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CJUE, 2 février 1995, C-350/93

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Texte intégral

Avis juridique important [http://europa.eu.int/eur-lex/lex/fr/editorial/legal_notice.htm] | 61993C0350 Conclusions de l'avocat général Jacobs présentées le 2 février 1995. - Commission des Communautés européennes contre République italienne. - Manquement - Aide d'Etat incompatible avec le marché commun - Récupération - Holding public. - Affaire C-350/93. Recueil de jurisprudence 1995 page I-00699 CONCLUSIONS DE L'AVOCAT GÉNÉRAL ++++ 1. La présente affaire est l' une des trois affaires proches par leur objet dans lesquelles la Commission a engagé une procédure contre l' Italie au titre de l' article 93, paragraphe 2, du traité (CEE) (1). Dans la présente affaire, la Commission vise à faire constater qu' en omettant d' exécuter sa décision 89/43/CEE du 26 juillet 1988, relative aux aides accordées par le gouvernement italien à ENI-Lanerossi (2), l' Italie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité. L' affaire soulève la même question que celle qui se pose dans l' affaire "Alfa Romeo", c' est-à-dire celle de savoir si, lorsqu' une aide d' État illégale a été versée indirectement par l' intermédiaire d' une entreprise publique, elle doit être remboursée à cette entreprise ou à l' État. Nous nous référerons donc, lorsque cela se justifiera, à nos conclusions dans l' affaire "Alfa Romeo". 2. L' ENI (Ente nazionale idrocarburi), qui est un holding d' État, a repris le groupe Lanerossi en 1962, dans le but de résoudre les problèmes financiers d' un certain nombre de sociétés, actives dans le domaine du textile et de l' habillement, qui faisaient partie de ce groupe. En dépit d' efforts de restructuration, quatre filiales de Lanerossi actives dans le secteur des vêtements pour hommes, à savoir Lanerossi Confezioni, Intesa, Confezioni di Filottrano et Confezioni Monti (ci-après les "quatre filiales"), ont continué à subir de lourdes pertes d' exploitation qui ont été compensées par l' État pendant de nombreuses années. 3. Par une lettre du 20 mai 1983 adressée au gouvernement italien (ci-après le "gouvernement"), la Commission a déclaré qu' elle ne s' était pas opposée à l' octroi d' aides jusqu' à la fin de 1982, en raison de l' importance sociale et régionale des quatre filiales. Toutefois, elle doutait qu' une assistance financière provenant de fonds publics puisse continuer à leur être accordée dans le futur sans que cela porte atteinte au bon fonctionnement du marché commun. Elle invitait le gouvernement à lui notifier dans le futur ses éventuels projets d' aides, conformément à l' article 93, paragraphe 3, du traité. 4. Bien qu' ayant répondu qu' il n' envisageait pas d' aides nouvelles pour les quatre filiales, le gouvernement a continué à compenser leurs pertes d' exploitation au moyen de fonds publics après la fin de 1982. La Commission a estimé que cela constituait une aide d' État et que le gouvernement avait manqué aux obligations qui lui incombaient en vertu de l' article 93, paragraphe 3, puisqu' il avait accordé l' aide sans notification préalable. Par conséquent, elle a ouvert, par une lettre du 19 décembre 1984, la procédure prévue à l' article 93, paragraphe 2. 5. Sur la base des informations données par le gouvernement au cours de cette procédure, la Commission a établi qu' entre 1983 et 1987, l' ENI avait reçu des aides d' État sous la forme d' injections de capitaux afin de compenser les pertes d' exploitation des quatre filiales. Le montant total des aides s' élevait à 260,4 milliards de LIT. Plus précisément, l' ENI a reçu 78 milliards de LIT d' aides en 1983, 56,8 milliards de LIT en 1984, 42,2 milliards de LIT en 1985, 45,9 milliards de LIT en 1986 et 37,5 milliards de LIT en 1987 (3). La Commission a estimé que les aides étaient incompatibles avec le marché commun. 6. Le 26 juillet 1988, la Commission a adopté la décision qui fait l' objet de la présente affaire, et dont les articles 1er, 2 et 3 sont libellés comme suit: "Article premier Les 260,4 milliards de lires italiennes d' aides accordées, de 1983 à 1987, au groupe ENI-Lanerossi, sous forme d' injections de capitaux dans ses filiales fabriquant des vêtements pour hommes, sont illicites, au motif qu' elles enfreignent les dispositions de l' article 93, paragraphe 3, du traité CEE. Elles sont également incompatibles avec le marché commun au sens de l' article 92 du traité. Article 2 Il sera procédé par voie de recouvrement au retrait des aides précitées. Article 3 Le gouvernement italien informe la Commission, dans un délai de deux mois à compter de la date de la notification de la présente décision, des mesures prises pour s' y conformer." 