CJUE, 15 juillet 1997, C-235/92

Synthèse

  • Juridiction : CJUE
  • Numéro de pourvoi :
    C-235/92
  • Date de dépôt : 22 mai 1992
  • Titre : Pourvoi - Règlement intérieur de la Commission - Procédure d'adoption d'une décision par le collège des membres de la Commission - Règles de concurrence applicables aux entreprises - Notions d'accord et de pratique concertée - Prescription - Amende.
  • Identifiant européen :
    ECLI:EU:C:1997:362
  • Lien EUR-Lex :https://eur-lex.europa.eu/legal-content/FR/ALL/?uri=CELEX:61992CC0235
  • Rapporteur : Mancini
  • Avocat général : Cosmas
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Texte intégral

Avis juridique important | 61992C0235 Conclusions de l'avocat général Cosmas présentées le 15 juillet 1997. - Montecatini SpA contre Commission des Communautés européennes. - Pourvoi - Règlement intérieur de la Commission - Procédure d'adoption d'une décision par le collège des membres de la Commission - Règles de concurrence applicables aux entreprises - Notions d'accord et de pratique concertée - Prescription - Amende. - Affaire C-235/92 P. Recueil de jurisprudence 1999 page I-04539 Conclusions de l'avocat général Dans la présente affaire, la Cour est appelée à statuer sur le pourvoi formé par la société Montecatini SpA (initialement Montedison, puis Montepolimeri SpA, puis Montedipe SpA; ci-après «Monte»), au titre de l'article 49 du statut CEE de la Cour de justice, contre l'arrêt du Tribunal de première instance du 10 mars 1992 (1). L'arrêt attaqué a rejeté le recours en annulation de la décision 86/398/CEE de la Commission, du 23 avril 1986 (2) (ci-après la «décision `polypropylène'»), introduit par la requérante au pourvoi au titre de l'article 173 du traité CEE (ci-après le «traité»). Cet arrêt concernait l'application de l'article 85 du traité dans le secteur de la production de polypropylène. I - Faits et déroulement de la procédure devant le Tribunal de première instance 1 En ce qui concerne les faits du litige et le déroulement de la procédure devant le Tribunal, l'arrêt attaqué fait apparaître les éléments suivants: avant 1977, le marché ouest-européen du polypropylène était approvisionné presque exclusivement par dix producteurs, le plus important étant la requérante au pourvoi, dont la part de marché oscillait entre 14,2 et 15 %. Monte possédait alors en outre des brevets de contrôle, qui ont expiré dans la majorité des pays européens entre 1976 et 1978. A la suite de l$expiration de ces brevets, sept nouveaux producteurs sont apparus sur le marché, avec une importante capacité de production. Leur arrivée ne s'est pas accompagnée d'un accroissement correspondant de la demande, de sorte qu'il n'y avait pas d'équilibre entre l'offre et la demande, du moins jusqu'en 1982. D'une manière générale, le marché du polypropylène se caractérisait, au cours de la majeure partie de la période 1977-1983, par un faible rendement et des pertes importantes. 2 Les 13 et 14 octobre 1983, des fonctionnaires de la Commission, agissant dans le cadre des pouvoirs que leur confère l'article 14, paragraphe 3, du règlement n_ 17 du Conseil, du 6 février 1962, premier règlement d'application des articles 85 et 86 du traité (3) (ci-après le «règlement n_ 17»), ont procédé à des vérifications simultanées dans les locaux d'une série d'entreprises actives dans le secteur de la production de polypropylène. A la suite de ces vérifications, la Commission a adressé aux entreprises précitées ainsi qu'à d'autres ayant un objet connexe des demandes de renseignements au titre de l'article 11 du règlement n_ 17. Les informations recueillies dans le cadre de ces vérifications et de ces demandes de renseignements ont amené la Commission à conclure que, entre 1977 et 1983, certains producteurs de polypropylène, dont la requérante au pourvoi, avaient agi en violation de l$article 85 du traité. Le 30 avril 1984, la Commission a décidé d'engager la procédure visée à l'article 3, paragraphe 1, du règlement n_ 17 et a communiqué ses griefs par écrit aux entreprises en infraction. 3 Au terme de cette procédure, la Commission a arrêté, le 23 avril 1986, la décision précitée, dont le dispositif est formulé dans les termes suivants: «Article premier [Les entreprises] ... Montepolimeri SpA (actuellement Montedipe), ... ont enfreint les dispositions de l'article 85 paragraphe 1 du traité CEE, en participant: ... - pour Hoechst, ICI, Montepolimeri et Shell, du milieu de l'année 1977 jusqu'à novembre 1983 au moins, ... à un accord et une pratique concertée remontant au milieu de l'année 1977, en vertu desquels les producteurs approvisionnant en polypropylène le territoire du marché commun: a) ont pris contact l'un avec l'autre et se sont rencontrés régulièrement (depuis le début de 1981, deux fois par mois) dans le cadre de réunions secrètes, en vue d'examiner et de définir leur politique commerciale; b) ont fixé périodiquement des prix `cibles' (ou minimaux) pour la vente du produit dans chaque État membre de la Communauté; c) ont convenu de diverses mesures visant à faciliter l'application de tels objectifs de prix, y compris (et essentiellement) des limitations temporaires de la production, l'échange d'informations détaillées sur leurs livraisons, la tenue de réunions locales et, à partir de la fin de 1982, un système d'`account management' ayant pour but d'appliquer les hausses de prix à des clients particuliers; d) ont procédé à des hausses de prix simultanées, en application desdites cibles; e) se sont réparti le marché en attribuant à chaque producteur un objectif ou un `quota' annuel de vente (1979, 1980 et pendant une partie au moins de 1983) ou, à défaut d'un accord définitif pour l'année entière, en obligeant les producteurs à limiter leurs ventes mensuelles par référence à une période antérieure (1981, 1982). ... Article 3 Les amendes suivantes sont infligées aux entreprises visées par la présente décision, en raison de l'infraction constatée à l'article 1er: ... x) Montedipe, une amende de 11 000 000 Écus, soit 16 187 490 000 Lit....» 4 Sur les quinze sociétés destinataires de la décision en question, quatorze - dont la requérante au pourvoi - ont introduit un recours en annulation contre la décision précitée de la Commission. Lors de l'audience tenue devant le Tribunal du 10 au 15 décembre 1990, les parties ont exposé leurs arguments et ont répondu aux questions de ce dernier. 5 Par lettre déposée au greffe du Tribunal le 6 mars 1992, et alors que les procédures orale et écrite étaient achevées, mais, en tout cas, avant le prononcé de l'arrêt, Monte a demandé au Tribunal de rouvrir la procédure orale. A l'appui de sa demande, elle a invoqué certains éléments de fait dont, comme elle le soutient, elle n'a eu connaissance qu'après la fin de la procédure orale et, plus particulièrement, après le prononcé de l'arrêt du Tribunal du 27 février 1992, BASF e.a./Commission (4) (ci-après les «affaires PVC»). La requérante au pourvoi a déduit de ces éléments que la décision attaquée de la Commission était entachée de graves vices de forme, dont l'examen exigeait de nouvelles mesures d'instruction. Le Tribunal, après avoir entendu à nouveau l'avocat général au sujet du problème posé, a rejeté, dans son arrêt précité du 10 mars 1992, la demande de réouverture de la procédure orale ainsi que le recours dans son ensemble. 6 Par requête déposée au greffe du Tribunal le 11 juin 1992, Monte a introduit un recours en révision de cet arrêt, que le Tribunal a rejeté par ordonnance du 4 novembre 1992 (5). 7 Par la suite, Monte a formé un pourvoi devant la Cour, demandant à celle-ci d'annuler entièrement ou, à titre subsidiaire, partiellement l'arrêt du Tribunal du 10 mars 1992 et de renvoyer l'affaire devant cette juridiction. Monte demande également que la défenderesse au pourvoi soit condamnée aux dépens. La Commission demande à la Cour de rejeter le pourvoi et de condamner la requérante au pourvoi aux dépens. La société DSM NV est intervenue dans l'affaire pendante à l'appui des conclusions de Monte. II - Recevabilité de l'intervention 8 En ce qui concerne la recevabilité de l'intervention de la société DSM, les considérations que nous avons exposées aux points pertinents de nos conclusions relatives à l'affaire connexe Hüls/Commission sont, en principe, également valables (6). Il découle de cette analyse que l'intervention de la société DSM dans la présente affaire n'est recevable que pour la partie où elle soutient la requérante en ce que cette dernière demande à la Cour de constater, après annulation de l'arrêt rendu en première instance, l'inexistence de la décision «polypropylène». Les autres conclusions de l'intervenante ou les arguments qu'elle invoque à l'appui d'autres demandes de la requérante ne peuvent, de toute façon, pas être examinés quant à leur bien-fondé, étant donné qu'ils ne sont pas recevables. III - Moyens d'annulation A - Moyens concernant les vices de forme de la décision «polypropylène» 1. Arguments des parties 9 Par son premier moyen d'annulation, Monte conteste le point 391 de l'arrêt attaqué et fait valoir que la décision «polypropylène» de la Commission est entachée de vices de forme substantiels entraînant son inexistence ou, en tout cas, sa nullité. En effet, la requérante estime que le Tribunal a enfreint les règles relatives à la charge de la preuve, qui imposent au juge de vérifier chaque fois d'office l'existence de l'acte attaqué devant lui. Elle note, à cet égard, que, avant le prononcé de l'arrêt attaqué, la presse avait rendu public l'arrêt rendu par le Tribunal dans les affaires connexes PVC, par lequel il avait constaté que, d'une part, la pratique constante suivie par la Commission pour l'adoption de ses décisions était contraire aux règles communautaires et que, d'autre part, les actes adoptés selon cette procédure étaient inexistants. Par ailleurs, dans les affaires PVC, les agents de la Commission ont expressément admis devant le Tribunal que les infractions constatées dans le cadre de ces affaires ne concernaient pas seulement ces dernières, mais caractériseraient l'ensemble de l'action de la Commission au cours d'une période donnée. La requérante estime que les éléments précités constituaient des indices substantiels qui auraient dû amener le Tribunal à mener des investigations plus approfondies concernant l'existence de la décision «polypropylène» de la Commission. Selon Monte, le Tribunal devait vérifier d'office si la décision de la Commission attaquée devant lui ne présentait pas éventuellement les mêmes vices de forme que ceux identifiés pour la première fois lors de l'examen des affaires PVC. L'obligation pour le juge du recours en annulation de vérifier d'office l'existence des actes dont il est appelé à contrôler la légalité constitue, selon la requérante, un principe commun à tous les droits nationaux, valable également dans l'ordre juridique communautaire. Monte soutient que, par voie de conséquence, ce n'était pas à elle qu'il incombait de prouver l'existence des vices de forme qu'elle a invoqués dans son mémoire du 6 mars 1992. La requérante indique, par ailleurs, qu'elle n'est pas en mesure de produire des preuves complètes quant aux infractions commises par la Commission. Seul le Tribunal pouvait - et devait - demander à la Commission de produire l'original de la décision attaquée, afin de déterminer dans quelle mesure les infractions concernées avaient été effectivement commises. Selon la requérante, l'obligation de procéder à un contrôle d'office incombe également à la Cour au stade du pourvoi. 