Cour d'appel de Grenoble, Chambre commerciale, 23 février 2023, 21/03588

Synthèse

  • Juridiction : Cour d'appel de Grenoble
  • Numéro de pourvoi :
    21/03588
  • Dispositif : Infirme partiellement, réforme ou modifie certaines dispositions de la décision déférée
  • Décision précédente :Tribunal de commerce de Vienne, 22 juillet 2021
  • Lien Judilibre :https://www.courdecassation.fr/decision/63f8647ac9488505de11ec29
  • Président : Madame Marie-Pierre FIGUET
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Chronologie de l'affaire

Cour d'appel de Grenoble
2023-02-23
Tribunal de commerce de Vienne
2021-07-22

Texte intégral

N° RG 21/03588 - N° Portalis DBVM-V-B7F-LAFC Minute N° Copie exécutoire délivrée le : la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC AU NOM DU PEUPLE FRANÇAIS COUR D'APPEL DE GRENOBLE CHAMBRE COMMERCIALE

ARRÊT

DU JEUDI 23 FEVRIER 2023 Appel d'un jugement (N° RG 2020J211) rendu par le Tribunal de Commerce de VIENNE en date du 22 juillet 2021 suivant déclaration d'appel du 03 août 2021 APPELANTE : COMPAGNIE HUBENER VERSICHERUNGS AG Société de droit allemand, immatriculée au RCS de Hamburg sous le numéro HR B 97637, prise en la personne de ses représentants légaux domiciliés en cette qualité audit siège [Adresse 2] [Adresse 2] ALLEMAGNE représentée par Me Alexis GRIMAUD de la SELARL LEXAVOUE GRENOBLE - CHAMBERY, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me MOCTEZUMA, avocat au barreau de PARIS INTIMÉE : Société RP MUSIC immatriculée au RCS de VIENNE sous le n° 450 376 975, prise en la personne de son représentant légal en exercice, domicilié en cette qualité audit siège [Adresse 4] [Adresse 4] représentée par Me Dejan MIHAJLOVIC de la SELARL DAUPHIN ET MIHAJLOVIC, avocat au barreau de GRENOBLE, postulant et plaidant par Me VERGNON de la SCP d'Avocats SCHMIDT-VERGNON-PELISSIER-THIERRY-EARD-AMINTHAS & TISSOT, avocat au barreau de LYON COMPOSITION DE LA COUR : LORS DES DÉBATS ET DU DÉLIBÉRÉ : Madame Marie-Pierre FIGUET, Présidente, Mme Marie-Pascale BLANCHARD, Conseillère, M. Lionel BRUNO, Conseiller, Assistés lors des débats de Alice RICHET, Greffière DÉBATS : A l'audience publique du 30 novembre 2022, M. BRUNO conseiller, a été entendu en son rapport, Les avocats ont été entendus en leurs conclusions et plaidoiries, Puis l'affaire a été mise en délibéré pour que l'arrêt soit rendu ce jour, Faits et procédure : 1. La société RP Music exerce une activité de discothèque et de débit de boissons sous le nom commercial «'Le Glam Club'». Son siège social est situé à [Localité 3]. 2. La société RP Music a souscrit, le 8 août 2011, une assurance multirisque professionnelle auprès de la compagnie d'assurance allemande Hübener Versicherungs AG (ci-après Hübener) par l'intermédiaire de la société Avenir et Loisirs Assurances, courtier en assurance, ayant pour nom commercial Aléade, laquelle établit les contrats et gère les sinistres pour le compte de la compagnie d'assurances Hübener. Ce contrat garantit la perte d'exploitation. 3. En raison des mesures prises par le gouvernement dans le cadre de l'urgence sanitaire liée à l'épidémie Covid 19, l'établissement de la société RP Music a été fermé depuis le 14 mars 2020 jusqu'au 14 avril 2020 et la fermeture a ensuite été prorogée. 4. Le 6 avril 2020, la société RP Music a adressé une déclaration de sinistres au titre de la perte d'exploitation subie à la société Avenir et Loisirs Assurances. Le 15 avril 2020, la compagnie Hübener a informé ses clients et ses partenaires que les pertes d'exploitation découlant de la fermeture généralisée des établissements recevant du public pour stopper la diffusion de la Covid 19 que ce soit en France ou en Allemagne, ne sont pas garanties. Par courrier du 20 mai 2020, la société Avenir et Loisirs Assurances a confirmé la position de la compagnie Hübener et a opposé un refus de prise en charge au motif qu'«'en aucune façon, les conditions générales et particulières de la police ne prévoient que la garantie «perte d'exploitation'» pourrait être mise en oeuvre pour des dommages non consécutifs aux sinistres garantis limitativement énumérés'', sinistres dont ne ferait pas partie une crise sanitaire. 5. En conséquence, la société RP Music a mis en demeure la société Avenir et Loisirs Assurances représentant la compagnie Hübener, par lettre recommandée avec accusé de réception du 23 juin 2020, de prendre en charge les conséquences de la fermeture de son établissement au titre de la garantie «perte d'exploitation'». Elle a ensuite assigné ces deux sociétés devant le tribunal de commerce de Vienne, aux fins d'obtenir la désignation d'un expert pour évaluer le préjudice résultant de la perte d'exploitation ainsi que pour obtenir l'allocation d'une indemnité provisionnelle. 