déloyale seront en conséquence rejetées.
En revanche, le parasitisme ne suppose ni situation de concurrence entre les parties ni risque de confusion. La SAS MHIRI INNOVATION invoque à ce titre sa notoriété grandissante et ses investissements promotionnels et publicitaires ainsi que « le travail, de même que le processus d'élaboration qui a conduit à la création du nom « Traveler Car ». Concernant ce dernier, dont la transparence prive de crédibilité l'argument, aucune pièce n'est produite. Elle justifie pour le reste avoir dépensé 27 072 euros au titre de ses relations presse entre le 3 mars 2014 et le 4 janvier 2016 ainsi que 11 094.34 euros au titre des AdWords Google du 1 er septembre 2015 au 30 septembre 2015. Il ressort des articles de presse produits (pièces 25 et 26a et suivantes) que la connaissance de la SAS MHIRI INNOVATION par le public repose, comme les récompenses décernées (pièce 19), la subvention accordée (pièce 24) et l'augmentation de capital consentie (pièce 25), sur la nature et l'aspect novateur de l'activité qu'elle a développée.
Ainsi, la seule valeur économique individualisée produite par les investissements prouvés de la SAS MHIRI INNOVATION est son activité elle-même et non les efforts et le travail ayant présidé à lacréation d'un nom commercial ou d'un nom de domaine largement descriptif du service offert. Or, au regard de la différence radicale entre les activités des parties, la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR n'a pas voulu et pu capter cette valeur qui ne représente pour elle aucun intérêt commercial. À supposer d'ailleurs qu'elle ait pu bénéficier d'une visibilité accrue en profitant d'une confusion entre les noms commerciaux et les noms de domaine en débat, il est certain qu'elle n'en a tiré aucun bénéfice et que la SAS MHIRl INNOVATION n'a souffert d'aucun préjudice. L'erreur provoquée cesse dès la prise de connaissance des services proposés et, ceux-ci n'étant pas substituables, ne provoquera aucun report de clientèle.
Les demandes de la SAS MHIRI INNOVATION au titre du parasitisme seront en conséquence intégralement rejetées.
3°) Sur les demandes accessoires
Succombant au litige, la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR sera condamnée à payer à la SAS MHIRI INNOVATION la somme de 3 000 euros en application de l'article
700 du code de procédure civile ainsi qu'à supporter les entiers dépens de l'instance.
En revanche, les prétentions formées à l'encontre de la SARL SOLIVEIL étant rejetées, la SAS MHIRI INNOVATION sera déboutée de sa demande au titre de l'article
700 du code de procédure Civile la concernant.
Compatible avec la nature et la solution du litige, l'exécution provisoire du jugement, nécessaire, sera ordonnée en toutes ses dispositions conformément à l'article
515 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
Le tribunal, statuant publiquement, par mise à disposition au greffe, par jugement contradictoire et rendu en premier ressort,
Dit qu'en utilisant à titre de nom commercial et de nom de domaine pour le service de « transports » de la classe 39 le signe « Travelcar » imitant la marque verbale française « TRAVELER CAR » n° 3994432 de la SAS MHIRI INNOVATION, des conditions générant un risque de confusion dans l'esprit du public pertinent, la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR a commis des actes de contrefaçon à son préjudice :
Rejette en revanche les demandes de la SAS MHIRI INNOVATION au titre de la contrefaçon par l'usage de la dénomination sociale ainsi que de l'usage du nom commercial pour le produit « véhicules » de la classe 12 :Condamne en conséquence la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR à payer à la SAS MHIRI INNOVATION la somme de DIX MILLEEUROS (10 000 €) en réparation du préjudice moral causé par ses actes de contrefaçon :
Rejette la demande de la SAS MHIRI INNOVATION au titre de son préjudice matériel:
Interdit à la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR, sous astreinte de 60 euros par infraction constatée et par jour de retard pendant un délai de 3 mois à compter de l'expiration d'un délai d'un mois courant dès la signification du jugement, d'utiliser le signe « Travelcar » pour le service de transport à titre de nom commercial et de nom de domaine ainsi que de l'utiliser à titre de marque, sauf s'il est accompagné des autres éléments composant sa dénomination sociale :
Se réserve la liquidation de cette astreinte :
Rejette les autres demandes d'interdiction, de suppression et de modification ainsi que de transfert du nom de domaine présentées par la SAS MHIRI INNOVATION au titre de la contrefaçon :
Rejette les demandes de la SAS MHIRI INNOVATION au titre de la concurrence déloyale cl du parasitisme :
Rejette la demande de SAS MHIRI INNOVATION à rencontre de la SARL SOLIVEIL au titre des frais irrépétibles ;
Condamne la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR à payer à la SAS MHIRI INNOVATION la somme de TROIS MILLE euros (3 000 €) en application de l'article
700 du code de procédure civile :
Condamne la SARL OSCAR CHAUFFEUR PRIVE & TRAVELCAR à supporter les entiers dépens de l'instance :
Ordonne l’exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.