10 Dans son mémoire en réplique, Monte complète son premier moyen d'annulation en invoquant, outre l'inexistence, la nullité de la décision litigieuse de la Commission. Elle soutient, à cet égard, que la décision «polypropylène» est nulle dans la partie qui la concerne, parce que, en premier lieu, la version italienne n'existait pas au moment de son adoption (7) et que, en second lieu, son contenu a subi des modifications entre la date de son adoption et celle de sa notification. Selon les allégations de la requérante, l'existence de ces vices est établie. 11 Pour sa part, la Commission considère que le premier moyen d'annulation est dénué de fondement, en particulier depuis le prononcé de l'arrêt PVC de la Cour (8). Selon la défenderesse, il résulte de ce dernier que les vices invoqués par Monte dans son mémoire du 6 mars 1992 n'entraînaient pas l'inexistence de la décision, comme elle l'a erronément soutenu, mais simplement sa nullité. C'est donc à bon droit que, dans l'arrêt attaqué, le Tribunal a jugé que le moyen tiré de l'inexistence devait être rejeté. En ce qui concerne les moyens de Monte tirés de la nullité de la décision attaquée, la Commission indique que, quand bien même ils auraient été invoqués valablement dans le mémoire en réplique, ils doivent être rejetés comme dénués de fondement. A aucun stade de la procédure administrative et judiciaire organisée dans le cadre des affaires «polypropylène», on n'a constaté de violations de formes substantielles identiques à celles observées dans les affaires PVC. Selon la Commission, les allégations de la requérante à cet égard n'ont pas été prouvées. 2. Notre réponse aux moyens précités 12 Il faut noter, d'abord, que les allégations de la requérante contenues dans son premier moyen d'annulation renferment une contradiction. Alors que Monte soutient qu'elle ne dispose pas des éléments nécessaires pour prouver l'existence des vices de forme décisifs sur lesquels elle fonde ses moyens tirés de l'inexistence, elle considère, en revanche, qu'il existe des preuves suffisantes à cet égard lorsqu'elle se prévaut des mêmes vices de forme pour qualifier l'acte non pas d'inexistant, mais de nul. 13 En tout cas, le point de l'arrêt attaqué où le Tribunal a jugé que les vices de forme prétendus de la décision «polypropylène», à supposer qu'ils existent, n'entraînent pas son inexistence est correct. Sur ce point, nous renvoyons aux considérations que nous avons exposées, dans nos conclusions relatives à l'affaire Hüls/Commission (9), au sujet des positions prises par la Cour dans l'arrêt PVC, considérations qui, selon nous, doivent valoir aussi en l'espèce. En conséquence, les moyens tirés de l'inexistence dont Monte se prévaut au stade du pourvoi sont dénués de fondement et doivent être rejetés. Toutefois, il nous paraît que le juge du fond devait examiner si, indépendamment de la qualification juridique que leur donnent les parties, les vices de forme prétendus de la décision «polypropylène» étaient éventuellement de nature à constituer une violation de forme substantielle (10). Cependant, même sous cet angle, l'arrêt attaqué ne peut être annulé. D'une part, les éléments que Monte a invoqués dans son mémoire du 6 mars 1992 ne sont pas fondés sur des preuves complètes quant à l'existence des vices en question (11) et ils n'ont été soumis que tardivement, après la clôture de la procédure orale (12). D'autre part, les règles communautaires relatives au contrôle effectué d'office par le juge n'imposaient pas au Tribunal - à partir du moment où il avait accepté d'examiner le contenu du mémoire, bien qu'il ait été déposé hors délai - d'étudier la question de manière plus approfondie, pour déterminer dans quelle mesure l'acte attaqué était effectivement entaché de vices de forme substantiels. Dans la mesure où les preuves concernant une question examinée d'office ne sont pas complètes, le juge communautaire n'est pas tenu de procéder de sa propre initiative à un examen plus poussé de celle-ci, en ordonnant une instruction complémentaire, étant donné qu'il a la faculté et non l'obligation de procéder à une analyse plus complète (13). Eu égard à ce qui précède, le premier moyen d'annulation de Monte doit être rejeté comme dénué de fondement. B - Moyens concernant l'application des dispositions relatives à la concurrence 1. Quant à l'absence d'évaluation de certains éléments excluant l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité. 14 Dans son deuxième moyen d'annulation, Monte affirme que le Tribunal a interprété et appliqué erronément l'article 85, paragraphe 1, du traité. Selon la requérante, tant la Commission que le Tribunal n'ont pas correctement apprécié certains facteurs qui soit excluaient que l'on explique le comportement de Monte par l'existence d'un accord ou d'une pratique concertée, soit, en tout cas, réfutaient le caractère illicite de ce comportement. Dans un souci de cohérence, les onze griefs, souvent formulés de façon imprécise, que la requérante fait valoir sur ce point, seront examinés par groupes, le critère étant la parenté juridique des arguments invoqués. a) En ce qui concerne le point c) du deuxième moyen d'annulation 15 L'affirmation de Monte, visant les points 82 et 91 de l'arrêt attaqué, selon laquelle le Tribunal a arbitrairement déduit une présomption d'illégalité de sa seule participation à des réunions avec des producteurs de polypropylène, est logiquement antérieure. Selon la Commission, ce moyen est non seulement irrecevable (14), mais aussi dénué de fondement, au motif que le Tribunal n'a pas fondé la constatation de l'infraction aux règles de la concurrence sur la seule participation de la requérante aux réunions des producteurs de polypropylène, mais également sur l'objet de celles-ci, qui était de fixer des objectifs de prix et des volumes de vente souhaitables. 16 En effet, comme il résulte du point 91 de l'arrêt attaqué, le Tribunal a fondé son appréciation concernant le caractère illégal des réunions des producteurs de polypropylène non seulement sur la participation de la requérante à celles-ci, mais surtout sur le fait que «ces réunions avaient pour objet, notamment, la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente et qu'elles s'inscrivaient dans un système». Cette constatation est le fruit d'une série de réflexions ainsi que de l'appréciation d'éléments de fait sur lesquels le Tribunal s'est appuyé et qui sont exposés aux points 83 à 90 de l'arrêt attaqué (15). En conséquence, le point c) du deuxième moyen d'annulation doit être rejeté comme irrecevable, en tant qu'il est fondé sur une condition préalable erronée. b) En ce qui concerne les points d), e), h), l) et m) du deuxième moyen d'annulation 17 Monte affirme que le juge du fond a commis une erreur en ce qu'il n'a pas constaté, en prenant en considération une série de facteurs, que le comportement de la requérante n'était pas le résultat d'un accord illégal ou d'une pratique concertée illégale, mais exclusivement d'une action individuelle dictée par les conditions qui prévalaient alors sur le marché du polypropylène. Dans un tel cadre, on ne pourrait pas parler, selon Monte, d'une violation de l'article 85 du traité. 18 Plus particulièrement, au point d) du deuxième moyen d'annulation, la requérante soutient, en se référant aux points 132 à 134 de l'arrêt attaqué, que le Tribunal a appliqué arbitrairement le principe «post hoc, ergo propter hoc», en estimant qu'il existe un lien de causalité entre la politique de prix de Monte et les réunions préalables des producteurs de polypropylène. En réalité, ces réunions ne pouvaient avoir pour objet la fixation de prix, étant donné que ces sociétés n'avaient, de toute manière, pas d'autre solution que de s'efforcer de majorer les prix, étant donné que, pendant une longue période, elles avaient vendu à perte du fait de la conjoncture économique négative. 19 Une argumentation analogue est développée au point h) du deuxième moyen d'annulation, concernant les griefs de la Commission relatifs à la réduction artificielle de l'offre sur le marché du polypropylène et l'instauration d'un système de quotas entre producteurs. En se référant aux points 143, 199 et 200 de l'arrêt attaqué, la requérante soutient que, vu les conditions du marché, tout accord ayant un tel contenu était impossible. 20 Par ailleurs, le grief que la requérante formule au point e) du deuxième moyen d'annulation est de la même nature juridique. En ce qui concerne les constatations faites par le Tribunal aux points 232 et 233 de l'arrêt du 10 mars 1992, Monte considère que le Tribunal a violé le principe selon lequel, en présence de deux interprétations possibles d'un même comportement, il faut préférer celle qui est apte à le justifier. Partant, dans le cas présent, dès lors que le comportement de la requérante pouvait tout aussi bien être soit le résultat d'un accord ou d'une pratique concertée, soit la conséquence des conditions du marché, c'est cette seconde solution qui aurait dû être adoptée. 21 La Commission considère que ces trois branches du deuxième moyen d'annulation sont toutes irrecevables. Elle soutient, en particulier, que, par ses allégations figurant aux points d) et h), la requérante s'efforce en substance, en avançant une explication de son comportement autre que celle adoptée par le Tribunal, d'attribuer un contenu différent aux réunions des producteurs de polypropylène et, en conséquence, de mettre en doute la constatation des faits opérée par le juge du fond. 22 A titre subsidiaire, la Commission fait valoir que les allégations précitées sont dénuées de fondement. Elle note, à cet égard, que le Tribunal a étayé ses conclusions (surtout aux points 128 à 137 et 175 à 202 respectivement) quant à l'objet illicite des réunions des producteurs de polypropylène et à la participation de Monte aux ententes. 23 En ce qui concerne le point e) du deuxième moyen d'annulation, la Commission invoque, pour prouver son irrecevabilité, l'article 119 du règlement de procédure de la Cour et le fait que ce point ne contient aucun argument de droit dirigé contre l'arrêt attaqué, mais qu'il se borne à répéter les arguments déjà invoqués devant le Tribunal en vue du réexamen du recours initialement formé. Pour corroborer son affirmation, la Commission renvoie à la jurisprudence pertinente de la Cour (16). 24 En ce qui concerne les branches restantes du deuxième moyen d'annulation, qui seront examinées immédiatement, la requérante formule aussi des griefs qui sont étroitement liés à l'appréciation qu'a faite le Tribunal du comportement de Monte et des résultats qu'il a engendrés. Au point l) du deuxième moyen d'annulation, la requérante fait valoir, en se référant aux points 175 à 177 de l'arrêt attaqué, que c'est à tort que le Tribunal a attribué un caractère secret aux données relatives à la production de Monte, puisque presque n'importe qui pouvait y avoir accès. Selon la requérante, pour qu'il y ait violation de l'article 85, la Commission aurait dû prouver que l'échange des données en question entre les sociétés productrices de polypropylène était intervenu avant toute divulgation par d'autres sources et que la connaissance de ces données avait eu pour effet d'entraver le jeu de la concurrence. 25 La Commission répond qu'elle est incapable de comprendre à quelle partie de l'arrêt attaqué se réfère la critique de Monte, manifestement parce que ce grief est formulé d'une manière vague, que, en tout cas, le moyen soulève une question concernant l'appréciation des faits et qu'il est formulé pour la première fois au stade du pourvoi, en violation de l'article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. Au vu de ce qui précède, la Commission considère que le point l) du deuxième moyen d'annulation est manifestement irrecevable. 