6. Par jugement du 22 juillet 2021, le tribunal de commerce de Vienne a': - déclaré la société RP Music recevable en son action'; - accueilli favorablement la fin de non-recevoir soulevée par la société Aléade pour défaut d'intérêt à agir de la société RP Music'; - débouté la société RP Music de l'ensemble de ses demandes formée à l'encontre de la société Aléade'; - constaté qu'il existe une réelle ambiguïté dans la rédaction des dispositions générales quant aux circonstances et aux conditions de mise en 'uvre de la garantie perte d'exploitation'; - rappelé qu'aux termes de l'article 1190 du code civil, en cas de doute le contrat d'adhésion s'interprète contre celui qui l'a proposé'; - constaté qu'un faisceau d'indices dans la présentation des garanties qu'offre le contrat incite à considérer que la perte d'exploitation doit être rattachée à la protection financière, laquelle apparaît comme une des garanties octroyées au même titre que la protection des biens'; - constaté que la fermeture administrative n'est pas explicitement exclue dans les conditions générales ni dans les conditions particulières de la police'; - en conséquence, dit et jugé que les conditions requises par la société Hübener Versicherungs AG au titre de sa garantie perte d'exploitation ne sont pas remplies en l'espèce par la société RP Music'; - dit et jugé que la garantie perte d'exploitation est acquise à la société RP Music'; - débouté la société Hübener Versicherungs AG de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions à l'encontre de la société RP Music'; - ordonné une mesure d'expertise afin de déterminer contradictoirement et compte tenu d'une fermeture sine die, la perte de marge brute subie par la société RP Music depuis le 14 mars 2020'; - désigné en qualité d'expert judiciaire, madame [D] [O], expert-comptable demeurant [Adresse 1], laquelle aura pour mission de : * convoquer les parties, les entendre en leurs explications ; * se faire communiquer les documents de la cause ; * procéder, s'il y a lieu, aux constatations nécessaires ; * entendre tous sachants ; * déterminer contradictoirement au regard des données économiques et comptables disponibles et après prise en compte des économies de charges résultant de la fermeture de l'établissement, des éventuelles aides ou subventions non remboursables reçues de l'État, la perte d'exploitation et de marge brute que l'interdiction d'ouverture aux dates habituelles a générée pour la société RP Music ; - dit que l'expert pourra, en tant que de besoin, se faire assister par tout spécialiste de son choix ; - dit que l'expert dressera du tout un rapport qu'il devra déposer au greffe du tribunal dans le délai de trois mois à compter du jour de sa saisine ; - dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert commis, le président procédera à son remplacement par ordonnance ; - fixé à la somme de 3.000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, provision qui devra être consignée au greffe du tribunal par la société RP Music dans les quinze jours suivant la délivrance par le greffe de la copie exécutoire de la décision ; - dit qu'à défaut de consignation à l'expiration de ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ; - dit que lors de la première réunion ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et débours ; - dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au juge et aux parties la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire ; - nommé monsieur [B] [E] en qualité de juge contrôleur de ladite expertise en application de l'article 155-1 du code de procédure civile ; - débouté la société RP Music de sa demande de provision au motif qu'elle est insuffisamment fondée ; - débouté la société RP Music de sa demande d'indemnisation au titre du préjudice moral qu'elle prétend avoir subi du fait du refus d'indemnisation que lui oppose la société Hübener Versicherungs AG, au motif qu'elle est insuffisamment fondée ; - condamné la société RP Music à payer à la société Aléade une indemnité de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - condamné la société Hübener Versicherungs AG à payer à la société RP Music une indemnité de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - réservé les dépens de l'instance. 7. La compagnie Hübener Versicherungs AG a interjeté appel de cette décision le 3 août 2021, en ce qu'elle a': - constaté qu'il existe une réelle ambiguïté dans la rédaction des dispositions générales quant aux circonstances et aux conditions de mise en oeuvre de la garantie perte d'exploitation'; - rappelé qu'aux termes de l'article 1190 du code civil, en cas de doute le contrat d'adhésion s'interprète contre celui qui l'a proposé'; - constaté qu'un faisceau d'indices dans la présentation des garanties qu'offre le contrat incite à considérer que la perte d'exploitation doit être rattachée à la protection financière, laquelle apparaît comme une des garanties octroyées au même titre que la protection des biens'; - constaté que la fermeture administrative n'est pas explicitement exclue dans les conditions générales ni dans les conditions particulières de la police'; - dit et jugé que la garantie perte d'exploitation est acquise à la société RP Music'; - débouté l'appelante de l'ensemble de ses demandes, fins, moyens et conclusions à l'encontre de la société RP Music'; - ordonné une mesure d'expertise afin de déterminer contradictoirement et compte tenu d'une fermeture sine die, la perte de marge brute subie par la société RP Music depuis le 14 mars 2020'; - désigné en qualité d'expert judiciaire, madame [D] [O], expert-comptable demeurant [Adresse 1], laquelle aura pour mission de : * convoquer les parties, les entendre en leurs explications ; * se faire communiquer les documents de la cause ; * procéder, s'il y a lieu, aux constatations nécessaires ; * entendre tous sachants ; * déterminer contradictoirement au regard des données économiques et comptables disponibles et après prise en compte des économies de charges résultant de la fermeture de l'établissement, des éventuelles aides ou subventions non remboursables reçues de l'État, la perte d'exploitation et de marge brute que l'interdiction d'ouverture aux dates habituelles a générée pour la société RP Music ; - dit que l'expert pourra, en tant que de besoin, se faire assister