CJUE, 30 mai 2002, 11/9

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Avis juridique important | 62001C0112 Conclusions de l'avocat général Mischo présentées le 30 mai 2002. - SPKR 4 nr. 3482 ApS contre Skatteministeriet, Told- og Skattestyrelsen, Aktieselskabet af 11/9 1996 et Arden Transport & Spedition ved Søren Lauritsen og Lene Lauritsen I/S (ATS). - Demande de décision préjudicielle: Vestre Landsret - Danemark. - Règlements (CEE) nº 2913/92 et 2454/93 - Transit communautaire externe - Infraction ou irrégularité - Recouvrement de la dette douanière - Conditions. - Affaire C-112/01. Recueil de jurisprudence 2002 page I-10655 Conclusions de l'avocat général 1. Le Vestre Landsret (Danemark) nous demande d'interpréter le règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire (ci-après le «code des douanes») ainsi que le règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d'application du règlement (CEE) n° 2913/92 (ci-après le «règlement d'application»). 2. L'affaire pendante devant le Vestre Landsret a trait à une série d'envois effectués sous le régime du transit communautaire externe. La question en l'espèce est de savoir si les autorités douanières danoises dont dépend le bureau de départ sont en droit de procéder au recouvrement, dans le chef du principal obligé, de la dette douanière née de ces opérations, alors même que les autorités n'ont pas notifié au principal obligé, avant l'expiration du onzième mois suivant la date de l'enregistrement de la déclaration de transit communautaire, que l'envoi n'avait pas été présenté au bureau de destination et que le lieu de l'infraction ou de l'irrégularité n'avait pu être établi. I - Le cadre juridique 3. L'article 96, paragraphe 1, sous a), du code des douanes dispose: «Le principal obligé est le titulaire du régime de transit communautaire externe. Il est tenu: a) de présenter en douane les marchandises intactes au bureau de douane de destination, dans le délai prescrit et en ayant respecté les mesures d'identification prises par les autorités douanières». 4. Aux termes de l'article 220, paragraphe 2, sous b), du code des douanes: «Hormis les cas visés à l'article 217 paragraphe 1 deuxième et troisième alinéas, il n'est pas procédé à une prise en compte a posteriori, lorsque: [...] b) le montant des droits légalement dus n'avait pas été pris en compte par suite d'une erreur des autorités douanières elles-mêmes, qui ne pouvait raisonnablement être décelée par le redevable, ce dernier ayant pour sa part agi de bonne foi et observé toutes les dispositions prévues par la réglementation en vigueur en ce qui concerne la déclaration en douane». 5. Selon l'article 221, paragraphe 3, du code des douanes: «La communication au débiteur ne peut plus être effectuée après l'expiration d'un délai de trois ans à compter de la date de la naissance de la dette douanière. Toutefois, lorsque c'est par suite d'un acte passible de poursuites judiciaires répressives, que les autorités douanières n'ont pas été en mesure de déterminer le montant exact des droits légalement dus, ladite communication est, dans la mesure prévue par les dispositions en vigueur, effectuée après l'expiration dudit délai de trois ans.» 6. L'article 233 du code des douanes dispose: «Sans préjudice des dispositions en vigueur relatives à la prescription de la dette douanière, ainsi qu'au non-recouvrement du montant de la dette douanière dans le cas d'insolvabilité du débiteur constatée par voie judiciaire, la dette douanière s'éteint: a) par le paiement du montant des droits; b) par la remise du montant des droits; c) lorsque à l'égard de marchandises déclarées pour un régime douanier comportant l'obligation de payer des droits: - la déclaration en douane est invalidée conformément à l'article 66, - lorsque les marchandises, avant qu'il en ait été donné mainlevée, sont, soit saisies et simultanément ou ultérieurement confisquées, soit détruites sur l'ordre des autorités douanières, soit détruites ou abandonnées, conformément à l'article 182, soit détruites ou irrémédiablement perdues pour une cause dépendant de la nature même de ces marchandises ou par suite d'un cas fortuit ou de force majeure; d) lorsque des marchandises pour lesquelles une dette douanière est née conformément à l'article 202 sont saisies lors de l'introduction irrégulière et simultanément ou ultérieurement confisquées. En cas de saisie et confiscation, la dette douanière est cependant, pour les besoins de la législation pénale applicable aux infractions douanières, considérée comme n'étant pas éteinte lorsque la législation pénale d'un État membre prévoit que les droits de douane servent de base à la détermination de sanctions ou que l'existence d'une dette douanière sert de base aux poursuites pénales.» 