7. La décision a été notifiée au gouvernement par lettre du 10 août 1988. Le gouvernement n' a pas pris les mesures nécessaires pour récupérer les aides. Il a formé un recours en annulation de la décision, que la Cour a rejeté par son arrêt du 21 mars 1991, Italie/Commission (4) (ci-après l' "arrêt Lanerossi I"). Parmi les arguments qu' il invoquait et que la Cour a rejetés dans cette affaire, le gouvernement faisait valoir que la Commission avait attribué des effets illégaux à l' absence de notification des aides de la part de l' Italie, que l' ordre de récupérer les aides était insuffisamment motivé et que leur récupération était impossible. En réponse à l' argument du gouvernement selon lequel la question de savoir auprès de qui les aides devait être récupérées était incertaine, la Cour a déclaré qu' elles devaient l' être auprès des entreprises qui en avaient eu la jouissance effective, à savoir les quatre filiales (5). Toutefois, dans l' affaire "Lanerossi I", la Cour a seulement examiné la question de savoir à quelle entité incombait l' obligation de rembourser l' aide. Elle n' a pas examiné celle de savoir à quelle entité l' aide devait être remboursée pour se conformer à la décision (6). 8. A la suite de l' arrêt de la Cour, la Commission a invité le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à la décision. Le 24 mai 1991, les autorités italiennes l' ont informée que la récupération des aides s' avérait difficile. En particulier, bien que le ministre des Participations d' État lui ait demandé de prendre toutes les mesures nécessaires pour récupérer les aides majorées des intérêts auprès des quatre filiales, l' ENI avait déclaré qu' il était juridiquement et pratiquement impossible de le faire, puisqu' elles avaient toutes les quatre été liquidées et vendues au secteur privé. 9. Par lettre du 26 septembre 1991, la Commission a déclaré que les difficultés invoquées par le gouvernement italien n' exonéraient pas celui-ci de l' obligation de récupérer les aides et l' a invité à lui notifier, dans les quinze jours, les mesures prises pour procéder à la récupération. Les autorités italiennes n' ayant pris aucune mesure de ce type, la Commission a à nouveau souligné, par une lettre datée du 10 mars 1992, la nécessité urgente de se conformer à la décision. 10. Par une lettre datée du 25 mars 1992, les autorités italiennes ont informé la Commission de leur intention de récupérer les aides en faisant en sorte que Lanerossi (dont la dénomination a été changée en SNAM SpA) rembourse à l' ENI la somme de 260,4 milliards de LIT majorée des intérêts. Elles ont exprimé l' idée que cette méthode de récupération était suffisante pour se conformer à la décision. Il ressort d' une communication adressée au ministère des Affaires étrangères par le ministère italien des Participations d' État, annexée à la lettre du 25 mars 1992 et datée du même jour, que la récupération des aides interviendrait au moyen de l' inscription au passif, dans le bilan de SNAM SpA, d' un montant égal à celui des aides majoré des intérêts. 11. Le 26 juin 1992, le commissaire chargé de la concurrence a écrit au gouvernement à propos des trois affaires mentionnées au point 1 des présentes conclusions. En ce qui concerne la présente affaire, il déclarait que, pour se conformer pleinement à la décision, il n' était pas suffisant que les aides soient remboursées par Lanerossi à l' ENI. Selon lui, les aides devaient être remboursées à l' État italien. Il ajoutait que les autorités italiennes n' avaient présenté aucun motif valable qui justifierait la thèse selon laquelle une récupération par l' ENI serait suffisante pour se conformer à la décision. Il déclarait en outre que, puisque l' Italie n' avait pas pris les mesures nécessaires pour se conformer à la décision, il proposerait à la Commission, avant la fin du mois de juillet 1992, d' engager une procédure d' exécution. 