par tout spécialiste de son choix ; - dit que l'expert dressera du tout un rapport qu'il devra déposer au greffe du tribunal dans le délai de trois mois à compter du jour de sa saisine ; - dit qu'en cas d'empêchement ou de refus de l'expert commis, le président procédera à son remplacement par ordonnance ; - fixé à la somme de 3.000 euros le montant de la provision à valoir sur la rémunération de l'expert, provision qui devra être consignée au greffe du tribunal par la société RP Music dans les quinze jours suivant la délivrance par le greffe de la copie exécutoire de la décision ; - dit qu'à défaut de consignation à l'expiration de ce délai, la désignation de l'expert sera caduque et privée de tout effet ; - dit que lors de la première réunion ou au plus tard de la deuxième réunion des parties, l'expert dressera un programme de ses investigations et évaluera d'une manière aussi précise que possible le montant prévisible de ses honoraires et débours ; - dit qu'à l'issue de cette réunion, l'expert fera connaître au juge et aux parties la somme globale qui lui paraît nécessaire pour garantir en totalité le recouvrement de ses honoraires et de ses débours et sollicitera, le cas échéant, le versement d'une consignation complémentaire ; - nommé monsieur [B] [E] en qualité de juge contrôleur de ladite expertise en application de l'article 155-1 du code de procédure civile ; - condamné l'appelante à payer à la société RP Music une indemnité de 750 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; - réservé les dépens de l'instance. L'instruction de cette procédure a été clôturée le 3 novembre 2022.

Prétentions et moyens

de la Compagnie Hübener Versicherungs AG': 8. Selon ses conclusions remises le 6 avril 2022, elle demande à la cour, au visa des 1192 et 1353 du code civil': - de réformer le jugement déféré dans les limites de sa déclaration d'appel, selon les éléments repris dans ces conclusions'; - statuant à nouveau, de débouter la société RP Music de l'ensemble de ses demandes, étant donné que les pertes d'exploitation subies par l'intimée consécutivement à la fermeture administrative de son établissement, par suite des décisions gouvernementales prises en raison de l'épidémie/pandémie de Covid 19, ne sont pas garanties par la police Hübener'; - de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a débouté l'intimée de sa demande de provision'; - subsidiairement, si le jugement est infirmé sur ce point, de limiter toute condamnation de la concluante à la somme maximale de 185.754 euros, laquelle correspond au montant des pertes d'exploitation tel que retenues par l'expert dans son pré-rapport'; - de débouter l'intimée de sa demande au titre de son préjudice moral'; - de dire que les conditions requises par la concluante au titre de sa garantie pertes d'exploitation ne sont pas remplies par l'intimée'; - de condamner l'intimée à payer à la concluante la somme de 5.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile. L'appelante soutient': 9. - concernant l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu que les pertes d'exploitation sont garanties, et l'organisation d'une expertise, que le tribunal s'est principalement fondé sur les sommaires de la police d'assurance, en page 7 et 22 des conditions générales, pour en déduire que cette garantie est acquise'; que ces sommaires ne sont pas suffisants pour la compréhension de la police d'assurance'; que cette police, en effet, garantit les seuls dommages limitativement énumérés dans les conditions générales, en séparant la protection de l'activité de l'assuré, pour les dommages causés à l'assuré lui-même, et la protection des dommages causés aux tiers'; qu'il s'agit de deux parties autonomes'; 10. - que concernant la partie relative à la protection de l'activité de l'assuré, celle-ci inclut la protection des biens, la protection contre les responsabilités qui peuvent être encourues par l'assuré, et la protection financière'; 11. - qu'au titre de la protection des biens de l'assuré, les dommages garantis ressortent d'une liste prévoyant 11 sinistres (comme l'incendie, le vol)'; que la protection financière inclut les pertes d'exploitation ou la perte du fond de commerce, subies au titre de la survenance d'un dommage matériel garanti par le contrat'; que rien ne permet de retenir que la garantie des pertes d'exploitation est acquise sans condition'; 12. - ainsi, qu'il ne peut y avoir de garantie des pertes d'exploitation en toutes circonstances, sauf à la rendre purement potestative, puisqu'elle pourrait être demandée par l'assuré à l'occasion de toute réduction de son activité'; qu'en conséquence, l'article 2/13 des conditions générales limite à trois cas sa mise en 'uvre': la survenue d'un dommage matériel indemnisé par le contrat, la survenue d'un dommage matériel non assurable, l'impossibilité matérielle d'accéder aux locaux professionnels par suite d'un incendie, d'une explosion, d'événements naturels survenus dans le voisinage, de catastrophes naturelles'; que la pandémie ne constitue pas l'un de ces trois cas'; ainsi, que l'intimée ne peut solliciter le bénéfice de la garantie des pertes d'exploitation'; 13 - que si le tribunal a retenu que les conditions applicables à la garantie des pertes d'exploitation n'étaient applicables qu'aux frais supplémentaires d'exploitation, et non à la perte du chiffre d'affaires, le poste «'pertes d'exploitation'» correspond à la marge brute de l'assuré, constituée par la perte du chiffre d'affaires et les frais supplémentaires d'exploitation'; que