Sur le pourvoi formé par :
1°) la société anonyme Supérior dont le siège social est sis à Besançon (Doubs), ...,
2°) M. Pascal A..., demeurant à Besançon (Doubs), ..., agissant en qualité de syndic du règlement judiciaire de la société anonyme Supérior,
en cassation d'un arrêt rendu le 10 mars 1988 par la cour d'appel de Paris (4ème chambre, section B), au profit de la société anonyme Delsey dont le siège social est sis à Bobigny (Seine-St-Denis) ...,
défenderesse à la cassation ; Les demandereurs invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ; LA COUR, en l'audience publique du
3 avril 1990, où étaient présents :
M. Defontaine, président, M. Plantard, conseiller rapporteur, MM. B..., Le Tallec, Patin, Bodevin, Mme D..., Mme C..., MM. Vigneron, Grimaldi, Apollis, Leclercq, conseillers, Mme X..., Mlle Y..., M. Le Dauphin, conseillers référendaires, M. Raynaud, avocat général, Mme Arnoux, greffier de chambre ; Sur le rapport de M. le conseiller Plantard, les observations de Me Choucroy, avocat de la société Supérior et de M. A..., de Me Barbey, avocat de la société Delsey, les conclusions de M. Raynaud, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ; ! Sur le premier moyen :
Attendu, selon l'arrêt attaqué
(Paris, 10 mars 1988), que la société Superior a prétendu que la société Delsey avait mis en vente en 1985 des sacs qui constituaient la "copie servile" de modèles qu'elle avait présentés en 1983 au salon de la maroquinerie, et diffusés en 1984 et 1985 ; qu'assistée du syndic de son règlement judiciaire, elle a assigné la société Delsey en contrefaçon et concurrence déloyale ; Attendu que la société Superior et M. A..., syndic, reprochent à l'arrêt d'avoir déclaré leur demande irrecevable en tant que fondée sur l'article 9 de la loi du 11 mars 1957, au motif qu'une personne morale ne peut être co-auteur d'une oeuvre de collaboration, alors que, selon le pourvoi, une personne morale peut être investie des droits d'auteur, dans la mesure où une oeuvre collective, créée à son initiative, est divulguée sous son nom ; qu'est dite collective l'oeuvre dans laquelle la contribution personnelle des divers auteurs participant à son élaboration se fond
dans un ensemble en vue duquel elle est conçue, sans qu'il soit possible d'attribuer à chacun d'eux un droit distinct sur l'ensemble réalisé ; qu'en déclarant irrecevable l'action en contrefaçon de la personne morale, sans rechercher si, comme l'avait jugé le tribunal, l'oeuvre à protéger ne constituait pas une oeuvre collective, la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision, au regard des articles 9 et 13 de la loi du 11 mars 1957 ; Mais attendu que la société Superior avait allégué devant la cour d'appel que la collection litigieuse constituait une oeuvre de collaboration
créée avec le concours d'une styliste, Mme Z..., sans soutenir que la contribution de son propre bureau d'études à cette création présentât un caractère
collectif ; que le moyen soutenu devant la Cour de Cassation, qui est incompatible avec la position prise devant les juges du fond, est irrecevable
Et sur le second moyen
:
Attendu que la société
Superior et M. A..., syndic, reprochent encore à l'arrêt de les avoir déboutés de leurs demandes fondées sur des actes de concurrence déloyale, alors que, selon le pourvoi, caractérise un comportement parasitaire, constitutif de concurrence déloyale, même en l'absence de risque de confusion, le fait de tirer profit des efforts et investissements d'un concurrent pour développer sa propre politique commerciale ; qu'en écartant la concurrence déloyale, tandis que le fait, constaté par les juges du fond, que la société Delsey avait choisi de divulguer sous son nom une collection réalisée à partir de dessins et études faits par son principal concurrent la société Superior- et avec le concours du propre distributeur de cette société, caractérisait suffisamment un comportement parasitaire, la cour d'appel n'a pas justifié légalement sa décision, au regard des articles
1382 et
1383 du Code civil ;
Mais attendu
que l'arrêt, après avoir analysé la forme, les couleurs et les éléments décoratifs distinctifs des sacs de la société Delsey et de ceux de la société Superior pour considérer qu'il n'y avait pas entre eux de risque de confusion, a écarté le grief tiré d'une utilisation par la société Delsey d'études réalisées par la société Superior en relevant, d'une part, que cette dernière n'était pas intervenue dans la mise au point des modèles de la société Delsey, lesquels lui avaient été proposés par la société World Wide qui en avait assuré la fabrication à Taiwan, et d'autre part que les collections de la société Superior pour les années considérées, réalisées en Corée, ne présentent pas de liens évidents avec les dessins de Mme Z..., styliste ayant dessiné pour la société Superior les modèles prétendument copiés par la société Delsey ; qu'en l'état de ces constatations et énonciations, la cour d'appel a
légalement justifié sa décision ;
PAR CES MOTIFS
:
REJETTE le pourvoi ; Condamne la société Superior et M. A..., envers la société Delsey, aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ; Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Chambre commerciale, financière et économique, et prononcé par M. le président en son audience publique du quinze mai mil neuf cent quatre vingt dix.