26 Enfin, la requérante affirme, au point m) du deuxième moyen d'annulation, que c'est à tort que le Tribunal a conclu, aux points 253 et 254 de l'arrêt attaqué, que les comportements en question des producteurs de polypropylène ont eu un effet sensible sur le commerce entre États membres. En ce qui concerne ce moyen, la Commission soulève de nouveau une exception d'irrecevabilité, en invoquant la jurisprudence précitée de la Cour (17). 27 A propos du deuxième moyen d'annulation, à la lumière des éléments précités, la Commission rappelle que le pourvoi ne peut être fondé que sur des moyens tirés d'une violation de règles de droit, tandis que la constatation ou l'appréciation des faits effectuée par le juge du fond ne saurait être valablement contestée (18). 28 Dès lors que les règles et les principes généraux du droit concernant la charge de la preuve ont été respectés (19), seul le Tribunal est compétent pour tirer les conséquences juridiques qui découlent de l'appréciation des éléments de fait qui lui ont été soumis (20). Le juge du pourvoi ne se reporte au dossier de l'affaire que si une des parties se prévaut d'un moyen tiré de la dénaturation (altération) des faits par le juge du fond. 29 En l'espèce, eu égard, d'abord, aux points d), e) et h) du moyen d'annulation précité, nous observons que la requérante tente de mettre en cause l'appréciation du Tribunal en ce qu'elle concerne le contenu des réunions des producteurs de polypropylène, c'est-à-dire des preuves. Monte ne prétend pas que le Tribunal a altéré les éléments de preuve qui lui ont été soumis. En partant, toutefois, de la situation économique qui prévalait sur le marché au cours de la période où ces réunions ont eu lieu, elle essaie de donner sa propre interprétation des faits, en les revêtant d'un habillage juridique différent. Plus précisément, de l'appréciation des faits, le Tribunal a tiré les conclusions suivantes: premièrement, les réunions des producteurs de polypropylène avaient pour objet la fixation d'objectifs de prix et de volumes de vente (point 91 de l'arrêt attaqué); deuxièmement, la requérante figurait parmi les producteurs qui ont pris part aux tentatives visant à la fixation de prix à atteindre et de prix cibles, et à la détermination du volume de ventes souhaité (respectivement points 137, 150 et 200 de l'arrêt attaqué). De son côté, la requérante rétorque que son comportement dans le domaine des prix et du volume des ventes ne pouvait qu'être autonome, vu les conditions du marché. Monte ne reproche pas au Tribunal de ne pas avoir correctement appliqué les règles de droit, mais de ne pas être, dans son appréciation des faits, parvenu à la même conclusion qu'elle. Cette argumentation équivaut, cependant, à une demande de réexamen des faits par la juridiction saisie du pourvoi et échappe donc à la compétence du juge du pourvoi (21). 30 Le point m) du deuxième moyen devrait, selon nous, être appréhendé de la même manière. Bien entendu, la condition exigeant que le commerce entre États membres soit affecté, que pose l'article 85 du traité, soulève une question de droit soumise au contrôle de la Cour (22). Mais, comme il résulte de l'article 51 (précité) du statut CEE de la Cour de justice, ainsi que de l'article 112, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure de la Cour, il convient d'indiquer clairement, dans le pourvoi, les chapitres attaqués de l'arrêt, ainsi que les arguments de droit invoqués à l'appui dudit pourvoi (23). 31 Nous observons, en l'espèce, que la contestation du jugement du Tribunal selon lequel l'infraction à laquelle Monte a pris part était susceptible d'affecter le commerce entre États membres (point 253 de l'arrêt attaqué) se fonde exclusivement sur une appréciation différente des faits effectuée par la requérante et non sur un vice de droit entachant l'arrêt attaqué. La Cour est ainsi appelée à procéder à une appréciation nouvelle des faits de l'affaire et à se prononcer autrement que le Tribunal. Tel qu'il est formulé, ce moyen doit donc être rejeté comme irrecevable. 32 Reste à examiner le point l) du deuxième moyen d'annulation. Il convient, tout d'abord, de rappeler que, conformément à l'article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, le pourvoi ne peut modifier l'objet du litige devant le Tribunal. Lorsqu'un pourvoi a été formé, la compétence de la Cour se borne au contrôle de la solution juridique donnée en première instance, au vu des moyens invoqués et des allégations formulées légitimement devant le Tribunal (24). En l'espèce, nous observons que les points 175 à 177 de l'arrêt attaqué, contre lesquels est dirigé le moyen en question de la requérante, portent sur le point de savoir si les données relatives au volume des ventes échangées lors des réunions des producteurs étaient vraies ou fausses et non sur le point de savoir si elles étaient secrètes ou publiques. En outre, il ne ressort pas des mémoires présentés en première instance qu'un tel moyen ait été invoqué légitimement devant le Tribunal. En conséquence, ce moyen invoqué pour la première fois au stade du pourvoi doit, pour cette raison, être rejeté comme irrecevable. c) En ce qui concerne les points a), b), f) et g) du deuxième moyen d'annulation 33 La requérante fait valoir que c'est à tort que le Tribunal n'a pas admis que la concertation à laquelle les producteurs de polypropylène ont procédé se justifiait par les circonstances, de sorte que la question de l'application de l'article 85, paragraphe 1, du traité ne pouvait se poser (25). 34 Dans le cadre du point a) du deuxième moyen d'annulation, Monte fait valoir que le Tribunal n'a pas pris en compte, comme il aurait dû le faire, la distorsion de la concurrence provoquée par des éléments étrangers au comportement des entreprises productrices de polypropylène et, en particulier, par le triplement des prix du pétrole (matière première pour la fabrication du polypropylène) à la fin des années 70, dû à l'abus par le cartel du pétrole de sa position dominante sur le marché. Selon la requérante, le Tribunal s'est ainsi écarté de la jurisprudence de la Cour, selon laquelle il faut chaque fois apprécier les éléments qui, tout en étant étrangers au comportement des entreprises, l'ont quand même influencé. La requérante se réfère aux conclusions de l'avocat général M. Mayras sous les arrêts Suiker Unie e.a./Commission et Van Landewyck e.a./Commission ainsi qu'aux conclusions de l'avocat général M. Verloren Van Themaat sous l'arrêt Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission (26). La requérante déduit de ces conclusions et arrêts, que, pour établir de manière définitive la responsabilité d'une société au titre de l'article 85 du traité, il est indispensable d'examiner dans quelle mesure des conditions de concurrence «effective» préexistaient, indépendamment du comportement des sociétés sur le marché. En d'autres termes, le principe selon lequel il est impossible de porter atteinte à un bien qui n'existe pas au moment de l'atteinte alléguée est valable également en droit communautaire de la concurrence. Selon la requérante, en se fondant sur cette logique, il fallait prendre en considération les circonstances suivantes, dans le cadre desquelles s'est déployée son action au cours de la période décisive: si, abstraction faite de l'augmentation des prix d'achat des matières premières due à l'abus de position dominante précité auquel s'est livré le cartel du pétrole, le comportement de Monte a été dicté, d'une part, par le gouvernement italien, qui lui a imposé de participer aux réunions des producteurs de polypropylène et, d'autre part, par la position avantageuse où se trouvaient les acheteurs de polypropylène et en raison de laquelle, du reste, l'objectif de diminution des pertes que les entreprises du secteur s'étaient assigné n'a jamais été atteint. 35 Dans sa réponse, la Commission observe que le moyen tiré par la requérante des circonstances exceptionnelles que le triplement du prix du pétrole a créées est soulevé pour la première fois devant la Cour. En conséquence, il doit être rejeté comme irrecevable, puisque la requérante tente par là de modifier l'objet du litige en première instance, en violation de l'article 113 du règlement de procédure de la Cour. Selon la Commission, ce moyen est aussi dénué de fondement. Aucune règle ni aucun principe général du droit n'autorisent les entreprises à violer les règles relatives à la concurrence en réaction à l'activité anticoncurrentielle de leurs concurrents ou de tiers. En ce qui concerne l'arrêt Suiker Unie e.a./Commission invoqué par la requérante, la Commission réplique, d'une part, que, dans cette affaire, la Cour a examiné les effets que la législation d'un État membre avait sur la concurrence, élément qui fait défaut en l'espèce, et, d'autre part, que, en tout état de cause, cette jurisprudence était dépassée, du fait des arrêts (précités) rendus postérieurement par la Cour dans les affaires Van Landewyck e.a./Commission et Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission. Parallèlement, la Commission note que ni le fait que le gouvernement italien ait donné des instructions à Monte quant à sa participation aux réunions des producteurs de polypropylène, ni les difficultés qu'ont éprouvées ces producteurs à mettre en pratique les initiatives de prix convenues n'excusent la violation de l'article 85. 36 Au point b) du deuxième moyen d'annulation, Monte se prévaut d'un vice entachant la motivation par laquelle le Tribunal a, aux points 257 et 265 de l'arrêt attaqué, écarté l'application du principe de la «rule of reason». La requérante fait grief au Tribunal d'adopter une interprétation restrictive de ce principe, en vérifiant seulement quels étaient les effets du comportement des entreprises et si celui-ci favorisait éventuellement la concurrence plutôt que de lui nuire. En revanche, il conviendrait, selon la requérante, de rechercher la ratio legis des règles de la concurrence et, ensuite, d'examiner si un comportement est ou non contraire à ces règles. Dans le cadre de cet examen, il est nécessaire d'évaluer aussi les conditions dans lesquelles les entreprises ont adopté le comportement concerné. En l'espèce, il fallait prendre en considération l'ensemble des circonstances défavorables qui ont obligé les producteurs de polypropylène à vendre à perte. Par voie de conséquence, on ne pouvait considérer comme contraires aux règles de la concurrence des tentatives de diminution des pertes, qui, en raison des conditions du marché, étaient, d'ailleurs, vouées à l'échec. 37 Par ailleurs, la défenderesse fait valoir que le Tribunal a correctement motivé sa réponse à l'argument de Monte relatif à l'application du principe de la «rule of reason», en constatant au point 264 de son arrêt, que la Commission a établi à suffisance de droit que les accords et pratiques concertées entre producteurs de polypropylène avaient un objet contraire aux règles de la concurrence. En outre, selon la même argumentation, le Tribunal a estimé à juste titre que, même si le principe de la «rule of reason» s'applique dans l'ordre juridique communautaire, c'est à bon droit que la Commission n'a pas procédé à une analyse de l'effet que les comportements en question avaient sur la concurrence, dès lors que les accords visés aux points a), b) et c) de l'article 85, paragraphe 1, portant sur la fixation des prix, la limitation de la production et la répartition des marchés, constituent une violation flagrante des règles de la concurrence, au point qu'ils doivent être considérés comme comportant en soi une violation de ces règles. La Commission ajoute que, tant en droit européen qu'en droit américain, les accords horizontaux sur les prix sont considérés comme illicites, même si les entreprises produisent à perte. 