7. Selon l'article 378, paragraphe 1, du règlement d'application: «Sans préjudice de l'article 215 du code, lorsque l'envoi n'a pas été présenté au bureau de destination et que le lieu de l'infraction ou de l'irrégularité ne peut être établi, cette infraction ou cette irrégularité est réputée avoir été commise: - dans l'État membre dont dépend le bureau de départ ou - dans l'État membre dont dépend le bureau de passage à l'entrée de la Communauté et auquel un avis de passage a été remis, à moins que, dans le délai indiqué à l'article 379 paragraphe 2, la preuve ne soit apportée, à la satisfaction des autorités douanières, de la régularité de l'opération de transit ou du lieu où l'infraction ou l'irrégularité a été effectivement commise.» 8. Conformément à l'article 379 du règlement d'application: «1. Lorsqu'un envoi n'a pas été présenté au bureau de destination et que le lieu de l'infraction ou de l'irrégularité ne peut être établi, le bureau de départ en donne notification au principal obligé dans les meilleurs délais et au plus tard avant l'expiration du onzième mois suivant la date de l'enregistrement de la déclaration de transit communautaire. 2. La notification visée au paragraphe 1 doit indiquer notamment le délai dans lequel la preuve de la régularité de l'opération de transit ou du lieu où l'infraction a été effectivement commise peut être apportée au bureau de départ, à la satisfaction des autorités douanières. Ce délai est de trois mois à compter de la date de la notification visée au paragraphe 1. Au terme de ce délai, si ladite preuve n'est pas apportée, l'État membre compétent procède au recouvrement des droits et autres impositions concernés. Dans le cas où cet État membre n'est pas celui dans lequel se trouve le bureau de départ, ce dernier en informe sans délai ledit État membre.» II - Les faits 9. Entre les 10 janvier et 9 juin 1994, la direction régionale des douanes et contributions de Sønderborg (Danemark) (ci-après la «direction régionale») a reçu quatre notes d'information au titre de l'assistance mutuelle, émanant de la Commission des Communautés européennes, qui faisaient état d'infractions ou d'irrégularités dans le transport de beurre originaire de la République tchèque dans le cadre du transit communautaire externe du beurre sur le territoire de la Communauté. Plus précisément, il était fait état d'une tentative visant à terminer des opérations de transit au moyen de la falsification des formulaires de déclaration T1 utilisés. La Commission invitait tous les États membres à «prêter une attention particulière à des lots de beurre originaires de pays tiers et transitant par la Communauté» et à «étendre le système d'information préalable (ci-après SIP) prévu pour les marchandises sensibles, de manière à couvrir également les expéditions de beurre». 10. Entre les 28 juin et 19 octobre 1994, la société de commissionnaires en douane SPKR 4 nr. 3482 ApS (ci-après «SPKR») avait placé 32 envois de beurre originaire de la République tchèque sous le régime du transit communautaire externe. Il est constant entre les parties que SPKR était de bonne foi, qu'elle ignorait les infractions et irrégularités commises ainsi que la teneur des notes d'information de la Commission. Les bureaux de destination mentionnés sur les formulaires de déclaration T1 étaient «Ravenne, Italie» et «Naples, Italie». 11. La direction régionale a reçu l'exemplaire n° 1 des formulaires de déclaration T1 à la date d'enregistrement des déclarations de transit communautaire. Elle a reçu, en retour, l'exemplaire n° 5 de ces formulaires vers la fin de 1994 ou au début de 1995, sans avoir procédé à l'enregistrement de la date à laquelle cet exemplaire n° 5 lui avait été retourné. Il semblait résulter desdites déclarations que les envois avaient été présentés aux bureaux de destination. Le SIP n'a pas été utilisé par le bureau de départ. 12. Par télex du 28 novembre 1994, adressé à la direction régionale, la Commission a signalé qu'elle était en possession d'informations selon lesquelles du beurre d'origine tchèque acheminé sous transit communautaire externe était à l'origine d'infractions ou d'irrégularités et elle a demandé aux autorités douanières danoises d'enquêter sur un certain nombre d'envois, notamment ceux en cause dans la présente affaire. 