LA COUR DE CASSATION, DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE, a rendu l'arrêt suivant :
Sur le premier moyen
, pris en sa seconde branche :
Vu l'article 13 du titre II de la loi des 16-24 août 1790 et le décret du 16 fructidor an II, et l'article
L. 142-1 du code de la sécurité sociale, ensemble les articles
L. 254-1 et
L. 254-2 du code de l'action sociale et des familles, dans leur rédaction applicable à la date des soins litigieux ;
Attendu que les litiges nés de la facturation aux caisses d'assurance maladie par les établissements de santé de la part des dépenses prises en charge par l'Etat pour les soins dispensés, au titre des soins urgents, dans les conditions prévues par les deux derniers de ces textes, se rapportent à l'attribution des prestations d'aide sociale de l'Etat et ne sont pas, dès lors, au nombre des différends auxquels donne lieu, au sens du troisième, l'application des législations et réglementations de sécurité sociale et de mutualité sociale agricole ;
Attendu, selon le jugement attaqué, rendu en dernier ressort, qu'ayant dispensé, au titre des soins urgents, des soins à l'enfant mineur X..., les Hôpitaux universitaires de Strasbourg en ont sollicité, par un titre de recette émis le 11 septembre 2008, la prise en charge par la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin (la caisse) ; que celle-ci ayant opposé un refus au motif que les soins litigieux relevaient de l'aide médicale de l'Etat, l'établissement a saisi d'un recours une juridiction de sécurité sociale ;
Attendu que pour rejeter l'exception d'incompétence formée par la caisse, le jugement énonce que si les litiges sur l'attribution de l'aide médicale de l'Etat relèvent de la commission départementale d'aide sociale, la question soumise au tribunal n'est pas de cette nature ;
Qu'en statuant ainsi, alors qu'il était saisi par un établissement de santé aux fins de paiement par la caisse de soins urgents dispensés à des mineurs étrangers en situation irrégulière, le tribunal a violé les textes susvisés ;
Et vu l'article
627, alinéa 2, du code de procédure civile, après avis donné aux parties en application de l'article
1015 du même code ;
PAR CES MOTIFS
, et sans qu'il y ait lieu de statuer sur les autres griefs du pourvoi :
CASSE ET ANNULE, dans toutes ses dispositions, le jugement n° RG : 21/ 000563 rendu le 11 septembre 2013, entre les parties, par le tribunal des affaires de sécurité sociale de Strasbourg ;
DIT n'y avoir lieu à renvoi ;
Déclare les juridictions de l'ordre judiciaire incompétentes pour statuer sur la demande des Hôpitaux universitaires de Strasbourg ;
Renvoie les parties à mieux se pourvoir ;
Condamne les Hôpitaux universitaires de Strasbourg aux dépens ;
Vu l'article
700 du code de procédure civile, rejette les demandes ;
Dit que sur les diligences du procureur général près la Cour de cassation, le présent arrêt sera transmis pour être transcrit en marge ou à la suite du jugement cassé ;
Ainsi fait et jugé par la Cour de cassation, deuxième chambre civile, et prononcé par le président en son audience publique du quinze juin deux mille dix-sept.
MOYENS ANNEXES
au présent arrêt
Moyens produits par la SCP Foussard et Froger, avocat aux Conseils, pour la caisse primaire d'assurance maladie du Bas-Rhin.