38 Au point f) du deuxième moyen d'annulation, la requérante fait valoir, en se référant au point 295 de l'arrêt du Tribunal, que ce dernier n'a pas pris en compte, comme il le devait, le «devoir de comportement loyal entre les entreprises obligées de vendre à perte». Les entreprises productrices de polypropylène voulaient éviter de vendre à un prix qui soit davantage inférieur au prix de revient qu'il n'était nécessaire. Dans ce contexte, les tentatives d'augmentation des prix visaient à réduire les pertes et à éviter la pratique, hautement illicite, du «predatory pricing». 39 La Commission considère que cette partie du deuxième moyen d'annulation est, en principe, irrecevable, d'une part, parce qu'elle tend à réexaminer les faits et, d'autre part, parce que, en soulevant pour la première fois la question de la vente à un niveau encore inférieur à ce qui était nécessaire, elle modifie l'objet du litige, en violation de l'article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. Selon la Commission, ce moyen est, en tout cas, dénué de fondement. Elle renvoie, à cet égard, à la constatation du Tribunal selon laquelle la seule vente à un niveau de prix inférieur au prix de revient que l'on puisse qualifier de concurrence déloyale est celle pratiquée par une entreprise qui vise à renforcer sa position par rapport à celle de ses concurrents. En revanche, on ne peut parler de concurrence déloyale si la vente à un niveau de prix inférieur au prix de revient découle du fonctionnement des règles du marché. 40 Toujours dans le cadre de l'article 85, paragraphe 1, du traité, la requérante soutient, au point g) du deuxième moyen d'annulation, en se référant aux points 132 et 237 de l'arrêt attaqué, que le Tribunal a appliqué un traitement discriminatoire aux producteurs de polypropylène au profit des acheteurs de ce produit. Elle indique, à cet égard, que les producteurs étaient coincés entre les fournisseurs de pétrole et les acheteurs. En conséquence, le fait d'annoncer une légère augmentation de prix aux acheteurs, qui pourraient très bien la refuser, en profitant de leur position avantageuse, ne peut, selon Monte, être considéré comme une restriction de la concurrence. Une telle approche conduit à une protection excessive des intérêts d'une catégorie particulière d'entreprises au détriment d'une autre et est ainsi contraire à l'article 2 du traité. 41 La Commission réplique que, si la formulation générique de ce moyen n'est pas une raison suffisante pour le déclarer irrecevable, il est, en tout cas, dénué de fondement. L'article 85 s'applique à des entreprises qui concluent des accords ou adoptent des pratiques concertées restrictives de la concurrence et son application a, dans certains cas, pour conséquence d'avantager les acheteurs. La Commission ne voit donc pas en quoi consiste la discrimination. Elle ajoute, par ailleurs, que le Tribunal a estimé à juste titre que la situation avantageuse dont bénéficient les acheteurs dans le cadre d'une catégorie donnée de transactions commerciales ne dispensait pas les vendeurs de l'obligation de respecter l'article 85. 42 Par les griefs précités, la requérante fait valoir que le Tribunal a appliqué erronément l'article 85 du traité. Selon cette approche, le Tribunal n'a pas du tout pris en compte, ou a, en tout cas, mal interprété une série de facteurs qui démontraient qu'il n'y avait pas eu de restriction, ou du moins de restriction significative, de la concurrence due au comportement des producteurs de polypropylène. Par voie de conséquence, l'article 85 ne pouvait s'appliquer en l'espèce. Dans ce contexte, les moyens en cause ne sont recevables que si, d'une part, ils ne sont pas invoqués pour la première fois au stade du pourvoi et, d'autre part, s'ils signifient qu'une concertation constatée en principe n'entre pas, pour d'autres raisons, dans le champ d'application de l'article 85 (27). L'explication précitée s'impose parce que Monte tente, par son deuxième moyen d'annulation, de présenter son comportement comme étant le résultat d'une action individuelle et de justifier parallèlement tout accord ou toute pratique concertée constatés (28). 43 Eu égard à ce qui précède, nous considérons que c'est seulement dans la mesure où la requérante s'efforce, par ses affirmations, de faire valoir un moyen qui soit de nature à justifier un comportement qui autrement entrerait dans le champ d'application de l'article 85, que ces affirmations sont recevables. En revanche, si l'on voulait considérer que, par ces mêmes arguments précisément, Monte essaie de prouver qu'elle n'a pas participé à des réunions illicites avec les autres producteurs de polypropylène, mais qu'elle a déterminé son comportement de manière individuelle, alors elle contesterait l'appréciation des faits effectuée par le Tribunal, de sorte que ce moyen serait irrecevable (29). 44 Le problème que soulèvent, en substance, les moyens d'annulation précités est de savoir si l'interprétation correcte du droit communautaire impose la non-application des interdictions et des sanctions prévues par l'article 85 du traité en cas de fixation des prix et du volume des ventes, lorsque certaines circonstances particulières sont réunies. Les arguments essentiels de la requérante consistent à invoquer le principe de la «rule of reason», d'origine américaine, et à affirmer la nécessité de rechercher la ratio legis des règles relatives à la concurrence. Conformément à ces deux principes d'interprétation, l'appréciation du caractère illicite ou non d'un comportement qui semble à première vue contraire aux règles de la concurrence doit se faire dans le concret et une fois pris en considération tous les facteurs qui affectent l'action des entreprises et, plus généralement, le commerce. Pour apprécier la légitimité d'un comportement, il faut d'abord examiner si et dans quelle mesure la concurrence a, dans la pratique, été faussée ou, au contraire, n'a pas été affectée ou encore a été favorisée. En d'autres termes, il y a lieu d'analyser tous les éléments constituant un ensemble économique, c'est-à-dire le marché, ainsi que le degré d'influence que chacun d'entre eux exerce. Conformément à ce raisonnement, l'examen effectué par la Commission et le contrôle correspondant exercé par le Tribunal doivent porter, en fonction des particularités de chaque affaire, sur l'effet que le comportement des entreprises a, réellement ou potentiellement, produit sur le marché, sur la raison pour laquelle ce comportement a été adopté et sur l'objectif qu'il visait (30). 45 Se pose, dès lors, la question de savoir dans quelle mesure l'interprétation précitée trouve à s'appliquer dans l'ordre juridique communautaire. La réponse doit, selon nous, être négative. Nous nous bornerons à une seule remarque, dont nous considérons qu'elle est particulièrement importante pour comprendre la jurisprudence de la Cour et qu'elle met en lumière les différences entre le droit américain et le droit européen de la concurrence. On ne saurait vraiment identifier ces deux systèmes dans la mesure où l'on méconnaîtrait deux de leurs différences fondamentales. D'une part, la législation américaine ne contient aucune disposition analogue à l'article 85, paragraphe 3, du traité, qui institue, en droit européen, une procédure spéciale rendant licites certains comportements qui autrement constitueraient une violation des dispositions en matière de concurrence. D'autre part, les États-Unis constituent un marché unique utilisant une monnaie unique, de sorte que la nécessité d'introduire des règles juridiques visant à assurer la libre circulation des marchandises est moins impérieuse qu'en Europe. 46 En tout cas, et indépendamment du point de vue que l'on adopte sur la question de l'interprétation des dispositions relatives à la concurrence, il est, à notre avis, incontestable que certains comportements, du fait de leur contenu, portent atteinte à la concurrence de manière tellement évidente que tout autre examen des éléments qui ont conduit à leur adoption ou des effets qui en ont découlé est, en principe, superflu. Cette approche semble être commune à l'Europe et aux États-Unis et porte essentiellement sur des infractions semblables. Parmi celles-ci figurent principalement les accords ou pratiques concertées (31) qui consistent dans la fixation des prix, la limitation de la production et la répartition des marchés (voir article 85, paragraphe 1, sous a), b) et c), du traité) (32). Dans la terminologie américaine, on parle dans ce cas de violations «per se» des règles de la concurrence (33). 47 En conséquence, dans la mesure où les entreprises concernées n'ont ni cherché ni réussi à tomber dans le champ d'application des dérogations visées au paragraphe 3 de l'article 85 du traité, les accords qu'elles ont conclus dans le but de fixer les prix et le volume des ventes, ainsi que les pratiques concertées ayant le même contenu, sont ipso facto illicites, en application de l'article 85, paragraphe 1. 48 La jurisprudence de la Cour (34) que la requérante invoque pourrait éventuellement faire naître des doutes quant à l'exactitude de ce point de vue. Cette jurisprudence semble accepter la possibilité de ne pas appliquer l'article 85, paragraphe 1, lorsque la législation nationale supprime en pratique la libre concurrence. En d'autres termes, pour apprécier la responsabilité des entreprises concernées, on tient compte de l'influence qu'un facteur externe exerce sur leur comportement. On peut ainsi soutenir, au moins théoriquement, que cette jurisprudence devrait se généraliser pour tous les facteurs externes correspondants. Il faudrait, par exemple, prendre en compte le fait que la libre concurrence a cessé d'être effective en raison du comportement de tiers à l'égard des entreprises en cause. Il ne nous paraît pas que cette position, défendue par la requérante, puisse être accueillie. Tout d'abord, la jurisprudence Suiker Unie e.a./Commission concerne un cas particulièrement exceptionnel et est interprétée de façon restrictive par la Cour (35). Le phénomène de l'existence de législations nationales qui suppriment la concurrence doit, du point de vue du droit communautaire, être regardé comme particulièrement exceptionnel et directement lié à la phase actuelle de l'unification européenne et au rôle important que les règles nationales continuent à jouer dans l'Espace économique européen. D'ailleurs, l'extension de la jurisprudence Suiker Unie e.a./Commission dans le sens suggéré par la requérante aurait pour effet de subordonner l'appréciation de la légitimité de chaque comportement qui est en principe contraire aux prescriptions de l'article 85 à l'évaluation des conditions du marché, dénaturant ainsi toute la philosophie de la libre concurrence, telle du moins que l'entend le droit européen. En outre, c'est aux autorités communautaires compétentes et non aux particuliers qu'il incombe d'adopter les mesures adéquates pour remédier à des situations d'atteinte à la concurrence causées par le comportement de certaines entreprises (36). 49 Eu égard à ce qui précède, les moyens de la requérante doivent être envisagés comme suit: premièrement, aussi préjudiciables qu'ils s'avèrent parfois pour certaines entreprises, les effets de la concurrence libre ne s'assimilent en rien à la concurrence déloyale. Ils découlent des règles de l'offre et de la demande et ne peuvent, en conséquence, être invoqués comme une raison justifiant les ententes sur les prix, même si les producteurs participant à ces ententes vendent en dessous du prix de revient; deuxièmement, la position avantageuse dont jouissent certaines entreprises sur le marché du fait de ces conditions n'autorise pas leurs concurrents à enfreindre l'article 85. Les instructions éventuelles données par le gouvernement d'un des États membres à une société quant à sa participation à des réunions dont l'objet enfreint les règles de la concurrence sont tout aussi indifférentes aux fins de l'application de l'article 85. 