13. Par lettre du 6 décembre 1994, la direction régionale a été invitée de toute urgence à procéder à un contrôle de lots de beurre d'origine tchèque sur la base des quatre notes d'informations des 10 et 13 janvier, 4 février et 9 juin 1994, susmentionnées. 14. Par lettre du 30 décembre 1994, la direction régionale a informé SPKR que l'exemplaire n° 5 des formulaires de déclaration T1 en retour avait été reçu pour 6 des 32 envois en cause. La direction régionale a indiqué qu'elle considérait, dès lors, ces affaires comme terminées. 15. Par lettre du 30 mars 1995, la direction régionale a fait suite à la démarche de la Commission du 28 novembre 1994 en constatant que le demandeur avait classé 32 lots de beurre sous le régime du transit communautaire externe, correspondant aux envois suspects signalés par la Commission, concernant le beurre originaire de la République tchèque. 16. La Commission a alors pris contact avec les autorités douanières italiennes en vue de faire vérifier les exemplaires n° 5 en leur possession, afférents aux formulaires de déclaration T1 remis par SPKR. 17. Par lettre du 23 juin 1995, la direction régionale a informé le garant que, s'agissant de l'expédition de 31 envois, le traitement auprès du bureau de départ n'avait pas été mené à son terme. SPKR a reçu, en même temps, copie de cette notification. En juillet 1996, la direction régionale a identifié le dernier envoi en cause dans la présente affaire. Ce retard tirait son origine de ce que l'exemplaire n° 2 du formulaire de déclaration T1, sur lequel la direction régionale avait enregistré l'envoi, était assorti d'un autre numéro que l'exemplaire n° 1. 18. À la suite de la vérification des exemplaires retournés, les autorités italiennes ont signalé, par courriers des 29 et 31 décembre 1995 (31 envois) et du 10 août 1996 (le dernier envoi), que l'exemplaire n° 5 du formulaire de déclaration T1 était falsifié. 19. Par lettres des 6 février 1996 (31 envois) et 6 décembre 1996 (le dernier envoi), SPKR s'est vu notifier l'infraction par la direction régionale qui l'a informée qu'elle disposait d'un délai de trois mois pour apporter soit la preuve de la régularité des opérations, soit la preuve du lieu où l'infraction ou l'irrégularité a été effectivement commise. 20. Pour ce qui est des envois pour lesquels les autorités douanières danoises ont estimé que le lieu des infractions ou des irrégularités n'avait pas été établi avant l'expiration du délai imparti, lesdites autorités ont procédé au recouvrement de la dette douanière auprès de SPKR. Par lettres des 28 novembre et 1er décembre 1997, la direction générale des douanes et des contributions a pris en l'espèce les décisions administratives définitives. 21. Contestant ces décisions, SPKR a saisi, le 27 novembre 1998, le Vestre Landsret d'un recours en annulation. 22. La juridiction de renvoi relève que la question se pose de savoir si la circonstance que les autorités douanières danoises ont notifié le délai de trois mois après l'expiration du délai de onze mois visé à l'article 379, paragraphe 1, du règlement d'application revêt en droit une importance au regard de la faculté, pour les autorités, de procéder au recouvrement de la dette douanière. III - Les questions préjudicielles 23. C'est dans ces conditions et, eu égard à l'argumentation développée par les parties au principal, que la juridiction de renvoi a décidé de surseoir à statuer et de poser à la Cour les questions préjudicielles suivantes: «1) Les dispositions du règlement du Conseil (CEE) n° 2913/92 (le code des douanes) et du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission (le règlement d'application), notamment l'article 379, paragraphe 1, du règlement d'application, doivent-elles être interprétées en ce sens qu'une dette douanière née dans le cadre d'une infraction ou d'une irrégularité commise sous le régime du transit communautaire externe ne peut pas être recouvrée par le bureau de départ auprès du principal obligé si ce dernier n'a pas reçu la notification visée à l'article 379 du règlement d'application avant l'expiration du onzième mois suivant la date de l'enregistrement de la déclaration de transit communautaire? 