l'article 2/13 forme ainsi un tout indissociable, que le tribunal ne pouvait distinguer'; 14. - que l'intimée doit justifier que ses pertes d'exploitation sont consécutives à un événement prévu limitativement par le contrat'; qu'une interruption ou une réduction de son activité et une fermeture administrative ne permettent pas de mettre en 'uvre la garantie pour pertes d'exploitation'; que la police ne couvre pas une fermeture administrative ne découlant d'aucun dommage matériel énuméré au contrat'; que le dispositif du jugement déféré a d'ailleurs, étonnement, retenu d'abord que les conditions requises par la concluante au titre de sa garantie des pertes d'exploitation ne sont pas remplies par l'intimée, pour ensuite dire que la garantie de ces pertes est acquise au profit de la société RP Music'; que le tribunal n'a pu ainsi juger que la garantie ne serait soumise qu'à la seule survenance d'un sinistre, en se fondant sur l'article 3/2/1 de la police qui ne concerne que le calcul de l'indemnité et non le fonctionnement de la garantie'; 15. - que si le tribunal a retenu que la fermeture administrative n'est pas explicitement exclue dans les conditions générales et particulières, cela n'indique pas que ce risque serait garanti'; que le tribunal a ainsi confondu définition du risque et exclusion de garantie, laquelle n'intervient que dans un second temps, au regard d'un risque assuré'; 16. - qu'il n'existe aucune ambiguïté et ainsi aucune nécessité d'interpréter des clauses claires et précises'; 17. - concernant l'expertise, qu'elle est inutile puisqu'aucune garantie n'est due'; 18. - s'agissant de la demande de provision de l'intimée, que le tribunal a rejeté justement cette demande au motif qu'elle n'est pas justifiée dans son quantum'; que l'intimée n'a produit en première instance que des attestations de son expert-comptable, sans calcul ni justificatif, alors que la police d'assurance prévoit des modalités particulières concernant le calcul des pertes d'exploitation, en son article 3/2/1; qu'il n'a pas été tenu compte de la franchise contractuelle, ni des économies réalisées pendant la période de fermeture'; qu'il convient de prendre en compte les diverses aides de l'État'; que même sans fermeture, l'activité de l'intimée aurait été touchée par les conséquences de la pandémie, qui a ralenti de façon importante l'activité dans le monde'; qu'un chiffre d'affaires exceptionnel a pu être réalisé après la levée de la fermeture le 9 juillet 2021'; subsidiairement que l'expert judiciaire a retenu le montant de 185.754 euros au titre des pertes d'exploitation'; 19. - que le tribunal a exactement rejeté la demande de dommages et intérêts pour préjudice moral, lequel n'est pas justifié'; que l'assureur ne commet pas de faute lorsqu'il conteste sa garantie en s'appuyant sur des moyens sérieux. Prétentions et moyens de la société RP Music': 20. Selon ses conclusions remises à la cour le 18 octobre 2022, elle demande à la cour, au visa des articles 1103 et 1104, 1190 du code civil, L. 113-1 du code des assurances': - de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a constaté qu'il existe une réelle ambiguïté dans la rédaction des dispositions générales quant aux circonstances et aux conditions de mise en oeuvre de la garantie pertes d'exploitation; en ce qu'il a rappelé qu'aux termes de l'article 1190 du code civil, en cas de doute le contrat d'adhésion s'interprète contre celui qui l'a proposé; en ce qu'il a constaté que la fermeture administrative n'est pas explicitement exclue dans les conditions générales ni dans les conditions particulières de la police ; en ce qu'il a constaté qu'un faisceau d'indices dans la présentation des garanties qu'offre le contrat incite à considérer que la perte d'exploitation doit être rattachée à la protection financière, laquelle apparaît comme une des garanties octroyées au même titre que la protection des biens; en ce qu'il a dit et jugé que la garantie pertes d'exploitation est acquise à la concluante'; en ce qu'il a débouté la compagnie Hübener de l'ensemble de ses demandes formées à l'encontre de la concluante'; en ce qu'il a ordonné une mesure d'expertise judiciaire afin de déterminer contradictoirement et compte tenu d'une fermeture sine die, la perte de marge brute subie par la concluante depuis le 14 mars 2020 ; en ce qu'il a condamné la compagnie Hübener à verser la somme de 750 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; - d'infirmer ce jugement en ce qu'il a débouté la concluante de sa demande de provision ainsi que de sa demande au titre de son préjudice moral'; en ce qu'il a dit et jugé que les conditions requises par la compagnie Hübener au titre de sa garantie pertes d'exploitation ne sont pas remplies par la concluante; - statuant à nouveau, de condamner la compagnie Hübener à verser à la société concluante la somme de 182.185 euros à titre de provision sur ses préjudices subis au titre des pertes d'exploitation ; - de condamner la compagnie Hübener Versicherungs AG à verser à la concluante la somme de 5.000 euros au titre du préjudice moral'; - de condamner l'appelante à payer à la concluante la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens. L'intimée soutient': 21. - concernant la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a retenu que les pertes d'exploitation sont garanties, que le tribunal a pu se fonder sur le sommaire des garanties générales, qui constitue un élément du contrat'; qu'il s'est fondé essentiellement sur l'article 2/13 en page 38 concernant la