PREMIER MOYEN DE CASSATION
Le jugement attaqué encourt la censure
EN CE QU'il a rejeté l'exception d'incompétence présentée par la CPAM du Bas-Rhin, puis l'a condamnée à au payement de la somme de 44 euros avec intérêts au taux légal ainsi qu'aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE « les hôpitaux universitaires de Strasbourg ont adressé à la CPAM du Bas-Rhin un titre de recette pour les frais d'hospitalisation de l'enfant X... et la CPAM du Bas-Rhin retournait ce titre au motif que la situation de l'enfant ne relevait pas de la procédure de soins urgents et qu'une demande d'aide sociale aurait dû être formulée ; qu'au vu des éléments du dossier et des pièces produites, il y a lieu de constater :-
que, si tout étranger résidant en France depuis plus de trois ans a droit pour lui-même et pour les personnes à sa charge à l'aide médicale d'État, ceux qui résident en France de manière irrégulière et qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide sociale voient, par application de la circulaire n° 2005-141 du 16 mars 2005, les frais de soins urgents, c'est-à-dire des soins dont l'absence mettrait en jeu le pronostic vital ou pourrait conduire à une altération grave et durable de l'état de santé de la personne, sont prises en charge par l'État ;- que les prestations délivrées dans le cadre de soins urgents sont facturées à la CPAM ;- que les hôpitaux universitaires de Strasbourg demandent une telle prise en charge de soins urgents ;- que la circulaire n° 2008-04 du 7 janvier 2008, modifiant celle-ci-dessus évoquée, précise que les enfants de personnes résidant en France en situation irrégulières sont inscrits sans délai au dispositif de l'AME pour la prise en charge de soins pendant les trois premiers mois de leur présence en France ;- que cette modification faisant suite à un arrêt du Conseil d'État considérant que les restrictions à l'accès aux soins pour les enfants étaient incompatibles avec la convention relative aux droits des enfants du 29 janvier 1990 ;- que l'exigibilité immédiate des mineurs à l'AME a été confirmée par la circulaire n° 2011-351 du 9 septembre 2011 ;- que les soins prodigués à X... relèvent de l'AME ; que toutefois, si un litige sur l'attribution de l'AME relèverait de la commission départementale d'aide sociale, la question soumise au tribunal des affaires de sécurité sociale n'est pas de cette nature, et l'exception d'incompétence sera écartée » (jugement, pp. 2-3) ;
ALORS QUE, premièrement, la motivation par voie d'affirmation générale équivaut à une absence de motifs ; que pour rejeter l'exception d'incompétence présentée par la CPAM du Bas-Rhin, le jugement énonce que « si un litige sur l'attribution de l'AME relèverait de la commission départementale d'aide sociale, la question soumise au tribunal des affaires de sécurité sociale n'est pas de cette nature » (jugement, p. 3 alinéa 2) ; que la généralité de ce motif ne met en mesure le juge de cassation de déterminer ni la nature du litige ni le raisonnement au terme duquel l'exception a été repoussée ; que le jugement est donc rendu en violation de l'article
455 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, la commission départementale d'aide sociale est compétente pour connaître du litige ayant pour objet de déterminer si une personne relève de l'aide médicale de l'État au sens de l'article
L 251-1 du code de l'action sociale et des familles et dans l'affirmative, pour déterminer l'étendue de ses droits ; qu'au cas d'espèce, la CPAM soutenait que l'enfant devait être prise en charge au titre de l'aide médicale de l'État et les hôpitaux universitaires de Strasbourg de la prise en charge des soins urgents ; qu'en décidant que ce litige relevait de sa propre compétence, quand il posait la question de l'existence et de l'étendue des droits de l'enfant X... au titre de l'aide médicale de l'État, le tribunal des affaires de sécurité sociale du Bas-Rhin a violé l'article 13 de la loi des 16 et 24 août 1790, ensemble les articles
L 131-1 et
L 131-4 du code de l'action sociale et des familles et l'article
L 142-1 du code de la sécurité sociale.
SECOND MOYEN DE CASSATION
Le jugement attaqué encourt la censure
EN CE QU'il a condamné la CPAM du Bas-Rhin au payement de la somme de 44 euros avec intérêts au taux légal ainsi qu'aux dépens ;
AUX MOTIFS QUE « au fond, la CPAM du Bas-Rhin ne conteste pas la matérialité ni la facturation des soins urgents prodigués à X... et il sera fait droit aux demandes des hôpitaux universitaires de Strasbourg, sauf à écarter la demande de capitalisation des intérêts » (jugement, p. 3 alinéa 2) ;
ALORS QUE, premièrement, les juges du fond doivent préciser le fondement juridique de leur décision ; qu'en faisant droit aux demandes des hôpitaux universitaires de Strasbourg au motif que la CPAM « ne conteste pas la matérialité ni la facturation des " soins urgents " » (jugement, p. 3 alinéa 2) sans indiquer le fondement de la condamnation, les juges du fond ont violé l'article
12 du code de procédure civile ;
ALORS QUE, deuxièmement, les juges du fond – à supposer qu'ils se soient prononcés sur le fondement de l'article
L 254-1 du code de l'action sociale et des familles – doivent caractériser la situation d'urgence ; que faute de relever que les soins étaient urgents, les juges du fond ont privé leur décision de base légale au regard de l'article
L 254-1 du code de l'action sociale et des familles.