12. Par lettre du 14 octobre 1992, les autorités italiennes ont demandé un délai supplémentaire, en faisant valoir que la suppression des aides devait être traitée dans le cadre général du programme de privatisation d' entreprises publiques que le gouvernement se proposait de mettre en oeuvre. Par une lettre datée du 10 mars 1993, la Commission a, une nouvelle fois, invité le gouvernement à prendre les mesures nécessaires pour se conformer à la décision. Elle a souligné la nécessité urgente de l' élimination des distorsions de concurrence découlant du défaut d' exécution de cette décision et a fixé la date du 31 mars 1993 comme dernier délai d' exécution. Les autorités italiennes n' ayant pas pris les mesures demandées, la Commission a engagé la présente procédure. 13. Dans sa requête, la Commission fait valoir que, pour se conformer pleinement à la décision, il n' est pas suffisant que l' aide soit remboursée par Lanerossi à l' ENI. L' ENI doit rembourser à l' État italien la partie de l' aide financée par des fonds d' État spécifiquement affectés au secteur textile du groupe Lanerossi. En particulier, SNAM SpA, en sa qualité de successeur de Lanerossi, doit verser à l' ENI la somme de 260,4 milliards de LIT. L' ENI doit à son tour verser à l' État italien la somme de 173,7 milliards de LIT, qui correspond aux fonds spécifiquement affectés au groupe Lanerossi que l' ENI a reçus de l' État. L' ENI peut conserver la somme de 86,7 milliards de LIT, qui correspond à la partie de l' aide financée au moyen de ses ressources propres. 14. Le gouvernement conteste la recevabilité du recours sur la base de deux moyens. Il fait valoir que l' obligation alléguée de l' ENI de rembourser une partie de l' aide à l' État italien n' est pas prévue par la décision. Elle a été invoquée pour la première fois par la Commission dans sa lettre du 26 janvier 1992. Par conséquent, selon le gouvernement, le recours est irrecevable au motif que la Commission vise à faire constater que l' Italie n' a pas respecté une obligation que la décision ne prévoit pas. Le gouvernement soutient aussi que le recours viole l' article 38, paragraphe 1, sous c), du règlement de procédure, qui dispose que la requête doit indiquer l' objet du litige et l' exposé sommaire des moyens invoqués. 15. Le gouvernement a soulevé des exceptions d' irrecevabilité similaires dans l' affaire "Alfa Romeo". Il suffit d' indiquer ici que, pour les raisons exposées dans les conclusions que nous avons présentées dans cette affaire, les exceptions d' irrecevabilité soulevées dans la présente affaire doivent être rejetées: voir les points 12 à 16 de nos conclusions dans l' affaire "Alfa Romeo". Nous passons à présent à l' examen du fond de l' affaire. 16. Nous voudrions tout d' abord relever que, même à supposer que l' ENI n' était pas tenue de rembourser la somme de 173,7 milliards de LIT à l' État italien, l' Italie serait toujours en situation de manquement aux obligations qui lui incombent en vertu du traité. En vertu de l' article 3 de la décision, l' Italie était tenue d' informer la Commission des mesures prises pour récupérer les aides dans un délai de deux mois à dater de la notification, qui a eu lieu le 10 août 1988. Ainsi que le gouvernement l' admet, SNAM SpA a remboursé les aides à l' ENI après l' expiration du délai prescrit. Il s' ensuit que l' Italie a manqué à son obligation de prendre les mesures nécessaires pour exécuter la décision dans les délais. Le gouvernement déclare que, bien que les aides aient été remboursées après l' expiration du délai prescrit, les intérêts ont été payés. Toutefois, il est clair que le paiement des intérêts n' exonère pas les États membres de l' obligation de récupérer les aides dans le délai fixé par la Commission dans sa décision. Sans cela, les États membres seraient libres de différer l' exécution d' une décision ordonnant la récupération d' une aide d' État illégale et de maintenir les distorsions de concurrence causées par l' octroi de l' aide. Cela priverait de toute efficacité les dispositions du traité en matière d' aides d' État. 17. Il s' ensuit qu' en tout état de cause, l' Italie a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité, puisqu' elle n' a pas exécuté la décision dans les délais. 18. Nous passons à présent à l' examen de la question centrale qui se pose dans la présente affaire, c' est-à-dire celle de savoir s' il suffit que les aides soient remboursées par Lanerossi à l' ENI ou si, comme le soutient la Commission, une partie des aides doit être remboursée par l' ENI à l' État italien. 