2) La circonstance que le bureau de départ n'ait pas suivi un arrangement administratif aux fins de la transmission d'informations, intervenu au sein du comité du code des douanes (système d'information préalable), ou qu'on puisse reprocher aux autorités douanières du bureau de départ l'absence de notification en temps utile, revêt-elle de l'importance aux fins de la réponse à la question?» IV - Analyse Sur la première question préjudicielle 24. Par la première question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande, en substance, quels sont les effets d'un dépassement par les autorités douanières du délai de onze mois prévu à l'article 379, paragraphe 1, du règlement d'application dans lequel le bureau de départ est censé donner notification au principal obligé du fait que l'envoi n'a pas été présenté au bureau de destination et que le lieu de l'infraction ou de l'irrégularité ne peut être établi. 25. Deux thèses s'opposent à cet égard. 26. D'une part, SPKR estime que le délai de onze mois est péremptoire. Il s'ensuit, selon elle, que le bureau de départ ne peut plus mettre en application les règles relatives à la charge de la preuve, prévues par les règles combinées des articles 378 et 379 du règlement d'application. Le bureau de départ ne pourrait, dès lors, recouvrer les droits en cause que s'il établissait que l'envoi a été mis à la consommation au Danemark sans paiement des droits de douane et autres impositions. 27. D'autre part, les gouvernements français, danois et allemand ainsi que la Commission soutiennent que le délai de onze mois a uniquement pour objectif d'assurer que les autorités appliquent de manière diligente et uniforme les dispositions en matière de recouvrement de la dette douanière. Le non-respect de ce délai ne saurait donc en lui-même s'opposer au recouvrement a posteriori de la dette douanière. 28. Commençons par analyser la disposition prévoyant le délai litigieux, à savoir l'article 379, paragraphe 1, du règlement d'application qui est - rappelons-le - rédigé de la façon suivante: «Lorsqu'un envoi n'a pas été présenté au bureau de destination et que le lieu de l'infraction ou de l'irrégularité ne peut être établi, le bureau de départ en donne notification au principal obligé dans les meilleurs délais et au plus tard avant l'expiration du onzième mois suivant la date de l'enregistrement de la déclaration de transit communautaire.» 29. En se référant aux versions danoise , anglaise , allemande et française de cette disposition, SPKR estime que le libellé de celle-ci confirme sa thèse selon laquelle le délai de onze mois a un caractère péremptoire. 30. Cependant, tout comme le gouvernement allemand et la Commission, je suis d'avis, que le libellé de cette disposition ne permet pas d'aboutir à une telle conclusion. 31. À première vue, on est, certes, tenté de déduire de la notion «au plus tard» figurant notamment dans les versions allemande, anglaise, danoise et française de la disposition en cause qu'après l'expiration du onzième mois «il est trop tard» pour adresser la notification au principal obligé. 32. Les mots «au plus tard» peuvent difficilement être compris dans le sens de «si possible» ou «de préférence». 33. Par ailleurs, force est de reconnaître que le texte ne mentionne pas les conséquences susceptibles de découler d'un dépassement de ce délai. 34. Il est donc indiqué d'examiner le contexte de la disposition litigieuse, comme les gouvernements français, danois et allemand ainsi que la Commission nous invitent à le faire. 35. Plus particulièrement, ces gouvernements et la Commission observent que la thèse de SPKR, si elle était suivie, reviendrait à ajouter aux articles 221, paragraphe 3, et 233 du code des douanes un motif entraînant l'extinction de la dette douanière qui n'y figure pas. 36. Cette observation me paraît exacte. 37. En effet, les articles 221, paragraphe 3, et 233 du code des douanes, qui contiennent des règles spécifiques relatives à l'extinction de la dette douanière, ne mentionnent pas le dépassement du délai de onze mois en tant que motif entraînant l'extinction d'une telle dette. 38. Or, le libellé mais aussi l'esprit de ces dispositions - qui, comme la Commission nous l'explique, reposent sur un équilibre entre, d'une part, le souci de protéger les ressources propres de la Communauté et, d'autre part, le souci de protéger les commissaires en douane et les transporteurs - permettent de conclure que ces dispositions contiennent une liste exhaustive des motifs entraînant une extinction de la dette douanière. 39. Ensuite, comme l'observent judicieusement le gouvernement allemand et la Commission, la hiérarchie des normes nous impose d'interpréter les dispositions du règlement d'application en conformité avec les dispositions du code des douanes . 