mise en 'uvre de la garantie pour pertes d'exploitation et non sur le seul sommaire'; 22. - qu'il résulte de l'article 1.3, page 7 des conditions générales, que l'assureur a entendu garantir la protection des biens de l'assuré, sa responsabilité et sa protection financière, laquelle résulte des pertes d'exploitation et n'est pas conditionnée à la survenance d'un sinistre, seule la perte de la valeur du fonds étant subordonnée à un sinistre garanti et indemnisé au titre du contrat ; 23. - que cette protection financière prévoit le versement d'une indemnité correspondant à la marge brute résultant, pendant la période d'indemnisation, de la perte de chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction des activités déclarées, selon l'article 2/13, page 38'; que cette protection n'est pas ainsi subordonnée à la survenance d'un dommage matériel, à la différence de la protection des biens'; que seuls les frais supplémentaires d'exploitation doivent avoir été causés par un dommage matériel garanti, comme un incendie empêchant l'accès aux locaux; que cette intention de l'assureur résulte de l'organisation de l'article 2/13, distinguant la perte de chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction de l'activité, des frais supplémentaires d'exploitation consécutivement engagés, lorsque l'impossibilité d'exploiter l'activité résulte d'un dommage matériel indemnisé au titre du contrat, de dommages matériels directs non assurables ou d'une impossibilité d'accéder aux locaux par suite notamment d'un incendie, d'une explosion, d'événements naturels survenus dans le voisinage, de catastrophes naturelles'; 24. - qu'il n'appartient pas à l'assuré d'opérer des déductions ni des suppositions en lisant le contrat d'assurance, lequel doit être clair et sans ambiguïté'; que tel est le cas de la clause relative à la perte d'exploitation, ce qu'a retenu le tribunal en indiquant que rien n'indique que la garantie des pertes d'exploitation soit subordonnée à la survenance d'un sinistre matériel listé dans la rubrique concernant la protection des biens'; que le tribunal ne s'est pas fondé sur l'article 3/2/1 concernant le calcul de l'indemnité'; 25. - que dans sa version précédent son actualisation le 12 octobre 2018, le contrat spécifiait que la perte d'exploitation pouvait être mise en 'uvre en cas de perte du chiffre d'affaires, sans que celle-ci soit assortie d'une condition autre que la survenance du sinistre, la période d'indemnisation étant celle pendant laquelle les résultats de l'entreprise sont affectés par le sinistre'; que cette version ajoutait que seule l'indemnisation des frais supplémentaires d'exploitation était conditionnée à des dommages matériels indemnisés, ou à des dommages matériels directs non assurables sinon à l'impossibilité d'accéder aux locaux'; 26. - que le tribunal a pu ainsi retenir que la fermeture administrative n'est pas exclue des conditions générales, ni particulières, alors que la concluante a dû interrompre son activité suite aux décrets interdisant l'accueil du public, ce qui constitue un sinistre qualifié de cas fortuit donc imprévisible'; 27. - que l'appelante ne peut, en conséquence, soutenir que seuls les dommages matériels sont des éléments prévus par le contrat susceptibles d'être pris en compte au titre de la perte d'exploitation'; qu'elle ne peut opposer le fait qu'une fermeture administrative ou une pandémie ne sont pas prévues comme étant un événement dommageable garanti'; qu'il résulte en effet de l'article 2/13 que la perte d'exploitation peut être mise en 'uvre en cas de perte de chiffre d'affaires, sans que celle-ci soit assortie d'une condition autre que la survenance d'un sinistre'; 28. - que selon l'article L113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par une faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police'; qu'en l'espèce, le cas d'une crise sanitaire résultant d'une pandémie n'a pas été exclu, alors que la mesure prise par décret ne peut être assimilée à une mesure de fermeture administrative'; 29. - s'agissant de la mesure d'expertise, que le tribunal l'a justement ordonnée puisque la garantie est due'; 30. - concernant la demande de provision, que si le tribunal a estimé qu'elle est insuffisamment fondée, au motif que la concluante ne produit que des estimations de pertes, sans document comptable et sans prise en compte des probables économies de charges résultant de la fermeture de son établissement, voire des aides de l'État, cependant, les estimations de l'expert-comptable de l'appelante étaient suffisamment précises'; que c'est dans le cadre de l'expertise que les modalités de calcul de l'indemnité pouvaient être appréciées y compris concernant la franchise applicable, en intégrant les éventuelles aides; qu'en raison de l'achèvement de l'expertise le 22 février 2022, le préjudice subi est au moins de 182.185 euros'; 31. - s'agissant du préjudice moral subi par la concluante, que le tribunal n'a pu rejeter cette demande tout en constatant un faisceau d'indices dans la présentation des garanties permettant de considérer que la perte d'exploitation est due'; qu'ainsi, l'appelante prive la concluante de perspectives d'avenir et l'expose à une cessation des paiements, ce qui ne lui permet pas de s'organiser sereinement'; que son gérant se trouve ainsi en arrêt de travail depuis le 31 mars 2020. ***** 32. Il convient en application de l'article 455 du code de procédure civile de se référer aux conclusions susvisées pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties.