19. Ainsi que nous l' avons indiqué dans nos conclusions dans l' affaire "Alfa Romeo", dans le cadre de la procédure d' exécution au titre de l' article 93, paragraphe 2, la Commission peut uniquement faire valoir que l' État membre défendeur ne s' est pas conformé à une obligation découlant de la décision dont la violation alléguée fait l' objet de la procédure. Il s' ensuit que la question de savoir à quelle entité incombe la récupération de l' aide illégalement versée doit être tranchée sur la base de la décision, en tenant compte des objectifs de l' obligation de récupération. Il est donc nécessaire de vérifier si, en vertu de la décision, les aides doivent être remboursées à l' État italien. 20. La décision ne précise pas à quelle entité les aides doivent être remboursées. L' article 2 se borne à déclarer qu' "il sera procédé par voie de recouvrement au retrait des aides précitées". Le texte de la décision en langue italienne, qui est le seul faisant foi, a la même teneur (7). Toutefois, il ressort clairement de la décision que les fonds nécessaires au financement des aides ont été fournis par l' État, et non par l' ENI elle-même. L' article 1er se réfère aux "aides accordées, de 1983 à 1987, au groupe ENI-Lanerossi ... dans ses filiales fabriquant des vêtements pour hommes". L' article 1er identifie donc l' ENI comme un bénéficiaire des aides, plutôt que comme la personne qui les a accordées. Le préambule de la décision confirme cela, en déclarant ce qui suit (8): "Les 260,4 milliards de lires italiennes d' interventions de l' État italien en faveur de ENI-Lanerossi, destinés à couvrir les pertes d' exploitation subies de 1983 à 1987 par ses filiales fabriquant des vêtements pour hommes, ont pris la forme d' apports de capitaux expressément et spécifiquement prévus à cet effet." La décision se comprend donc aisément comme signifiant que l' ENI a accordé une assistance financière aux quatre filiales à l' aide des fonds qui lui ont été donnés par l' État italien, et qu' elle a agi en qualité d' intermédiaire. 21. Le gouvernement soutient que, pour se conformer à la décision, il suffit que les aides soient remboursées à l' ENI. Il n' est pas nécessaire qu' elles soient remboursées à l' État italien. A l' appui de sa thèse, il invoque des arguments semblables à ceux qu' il a avancés dans l' affaire C-348/93. 22. Le gouvernement fait valoir en particulier que l' objectif de l' obligation de récupérer les aides illégalement payées est de priver le bénéficiaire d' un avantage illégalement acquis et de mettre fin aux distorsions de concurrence causées par le versement des aides illégales. Pour que cet objectif soit atteint, il suffit que les aides soient remboursées à l' ENI. 23. Le gouvernement soutient aussi que l' obligation de récupération ne concerne que les aides illégalement versées. L' État italien n' aurait l' obligation de récupérer l' aide auprès de l' ENI que si le transfert de fonds entre lui et l' ENI avait été qualifié d' aide dans la décision. Or, la décision ne déclare pas que ce transfert de fonds constitue une aide d' État. A l' appui de sa thèse, le gouvernement invoque l' arrêt rendu dans l' affaire "Lanerossi I", dans lequel la Cour a déclaré que, pour établir l' existence d' une aide d' État, il n' était pas nécessaire d' établir que les fonds de dotation reçus par l' ENI de l' État italien étaient spécifiquement et explicitement destinés à compenser les pertes des quatre filiales. Il suffisait de constater que le fait de recevoir des fonds de dotation avait permis à l' ENI de libérer d' autres ressources pour compenser les pertes des quatre filiales (9). Le gouvernement conclut que la question de savoir quelle entité a fourni les fonds en vue du versement des aides n' est pas pertinente aux fins de se prononcer sur le point de savoir à quelle entité les aides doivent être remboursées. 24. Pour les raisons exposées dans les conclusions que nous avons présentées dans l' affaire "Alfa Romeo", nous ne pouvons accepter ces arguments. 