40. Il s'ensuit que l'on ne saurait découvrir dans l'article 379, paragraphe 1, du règlement d'application un motif d'extinction de la dette douanière qui ne figure pas aux dispositions concernées du code des douanes. 41. SPKR conteste, cependant, que sa thèse reviendrait à ajouter un motif d'extinction de la dette douanière à ceux figurant dans les dispositions précitées du code des douanes. 42. En effet, SPKR explique qu'elle «ne soutient pas que la possibilité, pour les autorités, de notifier une dette douanière au principal obligé disparaît du seul fait que le délai de onze mois a été dépassé. L'effet juridique attaché au non-respect du délai de onze mois est uniquement que la règle relative à la charge de la preuve, contenue à l'article 378 du règlement d'application, ne peut pas être appliquée. Si les autorités peuvent démontrer qu'il y a eu une irrégularité et sont en mesure de dire où cette irrégularité a eu lieu, les autorités douanières du pays concerné auront la qualité pour recouvrer les droits». 43. Cet argument n'emporte, cependant, pas la conviction. 44. En effet, la notification au sens de l'article 379, paragraphe 1, du règlement d'application intervient précisément parce que le lieu de l'infraction ou de l'irrégularité ne peut être établi . Soumettre, dans de telles circonstances, comme le propose SPKR, le recouvrement des droits à la condition que les autorités douanières du pays de départ prouvent à quel endroit l'irrégularité a eu lieu, revient à rendre impossible, dans la pratique, le recouvrement des droits concernés et donc, en réalité, à ajouter un motif d'extinction de la dette douanière à ceux figurant déjà dans le code des douanes. 45. Par ailleurs, la condition proposée par SPKR conduit à ajouter à l'article 378, paragraphe 1, du règlement d'application une charge de la preuve dans le chef des autorités douanières qui n'y figure pas. 46. En effet, cette disposition contient une attribution de compétence en tenant compte de critères objectifs (l'État membre dont dépend le bureau de départ ou l'État membre dont dépend le bureau de passage à l'entrée de la Communauté et auquel un avis de passage a été remis) avec une possibilité pour le principal obligé d'apporter la preuve de la régularité de l'opération de transit ou du lieu où l'infraction ou l'irrégularité a été effectivement commise. Cette disposition ne contient, cependant, nullement les obligations en matière de preuve que SPKR veut imposer aux autorités douanières. 47. SPKR ajoute encore, à supposer qu'il y ait quand même un conflit - ce qu'elle conteste - entre les dispositions du code des douanes, d'une part, et celles du règlement d'application, d'autre part, qu'il résulte du principe de la lex specialis que les dispositions combinées de l'article 379, paragraphes 1 et 2, du règlement d'application doivent l'emporter sur les dispositions du code des douanes. 48. Or, à cet égard, il suffit de constater, comme je viens de le faire, que, en vertu du principe de la hiérarchie des normes, le règlement d'application doit être interprété en conformité avec le code des douanes. Ce principe s'oppose donc à ce qu'on lise dans le règlement d'application des règles spécifiques dérogeant aux règles contenues dans le code des douanes. 49. À l'appui de sa thèse selon laquelle le délai de onze mois prévu à l'article 379, paragraphe 1, du règlement d'application a un caractère péremptoire, SPKR soutient également que ce délai vise à protéger l'intérêt du principal obligé. 50. Selon elle, si le principal obligé reçoit notification d'irrégularités, il doit, conformément au principe général du contradictoire, avoir la possibilité d'apporter la preuve que sa responsabilité n'est pas concrètement engagée. Plus le temps passe, plus il sera difficile de reconstituer le déroulement des opérations. 51. Bien que j'admette avec SPKR que le principal obligé a, effectivement, un intérêt à recevoir, aussitôt que possible, une notification au sujet d'irrégularités éventuelles, je suis, cependant, d'avis que cet intérêt à lui seul ne saurait nous amener à conclure que le dépassement du délai de onze mois ne permet plus aux autorités douanières de recouvrer les droits de douane en cause. 