MOTIFS DE LA DECISION

: 1) Concernant la garantie pour pertes d'exploitation: 33. Le tribunal de commerce a indiqué que la société RP Music fonde sa demande sur les paragraphes 1.3 et 2/13 des conditions générales, et que concernant l'article 1.3, page 7, intitulé « quel est l'objet de votre contrat ' '', trois types de garanties sont offertes dans le cadre de la protection de l'activité de l'assuré': la protection des biens contre une liste de 11 types de sinistres matériels, la protection des responsabilités liées à la propriété et/ou l'occupation des immeubles, la protection financière contre la perte d'exploitation ou la perte de valeur vénale du fonds. 34. Le tribunal en a retiré qu'aux termes de cette rédaction, la protection financière apparaît comme une garantie offerte par le contrat de même ordre que les deux précédentes (protection des biens, protection des responsabilités). Il a relevé qu'en page 22 des dispositions générales, le «'Sommaire'» reprend ces mêmes garanties et dans un ordre de présentation identique à celui de l'article 1.3, et que cette articulation confirme ainsi que la protection financière, et par extension la perte d'exploitation, constitue une garantie de même rang que la protection des biens ou la protection des responsabilités, d'autant que le paragraphe «'Indemnisation'» ( point 3 du sommaire) traite d'une part des garanties protection des biens ( art 3/1) et d'autre part des garanties de protection financière (art 3/2). 35. Le tribunal a indiqué qu'en vertu des dispositions relatives à l'indemnisation des garanties de protection financière, l'indemnisation de la perte de marge brute est conditionnée par une baisse de chiffre d'affaire causée par un «sinistre'», lequel est défini à la page 6 des dispositions générales comme étant un évènement dommageable qui donne lieu à l'application de la garantie de l'assureur, alors que rien dans les stipulations mentionnées ci-dessus, n'incite à conclure que la perte d'exploitation est conditionnée par la survenance d'un sinistre matériel parmi ceux listés sous la rubrique «protection de vos biens '' dans l'article 1.3 des dispositions générales. 36. Le tribunal a relevé que, curieusement, en page 38 des dispositions générales traitant de la perte d'exploitation, l'article 2/13 est intitulé «'protection de vos biens'» alors que dans le sommaire, l'article 2/13 est logiquement rattaché à la garantie «protection financière'', et qu'il y a là une incohérence manifeste, peut-être due à une erreur matérielle, laquelle doit, sur le fondement de l'article 1190 du code civil, être interprétée dans un sens favorable à l'assuré, à savoir qu'il s'agit d'un article s'inscrivant dans la garantie «'protection financière'». 37. Concernant cet article 2/13, le tribunal a précisé qu'il stipule, au titre des «'pertes d'exploitation'», que sont garantis le versement d'une indemnité correspondant à la perte de marge brute résultant pendant la période d'indemnisation de': - la perte du chiffre d'affaires causée par l'interruption ou la réduction des activités déclarées, - les frais supplémentaires d'exploitation consécutivement engagés, avec l'accord préalable de l'agent de souscription, lorsque l'assuré se trouve dans l'impossibilité de poursuivre son activité à la suite d'un dommage matériel indemnisé au titre du présent contrat, de dommages matériels directs non assurables à l'ensemble des biens garantis par le contrat ayant eu pour cause déterminante l'intensité anormale d'un agent naturel, lorsque les mesures habituelles à prendre pour prévenir ces dommages n'ont pu empêcher leur survenance, ou n'ont pu être prises, d'une impossibilité matérielle d'accès à ses locaux professionnels (y compris en cas d'interdiction par les autorités compétentes), par suite d'incendie ou d'explosion, d'événements naturels survenus dans le voisinage, catastrophes naturelles. 38. Le tribunal en a déduit qu'il résulte de la rédaction et de la structuration de cet article que la perte d'exploitation peut être mise en oeuvre en cas de perte du chiffre d'affaire sans que celle-ci soit assortie d'une condition autre que la survenance d'un sinistre, la période d'indemnisation étant celle pendant laquelle les résultats de l'entreprise sont affectés par le sinistre, et que seule l'indemnisation des frais supplémentaires d'exploitation engagés consécutivement à un sinistre est conditionnée par la survenance de l'un des trois types d'évènements spécifiquement énumérés à l'article 2/13 (dommage matériel indemnisé, dommages matériels directs non assurables, impossibilité matérielle d'accéder aux locaux). Le tribunal en a retiré que la garantie «'perte d'exploitation'» n'est pas expressément subordonnée à l'occurrence d'un dommage matériel. 39. Le tribunal a indiqué que si l'interprétation que fait l'assureur de l'article 2/13 quant aux conditions de mise en 'uvre de la garantie «'perte d'exploitation'» est conforme à sa rédaction telle qu'elle résulte de la version actualisée au 12 octobre 2018 de la police MRP Métiers de la Nuit, tel n'est pas le cas de la version applicable au cas d'espèce, l'ambiguïté dans la présentation rédactionnelle de cette version expliquant vraisemblablement l'actualisation au 12 octobre 2018. 40. Le tribunal a conclu qu'il existe une réelle ambiguïté dans la rédaction des dispositions générales quant aux circonstances et aux conditions de mise en 'uvre de la garantie perte d'exploitation, alors qu'en matière d'assurance, l'assuré doit connaître l'étendue des garanties incluses dans le contrat d'assurance qu'il a souscrit et être en mesure de les comprendre, et que selon l'article L 113-1 du code des assurances, les clauses d'exclusion de garantie ne peuvent être tenues pour formelles et limitées dès lors qu'elles doivent être interprétées et qu'elles ne se réfèrent pas à des critères précis et à des hypothèses limitatives énumérées. Il a indiqué que les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causé par la fraude de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. 