50 A la lumière de ce qui précède, nous considérons que c'est à bon droit que le Tribunal a fondé son appréciation sur le seul objet des réunions des producteurs de polypropylène et a admis que les conditions d'application de l'article 85, paragraphe 1, étaient réunies. C'est également à bon droit qu'il a jugé que le comportement de la requérante constituait une infraction «per se» aux règles de la concurrence (points 264 et 265 de l'arrêt attaqué). Enfin, c'est avec raison que le juge du fond a rejeté l'affirmation figurant au point f) du deuxième moyen d'annulation (points 295 et 296 de l'arrêt du Tribunal) ainsi que les autres affirmations de Monte ici examinées. En conclusion, les points du deuxième moyen d'annulation que nous venons d'examiner doivent être rejetés dans leur ensemble comme dénués de fondement. d) En ce qui concerne le point i) du deuxième moyen d'annulation 51 En ce qui concerne ce point, la requérante soutient que le Tribunal a introduit une nouvelle forme d'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du traité, qui vient s'ajouter à l'accord et à la pratique concertée que cet article prévoit explicitement. Cette forme d'infraction est désignée par les termes «concours de volontés» (points 105, 201 et 230 de l'arrêt attaqué) et ne trouve pas de fondement dans la loi. En outre, selon la requérante, c'est à tort que le Tribunal n'a pas fondé son appréciation concernant le caractère illicite des concertations des producteurs de polypropylène sur le point de savoir dans quelle mesure elles avaient «pour objet ou pour effet d'empêcher, de restreindre ou de fausser le jeu de la concurrence», au sens des dispositions du paragraphe 1 de l'article 85 du traité, et a examiné l'«objectif» de ces concertations, critère qui n'est pas repris dans les dispositions communautaires en vigueur. 52 Nous nous bornerons à signaler, comme l'a d'ailleurs fait la Commission, que le Tribunal a correctement appliqué la règle de l'article 85: d'une part, il invoque le «concours de volontés» des producteurs de polypropylène comme élément dont résulte l'existence entre eux d'un «accord»; d'autre part, quand il parle de l'«objectif» des réunions entre producteurs, il se réfère essentiellement à l'objet de ces réunions, sur lequel il fonde du reste expressément son appréciation (voir point 91 de l'arrêt attaqué). En conséquence, le moyen d'annulation en question doit être rejeté comme dénué de fondement. 2. Quant à la répartition de la charge de la preuve 53 Par son troisième moyen d'annulation, Monte fait valoir, en se référant aux points 82, 86, 89, 129, 144, 146 et 149 de l'arrêt attaqué, que le Tribunal a violé les principes de la charge de la preuve, de la présomption d'innocence de l'inculpé et de la responsabilité personnelle. Parallèlement, selon la requérante, le Tribunal lui a prêté des aveux inexistants; il a affirmé sans preuve que les producteurs de polypropylène avaient souscrit à un plan commun et a écarté à tort l'affirmation de Monte selon laquelle son comportement avait été dicté par des pressions et menaces émanant d'organisations terroristes. La requérante soutient que c'est à tort que le Tribunal a estimé qu'elle avait reconnu avoir participé à l'ensemble des réunions des producteurs de polypropylène et l'a invitée à fournir une autre explication quant au contenu des réunions auxquelles elle avait participé. Le Tribunal se prévaut à cet égard des notes prises par les représentants de Monte et dont les éléments de preuve existants ne permettent pas d'établir l'existence. Le Tribunal a ainsi renversé la charge de la preuve et présumé la culpabilité de Monte, en assimilant la participation à une réunion à la participation à toutes les infractions qui sont supposées y avoir été commises. De même, selon Monte, le Tribunal a admis sa participation au système de l'«account leadership» au motif que les éléments qu'elle a fournis et dont il ressortait que ce système n'avait pas fonctionné en ce qui la concernait, ne se référaient pas à l'ensemble des clients pour lesquels Monte avait été désignée comme «account leader». Selon la requérante, c'est, toutefois, à la Commission qu'il incombe de prouver qu'il y a eu application dans la pratique du système de l'«account leadership». En exigeant de Monte qu'elle apporte la preuve du contraire, le Tribunal a procédé à une répartition erronée de la charge de la preuve. Qui plus est, toujours selon la requérante, la mise en oeuvre d'une politique autonome en matière de prix constitue un indice suffisant de sa non-participation aux initiatives consistant dans la fixation de prix cibles. Le Tribunal a donc omis de tirer de ce moyen les conclusions qui s'imposent. 54 La Commission estime que la charge de la preuve a été correctement répartie entre les parties. Dès lors que la participation de la requérante aux réunions des producteurs de polypropylène était établie et que l'on disposait des comptes rendus des réunions organisées par la société ICI, également impliquée, c'était à Monte qu'il incombait de fournir une interprétation différente du contenu des réunions en question. Le Tribunal indique, dans son arrêt, que Monte aurait pu invoquer à cette fin les comptes rendus éventuels de ses représentants et leurs témoignages. 55 En outre, la Commission soutient que, en se fondant sur une série de preuves, le Tribunal a admis l'existence, entre producteurs de polypropylène, d'un accord dont l'objet était l'adoption de mesures en vue de la mise en oeuvre des initiatives de prix et n'avait donc pas besoin de preuve supplémentaire de l'application de cet accord à certains clients. L'échec de l'accord sur le plan pratique est juridiquement indifférent quant à l'établissement de la responsabilité des entreprises impliquées. Avec un tel raisonnement, la différence entre les prix obtenus sur le marché et les prix convenus est inhérente à la notion de prix cible et ne prouve pas que la requérante n'a pas participé aux ententes en question. 56 Il faut noter, tout d'abord, que la question que soulève ce moyen d'annulation porte, en substance, sur la manière dont sont constatées les infractions à l'article 85 et, par suite, sur la répartition de la charge de la preuve. L'argumentation de la requérante s'articule également autour de cet axe, en dépit du contenu plus vaste que suggère le titre donné à ce moyen dans le pourvoi (37). La critique adressée à l'arrêt rendu en première instance tient à ce que l'on déduit de la présence de la requérante aux réunions des producteurs de polypropylène sa participation à l'ensemble des violations. Par la suite, il est fait grief au Tribunal d'avoir renversé la charge de la preuve et la présomption d'innocence lorsqu'il a invité la société incriminée à prouver, d'une part, que le contenu des réunions en question était différent et, d'autre part, qu'elle n'avait pas pris part aux diverses infractions. 57 Il y lieu de relever, pour commencer, que, dans la présente affaire, les infractions à l'article 85 du traité résultent du seul objet des réunions des producteurs de polypropylène, qui consistait principalement à fixer des prix cibles et un volume de ventes souhaité. Cette thèse se fonde sur une conception correcte, selon nous, de la notion de «pratique concertée». Selon cette approche, la pratique concertée s'identifie, dans certains cas, à la concertation proprement dite, sans qu'une action sur le marché soit nécessaire pour qu'elle soit établie (38). 58 Dans ce contexte, il incombait à la Commission de prouver que les réunions en question avaient ce contenu. A cette fin, elle a principalement invoqué et produit les comptes rendus des réunions organisées par les soins de la société ICI (voir points 83 à 85, 128 et 144 de l'arrêt attaqué); en d'autres termes, elle n'a pas déduit le contenu de ces réunions sur la base d'hypothèses, mais s'est fondée sur des éléments de preuve concrets. Parallèlement, c'était à la Commission qu'il incombait de prouver la participation de chacune des entreprises impliquées aux réunions (voir la constatation faite par le Tribunal au point 82 de l'arrêt attaqué) (39), ce qu'elle a fait. 59 Par voie de conséquence, il incombait à la requérante de réfuter les éléments de preuve précités, en en produisant d'autres qui auraient exclu sa participation aux réunions litigieuses ou leur auraient conféré un contenu différent. Le Tribunal mentionne comme «éléments précis ... les notes prises par les membres de son personnel [c'est-à-dire du personnel de Monte] ... ou le témoignage de ces personnes» (point 86). Il ressort clairement de la formulation de ce point de l'arrêt attaqué que le Tribunal suggère à titre indicatif un certain nombre de moyens de preuve qui auraient pu être invoqués par Monte, sans toutefois porter d'appréciation sur leur existence. 60 Par conséquent, le juge du fond n'a rien demandé d'autre ou de plus à la requérante que ce que les requérants sont légalement appelés à prouver afin que l'on puisse vérifier le bien-fondé des moyens qu'ils invoquent. 61 Le Tribunal suit le même raisonnement en ce qui concerne la constatation de la participation de chacune des sociétés impliquées aux infractions en question. De la participation aux réunions à contenu illicite, il conclut à la participation aux accords et pratiques concertées correspondantes, sauf si la société intéressée fournit des indices aptes à étayer ses affirmations en sens contraire (points 129 et 144 de l'arrêt attaqué). 62 En qui concerne cet aspect de la question, il convient, en premier lieu, d'admettre qu'il est théoriquement possible de participer à une réunion au cours de laquelle certains participants conviennent de quelque chose d'illicite sans pour autant que l'ensemble des acteurs participent simultanément à cette illégalité. On peut, dès lors, soutenir que la seule participation à une réunion dont le contenu est illicite ne suffit pas à elle seule à conduire à la constatation que celui qui ne fait qu'y assister commet une infraction aux règles de la concurrence (40). Il incombe alors à la Commission de fournir les preuves qui permettent d'établir que, de la simple participation à une réunion, on est passé à la participation à l'infraction. 63 Nous pensons, toutefois, que cette problématique ne s'applique pas dans des cas tels que celui de la présente affaire, où ont été produites des preuves établissant que l'entreprise en cause a participé, durant plusieurs années, à une série de réunions dont l'objet était illicite. La circonstance que la Commission a prouvé la présence de cette entreprise à des réunions successives ayant un même contenu illicite permet, à elle seule, de considérer que la Commission a établi à suffisance de droit la participation à l'infraction. Il incombe désormais à la société litigante de produire des indices conduisant à la conclusion contraire. 64 Il reste à examiner dans quelle mesure constituaient de tels indices ceux que Monte a invoqués, affirmant, d'une part, que le système d'«account leadership» avait mal fonctionné en ce qui la concernait et, d'autre part, qu'elle a fixé de façon autonome ses prix sur le marché, indépendamment des prix cibles convenus. 65 Nous observons que les éléments produits se réfèrent aux résultats des mesures convenues lors des réunions des producteurs de polypropylène. Selon Monte, la circonstance que la concertation ne s'est pas concrétisée prouve qu'elle n'a pas participé à cette concertation. De cette manière, Monte s'efforce, en substance, de déplacer le fondement juridique de son argumentation en recourant à une interprétation différente des notions contenues dans l'article 85 du traité et, en particulier, de la notion de «pratique concertée». 