52. En effet, à ce sujet, je me rallie aux explications de la Commission selon lesquelles «un dépassement du délai de onze mois n'a que des conséquences limitées pour le principal obligé. Celui-ci peut établir, par exemple, dans le délai de prescription de trois ans que l'opération de transit communautaire s'est déroulée régulièrement en présentant l'envoi au bureau de destination. Le principal obligé peut, dans des circonstances normales, s'assurer sans difficultés que l'envoi a été régulièrement présenté au bureau de destination. S'il a confié le transit communautaire à un tiers, celui-ci peut lui fournir la preuve de la régularité de l'opération. Le principal obligé peut demander à ses cocontractants de lui fournir une copie de la preuve de la régularité de l'opération de transit afin de pouvoir établir pendant le délai de prescription que l'opération de transit est terminée». 53. À lui seul, l'intérêt, pour des raisons de preuve, de recevoir la notification d'irrégularités aussitôt que possible ne me paraît donc pas pouvoir renverser la conclusion, découlant implicitement mais nécessairement des articles 221, paragraphe 3, et 233 du code des douanes, selon laquelle le dépassement du délai de onze mois ne saurait conduire à l'extinction de la dette douanière. 54. Cette conclusion me paraît d'autant plus se justifier en l'espèce qu'il s'agit d'un cas de falsification de documents. 55. En effet, comme le gouvernement danois nous l'explique, «[d]ans l'hypothèse où l'on tente de conclure, par exemple, une opération de transit par le retour, au bureau de douane de départ, des exemplaires des documents douaniers destinés au retour et assortis de faux tampons, le bureau de départ considérera, a priori, que l'opération de transit a connu une conclusion régulière au niveau du bureau de destination. Par exemple, les envois en cause dans l'affaire au principal ont commencé durant la période comprise entre janvier et juin 1994. Mais les autorités douanières du bureau de départ n'ont pu finalement vérifier l'authenticité de l'ensemble des exemplaires en retour qu'en décembre 1995 et août 1996, lorsqu'il s'est avéré que les exemplaires en retour avaient été falsifiés [...]. Dans une telle situation, la découverte, par le bureau de départ, de la falsification avant l'expiration du délai de onze mois est tout à fait aléatoire. Plus la falsification est bien faite, plus le temps s'écoulera avant que la fraude ne soit découverte par les autorités douanières.» 56. Dès lors, je ne peux que me rallier aux observations de la Commission selon lesquelles «[l]e fait que la falsification ne soit découverte qu'après l'expiration du délai de onze mois n'est pas nécessairement dû à une circonstance imputable aux autorités douanières. Admettre que le principal obligé est exonéré de son obligation du fait d'un dépassement du délai de onze mois serait une importante modification des obligations qui lui incombent. Cette conception juridique signifierait que, dans de nombreuses affaires où interviennent des documents de transit falsifiés, le principal obligé ne pourrait se voir réclamer la dette douanière qui a pris naissance. Une telle conception juridique serait préjudiciable à la lutte contre la fraude et à la protection des ressources propres des Communautés». 57. Un dépassement du délai de onze mois ne présentant donc pas un obstacle au recouvrement de la dette douanière, la question se pose néanmoins de savoir quels sont les effets d'un dépassement de ce délai. Ce délai doit, en effet, avoir un sens, sinon il ne figurerait pas dans le règlement d'application. 58. Les gouvernements français, danois et allemand ainsi que la Commission estiment qu'il s'agit d'un délai dont l'objectif est d'assurer une application rapide et uniforme, par les autorités administratives compétentes, des dispositions relatives au recouvrement de la dette douanière. 59. À ce sujet, les gouvernements danois et français se réfèrent, fort judicieusement selon moi, aux arrêts du 26 novembre 1998, Covita , et De Haan, précité. Dans le plus récent de ces arrêts, la Cour a jugé que: «[...] l'inobservation par les autorités douanières, lors du recouvrement a posteriori des droits de douane, des délais fixés par les articles 3 et 5 du règlement n° 1854/89 ne supprime pas le droit de ces dernières de procéder à ce recouvrement dès lors que celui-ci est effectué dans le respect du délai de trois ans en vertu de l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1697/79. En effet, lesdits délais ont pour seul objectif d'assurer une application rapide et uniforme par les autorités administratives compétentes des modalités techniques de la prise en compte des montants des droits à l'importation ou à l'exportation. Si l'inobservation de ces délais par les autorités