25. Ainsi que nous l' avons indiqué dans nos conclusions dans cette affaire, la question de savoir à quelle entité l' aide illégale doit être remboursée doit être tranchée en ayant égard aux objectifs de l' obligation de récupération. L' un des objectifs de cette obligation est de rétablir la situation qui aurait existé si l' État membre avait notifié l' aide et ne l' avait pas mise à exécution avant qu' elle n' ait été approuvée par la Commission, comme l' exige l' article 93, paragraphe 3. La Cour a déclaré que l' obligation de récupération d' une aide illégale était la conséquence logique de son illégalité et que, par conséquent, elle ne saurait être considérée comme disproportionnée par rapport aux objectifs des dispositions du traité en matière d' aides d' État (10). En outre, la récupération de l' aide doit être effectuée d' une manière qui garantisse que les fonds au moyen desquels l' aide a été financée ne soient pas transmis à d' autres entreprises, et d' une manière qui facilite l' exercice par la Commission de sa fonction de surveillance, qui est au coeur du système de contrôle préventif des nouvelles aides d' État prévu par l' article 93. Pour que ce système soit efficace, il est nécessaire que les relations entre l' État et les entreprises publiques soient transparentes et que la Commission soit en mesure de vérifier que les aides illégales ont été récupérées. 26. Pour se conformer à l' obligation de récupération, il est nécessaire, mais il peut ne pas être suffisant, de priver l' entreprise bénéficiaire de l' aide illégale reçue. Lorsqu' une aide est en fin de compte fournie par l' État, que ce soit par la direction de celui-ci ou par l' utilisation de ses ressources, elle doit être remboursée à l' État, même si elle a été fournie de manière indirecte, par exemple par l' intermédiaire d' un holding. Il ne suffit pas de rembourser le holding ayant agi comme intermédiaire ou, comme ici, de transférer l' aide d' un holding à un autre. Sinon, la récupération de l' aide pourrait se réduire à une simple opération comptable, qui imposerait uniquement de procéder aux entrées appropriées dans les comptes des holdings concernés. Dans cette hypothèse, il serait difficile de s' assurer que l' aide a été correctement remboursée, et aussi que les fonds ainsi transférés seront utilisés dans l' avenir d' une manière conforme aux exigences des dispositions du traité en matière d' aides d' État. 27. Par conséquent, selon nous, une aide illégale fournie au moyen de ressources d' État et versée indirectement par l' intermédiaire d' un holding d' État doit être remboursée à l' État. Il en va ainsi même lorsque les ressources d' État n' étaient pas spécifiquement affectées à l' entreprise bénéficiaire de l' aide. Il suffit que le holding d' État n' ait été en mesure de fournir l' aide que parce qu' il a reçu des fonds versés par l' État. Dans la présente affaire, ainsi que nous l' avons déjà indiqué, il ressort clairement de la décision que les aides ont été versées aux quatre filiales par l' État italien par l' intermédiaire de l' ENI. Il s' ensuit que, pour se conformer à la décision, il faut qu' elles soient restituées à l' État italien. 28. Toutefois, la Commission déclare qu' il faut seulement qu' une partie de l' aide (173,7 milliards de LIT) soit remboursée à l' État, parce que seule cette partie a été financée par des ressources d' État. L' ENI peut conserver la partie restante (86,7 milliards de LIT), puisqu' elle a été financée par ses ressources propres. 29. Il ne résulte pas clairement de la décision qu' une partie de l' aide ait été financée par l' État et une autre partie par les ressources propres de l' ENI. Cela ne ressort pas non plus de la lettre du 26 juin 1992 de la Commission, dans laquelle elle a déclaré que, pour se conformer à la décision, l' État italien devait récupérer l' aide. C' est dans sa requête devant la Cour que la Commission a pour la première fois fait une distinction entre des fonds octroyés par l' État à l' ENI et destinés aux quatre filiales et des fonds octroyés au moyen des ressources propres de l' ENI. 30. A l' appui de sa thèse selon laquelle l' ENI doit rembourser à l' État italien la somme de 173,7 milliards de LIT, la Commission invoque une lettre du 22 juillet 1988 qui lui a été adressée par le ministère italien des Affaires étrangères. Cette lettre a été envoyée avant l' adoption de la décision, dans le but de montrer que l' assistance financière accordée par l' ENI aux quatre filiales était compatible avec le traité. Il ressort de la lettre que les fonds accordés par l' État à l' ENI et destinés au secteur textile de cette dernière ont été les suivants: 46 milliards de LIT en 1983, 76 milliards de LIT en 1985 et 51,7 milliards de LIT en 1986, soit un total de 173,7 milliards de