66 Cependant, comme nous l'avons déjà fait observer (41), la preuve du contenu anticoncurrentiel des réunions suffit à en établir le caractère illégal. La mise en oeuvre ou non des décisions prises dans le cadre de ces réunions est une autre question et ne peut être utilisée en tant qu'indice établissant l'absence de participation aux activités illicites en question. 67 En conséquence, dès lors que le Tribunal fonde son appréciation sur le fait que, lors des réunions des producteurs de polypropylène, des prix cibles ont été fixés et des mesures destinées à faciliter la mise en oeuvre de ces prix ont été adoptées (points 137 et 150 de l'arrêt attaqué), il n'a violé aucune règle relative à la charge de la preuve en ne prenant pas en compte, comme indices établissant la participation ou l'absence de participation à l'objet des réunions en question, les quatre moyens tirés précisément de la mise en oeuvre fidèle ou non des résultats de ces réunions. Les moyens invoqués par la requérante en ce sens sont donc inopérants. En outre, le fait que les prix cibles sont, de par leur nature, sujets à des divergences n'a aucune incidence. L'élément décisif reste le point de savoir quel a été l'objet de la concertation et qui y a pris part. 68 Enfin, au vu de ce qui précède, nous ne pensons pas que le Tribunal ait méconnu la présomption d'innocence, même si l'on admet que cette règle s'appliquait dans le cadre de la présente procédure (42). A partir du moment où la Commission a produit des preuves concernant les éléments qui constituent le caractère illicite du comportement de la requérante, l'appréciation subséquente du Tribunal ne s'est pas fondée sur de simples suppositions, comme Monte semble le soutenir. De son côté, d'ailleurs, cette dernière n'a pas produit d'éléments de poids équivalent qui seraient de nature à faire naître des doutes raisonnables quant à l'exactitude du raisonnement suivi par la Commission. Par conséquent, eu égard à ce qui précède, nous considérons que le troisième moyen d'annulation doit être rejeté dans son ensemble comme dénué de fondement. 3. Quant à la prescription 69 Par son quatrième moyen d'annulation, Monte fait valoir, en se référant aux points 236 et 237 de l'arrêt attaqué, que le Tribunal a mal appliqué les dispositions relatives à la prescription, telles qu'elles sont énoncées dans le règlement (CEE) n_ 2988/74 du Conseil (43). 70 L'argumentation de la requérante à cet égard se résume en deux points: premièrement, Monte fait valoir qu'il n'a pas été prouvé que l'infraction ait été continue entre 1977 et 1983, de sorte que les actes illégaux en cause seraient partiellement prescrits; deuxièmement, la motivation de l'arrêt attaqué quant à l'unicité de l'infraction est, selon la requérante, insuffisante. Ainsi, alors que le Tribunal reconnaît que tous les comportements en cause ont en commun de poursuivre «un seul but économique, à savoir celui de fausser l'évolution normale des prix sur le marché du polypropylène...» (point 237 de l'arrêt attaqué), la requérante fait valoir que la situation du marché ne pouvait en aucun cas être considérée comme «normale». Qui plus est, selon Monte, le Tribunal n'a pas suffisamment motivé sa participation à l'infraction durant toute la durée de celle-ci, puisqu'il n'a pas précisé à combien de réunions des producteurs de polypropylène la requérante a participé et pendant quelle période elle y a participé. 71 La Commission répond que, par son argumentation, la requérante conteste l'appréciation des faits à laquelle a procédé le Tribunal, critique qui n'est pas recevable. Elle renvoie, en outre, à ses observations relatives au caractère illicite du comportement en cause. 72 Il convient de relever, tout d'abord, que, conformément à l'article 1er, paragraphe 1, sous b), du règlement n_ 2988/74, le pouvoir de la Commission de prononcer des amendes ou sanctions pour infractions aux dispositions du droit des transports ou de la concurrence de la Communauté économique européenne est soumis à un délai de prescription de cinq ans. Cette prescription court, en vertu de l'article 1er, paragraphe 2, à compter du jour où l'infraction a été commise. En ce qui concerne les infractions continues ou continuées, la prescription ne court qu'à compter du jour où l'infraction a pris fin. En outre, conformément à l'article 2, paragraphe 1, la prescription est interrompue par tout acte de la Commission ou d'un État membre, agissant à la demande de celle-ci, visant à l'instruction ou à la poursuite de l'infraction. L'interruption de la prescription prend effet le jour où l'acte est notifié à au moins une des entreprises ayant participé à l'infraction: conformément au paragraphe 2 du même article, l'interruption de la prescription vaut à l'égard de toutes les entreprises ayant participé à l'infraction (44). 73 En l'espèce, la requérante critique la motivation sur laquelle le Tribunal a fondé son appréciation concernant le caractère «unique» de l'infraction. La qualification d'une infraction donnée comme «unique» se réfère bien entendu à des faits dont elle présuppose l'établissement et la qualification juridique, mais elle n'est pas sans importance juridique, notamment en ce qui concerne la question de la prescription (45). Cela ressort expressément des dispositions précitées du règlement n_ 2988/74. Dans ce contexte, la motivation par laquelle le Tribunal a fondé son appréciation concernant le caractère unique ou non d'une infraction donnée fait l'objet du contrôle exercé dans le cadre du pourvoi (46). 74 Le Tribunal a fondé son appréciation sur ce point essentiellement sur le but économique commun que poursuivaient les activités des producteurs de polypropylène (point 237 de l'arrêt attaqué). En outre, il a insisté sur le caractère systématique que les activités en question revêtaient ainsi que sur le fait que la règle violée était chaque fois la même (point 236 de l'arrêt attaqué). Ainsi que le Tribunal l'a admis, est considérée comme unique l'infraction à la même règle de droit perpétrée par des actions successives et répétées poursuivant le même but et s'inscrivant dans la même conjoncture économique (ou générale). Cette définition est, à notre avis, pertinente (47). Nous ne pensons donc pas que l'arrêt attaqué présente un quelconque vice à cet égard. 75 Par ailleurs, nous considérons que les observations de la requérante quant au point de savoir si la situation du marché était «normale» ou non ne présentent aucun intérêt juridique. Cet argument concerne la question de savoir si, en l'espèce, il y a eu ou non violation de l'article 85 du traité et ne porte pas sur l'interprétation du terme «infraction unique» ou sur le calcul du délai de prescription. Il s'ensuit que ce moyen plus spécifique de la requérante doit être rejeté comme inopérant. 76 En outre, la motivation de l'arrêt quant à la participation de Monte aux réunions des producteurs de polypropylène est licite. La durée et le contenu de cette participation sont analysés en détail dans l'arrêt du Tribunal. C'est donc à juste titre que le point 237 de l'arrêt attaqué a jugé que la requérante «a pris part - pendant des années -» à l'infraction unique. En conséquence, le moyen d'annulation concerné doit également être rejeté sur ce point comme dénué de fondement. 77 Enfin, le moyen de la requérante selon lequel la prescription n'a pas été interrompue du fait que l'illégalité du comportement des producteurs de polypropylène n'a pas été établie est inopérant. Ce moyen, outre le fait qu'il est irrecevable au stade du pourvoi, n'a, en l'espèce, absolument rien à voir avec la question de la prescription (48). Pour ces raisons, nous estimons que le quatrième moyen d'annulation doit être rejeté dans son ensemble. 4. Quant au montant de l'amende 78 Par son cinquième moyen d'annulation, Monte critique la motivation de l'arrêt attaqué et soutient que le Tribunal n'a pas pris en considération, comme il le devait, une série de critères pour le calcul de l'amende infligée. Plus particulièrement, selon la requérante, le Tribunal a omis de prendre en considération l'absence d'effets de l'infraction en tant que circonstance atténuante qui aurait dû conduire à la réduction de l'amende. A cet égard, elle critique les points 70, 347, 379 et 385 de l'arrêt attaqué. De même, selon Monte, le Tribunal n'a pas pris en considération, en vue de la détermination de l'amende, l'effet individuel que l'action de la société a produit au-delà de l'effet global causé par l'infraction en général. La requérante fonde son raisonnement sur le point 254 de l'arrêt attaqué. En outre, Monte soutient que le Tribunal devait tenir compte, pour déterminer le montant de l'amende, du fait que le comportement des producteurs de polypropylène aurait pu bénéficier de l'exemption prévue par l'article 85, paragraphe 3, du traité. Enfin, selon la requérante, c'est à tort que le Tribunal n'a pas examiné s'il était juste de considérer le caractère «intentionnel» de l'infraction comme une circonstance aggravante. 79 Pour sa part, la Commission souligne, tout d'abord, qu'elle a pris en considération, pour la détermination de l'amende, le fait que les initiatives de prix n'avaient pas atteint leur objectif, comme il ressort des points 365 à 374 et 386 de l'arrêt attaqué. Parallèlement, la Commission signale que le point 70 de l'arrêt attaqué, sur lequel Monte fonde ses griefs, a trait à la constatation de l'infraction et non à l'appréciation de sa gravité. De même, le point 254 concerne l'incidence du comportement des producteurs de polypropylène sur le commerce entre États membres, en tant qu'élément fondant le caractère illicite du comportement en question; c'est donc à tort que Monte invoque ce point pour faire valoir que la responsabilité individuelle de chaque entreprise n'a pas été correctement prise en considération aux fins de la détermination de l'amende infligée. Enfin, la Commission soulève une exception d'irrecevabilité concernant les arguments de Monte selon lesquels il fallait tenir compte de certains éléments additionnels pour déterminer le montant de l'amende. A cet égard, elle invoque l'article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour, qui interdit d'invoquer un moyen pour la première fois au stade du pourvoi. 80 En ce qui concerne les moyens précités, il convient, tout d'abord, de noter que la possibilité d'infliger des amendes pour des infractions à l'article 85, paragraphe 1, du traité est prévue par l'article 15, paragraphe 2, du règlement n_ 17. Selon cette même disposition, les critères pris en considération pour la détermination du montant de l'amende sont la gravité de l'infraction et sa durée. De ces deux critères, c'est celui qui a trait à la gravité du comportement illicite qui doit, chaque fois, être spécifié. A ce sujet, la Cour a jugé que «la gravité des infractions doit être établie en fonction d'un grand nombre d'éléments tels que, notamment, les circonstances particulières de l'affaire, son contexte et la portée dissuasive des amendes, et ce sans qu'ait été établie une liste contraignante ou exhaustive de critères devant obligatoirement être pris en compte» (49). 81 Dans ce cadre, le Tribunal est seul compétent pour contrôler la façon dont la Commission évalue, dans chaque cas particulier, la gravité du comportement illicite. Le contrôle exercé dans le cadre du pourvoi vise seulement à vérifier dans quelle mesure le juge du fond a pris en considération, dans le cadre de chaque affaire, tous les facteurs essentiels aux fins d'apprécier la gravité d'un comportement sous l'angle de l'article 85; ce contrôle ne s'étend pas à la manière dont le Tribunal a apprécié les faits constatés. 