41. Il en a retiré qu'aux termes de l'article 1190 du code civil, en cas de doute le contrat d'adhésion s'interprète contre celui qui l'a proposé, et qu'un faisceau d'indices dans la présentation des garanties qu'offre le contrat incite à considérer que la perte d'exploitation doit être rattachée à la «'protection financière'», laquelle apparaît comme une des garanties octroyées au même titre que la «'protection des biens'», alors que la fermeture administrative n'est pas explicitement exclue dans les conditions générales ni dans les conditions particulières de la police, d'autant que la société RP Music a dû interrompre son activité suite aux décrets d'interdiction d'accueil du public publiés par les pouvoirs publics pour cause de crise sanitaire, ce qui constitue un cas fortuit et donc imprévisible. Le tribunal a retenu qu'il s'agit bien d'un sinistre tel que défini au contrat puisqu'il s'agit d'un évènement dommageable ayant causé l'interruption des activités déclarées, et que dans ces conditions, la garantie perte d'exploitation est acquise à la société RP Music. 42. La cour constate que l'ensemble contractuel se compose des éléments suivants': - Un tableau des garanties': il distingue les dommages matériels, les dommages financiers, les garanties complémentaires, les accidents et risques divers, les risques pour vol. Au titre des dommages financiers, le contrat garantit les pertes de marge brute pour 712.500 euros. La franchise pour les pertes d'exploitation est de trois jours ouvrés. Selon les conditions générales, il s'agit des jours effectivement travaillés dans l'entreprise et déclarés dans le questionnaire de description du risque. Rien n'est cependant produit par l'assureur à ce titre. - Des conditions générales': elles se décomposent en deux parties': * la première intitulée «'dispositions générales'» comprenant les pages 1 à 21': elle prévoit à l'article 1.3 page 7': au titre de l'objet du contrat, que trois rubriques distinctes sont prévues': la protection des biens (incendie, vol par exemple), la protection des responsabilités, la protection financière. Pour celle-ci, il y a deux objets distincts': les pertes d'exploitation et la perte de valeur vénale du fonds. * la seconde partie intitulée «'La protection de votre activité'»': le sommaire, page 22, prévoit des dispositions communes (notamment les définitions), la description des garanties en cas d'atteinte aux biens, la protection de la responsabilité de l'occupant et la protection financière. Il y a enfin une troisième rubrique concernant l'indemnisation, pour la protection des biens et la protection financière (séparément). L'article 1/3, page 26, reprécise ce que l'assureur propose de garantir, à savoir trois éléments différents': la protection des biens, la protection de la responsabilité, la protection financière comprenant les pertes d'exploitation et la perte de la valeur vénale du fonds de commerce. 43. Cependant l'article 2/13, page 38, de la partie intitulée «'La protection de votre activité'» prévoit, en cas d'atteinte aux biens, l'indemnisation de la perte de marge brute résultant de la perte de chiffre d'affaires et des frais supplémentaires d'exploitation lorsqu'il y a impossibilité totale ou partielle de poursuivre l'activité, en raison d'un dommage matériel indemnisé, d'un dommage matériel direct non assurable ou d'une impossibilité matérielle d'accès aux locaux, y compris en cas d'interdiction par les autorités compétentes, par suite d'un incendie, d'une explosion, d'événements naturels survenus dans le voisinage ou de catastrophes naturelles. La perte totale du fonds fait l'objet de l'article 2/14, page 47. 44. Enfin, l'article 3/2 page 46 concernant la protection financière'ne figure pas au titre des garanties souscrites, mais des conditions d'indemnisation. Elles concernent la garantie de protection des biens (article 3/1) et la garantie de protection financière (article 3/2). Il s'agit des modes de calcul des préjudices subis et des modalités d'indemnisation. 45. Aux termes de l'article L113-1 du code des assurances, les pertes et les dommages occasionnés par des cas fortuits ou causés par la faute de l'assuré sont à la charge de l'assureur, sauf exclusion formelle et limitée contenue dans la police. Toutefois, l'assureur ne répond pas des pertes et dommages provenant d'une faute intentionnelle ou dolosive de l'assuré. Selon l'article 1190 du code civil, dans le doute, le contrat de gré à gré s'interprète contre le créancier et en faveur du débiteur, et le contrat d'adhésion contre celui qui l'a proposé. Tel est le cas en l'espèce, concernant un contrat d'assurance soumis à l'adhésion de l'assuré. 46. Comme relevé par le tribunal de commerce, la cour constate que si l'ensemble contractuel se présente initialement comme assurant une triple protection (les biens, la responsabilité, la protection contre la perte d'exploitation ou la perte de valeur vénale du fonds de commerce), il existe cependant une contradiction, résultant de la rédaction de l'article 2/13, page 38, de la partie intitulée «'La protection de votre activité'» prévoyant, en cas d'atteinte aux biens, l'indemnisation de la perte de marge brute résultant de la perte de chiffre d'affaires et des frais supplémentaires d'exploitation lorsqu'il y a impossibilité totale ou partielle de poursuivre l'activité, en raison d'un dommage matériel indemnisé, d'un dommage matériel direct non assurable ou d'une impossibilité matérielle d'accès aux locaux. 