LIT. Bien que le préambule de la décision se réfère incidemment à une lettre du 22 juillet 1988 (11), il ne le fait pas dans le but de distinguer entre des fonds versés par l' État à l' ENI et destinés spécifiquement à son secteur textile, et des fonds versés au moyen des ressources propres de l' ENI. 31. Le gouvernement soutient que, puisque la lettre du 22 juillet 1988 n' a pas été prise en compte dans la décision, la Commission ne peut pas l' invoquer au stade actuel pour prétendre que l' ENI est tenue de payer à l' État italien la somme de 173,7 milliards de LIT. 32. Nous ne pouvons accepter cet argument. Il est vrai que, dans le cadre de la procédure d' exécution au titre de l' article 93, paragraphe 2, l' étendue du recours est déterminée par la décision de la Commission qui fait l' objet de la procédure, et que la Commission ne peut pas imposer à l' État défendeur des obligations autres que celles déjà prévues par la décision. En l' espèce, toutefois, la Commission ne cherche pas à utiliser la lettre du 22 juillet 1988 pour imposer de nouvelles obligations à l' Italie. La lettre ne porte pas non plus atteinte aux intérêts du gouvernement. Au contraire, la Commission fait valoir, sur la base de la lettre, qu' il n' est pas nécessaire que l' ENI rembourse la totalité de l' aide à l' État italien, mais qu' il est suffisant de rembourser seulement la somme de 173,7 milliards de LIT. La situation serait différente si la lettre portait atteinte aux intérêts du gouvernement (12). 33. Un dernier point: dans sa requête, la Commission déclare que l' obligation de SNAM SpA de rembourser les aides illégales majorées des intérêts n' élimine pas les effets préjudiciables que leur versement a déjà causés à d' autres entreprises du secteur textile. Elle se réfère à la jurisprudence de la Cour selon laquelle la constatation, dans le cadre d' une procédure au titre de l' article 169, qu' un État membre a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité, peut établir la base d' une responsabilité que cet État membre peut être dans le cas d' encourir, en conséquence de son manquement, à l' égard d' autres États membres, de la Communauté ou de particuliers (13). Elle soutient que des principes similaires s' appliquent aux procédures au titre de l' article 93, paragraphe 2, et demande à la Cour de prononcer une déclaration expresse en ce sens dans l' arrêt qu' elle doit rendre dans la présente affaire. La Commission a formé des demandes similaires dans les affaires "Alfa Romeo" et "Aluminia/Comsal". Pour les raisons exposées dans les conclusions que nous avons présentées dans ces affaires, nous ne pensons pas qu' il soit nécessaire que la Cour prononce la déclaration demandée par la Commission (14). Conclusions 34. Pour les raisons qui précèdent, nous sommes d' avis que la Cour devrait: 1) constater qu' en n' exécutant pas dans le délai prescrit la décision 89/43/CEE de la Commission relative aux aides accordées par le gouvernement italien à ENI-Lanerossi, la République italienne a manqué aux obligations qui lui incombent en vertu du traité CEE; 2) condamner la République italienne aux dépens. (*) Langue originale: l' anglais. (1) ° Voir également l' affaire dite Alfa Romeo , Commission/Italie (C-348/93) et l' affaire dite Aluminia/Comsal , Commission/Italie (C-349/93). (2) ° JO 1989, L 16, p. 52. (3) ° Voir la décision 89/43, précitée à la note 2, p. 54 et 55. (4) ° C-303/88, Rec. p. I-1433. (5) ° Point 57 de l' arrêt. (6) ° Voir aussi les conclusions de l' avocat général M. Van Gerven dans l' affaire Lanerossi I, précitée à la note 4, p. 1468. (7) ° Dans la version italienne, l' article 2 est libellé comme suit: Tali aiuti debbono essere oggetto di recupero. (8) ° Décision 89/43, précitée à la note 2, p. 55. (9) ° Point 14 de l' arrêt. (10) ° Arrêt du 21 mars 1990, dit Tubemeuse , Belgique/Commission (C-142/87, Rec. p. I-959, point 66). (11) ° Décision 89/43, précitée à la note 2, p. 55. (12) ° Voir l' arrêt du 5 octobre 1994, Italie/Commission (C-47/91, non encore publié au Recueil, point 23). (13) ° Voir, par exemple, l' arrêt du 12 décembre 1990, Commission/France (C-263/88, Rec. p. I-4611, point 9). (14) ° Voir nos conclusions présentées le 19 janvier 1995 dans l' affaire C-349/93, points 25 et 26, et nos conclusions présentées le 2 février 1995 dans l' affaire C-348/93, points 47 à 49.

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