AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
LA COUR DE CASSATION, TROISIEME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le pourvoi formé par :
1 / Mme Danièle B..., épouse X..., demeurant ...,
2 / Mme Marie-Louise C..., épouse B..., demeurant ..., agissant tant en leur nom personnel qu'en qualité d'ayant droit de M. Charles B..., en cassation d'un arrêt rendu le 11 mars 1993 par la cour d'appel de Montpellier (1re chambre D), au profit :
1 / de M. Pierre Y...,
2 / de M. Georges Y..., demeurant tous deux ..., défendeurs à la cassation ;
Les demanderesses invoquent, à l'appui de leur pourvoi, les deux moyens de cassation annexés au présent arrêt ;
LA COUR, en l'audience publique du 30 octobre 1995, où étaient présents : M. Beauvois, président, M. Toitot, conseiller rapporteur, MM.
Douvreleur, Aydalot, Boscheron, Mmes A... Marino, Borra, M.
Bourrelly, Mme D..., M. Peyrat, conseillers, MM.
Chollet, Pronier, conseillers référendaires, M. Baechlin, avocat général, Mme Pacanowski, greffier de chambre ;
Sur le rapport de M. le conseiller Toitot, les observations de la SCP Boré et Xavier, avocat des consorts B..., de Me Pradon, avocat des consorts Y..., les conclusions de M. Baechlin, avocat général, et après en avoir délibéré conformément à la loi ;
Sur le second moyen
:
Attendu, selon l'arrêt attaqué (Montpellier, 11 mars 1993), que Mme X... et M. B..., aux droits duquel se trouve Mme B..., propriétaires indivis d'un logement soumis aux dispositions générales de la loi du 1er septembre 1948, occupé par M. Georges Y..., bénéficiaire du droit au maintien dans les lieux et par M. Pierre Y..., ont assigné M. Georges Y... en déchéance de son droit et M. Pierre Y... afin que le jugement lui soit opposable ;
Attendu que Mme X... et M. B... font grief à l'arrêt de les débouter de leur demande fondée sur le défaut d'entretien de l'appartement tout en condamnant les occupants à leur payer des dommages-intérêts, alors, selon le moyen, "1 ) que l'entretien des fenêtres incombe au locataire et non au bailleur, qui n'est tenu ni de refaire la peinture, ni encore moins de remplacer les vitres cassées ;
qu'en refusant de reconnaître que les occupants avaient, en ce qui concerne le mauvais état des fenêtres, autant que pour le mauvais état des carrelages, méconnu leurs obligations contractuelles, la cour d'appel a violé les articles
606,
1728,
1732 et
1134 du Code civil, ainsi que l'article 4 de la loi du 1er septembre 1948 ;
2 ) que le tribunal d'instance constatait dans la décision infirmée qu'il résultait du rapport de l'expert E... qu'une vitre en façade était cassée et n'avait pas été remplacée ;
que la cour d'appel n'a pas réfuté ce motif qui établissait l'état d'abandon dans lequel les preneurs laissaient l'appartement loué, sans qu'ils puissent être disculpés par une prétendue vétusté ou un cas de force majeure ;
que la cour d'appel a ainsi violé l'article
455 du nouveau Code de procédure civile et entaché son arrêt d'un défaut de motif ;
3 ) qu'il appartenait aux occupants des lieux d'avertir les propriétaires du mauvais état qui existait à l'intérieur de l'appartement qu'ils occupaient, afin qu'il soit procédé aux réparations nécessaires ;
qu'en ne le faisant pas, les consorts Y... n'ont pas usé de la chose louée en bon père de famille ;
qu'au surplus, il n'apparaissait pas que des infiltrations d'eau provenant de la toiture d'un immeuble de trois étages devaient entraîner des troubles dans l'appartement situé au deuxième étage dont les propriétaires auraient dû s'inquiéter en l'absence de toute réclamation des occupants ;
que la cour d'appel a donc, sur ce point, inversé le fardeau de la preuve et méconnu les obligations contractuelles des preneurs, qu'elle s'est prononcée en violation des articles
1315 et
1732 du Code civil" ;
Mais attendu qu'ayant constaté, abstraction faite d'un motif surabondant, que les occupants n'avaient pas causé de dégâts ni provoqué le mauvais état de l'appartement consécutif seulement à la vétusté de l'immeuble ainsi qu'aux infiltrations d'eau par la toiture et que le mauvais état des fenêtres ne pouvait leur être imputé, la peinture ayant subi les outrages du temps, la cour d'appel qui a répondu aux conclusions, a, sans inversion de la charge de la preuve, légalement justifié sa décision de ce chef ;
Mais
sur le premier moyen
:
Vu l'article
455 du nouveau Code de procédure civile ;
Attendu que l'arrêt déboute Mme X... et M. Z... de leur demande en ce qu'elle est fondée sur le défaut d'entretien de l'appartement en retenant que c'est le seul fondement juridique examiné par le premier juge ;
Qu'en statuant ainsi, sans répondre aux conclusions de la propriétaire invoquant le défaut d'occupation effective, la cour d'appel n'a pas satisfait aux exigences du texte susvisé ;
PAR CES MOTIFS
:
CASSE ET ANNULE, sauf en ses dispositions disant n'y avoir lieu de prononcer la nullité du jugement déboutant Mme X... et M. B... de leur demande en ce qu'elle est fondée sur le défaut d'entretien de l'appartement et condamnant solidairement MM. Pierre et Georges Y... à payer à Mme X... et M. B... la somme de 5 000 francs pour la réfection du carrelage, l'arrêt rendu le 11 mars 1993, entre les parties, par la cour d'appel de Montpellier ;
remet, en conséquence, quant à ce, la cause et les parties dans l'état où elles se trouvaient avant ledit arrêt et, pour être fait droit, les renvoie devant la cour d'appel de Toulouse ;
Dit n'y avoir lieu à indemnité en application de l'article
700 du nouveau Code de procédure civile ;
Condamne les consorts Y... aux dépens et aux frais d'exécution du présent arrêt ;
Ordonne qu'à la diligence de M. le procureur général près la Cour de Cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit sur les registres de la cour d'appel de Montpellier, en marge ou à la suite de l'arrêt partiellement annulé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de Cassation, Troisième chambre civile, et prononcé par M. le président en son audience publique du six décembre mil neuf cent quatre-vingt-quinze.
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