82 A la lumière de ce qui précède et dans le cadre de la présente affaire, Monte invoque, en principe valablement, les moyens selon lesquels certains facteurs décisifs pour la détermination correcte du montant de l'amende n'ont pas été pris en considération par le Tribunal et plus particulièrement, d'une part, l'absence d'effet concret du comportement illicite et, d'autre part, le rôle individuel de la requérante dans l'infraction. 83 S'agissant de la première partie de cette argumentation, il y a lieu de noter que Monte invoque le point 70 de l'arrêt attaqué à l'appui d'un moyen qui est dépourvu de pertinence en ce qui concerne la question examinée ici. En effet, comme la Commission le signale à juste titre, ce point de l'arrêt attaqué se réfère à l'existence de l'infraction à l'article 85, paragraphe 1, du fait de la constatation d'un accord sur les prix planchers et est sans rapport avec la question - différente - de la prise en compte des effets de l'infraction aux fins de la détermination de l'amende infligée à chaque société (50). 84 Au surplus, la requérante ignore les points 365 à 374 de l'arrêt attaqué, qui se réfèrent précisément à l'évaluation des effets de l'infraction, en distinguant deux types d'effets: il est tenu compte du fait que, d'une part, les prix cibles servaient de base de négociation avec les clients et, d'autre part, que les initiatives de prix n'avaient généralement pas pleinement atteint leur but. Le Tribunal a jugé à cet égard que «la Commission a, à juste titre, entièrement pris en compte le premier type d'effets et qu'elle a tenu compte du caractère limité du second type d'effets. A cet égard, il y a lieu de relever que la requérante n'a pas indiqué dans quelle mesure cette prise en compte du caractère limité de ce second type d'effets permettant de modérer le montant des amendes aurait été insuffisante» (point 372 de l'arrêt attaqué). Il ressort clairement de ce qui précède que, au terme d'une analyse approfondie, le Tribunal a pris en considération les effets de l'infraction en vue de la détermination de l'amende. Il s'ensuit que le moyen de la requérante allant en sens contraire doit être rejeté comme dénué de fondement. 85 Pour ce qui est de l'argumentation de Monte concernant le rôle particulier qu'elle a joué lors de l'infraction, il convient de relever, d'abord, que le point 254 de l'arrêt attaqué, contre lequel est dirigé le moyen concerné, se réfère à la question de l'incidence sur le commerce entre États membres, c'est-à-dire à l'une des conditions indispensables à l'existence de l'infraction décrite à l'article 85, paragraphe 1, du traité; aussi est-elle étrangère à la question de la détermination du montant de l'amende. Ainsi, le moyen invoqué par la requérante est inopérant. En outre, le moyen selon lequel le Tribunal n'aurait pas pris en compte le rôle de chaque entreprise dans l'infraction repose sur une base inexacte. Le point 354 de l'arrêt attaqué indique à cet égard que «en ce qui concerne les deux premiers critères ..., que sont le rôle joué par chacune des entreprises dans les arrangements collusoires..., il y a lieu de rappeler que les motifs relatifs à la détermination du montant de l'amende devant être interprétés à la lumière de l'ensemble des motifs de la décision, la Commission a suffisamment individualisé, à l'égard de la requérante, la prise en compte de ces critères» (51). Par conséquent, le moyen de la requérante tiré de l'absence de prise en considération du rôle individuel qu'elle a joué dans l'infraction doit être rejeté comme irrecevable (52). 86 En ce qui concerne les deux derniers moyens de Monte, il convient d'examiner d'abord l'exception d'irrecevabilité soulevée par la Commission. Nous examinerons en premier lieu le moyen selon lequel le Tribunal aurait dû prendre en considération, pour déterminer le montant de l'amende, le fait que le comportement des producteurs de polypropylène aurait pu être exempté au titre de l'article 85, paragraphe 3. Cette disposition a effectivement été invoquée en première instance, mais uniquement en tant que motif qui aurait dû, selon Monte, exclure l'application de l'article 85, paragraphe 1 (voir, à cet égard, les points 267 à 273 de l'arrêt attaqué). Il n'apparaît, toutefois, pas qu'un tel moyen ait été invoqué à l'appui d'une demande de réduction du montant de l'amende infligée à Monte. Ce moyen est donc invoqué pour la première fois dans le cadre du pourvoi et est, à ce titre, irrecevable, conformément à l'article 113, paragraphe 2, du règlement de procédure de la Cour. 87 Enfin, le moyen de la requérante selon lequel c'est à tort que le Tribunal n'a pas examiné s'il était juste de considérer le caractère «intentionnel» de l'infraction comme une circonstance aggravante est dénué de fondement. Comme il ressort des points 357 à 364 de l'arrêt attaqué, le juge du fond accepte d'abord la constatation de la Commission selon laquelle Monte a agi de propos délibéré. Ce caractère «intentionnel» de l'infraction est important pour déterminer le rôle de Monte dans les illégalités constatées. Selon le Tribunal, ce rôle a été correctement pris en compte par la Commission en vue du calcul du montant de l'amende. En conséquence, le Tribunal s'est prononcé, fût-ce implicitement, sur la question soulevée par la requérante et son appréciation est correcte (53). Il découle de ce qui précède que le cinquième moyen d'annulation de Monte doit être rejeté dans son ensemble. IV - Conclusion 88 Eu égard à ce qui précède, nous proposons à la Cour: 1) de rejeter, dans son ensemble, le pourvoi de la société Montecatini SpA; 2) de rejeter l'intervention; 3) de condamner l'intervenante à ses propres dépens; 4) de condamner la requérante au reste des dépens. (1) - Arrêt Montedipe/Commission (T-14/89, Rec. p. II-1155). (2) - Décision relative à une procédure d'application de l'article 85 du traité CEE (IV/31.149 - Polypropylène) (JO L 230, p. 1). (3) - JO 1962, 13, p. 204. (4) - T-79/89, T-84/89, T-85/89, T-86/89, T-89/89, T-91/89, T-92/89, T-94/89, T-96/89, T-98/89, T-102/89 et T-104/89, Rec. p. II-315. (5) - Ordonnance Montecatini/Commission (T-14/89 Rév., Rec. p. II-2409). (6) - Points 10 à 15 des conclusions que nous présentons aussi ce jour dans l'affaire Hüls/Commission (C-199/92 P). (7) - En violation des règles de l'article 3 du règlement n_ 1, du 15 avril 1958, portant fixation du régime linguistique de la Communauté économique européenne (JO 1958, 17, p. 385). (8) - Arrêt du 15 juin 1994, Commission/BASF e.a. (C-137/92 P, Rec. p. I-2555). (9) - Points 20 à 24. (10) - Lorsqu'une partie invoque légitimement une série d'éléments de fait, dont résulte, selon elle, l'inexistence de l'acte attaqué devant le Tribunal, celui-ci n'est pas lié par la qualification juridique que la partie concernée a donnée à ces éléments. Si ces éléments sont de nature à constituer une violation de forme substantielle, laquelle est soumise d'office au contrôle du juge et conduit à l'annulation de l'acte attaqué, le Tribunal doit examiner ces éléments et n'est pas dispensé de l'obligation de constater l'infraction en question et de tirer les conséquences qui en découlent. Par ailleurs, la demande principale du requérant vise, en tout cas, à obtenir la disparition de l'acte attaqué dans la mesure où il est contraire aux règles du droit communautaire, indépendamment de la forme juridique que revêtira cette disparition. Il est donc crucial que, dans le cadre de l'interprétation correcte des requêtes dont il est saisi, le juge détermine dans quelle mesure l'acte attaqué est effectivement entaché des vices que lui attribue le requérant, indépendamment du point de savoir si c'est l'inexistence de l'acte attaqué ou sa nullité que ce dernier déduit de ces vices. (11) - C'est d'ailleurs pour cette raison que, dans ce mémoire, la requérante avait demandé la réouverture de la procédure. (12) - Voir l'analyse à laquelle nous avons procédé aux points 57 à 76 de nos conclusions relatives à l'affaire Hüls/Commission, d'où il découle que ces éléments étaient, légalement parlant, «connus» des requérants, étant donné qu'ils auraient pu en être informés s'ils avaient examiné attentivement le dossier de l'affaire. (13) - Voir, à ce sujet, les points 77 à 79 de nos conclusions relatives à l'affaire Hüls/Commission. (14) - La Commission estime que ce moyen s'appuie sur une compréhension erronée de l'arrêt attaqué et est, de ce fait, irrecevable. (15) - Ainsi qu'il résulte des articles 168 A du traité et 51 du statut CEE de la Cour de justice, seules des questions de droit peuvent être examinées dans le cadre du pourvoi. L'insuffisance de la motivation sur laquelle le Tribunal a fondé ses conclusions constitue précisément une telle question, et qui plus est, une «violation du droit communautaire», au sens de l'article 51 du statut CEE de la Cour de justice, précité. Par le moyen ici examiné, Monte invoque, en substance, l'insuffisance de la motivation de l'arrêt du Tribunal, dans la mesure où il concerne la constatation de l'infraction. En conséquence, ce moyen est recevable. (16) - Voir l'arrêt du 22 décembre 1993, Eppe/Commission (C-354/92 P, Rec. p. I-7027) et les ordonnances du 26 avril 1993, Kupka-Floridi/CES (C-244/92 P, Rec. p. I-2041) et du 7 mars 1994, De Hoe/Commission (C-338/93 P, Rec. p. I-819). (17) - Voir arrêt Eppe/Commission (déjà cité à la note 16) et ordonnances Kupka-Floridi/CES et De Hoe/Commission (déjà citées aussi à la note 16). (18) - Voir arrêt du 1er juin 1994, Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (C-136/92 P, Rec. p. I-1981) et ordonnance du 17 septembre 1996, San Marco/Commission (C-19/95 P, Rec. p. I-4435). Comme il est dit aux points 48 et 49 de l'arrêt Commission/Brazzelli Lualdi e.a. «le Tribunal est donc seul compétent pour constater les faits sauf dans le cas où l'inexactitude matérielle de ses constatations résulterait des pièces du dossier qui lui a été soumis...». Voir aussi arrêt du 2 mars 1994, Hilti/Commission (C-53/92 P, Rec. p. I-667, points 10, 19 et 42). (19) - Au sujet de la répartition de la charge de la preuve, voir points 53 et suiv. ci-après. (20) - Voir arrêt Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (déjà cité à la note 18), point 66, et ordonnance San Marco/Commission (déjà citée aussi à la note 18), point 40. (21) - Voir les points 26 et suiv. de nos conclusions relatives à l'affaire Hüls/Commission, précitée. (22) - Voir arrêt du 6 avril 1995, RTE et ITP/Commission (C-241/91 P et C-242/91 P, Rec. p. I-743, point 69). Cet arrêt concernait, bien entendu, l'article 86 du traité, mais il n'y a aucune raison pour qu'il en aille autrement s'agissant de la condition, en tous points identique, exigeant que le commerce entre États membres soit affecté, que pose l'article 85. Il convient aussi de noter, indépendamment du point de savoir si cette question ne se pose pas ici, qu'il n'est pas nécessaire que le comportement reproché ait effectivement affecté sensiblement le commerce. Il suffit de prouver, comme le Tribunal l'a admis à juste titre au point 253 de l'arrêt attaqué, que ce comportement est susceptible de produire l'effet en question. Voir les arrêts du 9 novembre 1983, Michelin/Commission (322/81, Rec. p. 3461, point 104), et du 23 avril 1991, Höfner et Elser (C-41/90, Rec. p. I-1979, point 32). (23) - Voir, récemment, l'ordonnance du 24 avril 1996, CNPAAP/Conseil (C-87/95 P, Rec. p. I-2003, point 29), et l'ordonnance San Marco/Commission (déjà citée à la note 16), points 36 et 37. (24) - Voir arrêt Commission/Brazzelli Lualdi e.a. (déjà cité à la note 18), point 59, et ordonnance San Marco/Commission (également citée à la note 18), point 49. (25) - Tel est, à tout le moins, l'élément principal de l'argumentation de la requérante en la matière. Mais, en raison de leur formulation imprécise, ces allégations sont susceptibles d'une interprétation