douanières peut donner lieu au paiement d'intérêts de retard par l'État membre concerné aux Communautés, dans le cadre de la mise à disposition des ressources propres, elle ne remet pas en cause l'exigibilité de la dette douanière ni le droit de ces autorités de procéder au recouvrement a posteriori. Il en est de même du délai prévu à l'article 6, paragraphe 1, du règlement n° 1854/89. À supposer même que les autorité douanières n'aient pas, en l'occurrence, informé le principal obligé du montant des droits dès que celui-ci avait effectivement été pris en compte, ce qui ne ressort pas du dossier, cette méconnaissance des dispositions de l'article 6, paragraphe 1, ne saurait, par elle-même, faire obstacle au recouvrement des droits dus, dès lors que celui-ci est effectué dans le respect du délai de trois ans prévu à l'article 2, paragraphe 1, du règlement n° 1697/79» . 60. Bien qu'il s'agisse dans cette affaire du délai de prise en compte des montants des droits de douane, la qualification par la Cour de la nature de ce délai me paraît également valable s'agissant du délai de onze mois qui est en cause dans la présente affaire. 61. Les articles 378 et 379 du règlement d'application ont pour objet de donner au principal obligé une dernière chance d'établir qu'il n'y a pas eu d'irrégularité ou de démontrer que celle-ci a eu lieu ailleurs que dans l'État membre de départ. 62. Or, dans l'intérêt d'une mise à disposition efficace des ressources propres des Communautés, il est nécessaire que cette démonstration soit effectuée le plus vite possible. En effet, plus tard le principal obligé reçoit notification de l'irrégularité, plus tard le délai de trois mois prévu à l'article 379, paragraphe 2, du règlement d'application prendra fin, plus tard il sera procédé au recouvrement des droits concernés et plus tard, finalement, la mise à disposition des ressources propres aura lieu. 63. Il me paraît donc que le délai de onze mois joue un rôle important dans tout ce mécanisme, non dans l'intérêt du principal obligé, mais dans l'intérêt d'un recouvrement efficace des droits douaniers et, finalement, d'une mise à disposition rapide des ressources propres des Communautés. 64. Un dépassement de ce délai n'a donc pas de conséquences quant à l'exigibilité de la dette douanière du principal obligé mais peut, le cas échéant, constituer, de la part de l'État membre concerné, un manquement à ses obligations communautaires. 65. Arrivé à ce stade du raisonnement, il convient de se référer encore à l'arrêt du 21 octobre 1999, Lensing & Brockhausen , dans lequel la Cour s'est prononcée sur le délai de trois mois, tel qu'il est actuellement prévu à l'article 379, paragraphe 2, du règlement d'application. 66. Quant à ce délai, la Cour a jugé que «[...] l'État membre dont dépend le bureau de départ ne peut procéder au recouvrement des droits à l'importation que s'il a indiqué au principal obligé que celui-ci disposait d'un délai de trois mois pour apporter la preuve du lieu où l'infraction ou l'irrégularité a été effectivement commise et que cette preuve n'a pas été rapportée dans ce délai» . 67. Or, je ne peux que me rallier à la thèse des gouvernements danois et français et de la Commission selon laquelle le délai de onze mois, prévu à l'article 379, paragraphe 1, du règlement d'application, d'une part, et celui de trois mois, prévu au paragraphe 2 dudit article et tel qu'interprété par la Cour dans l'arrêt Lensing & Brockhausen, précité, d'autre part, sont d'une nature différente. 68. En effet, ainsi que nous l'explique la Commission, «[l]a faculté d'apporter la preuve, visée au paragraphe 2, est prévue dans l'intérêt du principal obligé, tandis que le but essentiel du délai de onze mois est d'accélérer le recouvrement d'une éventuelle dette douanière». 69. Ceci dit, le non-respect du délai de trois mois, prévu à l'article 379, paragraphe 2, du règlement d'application ne conduit pas non plus à une extinction de la dette douanière. 70. En effet, la Commission observe à juste titre que «le simple fait que [la] possibilité [d'apporter la preuve en vertu de l'article 379, paragraphe 2, du règlement d'application] n'ait pas été octroyée au principal obligé n'entraîne pas l'extinction de la dette douanière. Les autorités douanières peuvent en fonction des circonstances accorder à tout moment au principal obligé un délai de trois mois dans lequel le redevable de la dette douanière peut produire les preuves requises». 