47 Ce dernier article, renvoyant à la protection des atteintes aux biens, revient à mettre à néant la présentation initiale du contrat, distinguant la protection des atteintes aux biens de la garantie financière. Le tribunal de commerce a ainsi exactement retenu qu'il existe une réelle ambiguïté dans la rédaction des conditions générales concernant les circonstances et les conditions de mise en 'uvre de la garantie des pertes d'exploitation, et que le contrat devant être interprété en faveur de l'assuré, alors qu'une mesure de fermeture administrative n'est pas explicitement exclue et que la fermeture décidée par les pouvoirs publics en raison de la crise sanitaire constitue un cas fortuit donc imprévisible, la garantie pour pertes d'exploitation est acquise. Le jugement déféré sera seulement infirmé en ce qu'il a dit et jugé que les conditions requises par la société Hübener Versicherungs AG au titre de sa garantie perte d'exploitation ne sont pas remplies en l'espèce par la société RP Music, cet élément du dispositif de la décision déférée étant contradictoire avec la motivation développée par le tribunal, et par la suite immédiate du dispositif de cette décision, jugeant que la garantie perte d'exploitation est acquise à l'intimée. Sans qu'il soit nécessaire de plus amplement statuer sur les autres moyens soutenus par l'appelante concernant une dissociation des garanties pertes d'exploitation et frais supplémentaires d'exploitation prévues dans l'article 2/13, la cour confirmera le jugement en ce qu'il a retenu l'acquisition de la garantie des pertes d'exploitation. 2) Concernant la mesure d'expertise': 48. Le tribunal a indiqué que l'établissement de la société RP Music est fermé depuis le 14 mars 2020 et la perte de chiffre d'affaires est estimée de façon non contradictoire à 277.164 euros pour la période du 14 mars au 31 octobre 2020, de sorte qu'il convient d'organiser une mesure d'expertise afin de déterminer contradictoirement et compte tenu d'une fermeture «'sine die'», la perte de marge brute subie par la société RP Music depuis le 14 mars 2020. 49. En considération des éléments développés plus haut concernant la garantie des pertes d'exploitation résultant de la fermeture administrative intervenue en raison de la crise sanitaire, la cour ne peut que confirmer l'organisation de la mesure d'instruction, nécessaire afin de permettre de fournir contradictoirement les éléments permettant de liquider l'indemnité due à l'assurée. Le jugement sera ainsi confirmé concernant l'organisation de cette expertise, aux frais avancés de l'appelante. 3) Sur la demande de provision': 50. Le tribunal a jugé qu'elle est fondée dans son principe mais non justifiée de façon objective dans son quantum, la société RP Music ne produisant que des estimations de pertes et ce, sans documents comptables justificatifs, sans prise en compte des probables économies de charges résultant de la fermeture de son établissement voire des éventuelles aides de l'État. Il a ainsi rejeté cette demande, l'estimant insuffisamment fondée. 51. La cour constate que le pré-rapport d'expertise déposé par madame [O] a proposé de fixer le montant de la perte d'exploitation subie à 185.754 euros, après avoir déduit trois jours de franchise. L'intimée justifie ainsi d'une créance non sérieusement contestable. La cour, réformant le jugement déféré sur ce point, allouera ainsi à l'intimée une provision de 182.185 euros à valoir sur l'indemnisation de son préjudice. 4) Sur le préjudice moral subi par l'intimée': 52. Le tribunal a retenu qu'elle n'apporte pas la preuve incontestable du bien fondé voire du quantum du préjudice moral qu'elle prétend avoir subi dans cette affaire du fait du refus d'indemnisation que lui oppose la société Hübener. La cour constate que si l'intimée justifie d'arrêts de travail de son gérant du 31 mars 2020 (un mois), du 28 avril 2020 (deux mois), du 26 juin 2020 (jusqu'au 1er septembre 2020), ainsi que d'une attestation d'un fournisseur concernant l'état dépressif du gérant, il ne résulte pas de ces pièces que les difficultés rencontrés par ce gérant résultent du refus d'indemnisation opposé par l'appelante. Le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande. ***** 53. La société Hübener Versicherungs AG succombe en son appel. En conséquence, elle sera condamnée à payer à la société RP Music la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre les dépens exposés en cause d'appel par application de l'article 696 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La Cour statuant publiquement, contradictoirement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la Cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile, après en avoir délibéré conformément à la loi, Vu les articles 1190 du code civil et L 113-1 du code des assurances ; Infirme le jugement déféré en ce qu'il a': - dit et jugé que les conditions requises par la société Hübener Versicherungs AG au titre de sa garantie perte d'exploitation ne sont pas remplies en l'espèce par la société RP Music'; - débouté la société RP Music de sa demande de provision au motif qu'elle est insuffisamment fondée ; Confirme le jugement déféré en ses autres dispositions soumises à la cour; statuant à nouveau'; Condamne la société Hübener Versicherungs AG à payer à la société RP Music la provision de 182.185 euros à valoir sur l'indemnisation de ses pertes d'exploitation'; y ajoutant'; Condamne la société Hübener Versicherungs AG à payer à la société RP Music la somme de 4.000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile'; Condamne la société Hübener Versicherungs AG aux dépens exposés en cause d'appel. SIGNÉ par Mme FIGUET, Présidente et par Mme RICHET, Greffière à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire. La Greffière La Présidente