et d'une approche différentes, comme nous l'expliquerons de manière plus détaillée ci-après. (26) - Arrêts du 16 décembre 1975, Suiker Unie e.a/Commission (40/73 à 48/73, 50/73, 54/73, 55/73, 56/73, 111/73, 113/73 et 114/73, Rec. p. 1663); du 29 octobre 1980, Van Landewyck e.a./Commission (209/78 à 215/78 et 218/78, Rec. p. 3125), et du 10 décembre 1985, Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission (240/82, 241/82, 242/82, 261/82, 262/82, 268/82 et 269/82, Rec. p. 3831). (27) - En ce qui concerne cette deuxième partie, les moyens invoqués se différencient de ceux examinés dans la section précédente. En effet, un moyen d'annulation selon lequel les réunions des producteurs de polypropylène n'avaient pas, ou ne pouvaient pas avoir, pour objet la fixation de prix et de volumes de ventes souhaités est différent, du point de vue juridique, d'un moyen qui ne conteste pas le fait de l'entente en tant que telle, mais invoque des circonstances exceptionnelles qui justifient, voire imposent, ces concertations entre entreprises. Ce n'est que dans le second cas que se pose une question de droit susceptible de contrôle au stade du pourvoi. (28) - Le cas du point f) du deuxième moyen d'annulation, où il est fait référence au devoir de comportement loyal entre entreprises obligées de vendre à perte, est caractéristique. Le Tribunal examine l'ensemble de la question quant au point de savoir dans quelle mesure il existe éventuellement une raison qui exclurait le caractère illégal de l'«entente» (voir point 296 de l'arrêt), alors que le pourvoi se réfère de manière vague à des «tentatives» d'augmentation des prix. Mais, par la suite, dans son mémoire en réplique, la requérante récuse catégoriquement toute interprétation dont il ressortirait qu'elle aurait admis avoir participé aux concertations en question et indique que, en tout état de cause, elle a fait preuve d'un comportement qui lui était dicté par la conjoncture prévalant à l'époque. (29) - En ce qui concerne le point f) du deuxième moyen d'annulation, il convient de souligner ce qui suit: en première instance, la requérante avait fait valoir que la nécessité d'un «comportement loyal» entre producteurs de polypropylène justifiait des comportements contraires à l'article 85 du traité. Cette affirmation est de nature purement juridique et est soumise au contrôle exercé au stade du pourvoi. En revanche, l'argument de Monte selon lequel les producteurs de polypropylène ont recouru aux comportements illicites constatés pour éviter que le produit soit vendu à un prix qui soit davantage inférieur au prix de revient qu'il n'était nécessaire ne peut être examiné quant à son bien-fondé parce qu'il est invoqué pour la première fois au stade du pourvoi. (30) - Cette interprétation concerne, en droit américain, la première partie du Sherman Act de 1890. Il résulte de la prise en compte des facteurs mentionnés ici qu'un comportement n'est finalement considéré comme illicite que s'il affecte la concurrence à un «degré déraisonnable» («to an unreasonable degree»). Voir ci-après pour les exceptions. (31) - Toujours selon la terminologie européenne. (32) - Les accords de fixation des prix en constituent l'exemple le plus représentatif, mais c'est aussi celui qui nous intéresse ici au premier chef. La Cour a considéré ces accords comme comportant «par leur nature même» ou «en eux-mêmes» une restriction de la concurrence. Voir, par exemple, les arrêts du 30 janvier 1985, BNIC (123/83, Rec. p. 391, point 22), et du 3 juillet 1985, Binon (243/83, Rec. p. 2015, point 44). (33) - Voir, sur ce point, les arrêts United States/Yrenton Potteries Company (1927) et surtout United States/Socony-Vacuum Oil Company (1940), qui rejette en particulier les accords de prix en tant que réponse légitime «aux maux de la concurrence». Pour plus de détails sur la jurisprudence américaine récente, voir 54 American Jurisprudence, 2e édition, «Monopolies, Restraints of Trade and Unfair Trade Practices», New York, 1996, et surtout les points 46 et suiv. et 70 et suiv. (34) - Voir arrêts Suiker Unie e.a./Commission, Van Landewyck e.a./Commission et Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission (déjà cités à la note 26). (35) - Sans être jamais complètement abandonnée, l'exception formulée pour la première fois dans l'arrêt Suiker Unie e.a./Commission peut difficilement trouver à s'appliquer dans la pratique, dans la mesure où la Cour est particulièrement stricte lorsqu'elle est appelée à reconnaître l'existence d'une législation nationale qui prive complètement les entreprises de la possibilité d'agir librement et qui impose un comportement contraire aux règles communautaires de concurrence. L'arrêt Stichting Sigarettenindustrie e.a./Commission (déjà cité à la note 26) en est le meilleur exemple. Par ailleurs, la responsabilité des entreprises n'est pas contestée lorsque leur action contraire aux articles 85 et 86 est simplement favorisée par les autorités nationales (voir arrêts du 10 janvier 1985, Leclerc e.a., 229/83, Rec. p. 1, et du 29 janvier 1985, Cullet, 231/83, Rec. p. 305). (36) - Sinon, on reconnaîtrait indirectement aux entreprises un droit sui generis leur permettant «de se faire justice à soi-même», droit en vertu duquel elles adopteraient elles-mêmes les mesures appropriées pour faire face aux conditions de concurrence déloyale créées par le comportement de leurs concurrents. (37) - L'absence totale d'une quelconque argumentation se référant aux menaces émanant d'organisations terroristes, en tant que motif ayant dicté le comportement de Montecatini, constitue un exemple caractéristique. L'examen d'un tel motif, qui est évidemment lié aux points 304, 309 et surtout 313 de l'arrêt attaqué, concerne systématiquement l'existence éventuelle de circonstances qui suppriment le caractère en principe illicite du comportement en question (voir points 14 et suiv. ci-dessus). (38) - Voir, pour de plus amples détails, nos conclusions présentées également ce jour dans l'affaire C-49/92 P, Commission/Anic Partecipazioni, points 11 et suiv. (39) - Quand Monte conteste le nombre de réunions des producteurs de polypropylène auxquelles elle aurait participé, cette contestation porte sur l'appréciation des faits par le Tribunal et n'est donc pas recevable au stade du pourvoi. (40) - Voir les conclusions de l'avocat général Sir Gordon Slynn sous l'arrêt du 7 juin 1983, Musique Diffusion française e.a./Commission (100/80, 101/80, 102/80 et 103/80, Rec. p. 1825). Voir également la jurisprudence américaine Hunt/Mobil Oil Corp. (Supreme Court 1977) 465 F Supp. 195, 231. (41) - Voir point 56 de nos conclusions dans l'affaire Commission/Anic Partecipazioni. (42) - La présomption d'innocence, que consacre l'article 6, paragraphe 2, de la convention européenne des droits de l'homme (voir également article 14, paragraphe 2, du pacte international relatif aux droits civils et politiques), concerne en principe l'inculpé dans le cadre d'un procès pénal. Dans ce contexte, il est particulièrement douteux qu'une référence éventuelle au texte de la CEDH et à la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l'homme puisse justifier l'application de ce principe, dans toute son étendue, dans le cadre d'une procédure administrative comme celle qui a lieu devant la Commission dans les affaires de concurrence. En tout état de cause, l'obligation qu'a la Commission d'établir la violation des règles de la concurrence garantit à l'administré un effort correspondant, à tout le moins au stade de l'appréciation juridique du matériel probatoire. Ainsi, l'éventualité d'une annulation de l'acte infligeant une amende sur la base de la constatation que, au vu des éléments qu'elle a produits, la Commission n'a pas suffisamment motivé la violation des règles de la concurrence empêche que l'on impute aux sociétés des comportements dont la preuve fait naître des doutes. (43) - Règlement du 26 novembre 1974, relatif à la prescription en matière de poursuites et d'exécution dans les domaines du droit des transports et de la concurrence de la Communauté économique européenne (JO L 319, p.1). (44) - Il convient de noter que, outre la prescription quinquennale, qui peut, comme nous l'avons indiqué, être interrompue par une série d'actes de procédure, le droit communautaire ne prévoit pas d'autre délai à l'expiration duquel il est impossible d'engager la procédure de sanction prévue par le règlement n_ 17. Contrairement donc à ce que Monte a soutenu lors de la procédure orale, le fait que certaines des infractions décisives remontent à 1977 ne saurait avoir la moindre incidence juridique, en ce sens qu'il effacerait ou limiterait sa responsabilité pour ces infractions. (45) - Voir nos conclusions dans l'affaire Commission/Anic Partecipazioni, points 61 et suiv. (46) - Dans le cadre de la présente affaire, le terme «infraction unique» doit être considéré comme un synonyme du terme juridiquement plus précis d'«infraction continuée». Le texte du règlement n_ 2988/74 emploie à juste titre ce dernier terme. (47) - Voir nos conclusions dans l'affaire Commission/Anic Partecipazioni, points 78 et suiv. (48) - La question de savoir dans quelle mesure il y a infraction précède logiquement celle du délai de prescription, ainsi que, a priori, celle de l'interruption de ce délai. (49) - Voir ordonnance du 25 mars 1996, SPO e.a./Commission (C-137/95 P, Rec. p. I-1611, point 54). Voir aussi arrêts du 15 juillet 1970, Boehringer Mannheim/Commission (45/69, Rec. p. 769); du 8 novembre 1983, IAZ e.a./Commission (96/82 à 102/82, 104/82, 105/82, 108/82 et 110/82, Rec. p. 3369, point 52), et Musique Diffusion française e.a./Commission (déjà cité à la note 40), point 120. (50) - La référence que fait Monte au point 379 de l'arrêt attaqué, qui a trait à la question de la prise en compte, pour la détermination du montant des amendes, des pertes que les entreprises actives dans le secteur du polypropylène avaient subies pendant une très longue période, est dépourvue de toute signification. Cette question, bien que plus proche de la logique des conditions du marché, est, de toute évidence, étrangère aux effets produits par l'infraction à l'article 85, si bien que ce moyen est également dépourvu de pertinence. (51) - Voir également le point 361 de l'arrêt attaqué selon lequel «le Tribunal constate que ... la Commission a correctement établi le rôle joué par la requérante dans l'infraction pendant la durée de sa participation à celle-ci et que c'est donc à bon droit que la Commission s'est basée sur ce rôle en vue du calcul de l'amende à infliger à la requérante». (52) - La requérante semble, en tout état de cause, soutenir que l'individualisation du niveau de l'amende est liée aux effets du comportement de chaque entreprise. Mais pour l'appréciation de la gravité d'une infraction donnée, ce sont les effets qui résultent de l'infraction dans son ensemble, telle qu'elle est décrite à l'article 85, paragraphe 1, qui sont décisifs. Bien entendu, il est nécessaire - et c'est précisément en quoi consiste l'individualisation de l'amende - d'apprécier le rôle que chaque entreprise a joué dans le cadre de l'infraction. Cependant, il s'agit d'une question différente de celle des effets du comportement illicite (voir notre analyse dans nos conclusions relatives à l'affaire Commission/Anic Partecipazioni, points 103 et suiv.). (53) - Comme nous l'avons indiqué ci-dessus, la gravité de l'infraction commise, en tant que critère pour la détermination du montant de l'amende, découle d'un grand nombre d'éléments (voir ordonnance SPO e.a./Commission, déjà citée à la note 49). Dans certains cas, l'appréciation du caractère «intentionnel» de l'infraction peut être considérée comme l'un des éléments à prendre en considération.