71. Dès lors, si le non-respect du délai de trois mois, bien que prévu dans l'intérêt du principal obligé, n'entraîne déjà pas l'extinction de la dette douanière, je ne vois pas pourquoi le non-respect du délai de onze mois, qui n'a pas cette caractéristique, devrait avoir un tel effet. 72. Pour toutes ces raisons, je propose qu'il soit répondu à la juridiction de renvoi que les dispositions du code des douanes et du règlement d'application, notamment l'article 379, paragraphe 1, de ce règlement, doivent être interprétées en ce sens qu'une dette douanière née dans le cadre d'une infraction ou d'une irrégularité commise sous le régime du transit communautaire externe peut être recouvrée par le bureau de départ auprès du principal obligé, même si ce dernier n'a pas reçu la notification visée audit article avant l'expiration du onzième mois suivant la date de l'enregistrement de la déclaration de transit communautaire. Sur la deuxième question préjudicielle 73. Par sa deuxième question préjudicielle, la juridiction de renvoi demande si la circonstance que le bureau de départ n'a pas suivi un arrangement administratif aux fins de la transmission d'informations, intervenu au sein du comité du code des douanes (SIP), ou le fait que l'on puisse reprocher aux autorités douanières du bureau de départ l'absence de notification en temps utile, revêt de l'importance aux fins de la réponse à la première question. 74. Comme les gouvernements français, danois et allemand ainsi que la Commission, je suis d'avis que la réponse à cette question est négative. 75. En effet, il découle de l'analyse de la première question que le dépassement du délai de onze mois n'est pas de nature à affecter les obligations du principal obligé de s'acquitter de la dette douanière. Les raisons pour lesquelles ce dépassement a eu lieu ne sont donc pas pertinentes. 76. Tout au plus, ces raisons peuvent-elles jouer un rôle lorsqu'il s'agit de déterminer si l'État membre a manqué à ses obligations communautaires. Cette question n'affecte, cependant, pas le sort de la dette douanière ainsi que les obligations du principal obligé y relatives. 77. Par ailleurs, en se référant à l'arrêt du 23 mars 2000, Met-Trans et Sagpol , dans lequel la Cour a jugé qu'un accord administratif entre États membres, qui n'a pas de valeur légale, ne saurait déroger au délai d'une année prévu par un texte législatif en prévoyant un délai plus court, le gouvernement français et la Commission observent, selon moi à juste titre, que le SIP constitue un arrangement organisant les relations entre les administrations douanières des États membres et que, dès lors, il ne crée aucun droit ni aucune obligation pour les particuliers. Ceux-ci ne sauraient donc en invoquer la méconnaissance à l'appui d'un recours. 78. Je propose donc de répondre à la juridiction de renvoi que la circonstance que le bureau de départ n'ait pas suivi un arrangement administratif aux fins de la transmission d'informations, intervenu au sein du comité du code des douanes (SIP), ou que l'on puisse reprocher aux autorités douanières du bureau de départ l'absence de notification en temps utile, ne revêt pas d'importance aux fins de la réponse à la première question. V - Conclusions 79. En tenant compte de ce qui précède, je propose de répondre aux questions du Vestre Landsret de la façon suivante: «- Les dispositions du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil, du 12 octobre 1992, établissant le code des douanes communautaire et du règlement (CEE) n° 2454/93 de la Commission, du 2 juillet 1993, fixant certaines dispositions d'application du règlement n° 2913/92, notamment l'article 379, paragraphe 1, du règlement n° 2454/93, doivent être interprétées en ce sens qu'une dette douanière née dans le cadre d'une infraction ou d'une irrégularité commise sous le régime du transit communautaire externe peut être recouvrée par le bureau de départ auprès du principal obligé, même si ce dernier n'a pas reçu la notification visée à l'article 379 du règlement d'application avant l'expiration du onzième mois suivant la date de l'enregistrement de la déclaration de transit communautaire. - La circonstance que le bureau de départ n'ait pas suivi un arrangement administratif aux fins de la transmission d'informations, intervenu au sein du comité du code des douanes (système d'information préalable), ou que l'on puisse reprocher aux autorités douanières du bureau de départ l'absence de notification en temps utile, ne revêt pas d'importance aux fins de la réponse à la première question.»